Les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre.

CE, sect., 12 juin 2020, Groupe d’Information et de Soutien des Immgré.e.s (GISTI) n° 418142 A

Les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre.

Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.

Il appartient au juge d’examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s’il fixe une règle nouvelle entachée d’incompétence, si l’interprétation du droit positif qu’il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s’il est pris en vue de la mise en œuvre d’une règle contraire à une norme juridique supérieure.

Note émanant de la division de l’expertise en fraude documentaire et à l’identité (DEFDI) de la direction centrale de la police aux frontières, visant à diffuser une information relative à l’existence d’une « fraude documentaire généralisée en Guinée (Conakry) sur les actes d’état civil et les jugements supplétifs » et préconisant en conséquence, en particulier aux agents devant se prononcer sur la validité d’actes d’état civil étrangers, de formuler un avis défavorable pour toute analyse d’un acte de naissance guinéen.

Eu égard aux effets notables qu’elle est susceptible d’emporter sur la situation des ressortissants guinéens dans leurs relations avec l’administration française, cette note peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

Rappr., s’agissant du critère de recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir contre les actes de droit souple des autorités de régulation, CE, Assemblée, 21 mars 2016, Société NC Numericable, n° 390023, p. 88 ; CE, Assemblée, 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres, n°s 368082 368083 368084, p. 76 ; pour une application de ce critère s’agissant d’un acte de droit souple n’émanant pas d’une autorité de régulation, CE, Assemblée, 19 juillet 2019, Mme Le Pen, n° 426689, p. 326.

Ab. jur., sur le caractère impératif comme critère exclusif de recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir contre les circulaires et instructions interprétatives, CE, Section, 18 décembre 2002, Mme Duvignères, n° 233618, p. 463.

Cf., en précisant, CE, Section, 18 décembre 2002, Mme Duvignères, n° 233618, p. 463.

Ab. jur. CE, 3 mai 2004, Comité anti-amiante Jussieu et Association nationale de défense des victimes de l’amiante, n°s 254961 255376 258342, p. 193. Cf., s’agissant des lignes directrices des autorités de régulation, CE, 13 décembre 2017, Société Bouygues Télécom et autres, n°s 401799 401830 401912, p. 356.

Rappr., s’agissant des modalités d’appréciation de la légalité actes de droit souple des autorités de régulation, CE, Assemblée, 21 mars 2016, Société NC Numericable, n° 390023, p. 88 ; CE, Assemblée, 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres, n°s 368082 368083 368084, p. 76 ; s’agissant des lignes directrices des autorités de régulation, CE, 13 décembre 2017, Société Bouygues Télécom et autres, n°s 401799 401830 401912, p. 356.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 418142
ECLI:FR:CESEC:2020:418142.20200612
Publié au recueil Lebon
Section
M. Bertrand Mathieu, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public

Lecture du vendredi 12 juin 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la note d’actualité n° 17/2017 de la division de l’expertise en fraude documentaire et à l’identité de la direction centrale de la police aux frontières du 1er décembre 2017 relative aux « fraudes documentaires organisées en Guinée (Conakry) sur les actes d’état civil » ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code civil ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.

2. Il appartient au juge d’examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s’il fixe une règle nouvelle entachée d’incompétence, si l’interprétation du droit positif qu’il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s’il est pris en vue de la mise en oeuvre d’une règle contraire à une norme juridique supérieure.

3. La « note d’actualité » contestée, du 1er décembre 2017, émanant de la division de l’expertise en fraude documentaire et à l’identité de la direction centrale de la police aux frontières, vise à diffuser une information relative à l’existence d’une « fraude documentaire généralisée en Guinée (Conakry) sur les actes d’état civil et les jugements supplétifs » et préconise en conséquence, en particulier aux agents devant se prononcer sur la validité d’actes d’état civil étrangers, de formuler un avis défavorable pour toute analyse d’un acte de naissance guinéen. Eu égard aux effets notables qu’elle est susceptible d’emporter sur la situation des ressortissants guinéens dans leurs relations avec l’administration française, cette note peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, contrairement à ce que soutient le ministre de l’intérieur.

4. En premier lieu et en tout état de cause, la note contestée entre dans les attributions de la division de l’expertise en fraude documentaire et à l’identité dont elle émane. Et, dès lors qu’elle ne revêt pas le caractère d’une décision, le moyen tiré de ce qu’elle méconnaîtrait les dispositions de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration, relatives à la signature des décisions et aux mentions relatives à leur auteur ne peut qu’être écarté.

5. En second lieu, l’article 47 du code civil dispose que : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ». La note contestée préconise l’émission d’un avis défavorable pour toute analyse d’acte de naissance guinéen et en suggère à ses destinataires la formulation. Elle ne saurait toutefois être regardée comme interdisant à ceux-ci comme aux autres autorités administratives compétentes de procéder, comme elles y sont tenues, à l’examen au cas par cas des demandes émanant de ressortissants guinéens et d’y faire droit, le cas échéant, au regard des différentes pièces produites à leur soutien. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 47 du code civil doit donc être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède que le GISTI n’est pas fondé à demander l’annulation du document qu’il attaque. Les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par suite être rejetées.

D E C I D E :
————–

Article 1er : La requête du Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Groupe d’information et de soutien aux immigré.e.s et au ministre de l’intérieur.

Seul le Tribunal des conflits est compétent pour connaître des actions engagées aux fins de réparation des préjudices résultant d’une durée excessive des procédures juridictionnelles non seulement lorsque les parties ont saisi successivement les deux ordres de juridiction, du fait d’une difficulté pour identifier l’ordre de juridiction compétent, mais aussi lorsque le litige a dû être porté devant des juridictions des deux ordres en raison des règles qui gouvernent la répartition des compétences entre eux.

T. confl., 9 déc. 2019, n° C4160, Lebon

L’article 16 de la loi du 24 mai 1872 donne compétence au seul Tribunal des conflits pour connaître des actions engagées aux fins de réparation des préjudices résultant d’une durée excessive des procédures juridictionnelles a) non seulement lorsque les parties ont saisi successivement les deux ordres de juridiction, du fait d’une difficulté pour identifier l’ordre de juridiction compétent, le cas échéant tranchée par le Tribunal, mais aussi lorsque le litige a dû être porté devant des juridictions des deux ordres en raison des règles qui gouvernent la répartition des compétences entre eux.

Le caractère excessif du délai de jugement d’une affaire doit s’apprécier en tenant compte des spécificités de chaque affaire et en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement des procédures et le comportement des parties tout au long de celles-ci, ainsi que l’intérêt qu’il peut y avoir, pour l’une ou l’autre partie au litige, à ce que celui-ci soit tranché rapidement.

Rappr., s’agissant du principe de la responsabilité pour durée excessive de jugement, CE, Assemblée, 28 juin 2002, Garde des sceaux, ministre de la justice c/ M. Magiera, n° 239575, p. 247.

