Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 24/02/2021, 432039

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1910606 du 26 juin 2019, enregistrée le 28 juin suivant au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 16 mai 2019 au greffe de ce tribunal, présentée par la CGT Pôle emploi Centre Val-de-Loire.

Par cette requête, la CGT Pôle emploi Centre Val-de-Loire demande au Conseil d’Etat :

1°) à titre principal d’abroger et, à titre subsidiaire, d’annuler pour excès de pouvoir l’instruction n° 2017-24 du 9 juin 2017 du directeur général de Pôle emploi relative à la politique de déplacement de Pôle emploi et aux modalités de remboursement des frais, l’instruction n° 2018-16 du 3 septembre 2018, déclinant cette instruction du 9 juin 2017 pour l’établissement de Pôle emploi du Centre-Val-de-Loire, ainsi que la décision implicite par laquelle le directeur général de Pôle emploi a refusé de retirer ou d’abroger partiellement ces instructions ;

2°) de mettre à la charge de Pôle emploi la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code du travail ;
– la convention collective nationale de Pôle emploi du 21 novembre 2009 agréée par arrêté du 21 décembre 2009 ;
– le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d’Etat,

– les conclusions de Mme A… B…, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Pôle emploi ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la CGT Pôle emploi Centre Val-de-Loire a saisi le directeur général de Pôle emploi le 16 janvier 2019 d’une demande tendant à l’abrogation ou au retrait de l’instruction n° 2107-24 du 9 juin 2017 du directeur général de Pôle emploi relative à la politique de déplacement de Pôle emploi et aux modalités de remboursement des frais et de l’instruction n° 2018-16 du 3 septembre 2018, déclinant cette instruction du 9 juin 2017 pour l’établissement de Pôle emploi du Centre Val-de-Loire, en tant qu’elles arrêtent les modalités de remboursement des déplacements réalisés par les représentants syndicaux dans l’exercice de leur mandat à l’aide leur véhicule personnel. Cette demande ayant été implicitement rejetée, le syndicat requérant demande à titre principal l’abrogation et, à titre subsidiaire, l’annulation pour excès de pouvoir de ces instructions et de la décision implicite par laquelle le directeur général de Pôle emploi a rejeté son recours gracieux.

2. L’instruction du directeur général de Pôle emploi du 9 juin 2017 et celle du 3 septembre 2018 la déclinant pour l’établissement du Centre Val-de-Loire fixent les règles générales s’agissant de la politique de déplacements professionnels et des modalités de remboursement des frais, applicables à tous les collaborateurs de Pôle emploi, y compris dans leurs déplacements pour motif syndical. Elles détaillent les conditions d’utilisation et de prise en charge des frais des différents moyens de transport, en subordonnant en leur point 4, commun, cette prise en charge à un ordre de priorité entre ces moyens de transport, s’échelonnant des transports en commun au véhicule personnel, les véhicules personnels ne devant être utilisés qu' » après accord exprès de la hiérarchie, lorsqu’aucune autre solution n’a pu être identifiée  » parmi les autres moyens de transports. Le point 4.1, également commun, précise que :  » L’utilisation du véhicule personnel est autorisée après accord exprès de la hiérarchie et sur présentation de justificatifs (permis de conduite, carte grise) lorsque les moyens prioritaires de transport (transports en commun, voiture de service, voiture de location, autopartage ou taxi) sont indisponibles ou lorsque le recours à ceux-ci génère des temps de transports et/ou des coûts disproportionnés. « . Enfin, un  » zoom sur les déplacements pour motif syndical  » figurant au point 4 des deux instructions précise que :  » Les déplacements pour motif syndical doivent s’effectuer en permettant le libre exercice du mandat syndical. En conséquence, il peut être dérogé aux principes de priorité ci-dessus pour tout déplacement non planifié ou en cas d’indisponibilité immédiate de transports en commun ou de véhicules de service. « 

3. Aux termes de l’article L. 5312-9 du code du travail :  » Les agents de [Pôle emploi], qui sont chargés d’une mission de service public, sont régis par le présent code dans les conditions particulières prévues par une convention collective étendue agréée par les ministres chargés de l’emploi et du budget. / Les règles relatives aux relations collectives de travail prévues par la deuxième partie du présent code s’appliquent à tous les agents de l’institution, sous réserve des garanties justifiées par la situation particulière de ceux qui restent contractuels de droit public. Ces garanties sont définies par décret en Conseil d’Etat. ».

4. En premier lieu, l’article 41 de la convention collective nationale de Pôle emploi du 21 novembre 2009, étendue par arrêté du 19 février 2010 et agréée par arrêté du 21 décembre 2009, prévoit que :  » 12. Frais de déplacement. / Les frais de déplacement dans les différents sites et les frais de repas occasionnés par l’exercice propre du mandat syndical au sein de l’établissement seront remboursés par la direction de l’établissement, sur présentation de pièces justificatives, sur la base d’un déplacement mensuel par site quel que soit le site, sauf circonstances exceptionnelles. (…) « .

5. Il résulte clairement de ces stipulations qu’elles instituent au bénéfice des titulaires d’un mandat syndical un droit à bénéficier, aux conditions qu’elles posent, du remboursement des frais de déplacement occasionnés par l’exercice de ce mandat. Si les instructions contestées organisent un ordre de priorité entre les moyens de transport, elles prévoient expressément que les déplacements pour motif syndical doivent s’effectuer en permettant le libre exercice du mandat syndical et qu’il puisse être dérogé à cet ordre de priorité lorsque, au regard des circonstances, les nécessités d’un déplacement pour motif syndical l’imposent. Dès lors, le syndicat requérant n’est pas fondé à soutenir que ces instructions méconnaîtraient les stipulations de la convention collective nationale de Pôle emploi citées au point précédent en subordonnant le remboursement des frais exposés par les représentants syndicats à l’occasion de déplacements réalisés avec leur véhicule personnel à des conditions tenant à la possibilité d’utiliser d’autres moyens de transport, regardés comme prioritaires.

6. En second lieu, si la CGT Pôle emploi Centre Val-de-Loire soutient que les dispositions litigieuses méconnaissent l’usage né de l’application de la convention collective nationale de Pôle emploi, selon lequel les représentants syndicaux auraient jusqu’alors bénéficié, de façon inconditionnelle, du remboursement des frais de déplacement exposés à l’occasion de déplacements justifiés par l’exercice de leur mandat et réalisés à l’aide de leur véhicule personnel, un tel usage, à le supposer établi, ne peut être utilement invoqué faute d’avoir fait l’objet de l’agrément, prévu à l’article L. 5312-9 du code du travail, sans lequel il ne saurait régir la situation des agents de Pôle emploi.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la CGT Pôle emploi Centre Val-de-Loire n’est pas fondée à demander l’annulation des instructions qu’elle attaque et du rejet de son recours gracieux formé à leur encontre.

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme réclamée par la CGT Pôle emploi Centre Val-de-Loire soit mise à la charge de Pôle emploi, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Pôle emploi au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la CGT Pôle emploi Centre Val-de-Loire est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Pôle emploi présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la CGT Pôle emploi Centre Val-de-Loire et à Pôle emploi.
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

ECLI:FR:CECHR:2021:432039.20210224