CE, 3e et 8e ch. réunies, Syndicat national de l’enseignement technique agricole public – Fédération syndicale unitaire 29 juill. 2020, n° 437891, Lebon T.
Texte intégral
Conseil d’État
N° 437891
ECLI:FR:CECHR:2020:437891.20200729
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3e et 8e chambres réunies
M. Laurent-Xavier Simonel, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public
Lecture du mercredi 29 juillet 2020 REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 janvier, 11 février et 19 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le Syndicat national de l’enseignement technique agricole public – Fédération syndicale unitaire (SNETAP-FSU) demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le 1° du IV du B relatif aux règles générales de mutation et le C relatif aux postes vacants et susceptibles d’être vacants offerts à la mobilité au titre de la rentrée scolaire de 2020, de la note de service n° SG/SRH/SDCAR/2020-35 du 16 janvier 2020 du ministre de l’agriculture et de l’alimentation relative aux règles et à la procédure applicables aux demandes de mutation pour la campagne annuelle de mobilité des personnels enseignants et d’éducation de l’enseignement technique agricole public (personnels stagiaires, titulaires et contractuels à durée indéterminée) et sous statut « agriculture » de l’enseignement maritime, en vue de la rentrée scolaire de 2020 ;
2°) d’enjoindre, sous astreinte, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de publier pour le mouvement l’ensemble des postes permanents et à temps complet ;
3°) d’enjoindre, sous astreinte, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de pourvoir les emplois permanents à temps plein par des agents titulaires et, par voie de conséquence, de reclasser les agents contractuels à durée indéterminée affectés à ces postes ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
– la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
– la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;
– la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
– le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
– le décret n° 2011-184 du 15 février 2011;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
— le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d’Etat en service extraordinaire,
— les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 juillet 2020, présentée par le Syndicat national de l’enseignement technique agricole public – Fédération syndicale unitaire (SNETAP-FSU) ;
Considérant ce qui suit :
1. La note de service du ministre de l’agriculture et de l’alimentation du 16 janvier 2020, rectifiée par la note de service n° SG/SRH/SDCAR/2020-47 du 23 janvier 2020 pour les listes annexées des postes accessibles à la mobilité et le calendrier, organise la campagne annuelle de mobilité géographique pour la rentrée scolaire de 2020 des personnels stagiaires, titulaires et contractuels recrutés en vertu d’un contrat à durée indéterminée affectés à des fonctions d’enseignement et d’éducation dans l’enseignement technique agricole public et, sous statut « agriculture », dans l’enseignement maritime. Le Syndicat national de l’enseignement technique agricole public – Fédération syndicale unitaire (SNETAP-FSU) demande l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions du 1° du IV du B et du C de cette note de service relatives, respectivement, aux règles générales de mutation et à la liste des postes vacants et susceptibles d’être vacants offerts à la mobilité, en tant qu’elles ne font pas figurer sur ces listes la totalité des postes correspondant aux emplois permanents et à temps complet auxquels sont affectés des agents contractuels d’enseignement et d’éducation bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l’original de la note de service contestée est revêtu, par délégation du ministre de l’agriculture et de l’alimentation, des signatures du chef du service de l’enseignement technique et du chef du service des ressources humaines. Par suite, le moyen tiré de ce qu’elle ne serait pas revêtue des signatures de ses auteurs manque en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l’article 15 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, dans sa rédaction applicable au litige : « I.- Dans toutes les administrations de l’Etat et dans tous les établissements publics de l’Etat ne présentant pas un caractère industriel ou commercial, il est institué un ou plusieurs comités techniques. / (…) / II.- Les comités techniques connaissent des questions relatives à l’organisation et au fonctionnement des services, des questions relatives aux effectifs, aux emplois et aux compétences, des projets de statuts particuliers ainsi que des questions prévues par un décret en Conseil d’Etat (…) ». Aux termes de l’article 34 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l’Etat : « Les comités techniques sont consultés, dans les conditions et les limites précisées pour chaque catégorie de comité par les articles 35 et 36 sur les questions et projets de textes relatifs : / (…) / 3° Aux règles statutaires et aux règles relatives à l’échelonnement indiciaire (…) ». Les dispositions contestées, qui se bornent à définir les modalités d’examen des demandes de mutation des personnels stagiaires, titulaires et contractuels recrutés en vertu d’un contrat à durée indéterminée, n’affectent aucune règle statutaire. Elles pouvaient, dès lors, être adoptées sans que le comité technique ministériel ne soit au préalable consulté.
4. En troisième lieu, aux termes de l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 : « I.– L’autorité compétente procède aux mutations des fonctionnaires en tenant compte des besoins du service. / II. – Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service et sous réserve des priorités instituées à l’article 62 bis, les affectations prononcées tiennent compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille ». Aux termes de l’article 61 de la même loi : « Les autorités compétentes sont tenues de faire connaître au personnel, dès qu’elles ont lieu, les vacances de tous emplois, sans préjudice des obligations spéciales imposées en matière de publicité par la législation sur les emplois réservés ».