Texte intégral
Vu, enregistrée à son secrétariat le 8 avril 2019, l’ordonnance du 15 janvier 2019 par laquelle le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Marseille, après s’être déclaré incompétent pour en connaître, a transmis au Tribunal la requête de M. C… tendant à ce que l’Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi en raison de la durée excessive des procédures suivies devant le tribunal administratif de Marseille, la cour administrative d’appel de Marseille et le Conseil d’Etat, d’une part, le conseil de prud’hommes de Marseille, les cours d’appel d’Aix-en-Provence, de Montpellier et de Nîmes et la Cour de cassation, d’autre part ;

Vu, enregistré le 29 mai 2019, le mémoire présenté pour l’Etat, tendant, à titre principal, au rejet de la requête au motif que la saisine du Tribunal est irrégulière, à titre subsidiaire, au rejet de la requête au motif que la durée totale des procédures en cause n’a pas été excessive, à titre très subsidiaire, à ce que l’Etat ne soit pas condamné à verser une somme supérieure à 1500 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 juillet 2019, présenté pour M. C…, tendant à ce que l’Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice analysé ci-dessus et à ce que la somme de 3500 euros soit mise à sa charge au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. A… D…, membre du Tribunal,

– les observations de la SCP Foussard, Froger pour l’agent judiciaire de l’Etat ;

– les observations de Maître E… pour M. B… C… ;

— les conclusions de M. Hubert Liffran, rapporteur public ;

Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits : « Le Tribunal des conflits est seul compétent pour connaître d’une action en indemnisation du préjudice découlant d’une durée totale excessive des procédures afférentes à un même litige et conduites entre les mêmes parties devant les juridictions des deux ordres en raison des règles de compétence applicables et, le cas échéant, devant lui » ; qu’aux termes de l’article 5 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles : « Les parties sont représentées par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation » ; qu’aux termes de l’article 43 du même décret : « (…) la partie qui entend obtenir réparation doit préalablement saisir le garde des sceaux, ministre de la justice, d’une réclamation » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. C… était titulaire d’un mandat de représentation du personnel au sein de la société ICI Paints Deco France (ICI PDF) ; que l’inspecteur du travail et le ministre du travail ont refusé d’autoriser son licenciement pour motif économique par des décisions des 13 février et 27 mars 2007 ; que la demande de l’employeur tendant à l’annulation de ces décisions a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 octobre 2007 et par un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 24 janvier 2012 ; que, M. C… ayant parallèlement demandé au conseil de prud’hommes de Marseille, le 30 octobre 2007, de prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur et de condamner celui-ci à lui verser diverses indemnités et ayant été licencié pour faute lourde le 1er septembre 2008, le conseil de prud’hommes s’est prononcé par un jugement du 1er décembre 2009 ; que, saisie tant par le salarié que par l’employeur, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, après avoir décidé de surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille mentionné ci-dessus, a, par un arrêt du 26 juillet 2012, ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. C… et fait droit à une partie de ses demandes indemnitaires ; qu’après que la cour de cassation eut partiellement cassé cet arrêt par une décision du 27 novembre 2013, la cour d’appel de Montpellier a statué sur renvoi par un arrêt du 12 novembre 2014 ; que ce dernier arrêt a fait l’objet d’une cassation partielle par une décision de la Cour de cassation du 22 juin 2016 ; qu’alors que l’affaire était pendante devant la cour d’appel de Nîmes, à laquelle elle avait été renvoyée, une transaction est intervenue entre M. C… et son employeur le 14 avril 2017 ;

Sur la compétence du Tribunal et la régularité de sa saisine :

Considérant que M. C… recherche la responsabilité de l’Etat à raison de la durée, selon lui excessive, des procédures juridictionnelles mentionnées ci-dessus ;

Considérant que les dispositions précitées de l’article 16 de la loi du 24 mai 1872 donnent compétence au seul Tribunal des conflits pour connaître des actions engagées aux fins de réparation des préjudices résultant d’une durée excessive des procédures juridictionnelles non seulement lorsque les parties ont saisi successivement les deux ordres de juridiction, du fait d’une difficulté pour identifier l’ordre de juridiction compétent, le cas échéant tranchée par le Tribunal, mais aussi lorsque le litige a dû être porté devant des juridictions des deux ordres en raison des règles qui gouvernent la répartition des compétences entre eux ;

Considérant que si M. C… a saisi le tribunal de grande instance de Marseille, c’est à bon droit que le juge de la mise en état de ce tribunal s’est déclaré incompétent par une ordonnance du 15 janvier 2019 ; qu’en effet, les procédures mentionnées ci-dessus concernent un même litige entre l’employeur et son salarié, relatif à la rupture du contrat de travail de ce dernier, ayant donné lieu à des instances devant les deux ordres de juridiction, la juridiction administrative étant seule compétente pour connaître de la contestation relative à l’autorisation administrative de licenciement et la juridiction judiciaire seule compétente pour connaître des demandes de résiliation du contrat de travail et d’indemnisation de M. C… ;

Considérant que si le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Marseille a, par son ordonnance du 15 janvier 2019, transmis au Tribunal la demande de M. C…, il n’appartenait cependant qu’à celui-ci, conformément aux dispositions précitées de l’article 43 du décret du 27 février 2015, de saisir le garde des sceaux, ministre de la justice, d’une demande préalable et de saisir ensuite, le cas échéant, le Tribunal de sa demande, par un mémoire qui, en vertu de l’article 5 du même décret, devait être présenté par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; qu’invité par le Tribunal à régulariser la procédure, M. C… a saisi le ministre de la justice le 19 juillet 2019 d’une demande tendant à ce qu’une indemnité de 50 000 euros lui soit versée ; que le ministre n’a pas répondu à cette demande ; que le Tribunal est dès lors régulièrement saisi par le mémoire présenté pour M. C… le 25 juillet 2019 ;

Sur la demande de M. C… :

Considérant que le caractère excessif du délai de jugement d’une affaire doit s’apprécier en tenant compte des spécificités de chaque affaire et en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement des procédures et le comportement des parties tout au long de celles-ci, ainsi que l’intérêt qu’il peut y avoir, pour l’une ou l’autre partie au litige, à ce que celui-ci soit tranché rapidement ;

Considérant que la durée totale des procédures mentionnées ci-dessus depuis la saisine par M. C… du conseil de prud’hommes de Marseille le 30 octobre 2007 jusqu’au 14 avril 2017, qui est de près de neuf ans et demi, doit être regardée, en l’espèce, comme excessive ; que, par suite, la responsabilité de l’Etat est engagée ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la durée excessive des procédures contentieuses a occasionné pour M. C… un préjudice moral consistant en des désagréments qui vont au-delà des préoccupations habituellement causées par un procès ; que, dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant l’Etat à verser à M. C… une indemnité de 4000 euros ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3500 euros à verser à M. C… au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’Etat est condamné à verser à M. C… une indemnité de 4000 euros.

Article 2 : L’Etat versera à M. C… la somme de 3500 euros au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C… et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Lorsqu’une enquête administrative a été diligentée sur un agent public, y compris lorsqu’elle a été confiée à des corps d’inspection, le rapport établi à l’issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu’ils existent, les procès-verbaux des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête, font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.

CE, 6-5 chr, 5 févr. 2020, n° 433130, Lebon

Rappr., s’agissant de témoignages écrits, CE, 23 novembre 2016, M. Riquelme, n° 397733 T. pp. 643-803.

Rappr., sur l’application d’une telle réserve en matière d’autorisation de licenciement de salariés protégés, CE, 9 juillet 2007, Sangare, n° 288295, T. pp. 651-1109.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 433130
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:433130.20200205
Publié au recueil Lebon
6e – 5e chambres réunies
Mme Catherine Moreau, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public

Lecture du mercredi 5 février 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 30 juillet et 19 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… B… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 29 mai 2019 du Président de la République mettant fin à ses fonctions de directeur de l’Etablissement national des invalides de la marine ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– la loi du 22 avril 1905 ;
– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
– la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
– le décret n° 2010-1009 du 30 août 2010 ;
– le décret n° 2010-1035 du 1er septembre 2010 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Catherine Moreau, conseiller d’Etat en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 janvier 2020, présentée par la ministre des solidarités et de la santé ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. B… a été nommé directeur de l’Etablissement national des invalides de la marine par un décret du 8 décembre 2016 pour une durée de trois ans. Les ministres chargés de la tutelle de cet établissement, après que des signalements eurent fait état de ce que des situations pouvant constituer des faits de harcèlement à l’encontre de certains membres du personnel de cet établissement étaient reprochés à M. B…, ont confié à l’inspection générale des affaires sociales et le conseil général de l’environnement et du développement durable une mission d’enquête administrative sur la manière dont l’intéressé assurait la direction de l’établissement. Le rapport de la mission d’inspection, rendu aux ministres en avril 2019, a recommandé qu’il soit mis fin aux fonctions de M. B…. Par la présente requête, ce dernier demande l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 29 mai 2019 ayant mis fin à ses fonctions.

