Le délai de deux mois imparti au préfet pour déférer un permis de construire court à compter de la date du permis tacite si le préfet a eu connaissance de la confirmation de la demande avant la naissance du permis.

CE, 5-6 chr, SCI de L’Aire et du Cros 5 févr. 2020, n° 426160, Lebon T

Le retrait par l’autorité compétente d’une décision refusant un permis de construire ne rend pas le pétitionnaire titulaire d’un permis de construire tacite. L’autorité administrative doit statuer à nouveau sur la demande, le délai de nature à faire naître une décision tacite ne courant qu’à compter de la confirmation de cette demande par le pétitionnaire.

Dans une telle hypothèse, pour l’application des dispositions de l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), il appartient à la commune d’informer le préfet de la confirmation de sa demande par le pétitionnaire, en lui indiquant sa date de réception.

Le délai de deux mois imparti au préfet par les dispositions de l’article L. 2131-6 du même code court alors, sous réserve que le préfet soit en possession de l’entier dossier de demande, à compter de la date du permis tacite si le préfet a eu connaissance de la confirmation de la demande avant la naissance du permis.

Dans le cas contraire, sous la même réserve que le préfet soit en possession de l’entier dossier de demande, le délai court à compter de la date à laquelle le préfet est informé par la commune de l’existence du permis tacite, soit par la transmission du certificat délivré le cas échéant par le maire en application de l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme, soit par la transmission, postérieurement à la naissance du permis, de la confirmation de sa demande par le pétitionnaire.

Cf., sur cette réserve, CE, 22 octobre 2018, M. de Fondaumière, n° 400779, T. pp. 575-956.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 426160
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:426160.20200205
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5e – 6e chambres réunies
M. Alain Seban, rapporteur
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public
SCP ZRIBI, TEXIER, avocats

Lecture du mercredi 5 février 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Le préfet de l’Hérault a déféré au tribunal administratif de Montpellier la décision du 14 juin 2015 par laquelle le maire de Cazevieille a délivré un permis de construire à la société civile immobilière (SCI) de l’Aire et du Cros. Par un jugement n° 1600056 du 21 septembre 2016, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 16MA03877 du 9 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par la SCI de l’Aire et du Cros contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 décembre 2018 et 11 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la SCI de l’Aire et du Cros demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Alain Seban, conseiller d’Etat,

— les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de la SCI de l’Aire et du Cros.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’après avoir refusé à la SCI de l’Aire et du Cros, le 29 décembre 2014, le permis de construire qu’elle sollicitait, le maire de Cazevieille (Hérault) a retiré, le 7 avril 2015, cette décision de refus. La société ayant renouvelé sa demande de permis le 13 avril 2015, elle a acquis, le 14 juin 2015, un permis de construire tacite, dont le maire lui a délivré certificat le 30 juillet 2015. Le préfet de l’Hérault a déféré ce permis tacite au tribunal administratif de Montpellier, qui l’a annulé par un jugement du 21 septembre 2016. La SCI de l’Aire et du Cros se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 9 octobre 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l’annulation de ce jugement.

2. Aux termes de l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : « Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage (…) ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’Etat dans le département (…) ». Aux termes de l’article L. 2131-6 du même code : « Le représentant de l’Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (…) ». Parmi les actes mentionnés par l’article L. 2131-2 de ce code figure, au 6° : « Le permis de construire et les autres autorisations d’utilisation du sol et le certificat d’urbanisme délivrés par le maire ». Par ailleurs, l’article R. 424-1 du code de l’urbanisme prévoit que, à défaut d’une décision expresse dans le délai d’instruction, le silence gardé par l’autorité compétente vaut permis de construire et l’article L. 424-8 dispose qu’un tel permis tacite est exécutoire à compter de la date à laquelle il est acquis. Enfin, aux termes de l’article R. 423-7 du même code : « Lorsque l’autorité compétente pour délivrer le permis ou pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable est le maire au nom de la commune, celui-ci transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt ».

3. En premier lieu, dans le cas de la délivrance tacite d’un permis de construire, la commune est réputée avoir effectué la transmission prévue par l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales si le maire a, conformément aux dispositions de l’article R. 423-7 du code de l’urbanisme, transmis au préfet l’entier dossier de demande. Le délai dans lequel doit s’exercer le déféré prévu par l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales court alors à compter de la date à laquelle le permis est acquis ou, dans l’hypothèse où la commune ne satisfait à l’obligation de transmission que postérieurement à cette date, à compter de la réception de cette transmission par le préfet.

4. En second lieu, le retrait par l’autorité compétente d’une décision refusant un permis de construire ne rend pas le pétitionnaire titulaire d’un permis de construire tacite. L’autorité administrative doit statuer à nouveau sur la demande, le délai de nature à faire naître une décision tacite ne courant qu’à compter de la confirmation de cette demande par le pétitionnaire. Dans une telle hypothèse, pour l’application des dispositions de l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, il appartient à la commune d’informer le préfet de la confirmation de sa demande par le pétitionnaire, en lui indiquant sa date de réception. Le délai de deux mois imparti au préfet par les dispositions de l’article L. 2131-6 du même code court alors, sous réserve que le préfet soit en possession de l’entier dossier de demande, à compter de la date du permis tacite si le préfet a eu connaissance de la confirmation de la demande avant la naissance du permis. Dans le cas contraire, sous la même réserve que le préfet soit en possession de l’entier dossier de demande, le délai court à compter de la date à laquelle le préfet est informé par la commune de l’existence du permis tacite, soit par la transmission du certificat délivré le cas échéant par le maire en application de l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme, soit par la transmission, postérieurement à la naissance du permis, de la confirmation de sa demande par le pétitionnaire.

5. Par suite, en jugeant que, dès lors que le préfet de l’Hérault n’avait pas eu connaissance de l’existence de la confirmation de sa demande par la SCI de l’Aire et du Cros avant le 14 juin 2015, date de naissance du permis tacite en litige, le délai dont il disposait pour déférer ce permis avait commencé à courir, non le 14 juin 2015 mais à la date, postérieure, à laquelle il avait eu pour la première fois communication de la confirmation de la demande de la société, la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit.

6. En revanche, en se fondant sur ce que, tant en première instance que devant elle, la commune avait reconnu n’avoir communiqué au préfet de l’Hérault cette confirmation de la demande de la société que le 24 août 2015, alors qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que ces indications ne figuraient pas dans les mémoires de la commune, la cour a entaché son arrêt de dénaturation. La SCI de l’Aire et du Cros est par suite fondée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société requérante au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 9 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Marseille.

Article 3 : L’Etat versera à la SCI de l’Aire et du Cros une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SCI de l’Aire et du Cros, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Cazevieille.

Illégalité du refus de déréférencement lorsque les données ne présentent pas un intérêt prépondérant pour le public.

CE, ch. réunies, 6 déc. 2019, n° 409212, Lebon T

Article vers lequel renvoie l’un des deux liens restant en litige qui se borne à proposer un résumé du roman du requérant, publié en 2009 et ayant alors fait l’objet d’une couverture médiatique. L’article en cause comporte un certain nombre de données à caractère personnel concernant l’auteur de cet ouvrage autobiographique qui sont toutes extraites de ce livre et dont aucune ne relève de catégories particulières.

Eu égard à la nature et au contenu des données à caractère personnel figurant sur ce site, à leur source ainsi qu’au fait que leur accessibilité procède de l’activité littéraire du requérant et compte tenu de l’intérêt qui s’attache, pour le public, à pouvoir accéder aux recensions de livres publiés à partir d’une recherche portant sur le nom de leur auteur, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a pu légalement estimer que l’intérêt prépondérant du public à avoir accès à ces informations à partir d’une recherche effectuée sur le nom de l’intéressé faisait obstacle, en dépit de leur ancienneté et du fait que l’ouvrage n’est désormais plus édité, à ce qu’il soit fait droit à la demande du requérant.

Site vers lequel renvoie le second des deux liens restant en litige comportant une fiche descriptive du livre écrit par le requérant, faisant état d’un certain nombre de données à caractère personnel le concernant, dont certaines conduisent à révéler son orientation sexuelle. Dès lors que les informations relatives à son orientation sexuelle sont issues du roman à caractère autobiographique qu’il a publié, les données en cause doivent être regardées comme ayant été manifestement rendues publiques par le requérant.

Eu égard à la nature et au contenu des données à caractère personnel figurant sur ce site, au fait que le requérant n’exerce plus d’activités littéraires et que le roman dont elles proviennent n’est aujourd’hui plus édité et compte tenu des répercussions qu’est susceptible d’avoir pour l’intéressé le maintien des liens permettant d’y avoir accès à partir d’une recherche effectuée sur son nom, la CNIL n’a pu légalement estimer, alors même que les informations litigieuses avaient été manifestement rendues publiques par l’intéressé en 2009, que le référencement du lien permettant d’y avoir accès à partir d’une recherche effectuée sur le nom du requérant présentait un intérêt prépondérant pour le public, alors que, par ailleurs, les pages des résultats d’une telle recherche comportaient des liens menant vers des informations faisant état du roman en cause.

