Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 16/04/2021, 430565, Inédit au recueil Lebon

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

Mme A… B… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 août 2017 par laquelle la ministre du travail a, d’une part, retiré la décision implicite née le 21 juillet 2017 rejetant son recours hiérarchique et annulé la décision du 19 janvier 2017 de l’inspecteur du travail de la 39ème section de l’unité territoriale n°4 de l’Isère autorisant la caisse d’allocations familiales de l’Isère à la licencier et, d’autre part, autorisé son licenciement. Par un jugement n° 1705901 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 19LY00579 du 8 mars 2019, le premier vice-président de la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté, sur le fondement de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, l’appel formé par Mme B… contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai et 8 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme B… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de la sécurité sociale ;
– le code du travail ;
– la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 ;
– l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 et la loi de ratification n°2008-67 du 21 janvier 2008 ;
– le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Marie Grosset, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mme B… et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse d’allocations familiales de l’Isère ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B… a été recrutée en 1979 par la caisse d’allocations familiales de l’Isère en qualité d’aide comptable, puis de comptable. Elle était investie du mandat de déléguée syndicale et du mandat de membre du conseil d’administration de la caisse d’allocations familiales de l’Isère respectivement jusqu’au 1er décembre 2015 et jusqu’au 11 mai 2016. Le 30 novembre 2016, son employeur, estimant qu’elle bénéficiait encore de la période de protection attachée à son précédent mandat de déléguée syndicale, a saisi l’inspection du travail d’une demande d’autorisation en vue de la licencier pour inaptitude physique. Par une décision du 19 janvier 2017, l’inspecteur du travail a autorisé ce licenciement. A la suite du recours hiérarchique formé contre cette décision par l’intéressée, la ministre du travail a, par décision du 22 août 2017, d’une part, retiré la décision implicite née le 21 juillet 2017 rejetant le recours hiérarchique et annulé la décision du 19 janvier 2017 de l’inspecteur du travail et, d’autre part, autorisé son licenciement. Par un jugement du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme B… tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision de la ministre du travail. Mme B… se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du président de la cour administrative d’appel de Lyon ayant rejeté son appel contre ce jugement.

2. D’une part, aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 231-11 du code de la sécurité sociale :  » Le licenciement par l’employeur d’un salarié exerçant le mandat de membre du conseil ou d’administrateur ou ayant cessé son mandat depuis moins de six mois est soumis à la procédure prévue par l’article L. 412-18 du code du travail (…) « , et désormais par l’article L. 2411-3 du code du travail.

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 2411-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige :  » Bénéficie de la protection contre le licenciement prévu par le présent chapitre, (…), le salarié investi de l’un des mandats suivants : / 1° Délégué syndical ; / 2° Délégué du personnel ; / 3° Membre élu du comité d’entreprise ; (…) / 13° Membre du conseil ou administrateur d’une caisse de sécurité sociale (…) « . Aux termes de l’article L. 2411-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) et qui reprend en substance les dispositions de l’article L. 412-18 du code du travail:  » Le licenciement d’un délégué syndical ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail. Cette autorisation est également requise pour le licenciement d’un ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s’il a exercé ces dernières pendant au moins un an. (…) « . Aux termes de l’article L. 2411-18 du code du travail, créé par l’ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), dans sa rédaction applicable au litige :  » Conformément à l’article L. 231-11 du code de la sécurité sociale, la procédure d’autorisation de licenciement et les périodes et durées de protection du salarié membre du conseil ou administrateur d’une caisse de sécurité sociale sont celles applicables au délégué syndical, prévues par l’article L. 2411-3″.

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, et alors que celles de l’article L. 2411-18 du code du travail, issues de l’ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) procédant, sur le fondement de la disposition d’habilitation figurant à l’article 57 de la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, à une nouvelle codification du code du travail à droit constant, ont seulement pour objet de renvoyer, comme leur rédaction le montre d’ailleurs, aux dispositions de l’article L. 231-11 du code de la sécurité sociale, que les salariés ayant exercé le mandat de membre du conseil ou d’administrateur d’une caisse de sécurité sociale depuis moins de six mois continuent de bénéficier, pour leur licenciement, de la procédure spécifique prévue pour le licenciement des salariés protégés.

5. Par suite, en jugeant que la ministre du travail avait légalement estimé que Mme B… ne bénéficiait plus de la protection attachée à son mandat de membre du conseil d’administration de la caisse d’allocations familiales de l’Isère, lors de sa convocation à l’entretien préalable à son licenciement plus de six mois après la fin de ce mandat, le premier vice-président de la cour administrative d’appel de Lyon n’a pas entaché son ordonnance, qui est suffisamment motivée, d’erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de Mme B… doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la caisse d’allocations familiales de l’Isère au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme B… est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse d’allocations familiales de l’Isère au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A… B… et à la caisse d’allocations familiales de l’Isère.
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

ECLI:FR:CECHR:2021:430565.20210416