2. En vertu de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne, qu’elle soit ou non justifiée par l’intérêt du service, doit être mis à même d’obtenir communication de son dossier.

3. Lorsqu’une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d’un agent public, y compris lorsqu’elle a été confiée à des corps d’inspection, le rapport établi à l’issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu’ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.

4. D’une part, il ressort des pièces du dossier que la décision de mettre fin aux fonctions de M. B… a été prise au vu du rapport d’inspection, mentionné précédemment, qui, s’il a écarté l’imputation à l’intéressé de faits de harcèlement sexuel à l’origine de l’enquête administrative, a fait état d’un comportement et d’un mode de direction ayant causé des difficultés parfois graves à plusieurs agents de l’établissement et a préconisé le départ de l’intéressé, regardé comme nécessaire pour engager au plus tôt les mesures permettant de rétablir le bon fonctionnement de l’établissement. La décision de mettre fin aux fonctions de M. B… ayant été prise, à la suite de ce rapport, en considération de son comportement, quand bien même elle a eu pour seul objet de veiller à l’intérêt du service, devait être précédée de la formalité instituée par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905.

5. D’autre part, il ressort des pièces du dossier et il n’est pas contesté qu’après avoir été destinataire, le 9 avril 2019, du rapport d’inspection, M. B… a été informé par un courrier du 23 avril 2019 de la directrice de la sécurité sociale du ministère des solidarités et de la santé et du directeur des affaires maritimes du ministère de la transition écologique et solidaire qu’il allait être proposé au Président de la République de mettre fin à ses fonctions de directeur de l’Etablissement national des invalides de la marine et qu’il avait la possibilité de consulter son dossier administratif et de formuler des observations. L’intéressé a alors consulté son dossier administratif le 16 mai 2019 et présenté des observations par une lettre du 23 mai 2019. Cependant, ni son dossier administratif ni le rapport d’inspection qui lui avait été communiqué ne comprenaient les cinquante-cinq procès-verbaux d’audition des agents de l’Etablissement national des invalides de la marine établis dans le cadre de la mission d’enquête administrative. La demande de l’intéressé tendant à recevoir communication de ces pièces a, par la suite, fait l’objet d’une décision de refus.

6. Dans ces conditions, M. B…, qui n’a, ainsi, pas reçu communication de l’ensemble des pièces qu’il était en droit d’obtenir, en vertu de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, préalablement à l’intervention de la décision ayant mis fin à ses fonctions, est fondé à soutenir que cette décision a été prise au terme d’une procédure irrégulière. Par suite, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, il est fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir du décret qu’il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. B…, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Le décret du 29 mai 2019 mettant fin aux fonctions de M. B… en qualité de directeur de l’Etablissement national des invalides de la marine est annulé.

Article 2 : L’Etat versera à M. B… une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A… B…, au Premier ministre, à la ministre de la transition écologique et solidaire, à la ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l’action et des comptes publics.

S’agissant d’un décret de libération des liens d’allégeance, le délai raisonnable de recours, au sens de la jurisprudence Czabaj, ne saurait excéder, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, trois ans à compter de la date de publication du décret ou, si elle est plus tardive, de la date de la majorité de l’intéressé

CE, 2-7 chr, M. Boumrar 29 nov. 2019, n° 411145, Lebon

CE, 2-7 chr, Mme Megueddem 29 nov. 2019, n° 426372, Lebon

Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable.

S’agissant d’un décret de libération des liens d’allégeance, ce délai ne saurait, eu égard aux effets de cette décision, excéder, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, trois ans à compter de la date de publication du décret ou, si elle est plus tardive, de la date de la majorité de l’intéressé.

Cf. CE, Assemblée, 13 juillet 2016, M. Czabaj, n° 387763, p. 340.

Cf. CE, décision du même jour, Mme Megueddem, n° 426372, à publier au Recueil.

 

Texte intégral
Conseil d’État

N° 411145
ECLI:FR:CECHR:2019:411145.20191129
Publié au recueil Lebon
2e – 7e chambres réunies
Mme Stéphanie Vera, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP JEAN-PHILIPPE CASTON, avocats

Lecture du vendredi 29 novembre 2019REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 juin, 4 septembre et 7 décembre 2017 et le 15 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… B… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le décret du 19 juin 1974 portant libération de ses liens d’allégeance avec la France ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Jean-Philippe Caston, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code civil ;
– le code de la nationalité française ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. B… ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article 91 du code de la nationalité française, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué : « Perd la nationalité française, le Français même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est autorisé, sur sa demande, par le Gouvernement français, à perdre la qualité de Français. – Cette autorisation est accordée par décret. – Le mineur doit, le cas échéant, être autorisé ou représenté dans les conditions prévues aux articles 53 et 54 ». L’article 53 du même code dispose que : « La qualité de Français peut être réclamée à partir de dix-huit ans. – Le mineur âgé de seize ans peut également la réclamer avec l’autorisation de celui ou de ceux qui exercent à son égard l’autorité parentale ». Aux termes de l’article 54 du même code : « Si l’enfant est âgé de moins de seize ans, les personnes visées à l’alinéa 2 de l’article précédent peuvent déclarer qu’elles réclament, au nom du mineur, la qualité de Français (…) ».

2. En l’absence de prescription en disposant autrement, les conditions d’âge fixées par ces articles s’apprécient à la date de signature des décrets pris sur leur fondement. Il en résulte que, si des parents peuvent formuler au nom d’un enfant mineur une demande tendant à ce que celui-ci soit libéré de ses liens d’allégeance avec la France, le décret prononçant une telle libération ne peut, toutefois, être signé, si l’intéressé a atteint l’âge de seize ans, sans qu’il ait lui-même exprimé, avec l’accord de ceux qui exercent sur lui l’autorité parentale, une demande en ce sens et, s’il a atteint l’âge de dix-huit ans, sans qu’il ait personnellement déposé une demande à cette fin.

3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable. S’agissant d’un décret de libération des liens d’allégeance, ce délai ne saurait, eu égard aux effets de cette décision, excéder, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, trois ans à compter de la date de publication du décret ou, si elle est plus tardive, de la date de la majorité de l’intéressé.

4. Il ressort des pièces du dossier que le décret du 19 juin 1974 portant libération des liens d’allégeance avec la France de M. A… B…, né le 12 octobre 1962, qui avait été pris à la demande de sa mère, a été contesté par ce dernier devant le Conseil d’Etat le 2 juin 2017, soit plus de trois ans après qu’il a atteint l’âge de la majorité. Par suite, en l’absence de circonstances particulières, le ministre de l’intérieur est fondé à soutenir que la requête de M. B… est irrecevable en raison de sa tardiveté et doit être rejetée. Il s’ensuit que les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

————–
Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A… B… et au ministre de l’intérieur.

Modalités d’appréciation, par le juge des comptes, de l’existence d’un préjudice financier causé à un organisme public par le manquement de son comptable à ses obligations de contrôle lors du paiement d’une dépense.

CE, sect., Ministre de l’action et des comptes publics 6 déc. 2019, n° 425542, Lebon.