Cf., sur la méthode d’appréciation applicable, CE, 6 décembre 2019, Mme X., n° 395335, à publier au Recueil.

Rappr. CE, 6 décembre 2019, Mme X., n°s 403868 403869, à mentionner aux Tables ; CE, 6 décembre 2019, M. X., n° 405910, à mentionner aux Tables.

Rappr. CE, 6 décembre 2019, M. X., n° 393769, à mentionner aux Tables.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 409212
ECLI:FR:CEORD:2019:409212.20191206
Mentionné aux tables du recueil Lebon

M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats

Lecture du vendredi 6 décembre 2019

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 24 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a clôturé sa plainte aux fins de déréférencement de plusieurs liens obtenus sur la base d’une recherche effectuée à partir de son nom sur le moteur de recherche exploité par la société Google, qui lui a été notifiée par un courrier du 9 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
– le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;
– la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
– l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 13 mai 2014, Google Spain SL, Google Inc. contre Agencia Espanola de Proteccion de Datos, Mario Costeja Gonzalez (C-131/12) ;
– l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 24 septembre 2019, GC, AF, BH et ED contre CNIL (C-136/17) ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,

— les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Google LLC ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 novembre 2019, présentée par la CNIL ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. A… a demandé à la société Google de procéder au déréférencement de plusieurs liens vers lesquels renvoyaient des photographies apparaissant dans les résultats affichés par l’onglet « images » du moteur de recherche qu’elle exploite à la suite d’une recherche portant sur son nom. A la suite du refus opposé par la société Google, il a saisi la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) d’une plainte tendant à ce qu’il soit enjoint à cette société de procéder au déréférencement des liens en cause. Par un courrier du 9 mars 2017, la présidente de la CNIL a l’informé de la clôture de sa plainte. M. A… demande l’annulation pour excès de pouvoir du refus de la CNIL de mettre en demeure la société Google de procéder au déréférencement demandé.

Sur l’office du juge de l’excès de pouvoir :

2. L’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir du refus de la CNIL de mettre en demeure l’exploitant d’un moteur de recherche de procéder au déréférencement de liens vers des pages web réside dans l’obligation, que le juge peut prescrire d’office en vertu des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, pour la CNIL de procéder à une telle mise en demeure afin que disparaissent de la liste de résultats affichée à la suite d’une recherche les liens en cause.

3. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que lorsqu’il est saisi de conclusions aux fins d’annulation du refus de la CNIL de mettre en demeure l’exploitant d’un moteur de recherche de procéder au déréférencement de liens, le juge de l’excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité d’un tel refus au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

4. En second lieu, dans l’hypothèse où il apparaît que les liens litigieux ont été déréférencés à la date à laquelle il statue, soit à la seule initiative de l’exploitant du moteur de recherche, soit pour la mise en oeuvre d’une mise en demeure, le juge de l’excès de pouvoir doit constater que le litige porté devant lui a perdu son objet.

Sur le cadre juridique du litige :

5. L’article 51 de la loi du 6 janvier 1978 dispose, dans sa rédaction applicable à la date de la présente décision, que : « Le droit à l’effacement s’exerce dans les conditions prévues à l’article 17 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ».

6. Aux termes de l’article 17 du règlement 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, dit règlement général sur la protection des données :  » 1. La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données à caractère personnel dans les meilleurs délais, lorsque l’un des motifs suivants s’applique : / a) les données à caractère personnel ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées d’une autre manière ; / b) la personne concernée retire le consentement sur lequel est fondé le traitement, conformément à l’article 6, paragraphe 1, point a), ou à l’article 9, paragraphe 2, point a), et il n’existe pas d’autre fondement juridique au traitement ; / c) la personne concernée s’oppose au traitement en vertu de l’article 21, paragraphe 1, et il n’existe pas de motif légitime impérieux pour le traitement, ou la personne concernée s’oppose au traitement en vertu de l’article 21, paragraphe 2 ; / d) les données à caractère personnel ont fait l’objet d’un traitement illicite ; / e) les données à caractère personnel doivent être effacées pour respecter une obligation légale qui est prévue par le droit de l’Union ou par le droit de l’État membre auquel le responsable du traitement est soumis ; f) les données à caractère personnel ont été collectées dans le cadre de l’offre de services de la société de l’information visée à l’article 8, paragraphe 1. […] 3. Les paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas dans la mesure où ce traitement est nécessaire : / a) à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information […] « .

7. Par son arrêt du 24 septembre 2019 GC, AF, BH et ED contre CNIL (C-136/17), la Cour de justice de l’Union européenne a, en réponse aux questions que lui avait posées le Conseil d’Etat dans sa décision avant-dire-droit du 24 février 2017, précisé qu’elle examinerait ces questions « sous l’angle de la directive 95/46, en tenant, toutefois, également compte du règlement 2016/679 dans son analyse de celles-ci, afin d’assurer que ses réponses seront, en toute hypothèse, utiles pour la juridiction de renvoi ».

En ce qui concerne le « droit au déréférencement » de données à caractère personnel ne relevant pas de catégories particulières :

8. Ainsi que la Cour l’a relevé dans l’arrêt cité ci-dessus : « Dans le cadre du règlement 2016/679, le législateur de l’Union européenne a prévu, à l’article 17 de ce règlement, une disposition qui régit spécifiquement le » droit à l’effacement « , également dénommé à cet article, » droit à l’oubli « . Dans le même arrêt, la Cour de justice a précisé que : » En application de cet article 17, paragraphe 1, la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données dans les meilleurs délais, lorsque l’un des motifs énumérés par cette disposition s’applique. Au titre de ces motifs, ladite disposition mentionne le fait que les données ne sont plus nécessaires au regard des finalités du traitement, que la personne concernée retire le consentement sur lequel est fondé le traitement et qu’il n’existe pas d’autre fondement juridique pour celui-ci, que la personne concernée s’oppose au traitement en vertu de l’article 21, paragraphe 1 ou 2, du règlement 2016/679, qui remplace l’article 14 de la directive 95/46, que les données ont fait l’objet d’un traitement illicite, qu’elles doivent être effacées pour respecter une obligation légale ou qu’elles ont été collectées dans le cadre de l’offre de services de la société de l’information aux enfants « . Elle a également relevé que : » L’article 17, paragraphe 3, du règlement 2016/679 précise que l’article 17, paragraphe 1, de ce règlement ne s’applique pas dans la mesure où le traitement en cause est nécessaire pour l’un des motifs énumérés à cette première disposition. Parmi ces motifs, figure, à l’article 17, paragraphe 3, sous a), dudit règlement, l’exercice du droit relatif, notamment, à la liberté d’information « . La Cour a précisé que : » La circonstance que l’article 17, paragraphe 3, sous a), du règlement 2016/679 prévoit désormais expressément que le droit à l’effacement de la personne concernée est exclu lorsque le traitement est nécessaire à l’exercice du droit relatif, notamment, à la liberté d’information, garantie par l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, constitue une expression du fait que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu, mais doit, ainsi que le souligne le considérant 4 de ce règlement, être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité « . Elle a également précisé que : » Le règlement 2016/679, et notamment son article 17, paragraphe 3, sous a), consacre ainsi explicitement l’exigence d’une mise en balance entre, d’une part, les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, consacrés par les articles 7 et 8 de la Charte, et, d’autre part, le droit fondamental à la liberté d’information, garanti par l’article 11 de la Charte « .

9. Par ailleurs, par son arrêt du 13 mai 2014 Google Spain SL, Google Inc. contre Agencia Espanola de Proteccion de Datos, Mario Costeja Gonzalez (C-131/12), la Cour a dit pour droit que : « Les articles 12, sous b), et 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre de l’appréciation des conditions d’application de ces dispositions, il convient notamment d’examiner si la personne concernée a un droit à ce que l’information en question relative à sa personne ne soit plus, au stade actuel, liée à son nom par une liste de résultats affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir de son nom, sans pour autant que la constatation d’un tel droit présuppose que l’inclusion de l’information en question dans cette liste cause un préjudice à cette personne. Cette dernière pouvant, eu égard à ses droits fondamentaux au titre des articles 7 et 8 de la Charte, demander que l’information en question ne soit plus mise à la disposition du grand public du fait de son inclusion dans une telle liste de résultats, ces droits prévalent, en principe, non seulement sur l’intérêt économique de l’exploitant du moteur de recherche, mais également sur l’intérêt de ce public à accéder à ladite information lors d’une recherche portant sur le nom de cette personne. Cependant, tel ne serait pas le cas s’il apparaissait, pour des raisons particulières, telles que le rôle joué par ladite personne dans la vie publique, que l’ingérence dans ses droits fondamentaux est justifiée par l’intérêt prépondérant dudit public à avoir, du fait de cette inclusion, accès à l’information en question ».

