Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 21/01/2021, 432311, Inédit au recueil Lebon

Texte Intégral :

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 juillet 2019 et 7 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. H… P… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 19 mars 2019 de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, de la ministre des armées et de la ministre des solidarités et de la santé, modifiant l’arrêté du 21 avril 2017 relatif aux connaissances, aux compétences et aux maquettes de formation des diplômes d’études spécialisées et fixant la liste de ces diplômes et des options et formations spécialisées transversales du troisième cycle des études de médecine, en ce qu’il porte de quatre à cinq ans la durée totale de la formation conduisant au diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine cardiovasculaire ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 900 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’éducation ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code de la santé publique ;
– le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
– le décret n° 2016-1597 du 25 novembre 2016 ;
– l’arrêté du 12 avril 2017 portant organisation du troisième cycle des études de médecine ;
– l’arrêté du 21 avril 2017 relatif aux connaissances, aux compétences et aux maquettes de formation des diplômes d’études spécialisées et fixant la liste de ces diplômes et des options et formations spécialisées transversales du troisième cycle des études de médecine ;
– le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme K… O…, conseillère d’Etat en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu des articles L. 632-4 et L. 632-5 du code de l’éducation, les internes en médecine reçoivent, au cours du troisième cycle de leurs études en médecine, une formation théorique et pratique à temps plein sous le contrôle des universités qui, une fois validée, leur permet d’acquérir une qualification dans une spécialité donnée. Aux termes de l’article R. 632-18 du même code :  » (…) / Pour chaque diplôme d’études spécialisées, la maquette de la formation comprend, notamment, la durée de la formation, le programme des enseignements, la durée et la nature des stages à accomplir, ainsi que les compétences et les connaissances à acquérir (…) « . En vertu du premier alinéa de l’article R. 632-20 du code de l’éducation, la durée de ce troisième cycle est comprise entre trois et six ans et est fixée, pour chaque spécialité, par les maquettes de formation définies par arrêté des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé et du ministre de la défense.

2. Sur le fondement de ces dispositions, les ministres chargés de l’enseignement supérieur, de la santé et de la défense ont édicté, le 21 avril 2017, un arrêté relatif aux connaissances, aux compétences et aux maquettes de formation des diplômes d’études spécialisées et fixant la liste de ces diplômes et des options et formations spécialisées transversales du troisième cycle des études de médecine. Par un nouvel arrêté du 19 mars 2019, les ministres ont modifié certaines des dispositions de l’arrêté du 21 avril 2017. M. P…, inscrit à l’université d’Amiens en première année du troisième cycle des études de médecine lors de la rentrée universitaire 2017-2018 en vue de l’obtention du diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine cardiovasculaire, demande l’annulation pour excès de pouvoir de ce dernier arrêté en tant qu’il prévoit l’allongement d’une année de la durée de la formation conduisant à la délivrance de ce diplôme de médecine cardiovasculaire.

Sur les interventions de M. N…, de Mme F… et de M. I… :

3. Mme F…, M. N… et M. I…, étudiants inscrits en troisième cycle de médecine en vue de l’obtention de ce même diplôme, justifient d’un intérêt suffisant, eu égard à l’objet et à la nature du litige, les rendant recevables à intervenir au soutien des conclusions de la requête de M. P…. Leurs interventions sont, par suite, recevables.

Sur la légalité externe de l’arrêté attaqué :

4. En premier lieu, aux termes du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement :  » A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l’acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d’Etat et par délégation, l’ensemble des actes, à l’exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° Les (…) directeurs d’administration centrale (…) ; / 2° Les chefs de service, (…) sous-directeurs (…) « . En vertu de ces dispositions, M. E… C…, reconduit par arrêté du 9 novembre 2017 publié au Journal officiel du 11 novembre 2017 sous-directeur des formations et de l’insertion professionnelle à la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Mme J… B…, nommée par décret du 2 août 2017 publié au Journal officiel du 3 août 2017 directrice centrale du service de santé des armées au ministère des armées et Mme M… L…, nommée par arrêté du 11 juin 2018 publié au Journal officiel du 13 juin 2019 cheffe de service, adjointe à la directrice générale de l’offre de soins au ministère des solidarités et de la santé avaient qualité pour signer l’arrêté attaqué au nom des ministres chargés de l’enseignement supérieur, de la défense et de la santé. La circonstance que les visas de l’arrêté attaqué ne font pas apparaître les délégations sur le fondement desquelles les signataires de l’arrêté l’ont signé est sans incidence sur sa légalité.

