Il appartient au président du conseil départemental, appelé à fixer la participation des adultes handicapés aux frais afférents à leur prise en charge, d’apprécier si le niveau des ressources de l’intéressé, rapportées à la durée de son accueil temporaire en établissement, justifie son admission à l’aide sociale, en recherchant si l’acquittement du montant du forfait journalier hospitalier lui permettrait de conserver pendant la même période la disposition du minimum de ressources.

Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 10 juin 2020, 425065

Il résulte des articles L. 314-8, R. 314-194 et du 2° de l’article L. 314-8 du code de l’action sociale et des familles (CASF), éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 dont elles sont issues, que le législateur a entendu que la participation des personnes accueillies à titre temporaire dans un établissement pour adultes handicapés aux frais afférents à leur prise en charge n’excède pas, quelles que soient leurs ressources, un montant que l’article R. 314-194 du même code a fixé à hauteur du forfait journalier hospitalier prévu à l’article L. 174-4 du code de la sécurité sociale (CSS) pour un accueil avec hébergement.

En outre, il résulte du I de l’article L. 312-1 et des articles L. 344-5 et R. 344-29 du CASF qu’il appartient au président du conseil départemental, appelé à fixer cette participation, d’apprécier si le niveau des ressources de l’intéressé, rapportées à la durée de son accueil temporaire en établissement, justifie son admission à l’aide sociale, en recherchant si l’acquittement du montant du forfait journalier hospitalier lui permettrait de conserver pendant la même période la disposition du minimum de ressources mentionné au 1° de l’article D. 344-35 du CASF, pris pour l’application de l’article L. 344-5 du même code.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 425065
ECLI:FR:CECHR:2020:425065.20200610
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1re et 4e chambres réunies
M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur
M. Vincent Villette, rapporteur public

Lecture du mercredi 10 juin 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. C… A…, agissant en qualité de tuteur de son fils B…, majeur protégé, a demandé à la commission départementale d’aide sociale de l’Allier d’annuler la décision du 24 septembre 2015 par laquelle le président du conseil départemental de l’Allier a refusé la prise en charge au titre de l’aide sociale des frais d’hébergement et d’entretien de l’accueil temporaire de celui-ci à raison de quatre-vingt-dix jours par an au foyer de vie « Les Rés de Dursat » au Vernet (Allier). Par une décision du 14 septembre 2016, la commission départementale d’aide sociale de l’Allier a rejeté sa demande.

Par une décision n° 160578 du 4 juillet 2018, la Commission centrale d’aide sociale a rejeté l’appel formé par M. A… contre cette décision.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 octobre 2018 et 4 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision de la Commission centrale d’aide sociale du 4 juillet 2018 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de fixer sa participation à ses frais d’hébergement temporaire dans la limite prévue par l’article R. 314-194 du code de l’action sociale et des familles et de condamner le département de l’Allier à lui verser la somme de 412,36 euros en remboursement des frais d’hébergement temporaire qu’il a acquittés ;

3°) de mettre à la charge du département de l’Allier la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’action sociale et des familles ;
– le code de la sécurité sociale ;
– la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 ;
– le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 23 avril 2015, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de l’Allier a accordé à M. B… A… le bénéfice d’un accueil temporaire dans un établissement pour adultes handicapés, dans la limite de quatre-vingt-dix jours par an, pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2019. En application de cette décision d’orientation, M. A… a été admis en accueil temporaire au foyer de vie « Les Rés de Dursat » au Vernet. Le président du conseil départemental de l’Allier a, le 24 septembre 2015, refusé la prise en charge des frais d’hébergement et d’entretien résultant de l’accueil temporaire de M. A… et fixé la contribution de l’intéressé à ces frais à la somme de 121,09 euros par jour. Par une décision du 14 septembre 2016, la commission départementale d’aide sociale de l’Allier a rejeté le recours formé par M. A… contre cette décision. Par une décision du 4 juillet 2018 contre laquelle M. A… se pourvoit en cassation, la Commission centrale d’aide sociale a rejeté l’appel qu’il avait formé contre cette décision.