10. Il découle de ce qui a été dit aux points précédents qu’il appartient en principe à la CNIL, saisie par une personne d’une demande tendant à ce qu’elle mette l’exploitant d’un moteur de recherche en demeure de procéder au déréférencement de liens renvoyant vers des pages web publiées par des tiers et contenant des données personnelles ne relevant pas de catégories particulières la concernant, d’y faire droit. Toutefois, il revient à la CNIL d’apprécier, compte tenu du droit à la liberté d’information, s’il existe un intérêt prépondérant du public à avoir accès à une telle information à partir d’une recherche portant sur le nom de cette personne de nature à faire obstacle au droit au déréférencement. Pour procéder ainsi à une mise en balance entre le droit au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel et le droit à la liberté d’information et apprécier s’il peut être légalement fait échec au droit au déréférencement, il lui incombe de tenir notamment compte, d’une part, de la nature des données en cause, de leur contenu, de leur caractère plus ou moins objectif, de leur exactitude, de leur source, des conditions et de la date de leur mise en ligne et des répercussions que leur référencement est susceptible d’avoir pour la personne concernée et, d’autre part, de la notoriété de cette personne, de son rôle dans la vie publique et de sa fonction dans la société. Il lui incombe également de prendre en compte la possibilité d’accéder aux mêmes informations à partir d’une recherche portant sur des mots-clés ne mentionnant pas le nom de la personne concernée ainsi que le rôle qu’a, le cas échéant, joué cette dernière dans la publicité conférée aux données la concernant.

En ce qui concerne le « droit au déréférencement » de données à caractère personnel relevant de catégories particulières :

11. L’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 dispose, dans sa rédaction applicable à la date de la présente décision, que : « I.- Il est interdit de traiter des données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne physique ou de traiter des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique. / II.- Les exceptions à l’interdiction mentionnée au I sont fixées dans les conditions prévues par le 2 de l’article 9 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 et par la présente loi ». Ces dispositions assurent la mise en oeuvre en droit national de celles de l’article 9 du règlement général sur la protection des données, lesquelles ont abrogé et remplacé celles de l’article 8 paragraphe 1 de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995.

12. Aux termes de l’article 9 du règlement général sur la protection des données :  » 1. Le traitement des données à caractère personnel qui révèle l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale, ainsi que le traitement des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique sont interdits. / 2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas si l’une des conditions suivantes est remplie : / a) la personne concernée a donné son consentement explicite au traitement de ces données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques, sauf lorsque le droit de l’Union ou le droit de l’État membre prévoit que l’interdiction visée au paragraphe 1 ne peut pas être levée par la personne concernée ; […] / e) le traitement porte sur des données à caractère personnel qui sont manifestement rendues publiques par la personne concernée ; […] / g) le traitement est nécessaire pour des motifs d’intérêt public important, sur la base du droit de l’Union ou du droit d’un État membre qui doit être proportionné à l’objectif poursuivi, respecter l’essence du droit à la protection des données et prévoir des mesures appropriées et spécifiques pour la sauvegarde des droits fondamentaux et des intérêts de la personne concernée […]  » .

13. Par l’arrêt déjà cité du 24 septembre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que : « 1) Les dispositions de l’article 8, paragraphes 1 et 5, de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, doivent être interprétées en ce sens que l’interdiction ou les restrictions relatives au traitement des catégories particulières de données à caractère personnel, visées par ces dispositions, s’appliquent, sous réserve des exceptions prévues par cette directive, également à l’exploitant d’un moteur de recherche dans le cadre de ses responsabilités, de ses compétences et de ses possibilités en tant que responsable du traitement effectué lors de l’activité de ce moteur, à l’occasion d’une vérification opérée par cet exploitant, sous le contrôle des autorités nationales compétentes, à la suite d’une demande introduite par la personne concernée ». Elle a également dit pour droit que : « 2) Les dispositions de l’article 8, paragraphes 1 et 5, de la directive 95/46 doivent être interprétées en ce sens que, en vertu de celles-ci, l’exploitant d’un moteur de recherche est en principe obligé, sous réserve des exceptions prévues par cette directive, de faire droit aux demandes de déréférencement portant sur des liens menant vers des pages web sur lesquelles figurent des données à caractère personnel qui relèvent des catégories particulières visées par ces dispositions. / L’article 8, paragraphe 2, sous e), de la directive 95/46 doit être interprété en ce sens que, en application de celui-ci, un tel exploitant peut refuser de faire droit à une demande de déréférencement lorsqu’il constate que les liens en cause mènent vers des contenus comportant des données à caractère personnel qui relèvent des catégories particulières visées à cet article 8, paragraphe 1, mais dont le traitement est couvert par l’exception prévue audit article 8, paragraphe 2, sous e), à condition que ce traitement réponde à l’ensemble des autres conditions de licéité posées par cette directive et à moins que la personne concernée n’ait, en vertu de l’article 14, premier alinéa, sous a), de ladite directive, le droit de s’opposer audit traitement pour des raisons prépondérantes et légitimes tenant à sa situation particulière. / Les dispositions de la directive 95/46 doivent être interprétées en ce sens que, lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche est saisi d’une demande de déréférencement portant sur un lien vers une page web sur laquelle des données à caractère personnel relevant des catégories particulières visées à l’article 8, paragraphe 1 ou 5, de cette directive sont publiées, cet exploitant doit, sur la base de tous les éléments pertinents du cas d’espèce et compte tenu de la gravité de l’ingérence dans les droits fondamentaux de la personne concernée au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, vérifier, au titre des motifs d’intérêt public important visés à l’article 8, paragraphe 4, de ladite directive et dans le respect des conditions prévues à cette dernière disposition, si l’inclusion de ce lien dans la liste de résultats, qui est affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom de cette personne, s’avère strictement nécessaire pour protéger la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à cette page web au moyen d’une telle recherche, consacrée à l’article 11 de cette charte ».

14. Il découle de ce qui a été dit ci-dessus que lorsque des liens mènent vers des pages web contenant des données à caractère personnel relevant des catégories particulières visées à l’article 8 paragraphe 1 de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, abrogé et remplacé par l’article 9 du règlement général sur la protection des données du 27 avril 2016, l’ingérence dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel de la personne concernée est susceptible d’être particulièrement grave en raison de la sensibilité de ces données. Il s’ensuit qu’il appartient en principe à la CNIL, saisie par une personne d’une demande tendant à ce qu’elle mette l’exploitant d’un moteur de recherche en demeure de procéder au déréférencement de liens renvoyant vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des données personnelles relevant de catégories particulières la concernant, de faire droit à cette demande. Il n’en va autrement que s’il apparaît, compte tenu du droit à la liberté d’information, que l’accès à une telle information à partir d’une recherche portant sur le nom de cette personne est strictement nécessaire à l’information du public. Pour apprécier s’il peut être légalement fait échec au droit au déréférencement au motif que l’accès à des données à caractère personnel relevant de catégories particulières à partir d’une recherche portant sur le nom de la personne concernée est strictement nécessaire à l’information du public, il incombe à la CNIL de tenir notamment compte, d’une part, de la nature des données en cause, de leur contenu, de leur caractère plus ou moins objectif, de leur exactitude, de leur source, des conditions et de la date de leur mise en ligne et des répercussions que leur référencement est susceptible d’avoir pour la personne concernée et, d’autre part, de la notoriété de cette personne, de son rôle dans la vie publique et de sa fonction dans la société. Il lui incombe également de prendre en compte la possibilité d’accéder aux mêmes informations à partir d’une recherche portant sur des mots-clés ne mentionnant pas le nom de la personne concernée.

15. Dans l’hypothèse particulière où les données litigieuses ont manifestement été rendues publiques par la personne qu’elles concernent, il appartient à la CNIL de procéder ainsi qu’il a été dit au point 10 ci-dessus afin d’apprécier s’il existe ou non un intérêt prépondérant du public de nature à faire obstacle au droit au déréférencement, une telle circonstance n’empêchant pas l’intéressé de faire valoir, à l’appui de sa demande de déréférencement, des « raisons tenant à sa situation particulière », ainsi que l’a relevé la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt précité du 24 septembre 2019.

Sur l’objet et la recevabilité de la requête :

16. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les liens renvoyant vers les sites « culturez-vous.over-blog.com » et « wrath.typepad.com » n’apparaissent plus, à la date de la présente décision, dans la liste des résultats affichée par le moteur de recherche exploité par la société Google à la suite d’une recherche portant sur le nom du requérant, vers lesquels renvoyaient deux photographies dont celui-ci avait demandé à la CNIL d’ordonner le déréférencement. Il s’ensuit que les conclusions de la requête de M. A… ont, dans cette mesure, perdu leur objet et qu’il n’y a, dès lors, pas lieu d’y statuer.

17. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant n’a demandé à la CNIL d’ordonner à la société Google de procéder au déréférencement ni du lien vers lequel renvoyait une photographie le représentant tenant une pancarte sur laquelle est inscrite la mention « prix de l’Académie Française » ni de celui vers lequel renvoyait la photographie issue du blog « http://karveelt-in-wonderland.over-blog.com » et dont un aperçu apparait sous l’onglet « images » du moteur de recherche Google à la suite d’une recherche portant sur son nom. Il s’ensuit que la requête de M. A… en tant qu’elle porte sur ces deux liens est irrecevable.

18. En revanche et en dernier lieu, si la CNIL soutient que le litige a perdu son objet en tant qu’il porte sur deux liens renvoyant vers les sites « booknode.com » et « babelio.com » dès lors qu’ils n’apparaissent plus dans les résultats affichés par l’onglet « images » du moteur de recherche exploité par la société Google, il ressort des pièces du dossier que ces liens sont encore accessibles sur l’onglet principal du moteur de recherche à partir d’une recherche portant sur le nom de M. A…. Il s’ensuit que la requête conserve son objet en tant qu’elle porte sur ces deux liens.

Sur la légalité de la décision en tant qu’elle porte sur des liens menant vers des pages web contenant des données ne relevant pas de catégories particulières :

19. Il ressort des pièces du dossier que l’article du site BookNode vers lequel renvoie l’un des deux liens restant en litige se borne à proposer un résumé du roman du requérant intitulé Y, publié en 2009 et ayant alors fait l’objet d’une couverture médiatique. L’article en cause comporte un certain nombre de données à caractère personnel concernant l’auteur de cet ouvrage autobiographique qui sont toutes extraites de ce livre et dont aucune ne relève de catégories particulières.

20. Eu égard à la nature et au contenu des données à caractère personnel figurant sur le site BookNode, à leur source ainsi qu’au fait que leur accessibilité procède de l’activité littéraire de M. A… et compte tenu de l’intérêt qui s’attache, pour le public, à pouvoir accéder aux recensions de livres publiés à partir d’une recherche portant sur le nom de leurs auteurs, la CNIL a pu légalement estimer que l’intérêt prépondérant du public à avoir accès à ces informations à partir d’une recherche effectuée sur le nom de l’intéressé faisait obstacle, en dépit de leur ancienneté et du fait que l’ouvrage n’est désormais plus édité, à ce qu’il soit fait droit à la demande de M. A….

Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu’elle porte sur des liens menant vers des pages web contenant des données relevant de catégories particulières :

21. Il ressort des pièces du dossier que le site « Babelio » vers lequel renvoie le second des deux liens restant en litige comporte une fiche descriptive du livre Y, faisant état d’un certain nombre de données à caractère personnel concernant le requérant, dont certaines conduisent à révéler son orientation sexuelle. Dès lors que les informations relatives à son orientation sexuelle sont issues du roman à caractère autobiographique qu’il a publié, les données en cause doivent être regardées comme ayant été manifestement rendues publiques par M. A….

22. Eu égard à la nature et au contenu des données à caractère personnel figurant sur le site « Babelio », au fait que le requérant n’exerce plus d’activités littéraires et que le roman dont elles proviennent n’est aujourd’hui plus édité et compte tenu des répercussions qu’est susceptible d’avoir pour l’intéressé le maintien des liens permettant d’y avoir accès à partir d’une recherche effectuée sur son nom, la CNIL n’a pu légalement estimer, alors même que les informations litigieuses avaient été manifestement rendues publiques par l’intéressé en 2009, que le référencement du lien permettant d’y avoir accès à partir d’une recherche effectuée sur le nom de M. A… présentait un intérêt prépondérant pour le public, alors que, par ailleurs, les pages des résultats d’une telle recherche comportaient des liens menant vers des informations faisant état du roman en cause.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… est seulement fondé à demander l’annulation de la décision du 9 mars 2017 en tant qu’elle porte sur le lien renvoyant vers le site « Babelio ».

D E C I D E :
————–

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A… dirigées contre la décision de la CNIL en tant qu’elle porte sur les liens renvoyant vers les sites « culturez-vous.over-blog.com » et « wrath.typepad.com ».

Article 2 : La décision de la CNIL du 9 mars 2017 est annulée en tant qu’elle porte sur le lien menant vers le site « Babelio ».

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A… est rejeté.

Article 4: La présente décision sera notifiée à M. A…, à la Commission nationale de l’informatique et des libertés et à la société Google.

Le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles l’exigence d’autonomie de l’autorité environnementale est respectée lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région compétent pour délivrer l’avis environnemental

CE, 6-5 chr, Association « Des évêques aux cordeliers » et autres 5 févr. 2020, n° 425451, Lebon T

Article 6 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 imposant que, dans le cas où l’autorité publique compétente pour autoriser un projet est en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l’entité administrative concernée dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.

Article R. 122-6 du code de l’environnement, dans sa version issue du décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011, prévoyant qu’à l’exception des cas qu’il énumère, le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé est l’autorité compétente en matière d’environnement.

Lorsque le préfet de région est l’autorité compétente pour autoriser le projet, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, si la mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), définie par le décret n° 2015-1229 du 2 octobre 2015 et les articles R. 122-21 et R. 122-25 du code de l’environnement, peut être regardée comme disposant, à son égard, d’une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental dans des conditions répondant aux exigences résultant de la directive, il n’en va pas de même des services placés sous son autorité hiérarchique, comme en particulier la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

Lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l’avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu’autorité environnementale doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d’une autonomie réelle répondant aux exigences de l’article 6 de la directive, sauf dans le cas où c’est le même service qui a, à la fois, instruit la demande d’autorisation et préparé l’avis de l’autorité environnementale.

En particulier, les exigences de la directive, tenant à ce que l’entité administrative appelée à rendre l’avis environnemental sur le projet dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la DREAL et que l’avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins que l’avis n’ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l’article R. 122-21 du code de l’environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.

Cf. CE, 6 décembre 2017, Association France Nature Environnement, n° 400559, T. pp. 499-691. Rappr., s’agissant de l’évaluation des plans et programmes prévue par la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001, CJUE, 20 octobre 2011, Department of the Environment for Northern Ireland contre Seaport (NI) Ltd et autres, aff. C-474/10, Rec. p. I-10227.

Cf., sur les conditions dans lesquelles l’exigence d’autonomie est dans ce cas respectée, CE, 20 septembre 2019, Ministre de la transition écologique et solidaire c/ Association  » Sauvons le paradis  » et autres, n° 428274, à mentionner aux Tables.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 425451
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:425451.20200205
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6e – 5e chambres réunies
Mme Carine Chevrier, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats

Lecture du mercredi 5 février 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

L’association « Des évêques aux cordeliers », la société civile d’exploitation agricole et forestière M… de Becourt, M. A… I…, M. C… F…, M. L… G…, Mme E… G…, M. D… H…, M. C… B…, Mme J… B… et M. K… M… ont demandé au tribunal administratif de Besançon d’annuler l’arrêté du 16 octobre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Saône a délivré à la société Eole-Res une autorisation d’exploiter dix éoliennes sur les territoires des communes d’Andelarre, Baignes, Mont-le-Vernois et Rosey. Par un jugement no 1500635 du 23 mai 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17NC01857 du 4 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel formé par l’association « Des évêques aux cordeliers » et autres contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 novembre 2018, le 11 février et le 23 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association « Des évêques aux cordeliers », la société civile d’exploitation agricole et forestière M… de Becourt, M. F…, M. et Mme G…, M. H…, M. et Mme B… et M. M… demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société Res la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
– le code de l’environnement ;
– l’arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Carine Chevrier, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l’association « Des évêques aux cordeliers » et autres et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Res ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 janvier 2020, présentée par la ministre de la transition écologique et solidaire ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 janvier 2020, présentée par la société Res ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet de la Haute-Saône, par un arrêté du 16 octobre 2014, a autorisé la société Eole Res, devenue Res, à exploiter un parc de dix éoliennes sur les territoires des communes d’Andelarre, Baignes, Mont-le-Vernois et Rosey. Le tribunal administratif de Besançon, par un jugement du 23 mai 2017, a rejeté la demande de l’association « Des évêques aux cordeliers » et autres tendant à l’annulation de cette autorisation d’exploiter. Par un arrêt du 4 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté leur appel contre ce jugement.

2. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d’ouvrage et sur la demande d’autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d’une manière générale ou au cas par cas. (…) ». L’article L. 122-1 du code de l’environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l’espèce, que : « I. – Les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine sont précédés d’une étude d’impact. (…) / III. – Dans le cas d’un projet relevant des catégories d’opérations soumises à étude d’impact, le dossier présentant le projet, comprenant l’étude d’impact et la demande d’autorisation, est transmis pour avis à l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement. (…). / IV.- La décision de l’autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage à réaliser le projet prend en considération l’étude d’impact, l’avis de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement et le résultat de la consultation du public (…) ». En vertu du III de l’article R. 122-6 du même code, dans sa version issue du décret du 29 décembre 2011 portant réforme des études d’impact des projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagement, applicable au litige, l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement mentionnée à l’article L. 122-1, lorsqu’elle n’est ni le ministre chargé de l’environnement, dans les cas prévus au I de cet article, ni la formation compétente du Conseil général de l’environnement et du développement durable, dans les cas prévus au II de ce même article, est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d’ouvrage ou d’aménagement doit être réalisé.