5. En second lieu, l’arrêté attaqué n’étant pas pris sur le fondement de l’article R. 6153-2 du code de la santé publique en vertu duquel les modalités du statut des internes sont fixées par arrêté conjoint des ministres chargés du budget, de l’enseignement supérieur, de la santé et de la défense, le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’il aurait dû être également signé par le ministre chargé du budget.

Sur la légalité interne de l’arrêté attaqué :

6. Aux termes des troisième et cinquième alinéas de l’article R. 632-20 du code de l’éducation :  » (…) Le troisième cycle est organisé en trois phases à l’exception des spécialités dont la durée est de trois ans et qui comprennent deux phases, les phases 1 et 2. Chaque phase comprend une formation en stage et une formation hors stage. / La phase 1 dite phase socle correspond à l’acquisition des connaissances de base de la spécialité et des compétences transversales nécessaires à l’exercice de la profession. / La phase 2 dite phase d’approfondissement correspond à l’acquisition approfondie des connaissances et des compétences nécessaires à l’exercice de la spécialité suivie. / La phase 3 dite phase de consolidation correspond à la consolidation de l’ensemble des connaissances et des compétences professionnelles nécessaires à l’exercice de la spécialité (…) « .

7. Selon les dispositions de l’article 1er de l’arrêté du 21 avril 2017, chaque diplôme d’études spécialisées fait l’objet d’une maquette de formation qui comprend, notamment, la durée de la formation, le programme des enseignements, la durée et la nature des stages à accomplir, ainsi que les compétences et les connaissances spécifiques à acquérir qui s’ajoutent à celles, de base, prévues à ses articles 2 à 4, ces maquettes faisant l’objet d’une évaluation périodique dans le cadre des articles 65 et 66 de l’arrêté du 12 avril 2017.

8. S’agissant du diplôme d’études spécialisées de médecine cardiovasculaire, l’annexe II de l’arrêté du 21 avril 2017 fixait à huit semestres la durée totale de la formation conduisant au diplôme, se décomposant en une  » phase socle  » d’une durée de deux semestres, une  » phase d’approfondissement  » d’une durée de quatre semestres et une  » phase de consolidation  » d’une durée de deux semestres. L’arrêté attaqué du 19 mars 2019 a porté la durée totale de la formation à dix semestres, en faisant passer de quatre à six semestres la durée de la phase d’approfondissement. En vertu de l’article 2 de l’arrêté du 19 mars 2019, ces modifications ont été rendues applicables aux étudiants inscrits en troisième cycle à compter de la rentrée universitaire 2017-2018.

9. En premier lieu, si M. P… fait valoir que l’arrêté qu’il attaque conduit à traiter différemment les étudiants inscrits en première année de troisième cycle à compter de la rentrée universitaire 2017-2018 par rapport à ceux ayant entrepris ce cycle d’études auparavant, cette différence est inhérente à la succession dans le temps des règles applicables et n’est pas, par elle-même, contraire au principe d’égalité.

10. En second lieu, le principe général de non-rétroactivité des actes administratifs ne fait pas obstacle à l’application immédiate aux étudiants engagés dans un cycle de formation sanctionné par la délivrance d’un diplôme des dispositions réglementaires relatives à la formation qui leur est dispensée et, notamment, de celles modifiant la durée de cette formation. Si, en vertu de l’article L. 221-5 du code des relations entre le public et l’administration, l’autorité administrative investie du pouvoir réglementaire est tenue, dans la limite de ses compétences, d’édicter des mesures transitoires lorsque l’application immédiate d’une nouvelle réglementation est impossible ou qu’elle entraîne, au regard de l’objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause, l’application immédiate de l’allongement d’un an de la durée de la  » phase d’approfondissement  » de la formation conduisant au diplôme d’études spécialisées de médecine cardiovasculaire résultant de l’arrêté du 19 mars 2019 ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive aux intérêts des internes en médecine cardiovasculaire, ayant suivi cette formation à partir de la rentrée universitaire 2017-2018 et étant ainsi, lors de la rentrée universitaire 2019-2020, au début de la première, de la deuxième ou de la troisième année de cette formation.

11. Il résulte de tout ce qui précède M. P… n’est pas fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions de l’arrêté du 19 mars 2019 qu’il attaque. Les conclusions qu’il a présentées au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu’être rejetées.

D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions de M. N…, de Mme F… et de M. I… sont admises.
Article 2 : La requête de M. P… est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. H… P…, à M. G… N…, Mme D… F…, M. A… I…, à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, au ministre des solidarités et de la santé et à la ministre des armées.

ECLI:FR:CECHR:2021:432311.20210121