Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 21/09/2020, 429471, Inédit au recueil Lebon

Texte Intégral :

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 avril et 1er juillet 2019 et le 2 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. D… A… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 5 octobre 2018 portant nomination de M. C… B… aux fonctions d’inspecteur général en service extraordinaire à l’inspection générale de l’administration, ainsi que la décision du ministre de l’intérieur en date du 25 février 2019 rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Constitution ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
– la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
– la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
– le décret n° 95-860 du 27 juillet 1995 ;
– le décret n° 2001-683 du 30 juillet 2001 ;
– le décret n° 2016-2002 du 30 décembre 2016 ;
– le décret n° 2018-306 du 27 avril 2018 ;
– l’arrêté du 2 février 2017 pris en application de l’article 2 du décret n° 2016-2002 du 30 décembre 2016 fixant les équivalences aux emplois de direction des services départementaux d’incendie et de secours ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Céline Roux, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article 1er du décret du 27 juillet 1995 instituant les fonctions d’inspecteur et d’inspecteur général en service extraordinaire à l’inspection générale des finances, à l’inspection générale de l’administration et à l’inspection générale des affaires sociales :  » Des inspecteurs généraux en service extraordinaire peuvent être nommés auprès de l’inspection générale des finances, de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale des affaires sociales par décret du Premier ministre, sur proposition du ou des ministres ayant autorité sur l’inspection générale concernée, pour une durée ne pouvant excéder cinq ans non renouvelable. Un renouvellement exceptionnel d’une durée maximale de cinq ans peut toutefois intervenir si l’inspecteur général en service extraordinaire intéressé est susceptible de liquider ses droits à pension pendant cette période de prolongation. / Les candidatures aux fonctions d’inspecteur général en service extraordinaire sont présentées par le chef du service de l’inspection concernée. Elles sont préalablement soumises à l’avis, pour l’inspection générale de l’administration et pour l’inspection générale des affaires sociales, d’un comité de sélection propre à chaque inspection (…) « . Aux termes de l’article 3 du décret du 27 juillet 1995, dans sa rédaction issue de l’article 1er du décret du 27 avril 2018 modifiant le décret du 27 juillet 1995 :  » Peuvent être nommés en qualité d’inspecteur général en service extraordinaire : / (…) / 10° Les contrôleurs généraux du cadre d’emplois de conception et de direction des sapeurs-pompiers professionnels régis par le décret n° 2016-2002 du 30 décembre 2016 portant statut particulier du cadre d’emplois de conception et de direction des sapeurs-pompiers professionnels, âgés de cinquante-cinq ans au moins et ayant occupé, pendant au moins cinq ans, l’emploi de chef de l’inspection générale de la sécurité civile ou un emploi de directeur départemental de service d’incendie et de secours appartenant à la catégorie la plus élevée du classement prévu à l’article R. 1424-1-1 du code général des collectivités territoriales « .

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A…, alors contrôleur général des sapeurs-pompiers et chargé de mission à l’inspection générale de l’administration, a présenté sa candidature en 2018 en vue d’une nomination comme inspecteur général en service extraordinaire auprès de l’inspection générale de l’administration. Un décret du 5 octobre 2018 a toutefois nommé un autre candidat, M. B…, à ces fonctions. Par une décision du 25 février 2019, le ministre de l’intérieur a rejeté le recours gracieux formé par M. A… contre cette nomination et lui a indiqué que sa candidature avait été écartée au motif qu’il ne justifiait pas avoir précédemment occupé l’emploi de chef de l’inspection générale de la sécurité civile ou un emploi de directeur départemental de service d’incendie et de secours appartenant à la catégorie la plus élevée du classement prévu à l’article R. 1424-1-1 du code général des collectivités territoriales, ainsi que l’exigent les dispositions de l’article 3 du décret du 27 juillet 1995. M. A… demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 5 octobre 2018 ainsi que la décision rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions dirigées contre le décret attaqué :

3. En premier lieu, les dispositions de l’article 1er du décret du 27 juillet 1995, citées au point 1, prévoient que les inspecteurs généraux en service extraordinaire auprès de l’inspection générale de l’administration sont nommés par décret du Premier ministre. En l’espèce, il ressort des mentions de l’ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par le secrétaire général du gouvernement, que ce décret a été signé par le Premier ministre. Par suite, le moyen tiré de ce qu’il aurait été signé par une autorité incompétente ne peut qu’être écarté.