Comptable public ayant pris en charge trois mandats sur le fondement d’un contrat de marché public et de bons de commande signés par des personnes habilitées à engager ces dépenses pour le compte de l’organisme public concerné, et correspondant à des prestations exécutées.

Cour des comptes relevant que ces paiements sont intervenus alors que leur montant était supérieur à la délégation consentie aux délégués de l’ordonnateur.

En se fondant sur l’absence de volonté de l’ordonnateur d’accorder une délégation de signature aux signataires des ordres de payer pour caractériser l’existence d’un préjudice financier résultant des paiements en litige alors, d’une part, qu’il est constant que ces paiements correspondaient à des prestations exécutées sur la base d’un contrat de marché public et de bons de commande et, d’autre part, qu’était établie, par la production du contrat de marché public et des bons de commande, la volonté de l’ordonnateur d’exposer ces dépenses, la Cour des comptes a entaché son arrêt d’erreur de droit.

Cf., sur les modalités de cette appréciation, CE, Section, décision du même jour, Mme Bailloux, n° 418741, à publier au Recueil.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 425542
ECLI:FR:CESEC:2019:425542.20191206
Publié au recueil Lebon
Section
Mme Fanélie Ducloz, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public

Lecture du vendredi 6 décembre 2019REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° S 2018-2690 du 5 octobre 2018, la Cour des comptes a, notamment, constitué M. B… A…, directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d’Ille-et-Vilaine, débiteur du Trésor, au titre de la charge n° 6, de la somme de 113 275,33 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 27 novembre 2017.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 novembre 2018 et 1er août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’action et des comptes publics demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler, dans cette mesure, cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de dire que M. A… devra s’acquitter d’une somme non rémissible s’élevant au plus à 300 euros, en application du 2e alinéa de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code des juridictions financières ;
– la loi n° 63-156 du 23 février 1963, modifiée par la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
– le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 de finances pour 1963, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, qui définit les obligations qu’il incombe au comptable public de respecter sous peine de voir sa responsabilité personnelle et pécuniaire engagée : « Outre la responsabilité attachée à leur qualité d’agent public, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d’un comptable public, désignées ci-après par le terme d’organismes publics, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent. / Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. / La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par le fait du comptable public, l’organisme public a dû procéder à l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers ou a dû rétribuer un commis d’office pour produire les comptes. / (…) ». Aux termes du VI du même article : « La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent. (…) / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d’Etat en fonction du niveau des garanties mentionnées au II. / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l’organisme public a dû procéder à l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers ou a dû rétribuer un commis d’office pour produire les comptes, le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante. / (…) ». Aux termes du IX du même article : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au deuxième alinéa du VI ne peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. / Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI. / (…) ». Aux termes de l’article 12 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, alors applicable :  » Les comptables sont tenus d’exercer : / (…) B. – En matière de dépenses, le contrôle : / De la qualité de l’ordonnateur ou de son délégué ; / De la disponibilité des crédits ; / De l’exacte imputation des dépenses aux chapitres qu’elles concernent selon leur nature ou leur objet ; / De la validité de la créance dans les conditions prévues à l’article 13 ci-après ; / Du caractère libératoire du règlement. (…) « . Enfin, selon l’article 13 du même décret, alors applicable : » En ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur : / La justification du service fait et l’exactitude des calculs de liquidation ; / L’intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications. / En outre, dans la mesure où les règles propres à chaque organisme public le prévoient, les comptables publics vérifient l’existence du visa des contrôleurs financiers sur les engagements et les ordonnancements émis par les ordonnateurs principaux. / Les comptables publics vérifient également l’application des règles de prescription et de déchéance. « .

2. Les dispositions rappelées ci-dessus instituent, dans l’intérêt de l’ordre public financier, un régime légal de responsabilité pécuniaire et personnelle des comptables publics distinct de la responsabilité de droit commun. Lorsque le manquement du comptable aux obligations qui lui incombent n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme non rémissible. Lorsque le manquement du comptable a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes met en débet le comptable qui a alors l’obligation de verser de ses deniers personnels la somme correspondante. Il appartient ainsi au juge des comptes d’apprécier si le manquement du comptable a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné et, le cas échéant, d’évaluer l’ampleur de ce préjudice. Il doit, à cette fin, d’une part, rechercher s’il existait un lien de causalité entre le préjudice et le manquement à la date où ce dernier a été commis, et, d’autre part, apprécier le montant du préjudice à la date à laquelle il statue en prenant en compte, le cas échéant, des éléments postérieurs au manquement.

3. Pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter que soit payée une dépense qui n’était pas effectivement due. Lorsque le manquement du comptable porte sur l’exactitude de la liquidation de la dépense et qu’il en est résulté un trop-payé, ou conduit à payer une dépense en l’absence de tout ordre de payer ou une dette prescrite ou non échue, ou à priver le paiement d’effet libératoire, il doit être regardé comme ayant par lui-même, sauf circonstances particulières, causé un préjudice financier à l’organisme public concerné. A l’inverse, lorsque le manquement du comptable aux obligations qui lui incombent au titre du paiement d’une dépense porte seulement sur le respect de règles formelles que sont l’exacte imputation budgétaire de la dépense ou l’existence du visa du contrôleur budgétaire lorsque celle-ci devait, en l’état des textes applicables, être contrôlée par le comptable, il doit être regardé comme n’ayant pas par lui-même, sauf circonstances particulières, causé de préjudice financier à l’organisme public concerné. Le manquement du comptable aux autres obligations lui incombant, telles que le contrôle de la qualité de l’ordonnateur ou de son délégué, de la disponibilité des crédits, de la production des pièces justificatives requises ou de la certification du service fait, doit être regardé comme n’ayant, en principe, pas causé un préjudice financier à l’organisme public concerné lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris d’éléments postérieurs aux manquements en cause, que la dépense repose sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature, que l’ordonnateur a voulu l’exposer et, le cas échéant, que le service a été fait.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B… A…, directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d’Ille-et-Vilaine, a pris en charge trois mandats pour un montant total de 113 275,33 euros au titre de l’exercice 2011, sur le fondement d’un contrat de marché public et de bons de commande signés par des personnes habilitées à engager ces dépenses pour le compte de l’organisme public concerné, et correspondant à des prestations exécutées. Au titre de la charge n° 6, la Cour des comptes a relevé que ces paiements étaient intervenus alors que leur montant était supérieur à la délégation consentie aux délégués de l’ordonnateur. Elle a alors jugé que le paiement d’un mandat signé par un ordonnateur non habilité constituait une dépense indue, même en présence de service fait, que ne figurait au dossier aucune indication attestant de la volonté de l’ordonnateur compétent de consentir une délégation aux signataires à hauteur des montants réglés et que, ainsi, le manquement du comptable avait causé un préjudice au Trésor. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 3 qu’en se fondant sur l’absence de volonté de l’ordonnateur d’accorder une délégation de signature aux signataires des ordres de payer pour caractériser l’existence d’un préjudice financier résultant des paiements en litige alors, d’une part, qu’il est constant que ces paiements correspondaient à des prestations exécutées sur la base d’un contrat de marché public et de bons de commande et, d’autre part, qu’était établie, par la production du contrat de marché public et des bons de commande, la volonté de l’ordonnateur d’exposer ces dépenses, la Cour a entaché son arrêt d’erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi, que le ministre de l’action et des comptes publics est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué en tant que, par son article 10, il a constitué M. A… débiteur de la somme de 113 275,33 euros augmentée des intérêts de droit au titre de l’exercice 2011.

D E C I D E :
————–

Article 1er : L’article 10 de l’arrêt de la Cour des comptes du 5 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée, pour cette mesure, à la Cour des comptes.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’action et des comptes publics et au parquet général près la Cour des comptes.