2. D’une part, aux termes du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles :  » Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d’une personnalité morale propre, énumérés ci-après : / (…) 7° Les établissements et les services, y compris les foyers d’accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert ; / (…) Les établissements et services sociaux et médico-sociaux délivrent des prestations à domicile, en milieu de vie ordinaire, en accueil familial ou dans une structure de prise en charge. Ils assurent l’accueil à titre permanent, temporaire ou selon un mode séquentiel, à temps complet ou partiel, avec ou sans hébergement, en internat, semi-internat ou externat « . Aux termes de l’article L. 344-5 du même code : » Les frais d’hébergement et d’entretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés (…) au 7° du I de l’article L. 312-1 (…) sont à la charge : / 1° à titre principal, de l’intéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous d’un minimum fixé par décret et par référence à l’allocation aux handicapés adultes, différent selon qu’il travaille ou non (…) ; / 2° et, pour le surplus éventuel, de l’aide sociale (…) « . Et aux termes de l’article R. 344-29 de ce code : » Toute personne handicapée qui est accueillie de façon permanente ou temporaire, à la charge de l’aide sociale, dans un établissement de rééducation professionnelle fonctionnant en internat, dans un foyer-logement ou dans tout autre établissement d’hébergement pour personnes handicapées doit s’acquitter d’une contribution qu’elle verse à l’établissement ou qu’elle donne pouvoir à celui-ci d’encaisser. / Cette contribution, qui a pour seul objet de couvrir tout ou partie des frais d’hébergement et d’entretien de la personne handicapée, est fixée par le président du conseil départemental ou le préfet ou le directeur général de l’agence régionale de santé, au moment de la décision de prise en charge, compte tenu des ressources du pensionnaire, de telle sorte que celui-ci puisse conserver le minimum fixé en application du 1° de l’article L. 344-5. Elle peut varier ultérieurement selon l’évolution des ressources mensuelles de l’intéressé. / L’aide sociale prend en charge les frais d’hébergement et d’entretien qui dépassent la contribution du pensionnaire « .

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 314-8 du code de l’action sociale et des familles : « Les modalités de fixation de la tarification des établissements et services mentionnés au I de l’article L. 312-1 sont déterminées par un décret en Conseil d’Etat qui prévoit notamment : / (…) 2° Les conditions dans lesquelles les personnes accueillies temporairement peuvent être dispensées d’acquitter tout ou partie des frais afférents à leur prise en charge ». L’article R. 314-194 du même code pris pour l’application de ces dispositions prévoit que le financement de l’accueil temporaire est assuré, selon les cas, par un forfait global annuel ou par une dotation globale de financement et dispose, à son V, que : « les participations des bénéficiaires de l’accueil temporaire dans les établissements pour adultes relevant du 7° du I de l’article L. 312-1 ne peuvent pas excéder le montant du forfait journalier hospitalier prévu à l’article L. 174-4 du code de la sécurité sociale pour un accueil avec hébergement et les deux tiers de ce montant pour un accueil de jour ».

4. Il résulte des dispositions, citées au point 3, du 2° de l’article L. 314-8 du code de l’action sociale et des familles, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale dont elles sont issues, que le législateur a entendu que la participation des personnes accueillies à titre temporaire dans un établissement pour adultes handicapés aux frais afférents à leur prise en charge n’excède pas, quelles que soient leurs ressources, un montant que l’article R. 314-194 du même code a fixé à hauteur du forfait journalier hospitalier prévu à l’article L. 174-4 du code de la sécurité sociale pour un accueil avec hébergement.

5. En outre, il résulte des dispositions citées au point 2 qu’il appartient au président du conseil départemental, appelé à fixer cette participation, d’apprécier si le niveau des ressources de l’intéressé, rapportées à la durée de son accueil temporaire en établissement, justifie son admission à l’aide sociale, en recherchant si l’acquittement du montant du forfait journalier hospitalier lui permettrait de conserver pendant la même période la disposition du minimum de ressources mentionné au 1° de l’article D. 344-35 du code de l’action sociale et des familles, pris pour l’application de l’article L. 344-5 du même code.

6. Au cours de la période en litige, le montant du forfait journalier hospitalier était fixé, en application d’arrêtés pris sur le fondement de l’article R. 174-5 du code de la sécurité sociale, à 18 euros puis, à compter du 1er janvier 2018, à 20 euros. Par suite, M. A… est fondé à soutenir que la Commission centrale d’aide sociale a commis une erreur de droit en laissant à la charge de son fils une contribution journalière de 121,09 euros, excédant le montant du forfait journalier hospitalier, au titre de l’accueil temporaire au foyer de vie « Les Rés de Dursat ».

7. Il résulte de ce qui précède que M. A… est fondé à demander l’annulation de la décision qu’il attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du département de l’Allier une somme de 3 000 euros à verser à M. A… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–
Article 1er : La décision de la Commission centrale d’aide sociale du 4 juillet 2018 est annulée.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Paris.

Article 3 : Le département de l’Allier versera à M. A… une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C… A… en sa qualité de tuteur de son fils B…, majeur protégé, et au département de l’Allier.

 

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