Conseil d’État, 3ème – 8ème chambres réunies, 16/04/2021, 430380, Inédit au recueil Lebon

Texte Intégral :

Vu la procédure suivante :

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le service départemental et métropolitain d’incendie et de secours (SDMIS) du Rhône à lui verser, à titre principal, les indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant aux heures supplémentaires qu’il a effectuées au-delà du seuil annuel de 1 607 heures en 2010 et 2011 ou, à titre subsidiaire, aux heures supplémentaires effectuées en 2010 et 2011 au-delà du seuil de 44 heures hebdomadaires en moyenne par période de quatre mois ou, à titre encore plus subsidiaire, une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant à ces heures supplémentaires. Il a également demandé la condamnation du SDMIS à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de ses préjudices personnels et de ses troubles dans les conditions d’existence.

Par un jugement n° 1302978 du 9 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17LY01439 du 5 mars 2019, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé ce jugement, condamné le SDMIS du Rhône à verser à M. A… une somme correspondant à la rémunération de 56 heures supplémentaires effectuées en 2010 et de 8 heures supplémentaires effectuées en 2011, renvoyé ce dernier devant le SDMIS du Rhône pour la liquidation de cette somme et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 15 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt en tant qu’il n’a pas fait droit entièrement à ses conclusions ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire entièrement droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du SDMIS du Rhône la somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
– la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
– le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
– le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
– le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;
– le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. A… et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du service départemental et métropolitain d’incendie et de secours (SDMIS) du Rhône ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A…, sapeur-pompier professionnel, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le service départemental et métropolitain d’incendie et de secours (SDMIS) du Rhône à lui verser, à titre principal, les indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant aux heures supplémentaires qu’il soutient avoir accomplies en 2010 et en 2011 au-delà du seuil annuel de 1 607 heures, à titre subsidiaire, les heures supplémentaires effectuées en 2010 et 2011 au-delà du seuil de 44 heures hebdomadaires en moyenne par période de quatre mois, à titre encore plus subsidiaire, une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant à ces heures supplémentaires et, en tout état de cause, une indemnité réparant ses préjudices personnels et ses troubles dans les conditions d’existence en raison du régime illégal de la durée du travail à laquelle il a été assujetti. Par un jugement du 9 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. M. A… se pourvoit en cassation, en tant qu’il n’a pas fait entièrement droit à ses conclusions, contre l’arrêt du 5 mars 2019 par lequel, après avoir annulé ce jugement, la cour administrative d’appel de Lyon a condamné le SDMIS du Rhône à lui verser une somme correspondant à la rémunération de 56 heures supplémentaires effectuées en 2010 et de 8 heures supplémentaires effectuées en 2011, renvoyé ce dernier devant le SDMIS du Rhône pour la liquidation de cette somme et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Sur l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur la demande de paiement d’heures supplémentaires :

2. Aux termes de l’article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l’aménagement de la réduction de temps de travail dans la fonction publique de l’Etat, rendu applicable aux agents des collectivités territoriales par l’article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l’application de l’article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale :  » (…) Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d’être effectuées « . Aux termes de l’article 8 du même décret :  » Une durée équivalente à la durée légale peut être instituée par décret en Conseil d’Etat, pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat et du comité technique paritaire ministériel pour des corps ou emplois dont les missions impliquent un temps de présence supérieur au temps de travail effectif tel que défini à l’article 2. Ces périodes sont rémunérées conformément à la grille des classifications et des rémunérations « .

3. Aux termes de l’article 1er du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, dans sa rédaction applicable au présent litige :  » La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels est définie conformément à l’article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé auquel renvoie le décret du 12 juillet 2001 susvisé (…) « . Aux termes de l’article 2 du même décret :  » La durée de travail effectif journalier définie à l’article 1er ne peut pas dépasser 12 heures consécutives (…) « . Aux termes de l’article 3 du même décret :  » Compte tenu des missions des services d’incendie et de secours et des nécessités de service, un temps de présence supérieur à l’amplitude journalière prévue à l’article 2 peut être fixé à 24 heures consécutives par le conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours après avis du comité technique paritaire (…) « . Enfin, aux termes de l’article 4 du même décret :  » Lorsqu’il est fait application de l’article 3 ci-dessus, une délibération du conseil d’administration après avis du comité technique paritaire fixe un temps d’équivalence au décompte annuel du temps de travail. / La durée équivalente ne peut être inférieure à 2 280 heures ni excéder 2 520 heures. / A compter du 1er janvier 2005, elle ne peut être inférieure à 2 160 heures ni excéder 2 400 heures « .

4. Il ressort des pièces de la procédure que M. A… soutenait en appel que l’application du régime des heures d’équivalence aux sapeurs-pompiers professionnels exerçant à temps partiel était illégal faute d’être prévue par la règlementation. En s’abstenant de répondre à ce moyen, qui n’était pas inopérant, la cour administrative d’appel de Lyon a entaché son arrêt d’une insuffisance de motivation.

Sur l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette les autres demandes de M. A… :

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si des conclusions tendant au versement d’intérêts moratoires et à leur capitalisation ont été présentées, au titre du règlement de l’affaire au fond après cassation, dans le  » pourvoi sommaire  » initialement formé par M. A… contre le jugement du 9 décembre 2016, elles ne figuraient plus dans le  » mémoire ampliatif  » et le mémoire en réplique présentés devant la cour administrative d’appel de Lyon après que le Conseil d’Etat lui eut transmis le dossier. Ces mémoires, qui ne renvoyaient pas aux conclusions du  » pourvoi sommaire  » mais présentaient eux-mêmes les conclusions de la requête d’appel, ne comportaient pas de demande tendant au versement d’intérêts moratoires et à leur capitalisation, de sorte que ces conclusions devaient être regardées comme ayant été abandonnées. Par suite, la cour n’a pas entaché son arrêt d’une insuffisance de motivation en n’y statuant pas.

6. En estimant que M. A… n’apportait aucun élément permettant de démontrer que l’application en 2010 et 2011 du régime des sapeurs-pompiers logés en casernement lui avait causé un préjudice, distinct du non-paiement d’heures supplémentaires accomplies, résultant de troubles dans les conditions d’existence dont il serait fondé à demander la réparation, la cour administrative d’appel de Lyon a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, et n’a pas commis d’erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A… est seulement fondé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt attaqué en tant qu’il ne fait pas entièrement droit à sa demande de paiement d’heures supplémentaires.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du service départemental et métropolitain d’incendie et de secours du Rhône une somme de 500 euros à verser à M. A… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt du 5 mars 2019 de la cour administrative d’appel de Lyon est annulé en tant qu’il ne fait pas entièrement droit à la demande de M. A… tendant au paiement d’heures supplémentaires.
Article 2 : L’affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d’appel de Lyon.
Article 3 : Le service départemental et métropolitain d’incendie et de secours du Rhône versera à M. A… une somme de 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B… A… et au service départemental et métropolitain d’incendie et de secours du Rhône.

ECLI:FR:CECHR:2021:430380.20210416