Copie en sera adressée et à M. B… A….

 

L’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) qui prononce une sanction ne peut être regardée comme une partie dans les litiges portant sur ses décisions de sanction mais il est loisible au juge de l’appeler en la cause en qualité d’observateur.

CE, 20 mars 2020, Agence française de lutte contre le dopage, n° 429427, A.

Aux termes de l’article L. 232-5 du code du sport, l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) est une autorité publique indépendante chargée de définir et de mettre en œuvre les actions de lutte contre le dopage et qui, à ce titre, exerce un pouvoir disciplinaire dans les conditions énoncées aux articles L. 232-21-1 à L. 232-23-6. Selon l’article L. 232-5-1 du même code, l’Agence comprend en son sein un collège et une commission des sanctions. L’article L. 232-22 de ce code investit le collège des fonctions de poursuite à l’encontre des auteurs d’infractions présumées en l’absence d’accord homologué dans le cadre de la procédure de composition administrative prévue par l’article L. 232-21-1 du même code. Les articles L. 232-22 et L. 232-23 du code, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2018-603 du 11 juillet 2018, confèrent à la commission des sanctions, dotée d’une indépendance fonctionnelle afin d’assurer le respect du principe d’impartialité, des fonctions de sanction. Ainsi cette commission, lorsqu’elle se prononce sur d’éventuelles sanctions sur le fondement de l’article L. 232-23 et alors même qu’elle ne constitue pas une juridiction, est investie, compte tenu de l’objet de son intervention ainsi que de sa composition et de son fonctionnement, de fonctions de jugement.

Il en résulte que la commission des sanctions de l’AFLD ne peut être regardée comme ayant la qualité de partie dans les litiges portant sur les décisions de sanction qu’elle a prises en application des articles L. 232-22 à L. 232-23-6 du code du sport. Il en va notamment ainsi dans le cas d’une requête introduite par le président de l’Agence, en application de l’article L. 232-24 du code.

Il est en revanche loisible au juge administratif, dans le cadre de ses pouvoirs d’instruction, d’appeler en la cause la commission des sanctions en qualité d’observateur ; en cette qualité, la commission n’est pas soumise à l’obligation de ministère d’avocat prévue à l’article R. 432-1 du code de justice administrative.

Rappr., s’agissant d’un recours contre un refus de la commission des sanctions de l’AMF d’homologuer un accord de composition administrative, CE, Assemblée, 18 mars 2020, Président de l’Autorité des marchés financiers et société Arkéa Direct Bank, n°s 422186 422274, à publier au Recueil ; s’agissant d’un pourvoi en cassation contre une décision du conseil national d’un ordre professionnel ayant statué au tant que juridiction d’appel dans le cadre de poursuites disciplinaires CE, Section, 28 juillet 1999, Le Goff, n° 165523, p. 275.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 429427
ECLI:FR:CECHR:2020:429427.20200320
Publié au recueil Lebon
2e – 7e chambres réunies
M. Yves Doutriaux, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats

Lecture du vendredi 20 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 avril et 4 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 28 novembre 2018 de la commission des sanctions de l’Agence française de lutte contre le dopage prononçant à l’encontre de M. A… B… la sanction d’interdiction de participer pendant quatre ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération sportive et gymnique du travail ainsi qu’à leur organisation et déroulement en tant qu’elle n’a pas étendu les effets de cette interdiction aux manifestations donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature et aux manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu’aux entrainements y préparant ;

2°) subsidiairement, d’annuler la décision du 28 novembre 2018 en tant qu’elle n’a pas étendu les effets de l’interdiction prononcée aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de cyclisme, par la Fédération française de cyclotourisme, par la Fédération française de triathlon, par la Fédération sportive et culturelle de France, par la Fédération française du sport d’entreprise et par l’Union française des oeuvres laïques d’éducation physique ainsi qu’aux entrainements y préparant ;

3°) à défaut, d’annuler cette décision.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code du sport ;
– l’ordonnance n° 2018-603 du 11 juillet 2018 ;
– la décision n° 2017-688 QPC du 2 février 2018 du Conseil constitutionnel ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l’Agence française de lutte contre le dopage ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l’instruction que, le 21 janvier 2018, à l’occasion des championnats nationaux de cyclocross organisés à Stains par la Fédération sportive et gymnique du travail, M. B…, licencié de cette fédération, a été inscrit par un préleveur agréé et assermenté de l’Agence française de lutte contre le dopage sur la liste des coureurs soumis à un contrôle antidopage. L’intéressé ne s’est pas présenté à ce contrôle. Par une décision du 15 juin 2018, l’organe disciplinaire d’appel de lutte contre le dopage de la Fédération sportive et gymnique du travail a prononcé à son encontre la sanction d’interdiction de participer pendant quatre ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par cette fédération et a transmis le dossier à l’AFLD, notamment en vue d’étendre les effets de la sanction aux activités relevant d’autres fédérations sportives. Par une décision du 5 juillet 2018, l’Agence s’est saisie de ce dossier sur le fondement des dispositions du 3° de l’article L. 232-22 du code du sport telles qu’interprétées par le Conseil constitutionnel par sa décision n° 2017-688 QPC du 2 février 2018.

2. Par une décision du 28 novembre 2018, la commission des sanctions de l’AFLD a réformé la décision de la Fédération sportive et gymnique du travail et prononcé à l’encontre de M. B… une sanction d’interdiction de participer pendant quatre ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par cette fédération ainsi qu’à leur organisation et à leur déroulement, complétée par une sanction financière de 2 000 euros et par la publication d’un résumé de sa décision sur le site Internet de l’AFLD et sur ceux de la Fédération sportive et gymnique du travail et de la Fédération française de cyclisme. La présidente de l’AFLD conteste cette décision en tant qu’elle limite l’interdiction prononcée aux manifestations relevant de la seule Fédération sportive et gymnique du travail.

Sur la procédure devant le Conseil d’Etat :

3. Aux termes de l’article L. 232-5 du code du sport, l’AFLD est une autorité publique indépendante chargée de définir et de mettre en oeuvre les actions de lutte contre le dopage et qui, à ce titre, exerce un pouvoir disciplinaire dans les conditions énoncées aux articles L. 232-21-1 à L. 232-23-6. Selon l’article L. 232-5-1 du même code, l’Agence comprend en son sein un collège et une commission des sanctions. L’article L. 232-22 de ce code investit le collège des fonctions de poursuite à l’encontre des auteurs d’infractions présumées en l’absence d’accord homologué dans le cadre de la procédure de composition administrative prévue par l’article L. 232-21-1 du même code. Les articles L. 232-22 et L. 232-23 du code, dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 11 juillet 2018, confèrent à la commission des sanctions, dotée d’une indépendance fonctionnelle afin d’assurer le respect du principe d’impartialité, des fonctions de sanction. Ainsi cette commission, lorsqu’elle se prononce sur d’éventuelles sanctions sur le fondement de l’article L. 232-23 et alors même qu’elle ne constitue pas une juridiction, est investie, compte tenu de l’objet de son intervention ainsi que de sa composition et de son fonctionnement, de fonctions de jugement.

4. Il en résulte que la commission des sanctions de l’AFLD ne peut être regardée comme ayant la qualité de partie dans les litiges portant sur les décisions de sanction qu’elle a prises en application des articles L. 232-22 à L. 232-23-6 du code du sport. Il en va notamment ainsi dans le cas d’une requête introduite par le président de l’Agence, en application de l’article L. 232-24 du code. Il est en revanche loisible au juge administratif, dans le cadre de ses pouvoirs d’instruction, d’appeler en la cause la commission des sanctions en qualité d’observateur ; en cette qualité, la commission n’est pas soumise à l’obligation de ministère d’avocat prévue à l’article R. 432-1 du code de justice administrative.

