Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 24/02/2021, 443476, Inédit au recueil Lebon

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 27 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société KF3 Plus demande au Conseil d’Etat, à l’appui de son pourvoi dirigé contre l’arrêt nos 19DA02079, 19DA02081 du 2 juillet 2020 de la cour administrative d’appel de Douai, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des premier et quatrième alinéas du I de l’article 1737 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
– le code général des impôts ;
– le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme B… A…, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société KF3 Plus ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel :  » Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) « . Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du I de l’article 1737 du code général des impôts :  » Entraîne l’application d’une amende égale à 50 % du montant : / (…) 3. De la transaction, le fait de ne pas délivrer une facture. Le client est solidairement tenu au paiement de cette amende. Toutefois, lorsque le fournisseur apporte, dans les trente jours de la mise en demeure adressée par l’administration fiscale, la preuve que l’opération a été régulièrement comptabilisée, il encourt une amende réduite à 5 % du montant de la transaction (…) « .

3. Les dispositions des premier et quatrième alinéas du I de l’article 1737 du code général des impôts, qui viennent d’être citées, sont applicables au présent litige. Elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe de nécessité des peines, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions des premier et quatrième alinéas du I de l’article 1737 du code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de la société KF3 Plus jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société KF3 Plus, au Premier ministre et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

ECLI:FR:CECHR:2021:443476.20210224