3. L’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 a pour objet de garantir qu’une autorité compétente et objective en matière d’environnement soit en mesure de rendre un avis sur l’évaluation environnementale des projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l’interprétation de l’article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l’Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l’affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l’entité administrative concernée dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.

4. Lorsque le préfet de région est l’autorité compétente pour autoriser le projet, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, si la mission régionale d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable, définie par le décret du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l’environnement et du développement durable et les articles R. 122-21 et R. 122-25 du code de l’environnement, peut être regardée comme disposant, à son égard, d’une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental dans des conditions répondant aux exigences résultant de la directive, il n’en va pas de même des services placés sous son autorité hiérarchique, comme en particulier la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

5. Lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l’avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu’autorité environnementale doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d’une autonomie réelle répondant aux exigences de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011, sauf dans le cas où c’est le même service qui a, à la fois, instruit la demande d’autorisation et préparé l’avis de l’autorité environnementale. En particulier, les exigences de la directive, tenant à ce que l’entité administrative appelée à rendre l’avis environnemental sur le projet dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et que l’avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins que l’avis n’ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l’article R. 122-21 du code de l’environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.

6. Par suite, en jugeant que, par principe, il avait été répondu aux exigences de la directive dès lors que l’avis de l’autorité environnementale avait été émis par le préfet de région et que la décision attaquée avait été prise par le préfet de département, alors qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que la même unité territoriale de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Franche-Comté avait à la fois instruit la demande d’autorisation et préparé l’avis de l’autorité environnementale, la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’une erreur de droit. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l’association « Des évêques aux cordeliers » et autres sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser aux requérants au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’association « Des évêques aux cordeliers » et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 4 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Nancy.

Article 3 : L’Etat versera à l’association « Des évêques aux cordeliers » et autres la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par la société Res sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’association « Des évêques aux cordeliers », première dénommée pour l’ensemble des requérants, à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Res.

Les propriétaires de terres agricoles n’ont qualité leur donnant intérêt à agir contre l’arrêté préfectoral autorisant l’exploitation de terres à un tiers qu’en tant qu’il autorise l’exploitation par ce tiers des terres dont ils sont propriétaires.

CE, 5-6 chr, 5 févr. 2020, n° 419790, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 419790
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:419790.20200205
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5e – 6e chambres réunies
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats

Lecture du mercredi 5 février 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B… D…, Mme H… D… et M. E… G… ont demandé au tribunal administratif d’Amiens d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 28 mars 2010 par lequel le préfet de l’Oise a accordé à M. I… F… l’autorisation d’exploiter des terres d’une surface de 171 hectares et 25 centiares situées sur le territoire des communes de Nanteuil-le-Haudoin, Rouville, Baron, Levignen, Russy-Bemont et Cuvergnon dans le département de l’Oise et sur le territoire des communes de Dammarie, La Bourdinière Saint-Loup et Fresnay-le-Conte dans le département de l’Eure-et-Loir. Par un jugement n° 1001506 du 29 mai 2012, le tribunal administratif d’Amiens a annulé l’arrêté attaqué.

Par un arrêt n° 12DA01168 du 3 octobre 2013, la cour administrative d’appel de Douai a, sur appel de M. F…, annulé ce jugement en tant qu’il annule l’arrêté du 28 mars 2010 en tant qu’il porte sur « 115 hectares 28 ares 82 centiares » situés dans le département de l’Oise et rejeté le surplus de la requête.

Par une décision n° 373816 du 20 novembre 2015, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux a, sur pourvoi de M. F…, annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel.

Par un arrêt n° 15DA01850 du 6 février 2018, la cour administrative d’appel, statuant sur renvoi du Conseil d’Etat, a annulé le jugement du 29 mai 2012 en tant qu’il annule l’arrêté du 28 mars 2010 en tant qu’il autorise l’exploitation des terres situées dans le département de l’Oise et rejeté le surplus de la requête de M. F….

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 avril et 10 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. F… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme D… et de M. G… la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. F… et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme D… et de M. G….

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à l’espèce : « Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : / 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu’il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures (…) / 5° Les agrandissements ou réunions d’exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l’exploitation du demandeur est supérieure à un maximum fixé par le schéma directeur départemental des structures, sans que ce maximum puisse être inférieur à cinq kilomètres (…)  ». Aux termes de l’article L. 331-3 du même code, dans sa rédaction applicable : « L’autorité administrative se prononce sur la demande d’autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l’objet de la demande. Elle doit notamment (…) / 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées (…) par rapport au siège de l’exploitation (…) ».

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 28 mars 2010 pris après consultation du préfet d’Eure-et-Loir, le préfet de l’Oise a délivré à M. F…, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, une autorisation d’exploiter des terres d’une superficie d’environ cent soixante et onze hectares, réparties entre ces deux départements. Par un jugement du 29 mai 2012, le tribunal administratif d’Amiens a, à la demande de M. et Mme D… et de M. G…, propriétaires d’une partie de ces terres, annulé cet arrêté dans sa totalité. Par un arrêt du 6 février 2018, la cour administrative d’appel de Douai a, sur appel de M. F…, annulé ce jugement en tant qu’il annule l’autorisation d’exploiter les terres situées dans le département de l’Oise.

3. M. F… se pourvoit en cassation contre cet arrêt du 6 février 2018 en tant qu’il annule l’autorisation d’exploiter les terres situées dans le département d’Eure-et-Loir.

Sur la recevabilité des conclusions de première instance :

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme D… et M. G… sont propriétaires d’environ cinquante-cinq hectares de terres agricoles dans le département d’Eure-et-Loir, qui constituent une partie seulement des soixante-neuf hectares et cinquante ares de terres agricoles que le préfet de l’Oise a, par l’arrêté litigieux du 28 mars 2010, autorisé M. F… à exploiter dans ce département. Ils n’avaient, par suite, d’intérêt leur donnant qualité à agir contre l’arrêté litigieux qu’en tant qu’il autorisait l’exploitation par M. F… des terres dont ils étaient propriétaires.

5. M. F… est, par suite, fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque en tant qu’il rejette sa requête dirigée contre le jugement du 29 mai 2012 du tribunal administratif d’Amiens en ce qu’il fait droit aux conclusions de M. et Mme D… et de M. G… dirigées contre l’arrêté litigieux en ce qu’il concerne les terres dont ces derniers ne sont pas propriétaires.

Sur le surplus des conclusions du pourvoi :

6. En premier lieu, il résulte des dispositions du I de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction applicable à l’espèce, que les critères qu’elles fixent pour déterminer celles des opérations qui sont soumises à autorisation administrative préalable s’appliquent indépendamment de ceux, prévus par l’article L. 331-3 du même code, au vu desquels le préfet se prononce sur les demandes d’autorisation qui lui sont soumises. Ainsi, en jugeant que le critère prévu au 7° de ce dernier article, qui impose au préfet de « prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées (…) par rapport au siège de l’exploitation », était applicable à l’opération litigieuse, alors même qu’elle ne relevait pas de celles qui sont soumises à autorisation en application du critère de distance fixé par le 5° de l’article L. 331-2, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.

7. En second lieu, en estimant que la distance de cent soixante kilomètres entre le siège de l’exploitation de M. F…, situé dans l’Oise, et les terres d’Eure-et-Loir dont il sollicitait l’exploitation était excessive et constituait un obstacle à une mise en valeur rationnelle, directe et personnelle des terres, la cour a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, qui, en dépit de la nature de la culture envisagée et des pratiques des anciens preneurs, est exempte de dénaturation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai doit être annulé en tant seulement qu’il rejette l’appel formé par M. F… contre le jugement du 29 mai 2012 du tribunal administratif d’Amiens en ce qu’il annule l’arrêté préfectoral du 28 mars 2010 en tant qu’il concerne les parcelles, d’une superficie de 13 ha 53 a 82 ca, situées en Eure-et-Loir et n’appartenant pas à M. et Mme D… ou à M. G….

9. Aux termes du second alinéa de l’article L. 821-2 du code de justice administrative : « Lorsque l’affaire fait l’objet d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat statue définitivement sur cette affaire ». Le Conseil d’Etat étant saisi, en l’espèce, d’un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l’affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée.

10. Ainsi qu’il a été dit ci-dessus, M. et Mme D… et Mme G… ne justifient pas, en leur qualité de propriétaires de terres agricoles, d’un intérêt à agir contre l’arrêté du 28 mars 2010 en tant qu’il autorise M. F… à exploiter des terres dont ils ne sont pas propriétaires. Par suite, M. F… est fondé à demander l’annulation du jugement du 29 mai 2012 du tribunal administratif d’Amiens en ce qu’il annule l’arrêté préfectoral du 28 mars 2010 en tant qu’il concerne les terres situées en Eure-et-Loir n’appartenant pas à M. et Mme D… ou à M. G….