Sur la sanction prononcée :

5. Selon l’article L. 232-22 du code du sport alors en vigueur, en cas de soustraction d’un sportif à un contrôle relatif à la lutte contre le dopage,  » l’Agence française de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction dans les conditions suivantes : / (…) 3° Elle peut réformer les décisions prises en application de l’article L. 232-21 (…) ; / 4° Elle peut décider l’extension d’une sanction disciplinaire prononcée par une fédération aux activités de l’intéressé relevant des autres fédérations, de sa propre initiative ou à la demande de la fédération ayant prononcé la sanction « . En vertu du 1° du I de l’article L. 232-23 du même code, dans sa version applicable aux faits litigieux, l’Agence peut prononcer à l’encontre de ce sportif » / a) Un avertissement ; / b) Une interdiction temporaire ou définitive de participer à toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, de même qu’aux manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu’aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou l’un des membres de celle-ci ; /c) Une interdiction temporaire ou définitive de participer directement ou indirectement à l’organisation et au déroulement des manifestations sportives et des entraînements mentionnés au b (…). / La sanction prononcée à l’encontre d’un sportif peut être complétée par une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 45 000 ?. Elle est complétée par une décision de publication nominative de la sanction, dans les conditions fixées par l’article L. 232 23 3-1 « . L’article L. 232-23-3-4 de ce code, dans sa rédaction en vigueur, prévoit que » la durée des mesures d’interdiction mentionnées au 1° du I de l’article L. 232-23 (…) est de quatre ans « , cette durée pouvant toutefois être réduite lorsque les circonstances particulières de l’affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité, en vertu de l’article L. 232-23-3-10.

6. Il résulte de l’instruction que M. B… ne s’est pas soumis au contrôle antidopage pour lequel il avait été inscrit le 21 janvier 2018 à l’occasion des championnats nationaux de cyclocross organisés par la Fédération sportive et gymnique du travail. Si l’intéressé a abandonné en cours d’épreuve, sur blessure, et a décidé de rejoindre son domicile en Alsace sans attendre l’arrivée des autres concurrents, il résulte de la délibération n° 296 du 12 septembre 2013 de l’Agence française de lutte contre le dopage que, dans le cas des compétitions cyclistes, tout coureur ayant abandonné en cours d’épreuve est tenu de se rendre, dans les meilleurs délais, au poste de contrôle du dopage pour vérifier s’il a été ou non désigné pour un tel contrôle et, dans l’affirmative, y satisfaire. Alors que M. B…, coureur expérimenté, ne pouvait ignorer ces dispositions et reconnaît avoir été négligent, les faits en cause constituent un manquement caractérisé à l’éthique sportive et à la règlementation de la lutte contre le dopage, susceptible de compromettre la bonne tenue de l’ensemble des compétitions cyclistes. Par suite, après avoir relevé la gravité de la faute commise par M. B…, la commission des sanctions de l’AFLD ne pouvait, sans porter atteinte à l’effet utile du dispositif de lutte antidopage, limiter l’interdiction de quatre ans qu’elle prononçait aux manifestations autorisées ou organisées par la seule Fédération sportive et gymnique du travail ainsi qu’à leur organisation et à leur déroulement, dont relevait la compétition au titre de laquelle avait eu lieu le manquement, alors qu’il n’est pas contesté que des compétitions cyclistes sont organisées par d’autres fédérations.

7. Dans les circonstances de l’espèce, si, pour assurer le respect du principe de proportionnalité, il n’y a pas lieu d’étendre l’interdiction prononcée à l’encontre de M. B… aux manifestations des fédérations sportives qui n’organisent pas de compétitions de cyclisme, il y a lieu, en revanche, comme le demande la présidente de l’AFLD, de l’étendre à celles qui sont organisées ou autorisées par la Fédération française de cyclisme, la Fédération française de cyclotourisme, la Fédération française de triathlon, la Fédération sportive et culturelle de France, la Fédération française du sport d’entreprise et l’Union française des oeuvres laïques d’éducation physique, ainsi qu’aux entraînements y préparant, mais en en limitant la durée à celle qui reste à courir. La présente décision, qui réforme l’étendue de la sanction prononcée par la décision du 28 novembre 2018, qui devait être publiée sur les sites internet de l’AFLD, de la fédération sportive et gymnique du travail et de la fédération française de cyclisme, implique qu’il en soit fait mention sur ces mêmes sites internet ainsi que sur ceux des autres fédérations pour lesquelles l’interdiction s’applique.

D E C I D E :
————–

Article 1er : La sanction d’interdiction prononcée à l’encontre de M. B… est étendue aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de cyclisme, la Fédération française de cyclotourisme, la Fédération française de triathlon, la Fédération sportive et culturelle de France, la Fédération française du sport d’entreprise et l’Union française des oeuvres laïques d’éducation physique ainsi qu’aux entraînements y préparant, dans les conditions énoncées dans les motifs de la présente décision.

Article 2 : La décision de la commission des sanctions de l’AFLD du 28 novembre 2018 est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

Article 3 : La présente décision sera publiée sur les sites internet de l’Agence française de lutte contre le dopage et des fédérations concernées par l’interdiction prononcée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage, à M. A… B… et à la ministre des sports.

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Lorsque l’auteur d’un recours « Tarn-et-Garonne » se prévaut de sa qualité de contribuable local, il lui revient d’établir que la convention ou les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité.

CE, 27 mars 2020, M. Le Monnier et autres, n° 426291, A.

Saisi par un tiers de conclusions contestant la validité d’un contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat de vérifier que l’auteur du recours autre que le représentant de l’Etat dans le département ou qu’un membre de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d’un intérêt susceptible d’être lésé de façon suffisamment directe et certaine. Lorsque l’auteur du recours se prévaut de sa qualité de contribuable local, il lui revient d’établir que la convention ou les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité.

Recours contre un contrat de concession du service public du développement et de l’exploitation du réseau de distribution et de fourniture d’énergie électrique aux tarifs réglementés, attribué à la société Enedis.

Requérants se prévalant de leur qualité de contribuables locaux pour contester, d’une part, la validité des clauses relatives à la délimitation du périmètre des ouvrages concédés, dont ils estimaient qu’elles n’incluaient pas certains dispositifs dans les biens de retour, d’autre part, la validité des clauses relatives à l’indemnité susceptible d’être versée au concessionnaire en cas de rupture anticipée du contrat, dont ils estimaient que l’application pouvait excéder le montant du préjudice réellement subi par ce dernier et constituer de ce fait une libéralité prohibée.

L’intérêt à agir des requérants en tant que contribuables locaux ne peut être écarté en se fondant sur le caractère aléatoire du déploiement des dispositifs exclus de la liste des ouvrages concédés et sur le caractère incertain de la mise en œuvre de la clause relative à la rupture anticipée du contrat : d’une part, le caractère éventuel ou incertain de la mise en œuvre de clauses est par lui-même dépourvu d’incidence sur l’appréciation de leur répercussion possible sur les finances ou le patrimoine de l’autorité concédante ; d’autre part, bien que l’article L. 111-52 du code de l’énergie fixe des zones de desserte exclusives pour les gestionnaires de réseaux publics et attribue de ce fait un monopole légal à la société Enedis et que la convention litigieuse a été conclue pour 30 ans, au vu des évolutions scientifiques, techniques, économiques et juridiques propres au secteur de l’énergie, des modifications d’une telle concession sont probables au cours de la période couverte par le contrat et pourraient notamment nécessiter la mise en œuvre des clauses critiquées.