5. Aux termes de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l’Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l’exception de ceux réservés aux magistrats de l’ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l’ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut ». Aux termes de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 : » Par dérogation au principe énoncé à l’article 3 du titre Ier du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants : (…) / 2° Lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, notamment : / a) Lorsqu’il s’agit de fonctions nécessitant des compétences techniques spécialisées ou nouvelles ; / b) Lorsque l’autorité de recrutement n’est pas en mesure de pourvoir l’emploi par un fonctionnaire présentant l’expertise ou l’expérience professionnelle adaptée aux missions à accomplir à l’issue du délai prévu par la procédure mentionnée à l’article 61 ( …) « . Si, en vertu des dispositions précitées de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983, les emplois civils permanents de l’Etat sont, sauf dérogation législative, en principe occupés par des fonctionnaires titulaires, ces derniers, bien qu’ils tiennent de leur statut le droit d’être placés sur un emploi correspondant à leur grade, ne bénéficient pas du droit d’obtenir tel emploi en particulier.
6. En outre, ainsi que l’indiquent les dispositions du 3° de l’article 45-3 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat pris pour l’application des articles 7 et 7 bis de la loi du 11 janvier 1984, si le licenciement d’un agent contractuel, recruté pour répondre à un besoin permanent, peut être justifié par le recrutement d’un fonctionnaire lorsqu’il s’agit de pourvoir un emploi soumis à la règle énoncée à l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983, il incombe à l’administration, avant de pouvoir prononcer pour ce motif le licenciement de l’agent contractuel recruté en vertu d’un contrat à durée indéterminée, de chercher à reclasser l’intéressé dans les conditions précisées au I de l’article 45-5 du même décret, aux termes duquel : « Le licenciement pour un des motifs prévus aux 1° à 4° de l’article 45-3 ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l’agent, dans un autre emploi que la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement des agents non titulaires, n’est pas possible. (…) / Il s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie hiérarchique ou à défaut, et sous réserve de l’accord exprès de l’agent, d’un emploi relevant d’une catégorie inférieure ». L’agent contractuel ne peut donc être licencié, sous réserve du respect des règles relatives au préavis et aux droits à indemnité qui résultent, pour les agents non-titulaires de l’Etat, des dispositions des titres XI et XII du même décret, que si le reclassement s’avère impossible.
7. Ainsi, compte tenu de l’ensemble de ces règles, il appartient à l’administration, lorsqu’elle organise, comme en l’espèce, un mouvement collectif tendant à répondre aux voeux de certains agents de changement d’affectation géographique, de décider, en fonction de l’intérêt du service, si elle entend ou non ouvrir à la mobilité des emplois qui sont occupés par des agents contractuels recrutés en vertu d’un contrat à durée indéterminée. Par suite, le syndicat requérant n’est pas fondé à soutenir que la note de service contestée serait illégale au motif que, en méconnaissance de la règle énoncée à l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983, l’administration a fait le choix de ne pas ouvrir à la mobilité les emplois occupés par des agents contractuels à durée indéterminée.
8. Par ailleurs, les dispositions, citées au point 4, de l’article 61 de la loi du 11 janvier 1984 n’imposent à l’administration de procéder à la publication de la vacance d’un emploi que lorsqu’elle décide de pourvoir cet emploi. Par suite, ces dispositions ne font pas obligation à l’administration de publier la liste des emplois occupés par des agents contractuels à durée indéterminée, dès lors qu’elle n’entend pas les pourvoir. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article ne peut, en conséquence, qu’être écarté.
9. En quatrième lieu, si le syndicat requérant soutient que la note de service qu’il conteste méconnaîtrait les dispositions du premier alinéa de l’article 14 de la loi du 13 juillet 1983 qui prévoient que : « L’accès des fonctionnaires de l’Etat, des fonctionnaires territoriaux et des fonctionnaires hospitaliers aux deux autres fonctions publiques, ainsi que leur mobilité au sein de chacune de ces trois fonctions publiques, constituent des garanties fondamentales de leur carrière », ces dispositions à caractère statutaire ne peuvent, en tout état de cause, être utilement invoquées à l’égard des opérations de mutation géographique des fonctionnaires.
10. Il résulte de ce tout ce qui précède que le Syndicat national de l’enseignement technique agricole public – Fédération syndicale unitaire n’est pas fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions de la note de service du 16 janvier 2020, rectifiée, qu’il attaque. Par suite, ses conclusions à fin d’injonction ne peuvent qu’être rejetées. Il en est de même de ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du Syndicat national de l’enseignement technique agricole public – Fédération syndicale unitaire est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national de l’enseignement technique agricole public – Fédération syndicale unitaire et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.