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. D…, de Mme D… et de M. G… la somme de 1 000 euros chacun à verser à M. F… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n’y a pas lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier la somme demandée au même titre par M. et Mme D… et M. G….

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt du 6 février 2018 de la cour administrative d’appel de Douai est annulé en tant qu’il rejette les conclusions d’appel de M. F… dirigées contre le jugement du 29 mai 2012 du tribunal administratif d’Amiens en ce qu’il annule l’arrêté du 28 mars 2010 du préfet de l’Oise en tant qu’il concerne la partie des terres situées en Eure-et-Loir, d’une contenance de 13 ha 53 a 82 ca, n’appartenant pas à M. et Mme D… ou à M. G….

Article 2 : Le jugement du 29 mai 2012 du tribunal administratif d’Amiens est annulé en ce qu’il annule l’arrêté du 28 mars 2010 du préfet de l’Oise en tant qu’il concerne la partie des terres situées en Eure-et-Loir, d’une superficie de 13 ha 53 a 82 ca, n’appartenant pas à M. et Mme D… ou à M. G….

Article 3 : M. D…, Mme D… et M. G… verseront, chacun, une somme de 1 000 euros à M. F… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par M. et Mme D… et M. G… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. I… F…, à M. A… D…, à Mme C… D… et à M. E… G….
Copie en sera adressée au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Lorsqu’il examine une demande d’admission exceptionnelle au séjour en qualité de « salarié » ou « travailleur temporaire », il appartient au préfet, après avoir vérifié le respect des conditions objectives fixées par l’article L. 313-15 du CESEDA, de porter une appréciation globale sur la situation de l’intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française

CE, 2-7 chr, 11 déc. 2019, n° 424336, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 424336
ECLI:FR:CECHR:2019:424336.20191211
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2e – 7e chambres réunies
Mme Stéphanie Vera, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
SCP JEAN-PHILIPPE CASTON, avocats

Lecture du mercredi 11 décembre 2019REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler les décisions du préfet du Rhône du 23 mars 2017 lui refusant la délivrance d’un titre de séjour, l’obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d’office.

Par un jugement n° 1704406 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 18LY00959 du 18 juin 2018, le président de la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par M. A… contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 19 septembre et 12 décembre 2018 et 19 juillet 2019, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à ses conclusions d’appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Jean-Philippe Caston, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
– le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. A… ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A…, ressortissant guinéen, né le 6 septembre 1998, est entré en France le 7 septembre 2014. Le 7 octobre 2016, il a sollicité la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par un arrêté du 23 mars 2017, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, assorti d’une décision l’obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays de renvoi. M. A… se pourvoit contre l’ordonnance du 18 juin 2018, par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Lyon, s’appropriant les motifs du jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 décembre 2017, a rejeté l’appel de M. A… dirigé contre ce jugement.

Sur les conclusions aux fins de non-lieu présentées par le ministre de l’intérieur :

2. Il ressort des écritures en défense du ministre qu’a été délivré le 12 décembre 2018 à M. A… un récépissé valant autorisation provisoire de séjour dans l’attente de l’instruction de sa demande, valable jusqu’au 11 juin 2019 et renouvelé le 17 juin 2019 pour une période allant jusqu’au 16 septembre 2019. Cette décision a eu pour effet d’abroger l’arrêté litigieux du 23 mars 2017 en tant qu’il lui faisait obligation de quitter le territoire français et en tant qu’il fixait le pays de destination. Par suite, les conclusions du pourvoi de M. A… dirigées contre l’ordonnance en tant qu’elle tend à l’annulation de cet arrêté en tant qu’il lui fait obligation de quitter le territoire français et qu’il fixe le pays de destination sont devenues sans objet. Il n’y a, dès lors, pas lieu d’y statuer.

Sur le surplus des conclusions de M. A… :

3. Aux termes de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l’article L. 313-10 portant la mention »salarié« ou la mention »travailleur temporaire« peut être délivrée, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l’article L. 313-2 n’est pas exigé ».

4. Lorsqu’il examine une demande d’admission exceptionnelle au séjour en qualité de « salarié » ou « travailleur temporaire », présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d’abord que l’étranger est dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu’il a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et dix-huit ans, qu’il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l’ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l’intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste dans l’appréciation ainsi portée.

5. Pour estimer que le préfet avait pu rejeter la demande de titre de séjour de M. A…, le président de la cour administrative d’appel de Lyon a, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, relevé que si M. A…, pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance du Rhône à l’âge de 16 ans et un mois et inscrit au sein de la Société lyonnaise pour l’enfance et l’adolescence en atelier pâtisserie à compter du 1er juillet 2015 avait fait l’objet d’appréciations élogieuses de la part de ses enseignants, il n’établissait pas, malgré le décès de ses parents, être isolé dans son pays d’origine. En statuant ainsi pour caractériser l’absence d’erreur manifeste d’appréciation commise par le préfet, la cour a fait du critère de l’isolement familial un critère prépondérant pour l’octroi du titre de séjour mentionné à l’article L. 313-15 précité, alors, d’une part, que les dispositions de cet article n’exigent pas que le demandeur soit isolé dans son pays d’origine et, d’autre part, que la délivrance du titre doit procéder, ainsi qu’il a été dit au point 4, d’une appréciation globale sur la situation de la personne concernée au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, des liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur son insertion dans la société française. Elle a par suite commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A… est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance du président de la cour administrative d’appel de Lyon en tant qu’elle porte sur le refus de titre de séjour opposé à sa demande.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond dans cette mesure en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que M. A… est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué dont la cour administrative d’appel s’était appropriée les motifs, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de la décision par laquelle le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour.

9. Il en résulte également qu’en refusant de délivrer à M. A… le titre mentionné à l’article L. 313-15 au motif que celui-ci ne justifiait pas ne pas avoir conservé de liens familiaux dans son pays d’origine, le préfet du Rhône a commis une erreur de droit. Par suite, M. A… est fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 23 mars 2017.

10. Il y a lieu d’enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer la demande de M. A… dans un délai d’un mois.

11. M. A… ayant obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. A…, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de M. A… tendant à l’annulation de l’arrêté du Préfet du Rhône du 23 mars 2017 en tant qu’il lui fait obligation de quitter le territoire français et qu’il fixe le pays de destination.

Article 2 : L’ordonnance du 18 juin 2018 du président de la cour administrative d’appel de Lyon, le jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 décembre 2017 et l’arrêté du préfet du Rhône du 23 mars 2017 sont annulés en tant qu’ils sont relatifs au refus de titre de séjour opposé à la demande de M. A…

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la demande de M. A… dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L’Etat versera à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. A…, la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B… A…, au ministre de l’intérieur et au préfet du Rhône.

 

Le divorce d’une personne ayant obtenu la qualité de réfugié au titre de l’unité de la famille à raison du statut dont bénéficie son ancien conjoint constitue un changement dans les circonstances justifiant que l’OFPRA puis, le cas échéant, à la CNDA, apprécie à nouveau si l’intéressé doit continuer à bénéficier de la protection internationale.

CE, 2-7 chr, 29 nov. 2019, n° 421523, Lebon T.

Cf., sur le principe d’unité de la famille, CE, Assemblée, 2 décembre 1994, Agyepong, n° 112842, p. 523.

Rappr., en précisant, CE, 25 novembre 1998, Mme Niangi, n° 164682, p. 434 ; s’agissant de l’office du juge de l’asile saisi d’une décision de cessation du statut de réfugié, CE, 28 décembre 2017, Office français de protection des réfugiés et apatrides, n° 404756, T. pp. 476-478-768.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 421523
ECLI:FR:CECHR:2019:421523.20191129
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2e – 7e chambres réunies
Mme Stéphanie Vera, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats

Lecture du vendredi 29 novembre 2019REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. C… A… a demandé à la Cour nationale du droit d’asile d’annuler la décision du 3 novembre 2016 par laquelle le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides a mis fin au statut de réfugié qui lui avait été antérieurement reconnu.

Par une décision n° 16038156 du 23 janvier 2018, la Cour nationale du droit d’asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi enregistré le 15 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette décision ;

2°) réglant l’affaire au fond, d’annuler la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et de lui rétablir la reconnaissance du statut de réfugié ;

3°) de mettre à la charge de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. A… ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes des stipulations de l’article 1er, A, 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Aux termes de la section C de l’article 1er de la convention de Genève : « Cette convention cessera … d’être applicable à toute personne visée par les dispositions de la section A ci-dessus : … 5. Si les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d’exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité (…) ». Le premier alinéa de l’article L. 711-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que « L’Office français de protection des réfugiés et apatrides peut mettre fin, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, au statut de réfugié lorsque la personne concernée relève de l’une des clauses de cessation prévues à la section C de l’article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951, précitée. Pour l’application des 5 et 6 de la même section C, le changement dans les circonstances ayant justifié la reconnaissance de la qualité de réfugié doit être suffisamment significatif et durable pour que les craintes du réfugié d’être persécuté ne puissent plus être considérées comme fondées ».

2. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d’asile que M. A…, ressortissant russe d’origine tchétchène, est arrivé en France en février 2015 pour y rejoindre son épouse, Mme D… B…, admise au statut de réfugié le 24 juin 2014. Par une décision du 28 mai 2015, M. A… a été admis au statut de réfugié. A la suite de son divorce prononcé par le tribunal de grande instance de Nice le 16 novembre 2015, le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, précisant que l’intéressé avait obtenu le statut de réfugié au titre de l’unité de la famille, a fait application des dispositions de l’article L. 711-4 du même code et a, par une décision du 3 novembre 2016, mis fin au statut de réfugié de M. A…. Le requérant demande l’annulation de la décision, en date du 23 janvier 2018, par laquelle la Cour nationale du droit d’asile a rejeté son recours dirigé contre cette décision.

3. En premier lieu, aux termes de l’article L. 711-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile « La qualité de réfugié est reconnue à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ainsi qu’à toute personne sur laquelle le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu’adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ou qui répond aux définitions de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ». En mentionnant ces dispositions dans la décision octroyant la qualité de réfugié, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides se borne à indiquer la base légale de sa décision sans préciser à quel titre la qualité de réfugié a été reconnue, laquelle peut l’être au titre du principe d’unité de la famille. C’est, par suite, sans erreur de droit que la Cour nationale du droit d’asile s’est référée à des éléments extérieurs à la décision du 28 mai 2015 accordant l’asile à M. A… pour rechercher à quel titre cette décision avait été prise et retenir, au vu notamment du dossier d’instruction de l’Office, qu’elle l’avait été à raison de l’octroi de ce statut à son épouse.

4. En deuxième lieu, le divorce d’une personne ayant obtenu la qualité de réfugié au titre de l’unité de la famille à raison du statut dont bénéficie son ancien conjoint constitue un changement dans les circonstances ayant justifié la reconnaissance de la qualité de réfugié au sens des stipulations et dispositions citées au point 1. Il appartient, dès lors, à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides puis, le cas échéant, à la Cour nationale du droit d’asile, d’apprécier, compte tenu de ce changement et au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce, si l’intéressé doit continuer à bénéficier de la protection qui lui avait été accordée.

5. Pour rejeter le recours de M. A…, la Cour a considéré, d’une part, que celui-ci ne pouvait continuer à bénéficier de la protection internationale au titre de l’unité de la famille en raison notamment de son divorce, et d’autre part, que ni les pièces du dossier ni les déclarations du requérant ne permettaient de tenir pour fondées les craintes personnelles et actuelles qu’il évoquait en cas de retour en Russie.

6. Si M. A… soutient que son divorce d’avec Mme B… n’établit pas la rupture totale de l’unité familiale, la Cour, appréciant souverainement les faits de l’espèce, a pu estimer que ni l’existence alléguée de reprise de vie commune avec son ex-épouse, ni son intention de rester auprès de ses enfants lesquels bénéficient de la qualité de réfugié, ne faisaient obstacle à ce qu’il soit mis fin au statut du fait de son divorce qu’elle a regardé, sans dénaturer les faits ni commettre d’erreur de droit, comme un changement des circonstances suffisamment significatif et durable.

7. D’autre part, en jugeant que les éléments produits par M. A…, tendant à établir l’existence de persécutions de la part d’unités spéciales tchétchènes en raison des démarches engagées contre son ancien employeur ou un lien entre ses propres craintes et celles ayant justifié la reconnaissance du statut de réfugié à son ex-épouse, ne permettaient pas de tenir les craintes alléguées pour fondées, la Cour a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 23 janvier 2018 de la Cour nationale du droit d’asile. Son pourvoi doit donc être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Le pourvoi de M. A… est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C… A… et à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Il n’appartient pas au juge administratif, saisi d’une question préjudicielle en appréciation de la légalité d’un acte non réglementaire, de statuer sur la recevabilité de l’exception d’illégalité de cet acte, et notamment, pour ce faire, de déterminer, dans l’hypothèse où cet acte n’aurait pas été régulièrement notifié, si le délai raisonnable pour en demander l’annulation a expiré

CE, 2-7 chr, Procureur de la République de Marseille 29 nov. 2019, n° 429248, Lebon T.

Cf. CE, Assemblée, 13 juillet 2016, M. Czabaj, n° 387763, p. 340. CE, 19 mai 2000, Mutuelle de la RTAP, n° 208545, T. pp. 858-906.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 429248
ECLI:FR:CECHR:2019:429248.20191129
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2e – 7e chambres réunies
Mme Stéphanie Vera, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public

Lecture du vendredi 29 novembre 2019

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par un jugement en date du 28 mars 2019, enregistré le 29 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le tribunal de grande instance de Marseille a sursis à statuer sur la demande présentée par le procureur de la République de Marseille tendant à contester la délivrance le 11 mai 2015 par le greffier en chef du tribunal d’instance de Roubaix d’un certificat de nationalité française à M. A… B… et a saisi le Conseil d’Etat de la question de la légalité du décret du 22 décembre 1971 libérant M. A… B… de ses liens d’allégeance avec la France.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code civil ;
– le code de la nationalité française ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement en date du 28 mars 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a sursis à statuer dans l’instance relative à la nationalité de M. A… B… jusqu’à ce que le Conseil d’Etat ait statué sur la légalité du décret du 22 décembre 1971 en tant qu’il a libéré M. B… de ses liens d’allégeance avec la France.

2. Aux termes de l’article 91 du code de la nationalité française, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué : « Perd la nationalité française, le Français même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est autorisé, sur sa demande, par le Gouvernement français, à perdre la qualité de Français. – Cette autorisation est accordée par décret. – Le mineur doit, le cas échéant, être autorisé ou représenté dans les conditions prévues aux articles 53 et 54 ». L’article 53 du même code dans sa rédaction alors en vigueur dispose que : « Le mineur âgé de dix-huit ans peut réclamer la qualité de Français sans aucune autorisation. / S’il est âgé de seize ans mais n’a pas atteint l’âge de dix-huit ans, le mineur ne peut réclamer la nationalité française que s’il est autorisé par celui de ses père et mère qui a l’exercice de la puissance paternelle ou, à défaut, par son tuteur, après avis conforme du conseil de famille (…) ». Selon l’article 372 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué : « Pendant le mariage, les père et mère exercent en commun leur autorité ».

3. En l’absence de prescription en disposant autrement, les conditions d’âge fixées par ces articles s’apprécient à la date de signature des décrets pris sur leur fondement. Il en résulte que, si des parents peuvent formuler au nom d’un enfant mineur une demande tendant à ce que celui-ci soit libéré de ses liens d’allégeance avec la France, le décret prononçant une telle libération ne peut, toutefois, être signé, si l’intéressé a atteint l’âge de seize ans, sans qu’il ait lui-même exprimé, avec l’accord de ceux qui exercent sur lui l’autorité parentale, une demande en ce sens et, s’il a atteint l’âge de dix-huit ans, sans qu’il ait personnellement déposé une demande à cette fin.

4. Il ressort des pièces du dossier que si M. A… B…, né le 26 novembre 1953, a sollicité alors qu’il était mineur de moins de dix-huit ans, par un courrier en date du 24 septembre 1971 dont il n’est pas établi qu’il n’en serait pas l’auteur, la libération de ses liens d’allégeance avec la France, le décret dont il conteste la légalité est intervenu le 22 décembre 1971, alors qu’il était âgé de plus de dix-huit ans. Le Premier ministre pouvait dès lors légalement, à cette dernière date, autoriser M. B… à perdre la nationalité française au vu de sa seule demande, sans qu’ait été nécessaire l’accord de ceux qui exerçaient alors sur lui l’autorité parentale.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir que le décret du 22 décembre 1971 est entaché d’illégalité.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Il est déclaré que l’exception d’illégalité du décret du 22 décembre 1971 soulevée par M. A… B… devant le tribunal de grande instance de Marseille n’est pas fondée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au tribunal de grande instance de Marseille, à M. A… B… et au ministre de l’intérieur.

Si l’intéressée était placée en congé maladie à la date de la décision mettant fin à ses fonctions, aucun texte ni aucun principe ne faisait obstacle à ce qu’il soit mis fin à ses fonctions et qu’il soit ainsi décidé de la licencier à l’issue de son stage.

CE, 2-7 chr, 11 déc. 2019, n° 427522, Lebon T

Si les I et III de l’article 8 du décret n° 64-260 du 14 mars 1964 ne prévoient pas la possibilité de proroger la période de stage de deux ans que doit accomplir, dans les fonctions de directeur du cabinet de préfet, le sous-préfet recruté au titre des dispositions du 3° du I, l’absence de décision prise à l’issue du stage de l’intéressée n’a pas eu pour effet de la faire bénéficier d’une titularisation tacite. L’intéressée a conservé la qualité de stagiaire jusqu’à la date de la décision mettant fin à ses fonctions, ainsi intervenue à l’issue du stage et non dans le cours de celui-ci.