Cf. CE, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994, p. 70.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 426291
ECLI:FR:CECHR:2020:426291.20200327
Publié au recueil Lebon
7e – 2e chambres réunies
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur
Mme Mireille Le Corre, rapporteur public
SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP BOULLOCHE ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats

Lecture du vendredi 27 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

MM. A… I… H…, B… F…, D… K…, J… E… et G… C… ont demandé au tribunal administratif de Nancy d’annuler ou de résilier l’avenant n° 1 au contrat de concession pour le service public du développement et de l’exploitation du réseau de distribution d’électricité et de fourniture d’énergie électrique aux tarifs réglementés de vente que la communauté urbaine du Grand Nancy (CUGN) a signé le 18 avril 2011 avec les sociétés EDF et ERDF, subsidiairement, d’annuler l’article 1er de cet avenant et la délibération n° 27 du conseil communautaire du 14 novembre 2014 et d’enjoindre à la communauté urbaine du Grand Nancy de résilier l’avenant litigieux ou de saisir le juge du contrat pour qu’il en constate la nullité, et, enfin, d’annuler les décisions du 16 mars 2015 ayant rejeté leurs recours gracieux. Par un jugement n° 1501422 du 2 mai 2017, ce tribunal a rejeté leurs demandes.

Par un arrêt n° 17NC01597 du 16 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel formé par M. I… H… et autres contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 17 décembre 2018, 18 mars et 29 octobre 2019 et 12 février, 4 et 9 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. I… H… et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de la métropole du Grand Nancy, de la société EDF et de la société Enedis la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’énergie ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. I… H… et autres, à la SCP Boulloche, avocat de la métropole du Grand Nancy, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société EDF, et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société Enedis ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 15 avril 2011, le conseil de la communauté urbaine du Grand Nancy, devenue depuis la métropole du Grand Nancy, a autorisé son président à signer avec les sociétés ERDF, devenue Enedis, et EDF, un contrat de concession du service public du développement et de l’exploitation du réseau de distribution et de fourniture d’énergie électrique aux tarifs réglementés. Par un arrêt devenu définitif du 12 mai 2014, la cour administrative d’appel de Nancy a annulé cette délibération ainsi que la décision du président de la communauté urbaine de signer cette convention en tant que figuraient à son cahier des charges les articles 2 et 19 relatifs à la propriété des compteurs électriques, et l’article 31 concernant l’indemnité de fin de contrat en cas de résiliation anticipée, qui comportaient des clauses illégales. Tirant les conséquences de cet arrêt, la communauté urbaine du Grand Nancy a, le 25 février 2015, signé avec les sociétés EDF et ERDF un avenant modifiant les clauses des articles 2, 19 et 31 du contrat. Se prévalant de leur qualité d’usagers du service public et de contribuables locaux, M. I… H… et autres ont demandé l’annulation de cet avenant devant le tribunal administratif de Nancy qui a rejeté leur demande par un jugement en date du 2 mai 2017. Ils se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 16 octobre 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel qu’ils ont formé contre ce jugement.

Sur les conclusions à fins de non-lieu présentées par la métropole du Grand Nancy :

2. La métropole du Grand Nancy fait valoir que par une délibération du conseil métropolitain du 20 décembre 2019, le contrat de concession litigieux a été résilié à compter du 31 décembre 2019 et que le recours des demandeurs est par voie de conséquence privé d’objet. Toutefois, la circonstance que le contrat de concession ait été résilié n’est pas de nature à priver d’objet le présent pourvoi, qui tend à l’annulation de l’avenant adopté le 25 février 2015 et qui a été en vigueur à compter de cette date. Ses conclusions à fins de non-lieu doivent par suite être rejetées.

Sur le pourvoi :

3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi.

4. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus de conclusions contestant la validité d’un contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat de vérifier que l’auteur du recours autre que le représentant de l’Etat dans le département ou qu’un membre de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d’un intérêt susceptible d’être lésé de façon suffisamment directe et certaine. Lorsque l’auteur du recours se prévaut de sa qualité de contribuable local, il lui revient d’établir que la convention ou les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité.

5. Il ressort des motifs de l’arrêt attaqué que M. I… H… et autres se prévalaient notamment de leur qualité de contribuables locaux pour contester, d’une part, la validité des clauses de l’avenant relatives à la délimitation du périmètre des ouvrages concédés, dont ils estimaient qu’elles n’incluaient pas dans les biens de retour qui, en principe, reviennent gratuitement à l’autorité concédante à l’expiration de la concession, les dispositifs de suivi intelligent, de contrôle, de coordination et de stockage des flux électriques mentionnés à l’article 2 du cahier des charges modifié, alors, selon eux, que ces équipements étaient nécessaires à l’exploitation des compteurs Linky et, partant, au fonctionnement du service public. Ils contestaient, d’autre part, la validité des clauses relatives à l’indemnité susceptible d’être versée au concessionnaire en cas de rupture anticipée du contrat, dont ils estimaient que l’application pouvait excéder le montant du préjudice réellement subi par ce dernier et constituer de ce fait une libéralité prohibée.

6. Pour écarter l’intérêt à agir des requérants en tant que contribuables locaux, la cour s’est en premier lieu fondée sur le caractère aléatoire du déploiement des dispositifs exclus de la liste des ouvrages concédés par l’article 2 du cahier des charges et sur le caractère incertain de la mise en oeuvre de la clause relative à la rupture anticipée du contrat. Elle a ce faisant commis une erreur de droit, le caractère éventuel ou incertain de la mise en oeuvre de clauses étant par lui-même dépourvu d’incidence sur l’appréciation de leur répercussion possible sur les finances ou le patrimoine de l’autorité concédante. En second lieu, en se fondant sur la spécificité des dispositions du code de l’énergie, dont l’article L. 111-52 fixe des zones de desserte exclusives pour les gestionnaires de réseaux publics et attribue de ce fait un monopole légal à la société Enedis, et sur la durée de la convention litigieuse, qui a été conclue pour trente ans, pour estimer que la mise en oeuvre de l’indemnité pour rupture anticipée du contrat était trop hypothétique pour suffire à établir que les finances ou le patrimoine de la métropole s’en trouveraient affectés de façon significative, alors qu’au vu des évolutions scientifiques, techniques, économiques et juridiques propres au secteur de l’énergie, des modifications d’une telle concession sont probables au cours de la période couverte par le contrat et pourraient notamment nécessiter la mise en oeuvre des clauses critiquées, la cour a commis une autre erreur de droit. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge respective de la métropole du Grand Nancy et des société Enedis et EDF la somme de 1 000 euros à verser chacune aux requérants, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge des requérants qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt du 16 octobre 2018 de la cour administrative d’appel de Nancy est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Nancy.

Article 3 : La métropole du Grand Nancy, la société Enedis et la société EDF verseront chacune une somme totale de 1 000 euros aux requérants, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de la métropole du Grand Nancy, de la société Enedis et de la société EDF présentées au titre des mêmes dispositions sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A… I… H…, représentant unique ainsi qu’à la métropole du Grand Nancy, à la société Enedis et à la société EDF.

Une personne publique est recevable à demander au juge d’engager la responsabilité quasi-délictuelle de sociétés en raison d’agissements dolosifs susceptibles de l’avoir conduite à contracter avec l’une d’entre elles à des conditions de prix désavantageuses. Un tel litige relève de la compétence des juridictions administratives.

CE, 7-2 chr, Société Signalisation France 27 mars 2020, n° 420491, Lebon

Pour évaluer l’ampleur du préjudice subi par une personne publique au titre du surcoût lié à des pratiques anticoncurrentielles, il convient de se fonder sur la comparaison entre les marchés passés pendant l’entente et une estimation des prix qui auraient dû être pratiqués sans cette entente, en prenant notamment en compte la chute des prix postérieure à son démantèlement ainsi que les facteurs exogènes susceptibles d’avoir eu une incidence sur celle-ci.