4. En deuxième lieu, M. A… soutient que le Premier ministre a commis une erreur de droit en écartant sa candidature au motif qu’il ne remplissait pas la condition d’expérience professionnelle antérieure, prévue à l’article 3 du décret du 27 juillet 1995 cité au point 1, dès lors que les emplois qu’il a occupés pendant six ans comme directeur de l’Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers puis, durant cinq ans, de chargé de mission auprès de l’inspection générale de l’administration sont équivalents à celui de directeur départemental de service d’incendie et de secours de la catégorie la plus élevée, en application des dispositions de l’article 61-1 de la loi du 26 janvier 1984 et des arrêtés du ministre de l’intérieur des 2 février et 31 juillet 2017.

5. Aux termes de l’article 3 du décret du 27 juillet 1995, la nomination aux fonctions d’inspecteur général en service extraordinaire est subordonnée, s’agissant des personnes visées au 10° de cet article, à la condition d’avoir  » occupé, pendant au moins cinq ans, l’emploi de chef de l’inspection générale de la sécurité civile ou un emploi de directeur départemental de service d’incendie et de secours appartenant à la catégorie la plus élevée du classement prévu à l’article R. 1424-1-1 du code général des collectivités territoriales « , sans que ces dispositions ne prévoient la possibilité de prendre également en compte des emplois équivalents. Il s’en déduit que le pouvoir réglementaire a entendu réserver l’accès à ces fonctions aux seuls contrôleurs généraux du cadre d’emplois de conception et de direction des sapeurs-pompiers professionnels ayant effectivement occupé les emplois énumérés par ces dispositions, en particulier celui de directeur départemental des services d’incendie et de secours les plus importants.

6. Si M. A… se prévaut des dispositions du III de l’article 61-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, aux termes desquelles  » les services accomplis (…) par les sapeurs-pompiers professionnels mis à disposition auprès de l’Etat ou de ses établissements publics, dans le cadre de leurs missions de défense et de sécurité civile, sont réputés avoir le caractère de services effectifs réalisés dans leur cadre d’emplois « , les mesures réglementaires prises pour leur application, qui figurent désormais au décret du 30 décembre 2016 portant statut particulier du cadre d’emplois de conception et de direction des sapeurs-pompiers professionnels, prévoient seulement que les services accomplis dans le cadre d’une telle mise à disposition, lorsqu’ils sont répertoriés par un arrêté du ministre de l’intérieur, sont pris en compte pour l’avancement au sein du cadre de direction. Ainsi ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet d’ouvrir l’accès aux fonctions d’inspecteur général en service extraordinaire, les règles d’équivalence qu’elles instituent se limitant à permettre la prise en compte, pour le seul avancement au sein du cadre d’emplois de conception et de direction des sapeurs-pompiers professionnels, des expériences professionnelles acquises par des sapeurs-pompiers professionnels dans le cadre de mises à disposition auprès de l’Etat ou de ses établissements publics, dans le cadre de leurs missions de défense et de sécurité civile. Par suite, elles ne sont pas, par elles-mêmes, applicables à la nomination aux fonctions d’inspecteur général en service extraordinaire.

7. Il s’ensuit que l’autorité de nomination a pu légalement écarter la candidature de M. A… pour le motif qu’il ne remplissait pas l’une des conditions prévues au 10° de l’article 3 du décret du 27 juillet 1995, dès lors qu’il n’a pas effectivement occupé pendant cinq ans un emploi de directeur départemental de service d’incendie et de secours de la catégorie la plus élevée et qu’il n’a pas davantage occupé l’emploi de chef de l’inspection générale de la sécurité civile.

8. Il découle de ce qui vient d’être dit que M. A… ne peut utilement soutenir qu’en ne procédant pas à sa nomination en dépit de ses qualités professionnelles, le Premier ministre aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et méconnu le principe d’égalité.

9. Il résulte de ce tout ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir du décret qu’il attaque.

Sur les conclusions dirigées contre la décision rejetant son recours gracieux contre le décret attaqué :

10. Dès lors que les conclusions dirigées contre le décret attaqué sont rejetées, celles tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’intérieur rejetant le recours gracieux de M. A… doivent être rejetées par voie de conséquence, sans que les vices propres dont cette décision serait entachée puissent être utilement invoqués.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A… doit être rejetée, y compris les conclusions qu’elle présente au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D… A…, à M. C… B…, au ministre de l’intérieur et au Premier ministre.

ECLI:FR:CECHR:2020:429471.20200921