Cette décision n’a pas davantage eu pour objet ou pour effet de prolonger la durée du stage de l’intéressée.

Cette décision ne revêt pas de caractère disciplinaire et n’entre, de ce fait, dans aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées, notamment en application de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration ou qui doivent donner lieu à un entretien préalable. Par suite, le moyen tiré d’un défaut de motivation du décret prononçant la cessation de ses fonctions et du non-respect des droits de la défense ne peut qu’être écarté.

Cf., CE, 22 octobre 1993, Chambre de commerce et d’industrie de Digne et des Alpes de Haute-Provence c/ Mme Charles Alfred, n° 122191, T. pp. 579-637-853.

Rappr., sur l’exigence d’une décision expresse de titularisation en fin de stage, CE, 6 décembre 1999, M. Bonnaire, n° 198566, T. p. 842 ; s’agissant du renouvellement d’un praticien contractuel au-delà de la période de six ans mentionnée à l’article R. 6152-403 du CSP, CE, 30 juin 2017, M. Chauley, n° 393583, T. pp. 653-809.

Cf. CE, Section, 13 mai 1932, Sieur de Paul, n° 14918, p. 487.

Cf., s’agissant de l’absence d’obligation de motivation, CE, 29 juillet 1983, Ministre de la justice c/ Mlle Lorraine, n° 49641, T. pp. 595-762 ; s’agissant de l’absence d’obligation de mettre l’intéressé à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier, CE, Section, 3 décembre 2003, Syndicat intercommunal de restauration collective, n° 256879, p. 489.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 427522
ECLI:FR:CECHR:2019:427522.20191211
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2e – 7e chambres réunies
M. Sébastien Gauthier, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
SCP BOUTET-HOURDEAUX, avocats

Lecture du mercredi 11 décembre 2019REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 janvier, 26 avril et 16 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme A… B… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret du Président de la République du 4 décembre 2018 portant cessation de ses fonctions de sous-préfète, directrice de cabinet de la préfète du Cher ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 600 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le décret n° 64-260 du 14 mars 1964 ;
– le décret n° 2006-1482 du 29 novembre 2006 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Sébastien Gauthier, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de Mme B… ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 novembre 2019, présentée par Mme B… ;

Considérant ce qui suit :

1. Par décret du Président de la République en date du 2 août 2016 Mme A… B… a été nommée sous-préfète, directrice de cabinet du préfet de la Charente, sur le fondement du 3° du I de l’article 8 du décret du 14 mars 1964 portant statut des sous-préfets. Un décret du 31 juillet 2018 l’a nommée directrice de cabinet de la préfète du Cher. Le 4 décembre 2018, il a été mis fin à ses fonctions par un décret du Président de la République dont l’intéressée demande l’annulation.

2. Aux termes du I de l’article 8 du décret du 14 mars 1964 portant statut des sous-préfets : « I. (…) Peuvent être nommés au choix dans le corps des sous-préfets : 3° Des candidats non fonctionnaires âgés de trente-cinq ans au moins au 1er janvier de l’année considérée, et justifiant de l’exercice, durant huit années au total, d’une ou plusieurs activités professionnelles, remplissant les conditions générales d’accès à la fonction publique et titulaires d’un des diplômes requis pour le concours externe d’entrée à l’Ecole nationale d’administration (… ). » Aux termes du III du même article : « Les sous-préfets recrutés en application du présent article effectuent un stage de deux années. S’ils ont déjà la qualité de fonctionnaire, ils sont placés en position de détachement pour la durée de leur stage. / Lorsqu’ils sont recrutés au titre des dispositions du 3° du I du présent article, les sous-préfets effectuent obligatoirement leur stage dans les fonctions de directeur du cabinet de préfet. / A l’expiration de la période de stage, les sous-préfets recrutés en application du présent article sont soit titularisés, soit réintégrés dans leur corps ou cadre d’emplois d’origine, soit licenciés. »

3. En premier lieu, si ces dispositions ne prévoient pas la possibilité de proroger la période de stage de deux ans que doit accomplir, dans les fonctions de directeur du cabinet de préfet, le sous-préfet recruté au titre des dispositions du 3° du I de l’article 8 précité, l’absence de décision prise à l’issue du stage de Mme B… en août 2018 n’a pas eu pour effet de faire bénéficier l’intéressée d’une titularisation tacite. Mme B… a conservé la qualité de stagiaire jusqu’à la date de la décision attaquée, ainsi intervenue à l’issue du stage et non dans le cours de celui-ci. Cette décision, qui n’a pas davantage eu pour objet ou pour effet de prolonger la durée du stage de l’intéressée, ne revêt pas de caractère disciplinaire et n’entre, de ce fait, dans aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées, notamment en application de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration ou qui doivent donner lieu à un entretien préalable. Par suite, le moyen tiré d’un défaut de motivation du décret prononçant la cessation de ses fonctions et du non-respect des droits de la défense ne peut qu’être écarté.

4. En deuxième lieu, l’article 2 du décret du 29 novembre 2006 relatif au Conseil supérieur de l’appui territorial et de l’évaluation (CSATE) dispose, au premier alinéa de son II, que le conseil supérieur de l’appui territorial et de l’évaluation « assiste le ministre de l’intérieur dans l’évaluation, à intervalles réguliers, des préfets et sous-préfets. » L’article 4 du même décret dispose, que « chacun des membres du conseil supérieur, autre que le président, est chargé du suivi d’une circonscription. (…) / Le président du conseil supérieur est responsable des évaluations (…) Il arrête l’évaluation des préfets et, sur proposition des membres du conseil, celle des sous-préfets (…) / Aucun membre ne peut intervenir au titre de l’évaluation d’un fonctionnaire cité au premier alinéa de l’article 2 auprès duquel il a assumé une mission de conseil et de soutien ». Il ressort des pièces du dossier que, lorsqu’elle occupait les fonctions de directrice de cabinet du préfet de la Charente, Mme B… a fait l’objet, à partir notamment d’entretiens avec les membres du corps préfectoral, ses collaborateurs et ses divers correspondants, d’une évaluation qui a eu lieu les 27 et 28 février et 1er mars 2018, cette évaluation ayant été arrêtée par le président du CSATE le 4 avril 2018. M. C…, qui n’a pas participé à cette évaluation, a par la suite été désigné pour accompagner Mme B… dans la suite de son stage, qu’elle a effectué en tant que directrice de cabinet de la préfète du Cher. Dans ce cadre, à l’issue d’un entretien avec l’intéressée qui s’est tenu le 1er octobre 2018, il a estimé qu’un accompagnement renforcé de Mme B… n’était pas nécessaire. Ce faisant, il n’a donc pas procédé à l’évaluation de l’intéressée au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce qu’aurait été méconnue la règle fixée par le dernier alinéa de l’article 4 du décret du 29 novembre 2006 ne peut qu’être écarté.

5. En troisième lieu, si Mme B… a été placée en congé maladie à compter du 22 novembre 2018 et se trouvait dans cette position à la date de la décision attaquée, aucun texte ni aucun principe ne faisait obstacle à ce qu’il soit mis fin à ses fonctions et qu’il soit ainsi décidé de la licencier à l’issue de son stage.

6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier qu’il a été décidé de ne pas titulariser Mme B… au vu de l’évaluation réalisée à la fin du mois de février 2018. Tout en retenant son investissement et son dynamisme, celle-ci retenait en particulier la nécessité pour l’intéressée de trouver sa place en matière de sécurité publique et de confirmer son potentiel. Faisant par ailleurs état de témoignages, qui ne sont pas sérieusement contestés, sur ses demandes relatives aux différents moyens logistiques devant être mis à sa disposition et sur l’incidence de contingences personnelles sur son activité professionnelle, cette première évaluation a été corroborée par celle qui a été effectuée par la préfète du Cher à la fin du mois de septembre 2018, laquelle a confirmé l’existence de problèmes relationnels de l’intéressé avec ses supérieurs hiérarchiques, ses collaborateurs et ses divers interlocuteurs dans le département, et d’un investissement globalement insuffisant dans ses diverses fonctions. Il ressort des pièces du dossier que le Président de la République, qui ne s’est pas fondé sur des faits matériellement inexacts, n’a pas, au vu de l’ensemble de ces circonstances, commis d’erreur manifeste dans l’appréciation des aptitudes de l’intéressée à exercer, en qualité de titulaire, des fonctions dans le corps des sous-préfets.

7. En dernier lieu, le détournement de procédure n’est pas établi.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 4 décembre 2018 ne peuvent être accueillies.

9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

————–

Article 1er : La requête de Mme A… B… est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A… B… et au ministre de l’intérieur.