Cf. CE, 24 février 2016, Département de l’Eure, n° 395194, p. 44.

Cf., s’agissant d’une action dirigée contre une société non partie au contrat, CE, décision du même jour, Société Lacroix signalisation, n° 421758, à publier au Recueil.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 420491
ECLI:FR:CECHR:2020:420491.20200327
Publié au recueil Lebon
7e – 2e chambres réunies
M. Yohann Bouquerel, rapporteur
Mme Mireille Le Corre, rapporteur public
SCP COLIN-STOCLET ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats

Lecture du vendredi 27 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Le département de la Manche a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la société Signalisation France à lui verser la somme de 2 235 742 euros en réparation du préjudice subi du fait des pratiques anticoncurrentielles de cette société lors de la passation le 21 janvier 2002 et le 31 mars 2005 de deux marchés à bons de commande. Par un jugement n° 1500353 du 6 avril 2017, le tribunal administratif de Caen a condamné la société Signalisation France à verser au département de la Manche cette somme assortie des intérêts légaux à compter du 16 février 2015 ainsi que la somme de 16 069,52 euros au titre des frais d’expertise.

Par un arrêt n° 17NT01526 du 16 mars 2018, la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel formé par la société Signalisation France contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai et 2 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Signalisation France demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge du département de la Manche la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code civil ;
– le code de commerce ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société Signalisation France, et à la SCP Foussard, Froger, avocat du département de la Manche ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le département de la Manche a conclu le 21 janvier 2002 et le 31 mars 2005 avec la société Signature S.A., devenue la société Signalisation France, des marchés de fourniture et de pose de panneaux de signalisation routière. Par une décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010, l’Autorité de la concurrence a infligé à la société Signature une sanction pécuniaire de 18,4 millions d’euros pour s’être entendue, avec sept autres sociétés, sur la répartition et le prix des marchés de signalisation routière entre 1997 et 2006. Par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, cette sanction a été ramenée à 10 millions d’euros. Par une ordonnance n° 1402286 du 27 février 2015, modifiée par une ordonnance du 5 octobre 2015, le tribunal administratif de Caen, saisi par le département de la Manche, a désigné un expert pour évaluer le préjudice subi par ce dernier en raison des pratiques anticoncurrentielles de la société Signature. Dans son rapport du 20 janvier 2016, l’expert a évalué le surcoût acquitté par le département à 2 235 742 euros pour les marchés conclus en 2002 et 2005 avec la société Signature. Par un jugement du 6 avril 2017, le tribunal administratif de Caen a condamné la société Signalisation France à verser au département cette somme, ainsi que les frais d’expertise, taxés à un montant de 16 069,52 euros toutes taxes comprises. La société Signalisation France se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 16 mars 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel formé par cette société contre ce jugement.

2. En premier lieu, si une personne publique est, en principe, irrecevable à demander au juge administratif de prononcer une mesure qu’elle a le pouvoir de prendre, la faculté d’émettre un titre exécutoire dont elle dispose ne fait pas obstacle, lorsque la créance trouve son origine dans un contrat, à ce qu’elle saisisse le juge d’administratif d’une demande tendant à son recouvrement. L’action tendant à l’engagement de la responsabilité quasi délictuelle d’une société en raison d’agissements dolosifs susceptibles d’avoir conduit une personne publique à contracter avec elle à des conditions de prix désavantageuses, qui tend à la réparation d’un préjudice né du contrat lui-même et résultant de la différence éventuelle entre les termes du marché effectivement conclu et ceux auxquels il aurait dû l’être dans des conditions normales de concurrence, doit être regardée, pour l’application de ces principes, comme trouvant son origine dans le contrat. Par suite, en jugeant recevable la demande introduite par le département de la Manche devant le tribunal administratif de Caen tendant à obtenir la condamnation de la société Signalisation France à l’indemniser du surcoût lié à des pratiques anticoncurrentielles lors de la passation des marchés conclus les 21 janvier 2002 et 31 mars 2005 avec la société Signature S.A., devenue la société Signalisation France, la cour n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit.

3. En deuxième lieu, aux termes de l’article 2270-1 du code civil, en vigueur jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : « Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. » Aux termes de l’article 2224 du même code, résultant de la loi du 17 juin 2008 : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Aux termes du II de l’article 26 de cette loi : « Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ». Enfin, aux termes de l’article L. 481-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles : « Toute personne physique ou morale formant une entreprise (…) est responsable du dommage qu’elle a causé du fait de la commission d’une pratique anticoncurrentielle (…) ». Aux termes de l’article L. 482-1 du même code :  » L’action en dommages et intérêts fondée sur l’article L. 481-1 se prescrit à l’expiration d’un délai de cinq ans. Ce délai commence à courir du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître de façon cumulative : / 1° Les actes ou faits imputés à l’une des personnes physiques ou morales mentionnées à l’article L. 481-1 et le fait qu’ils constituent une pratique anticoncurrentielle ; / 2° Le fait que cette pratique lui cause un dommage ; / 3° L’identité de l’un des auteurs de cette pratique (…) « . Aux termes de l’article 12 de cette ordonnance : » I. Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le lendemain de sa publication (…). II. Les dispositions de la présente ordonnance qui allongent la durée d’une prescription s’appliquent lorsque le délai de prescription n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé « .

4. Il résulte de ces dispositions que, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, les actions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle des auteurs de pratiques anticoncurrentielles se prescrivaient par dix ans à compter de la manifestation du dommage. Après l’entrée en vigueur de cette loi, la prescription de ces conclusions est régie par les dispositions de l’article 2224 du code civil fixant une prescription de cinq ans. S’appliquent, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 9 mars 2017, les dispositions de l’article L. 482-1 du code de commerce posant une même prescription.

5. La cour administrative d’appel de Nantes a estimé, au terme de son appréciation souveraine des pièces du dossier, que le département de la Manche n’avait eu connaissance de manière suffisamment certaine de l’étendue des pratiques anticoncurrentielles dont il avait été victime qu’à compter de la décision du 22 décembre 2010 de l’Autorité de la concurrence. En en déduisant que l’action engagée par cette collectivité devant le tribunal administratif de Caen le 16 février 2015, soit dans le délai de cinq ans fixé par l’article 2224 du code civil, n’était pas prescrite, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n’a pas commis d’erreur de droit.

6. En troisième lieu, il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel, qui n’était pas tenue de répondre explicitement à l’ensemble des arguments invoqués par la société requérante pour remettre en cause les conclusions du rapport d’expertise, s’est fondée, pour évaluer l’ampleur du préjudice subi par le département au titre du surcoût lié aux pratiques anticoncurrentielles, sur la comparaison entre les marchés passés pendant l’entente et une estimation des prix qui auraient dû être pratiqués sans cette entente, en prenant notamment en compte la chute des prix postérieure à son démantèlement ainsi que les facteurs exogènes susceptibles d’avoir eu une incidence sur celle-ci. En estimant implicitement qu’en l’espèce cette chute des prix ne résultait pas de l’augmentation de la pondération du critère du prix dans les marchés postérieurs ou de la réduction alléguée des marges bénéficiaires des entreprises concernées, la cour, dont l’arrêt est suffisamment motivé sur ce point, n’a pas dénaturé les pièces du dossier.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Signalisation France n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge du département de la Manche qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Signalisation France la somme de 3 000 euros à verser au département de la Manche, au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Signalisation France est rejeté.

Article 2 : La société Signalisation France versera au département de la Manche une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Signalisation France et au département de la Manche.