L’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) qui prononce une sanction ne peut être regardée comme une partie dans les litiges portant sur ses décisions de sanction mais il est loisible au juge de l’appeler en la cause en qualité d’observateur.

CE, 20 mars 2020, Agence française de lutte contre le dopage, n° 429427, A.

Aux termes de l’article L. 232-5 du code du sport, l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) est une autorité publique indépendante chargée de définir et de mettre en œuvre les actions de lutte contre le dopage et qui, à ce titre, exerce un pouvoir disciplinaire dans les conditions énoncées aux articles L. 232-21-1 à L. 232-23-6. Selon l’article L. 232-5-1 du même code, l’Agence comprend en son sein un collège et une commission des sanctions. L’article L. 232-22 de ce code investit le collège des fonctions de poursuite à l’encontre des auteurs d’infractions présumées en l’absence d’accord homologué dans le cadre de la procédure de composition administrative prévue par l’article L. 232-21-1 du même code. Les articles L. 232-22 et L. 232-23 du code, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2018-603 du 11 juillet 2018, confèrent à la commission des sanctions, dotée d’une indépendance fonctionnelle afin d’assurer le respect du principe d’impartialité, des fonctions de sanction. Ainsi cette commission, lorsqu’elle se prononce sur d’éventuelles sanctions sur le fondement de l’article L. 232-23 et alors même qu’elle ne constitue pas une juridiction, est investie, compte tenu de l’objet de son intervention ainsi que de sa composition et de son fonctionnement, de fonctions de jugement.

Il en résulte que la commission des sanctions de l’AFLD ne peut être regardée comme ayant la qualité de partie dans les litiges portant sur les décisions de sanction qu’elle a prises en application des articles L. 232-22 à L. 232-23-6 du code du sport. Il en va notamment ainsi dans le cas d’une requête introduite par le président de l’Agence, en application de l’article L. 232-24 du code.

Il est en revanche loisible au juge administratif, dans le cadre de ses pouvoirs d’instruction, d’appeler en la cause la commission des sanctions en qualité d’observateur ; en cette qualité, la commission n’est pas soumise à l’obligation de ministère d’avocat prévue à l’article R. 432-1 du code de justice administrative.

Rappr., s’agissant d’un recours contre un refus de la commission des sanctions de l’AMF d’homologuer un accord de composition administrative, CE, Assemblée, 18 mars 2020, Président de l’Autorité des marchés financiers et société Arkéa Direct Bank, n°s 422186 422274, à publier au Recueil ; s’agissant d’un pourvoi en cassation contre une décision du conseil national d’un ordre professionnel ayant statué au tant que juridiction d’appel dans le cadre de poursuites disciplinaires CE, Section, 28 juillet 1999, Le Goff, n° 165523, p. 275.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 429427
ECLI:FR:CECHR:2020:429427.20200320
Publié au recueil Lebon
2e – 7e chambres réunies
M. Yves Doutriaux, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats

Lecture du vendredi 20 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 avril et 4 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 28 novembre 2018 de la commission des sanctions de l’Agence française de lutte contre le dopage prononçant à l’encontre de M. A… B… la sanction d’interdiction de participer pendant quatre ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération sportive et gymnique du travail ainsi qu’à leur organisation et déroulement en tant qu’elle n’a pas étendu les effets de cette interdiction aux manifestations donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature et aux manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu’aux entrainements y préparant ;

2°) subsidiairement, d’annuler la décision du 28 novembre 2018 en tant qu’elle n’a pas étendu les effets de l’interdiction prononcée aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de cyclisme, par la Fédération française de cyclotourisme, par la Fédération française de triathlon, par la Fédération sportive et culturelle de France, par la Fédération française du sport d’entreprise et par l’Union française des oeuvres laïques d’éducation physique ainsi qu’aux entrainements y préparant ;

3°) à défaut, d’annuler cette décision.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code du sport ;
– l’ordonnance n° 2018-603 du 11 juillet 2018 ;
– la décision n° 2017-688 QPC du 2 février 2018 du Conseil constitutionnel ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l’Agence française de lutte contre le dopage ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l’instruction que, le 21 janvier 2018, à l’occasion des championnats nationaux de cyclocross organisés à Stains par la Fédération sportive et gymnique du travail, M. B…, licencié de cette fédération, a été inscrit par un préleveur agréé et assermenté de l’Agence française de lutte contre le dopage sur la liste des coureurs soumis à un contrôle antidopage. L’intéressé ne s’est pas présenté à ce contrôle. Par une décision du 15 juin 2018, l’organe disciplinaire d’appel de lutte contre le dopage de la Fédération sportive et gymnique du travail a prononcé à son encontre la sanction d’interdiction de participer pendant quatre ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par cette fédération et a transmis le dossier à l’AFLD, notamment en vue d’étendre les effets de la sanction aux activités relevant d’autres fédérations sportives. Par une décision du 5 juillet 2018, l’Agence s’est saisie de ce dossier sur le fondement des dispositions du 3° de l’article L. 232-22 du code du sport telles qu’interprétées par le Conseil constitutionnel par sa décision n° 2017-688 QPC du 2 février 2018.

2. Par une décision du 28 novembre 2018, la commission des sanctions de l’AFLD a réformé la décision de la Fédération sportive et gymnique du travail et prononcé à l’encontre de M. B… une sanction d’interdiction de participer pendant quatre ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par cette fédération ainsi qu’à leur organisation et à leur déroulement, complétée par une sanction financière de 2 000 euros et par la publication d’un résumé de sa décision sur le site Internet de l’AFLD et sur ceux de la Fédération sportive et gymnique du travail et de la Fédération française de cyclisme. La présidente de l’AFLD conteste cette décision en tant qu’elle limite l’interdiction prononcée aux manifestations relevant de la seule Fédération sportive et gymnique du travail.

Sur la procédure devant le Conseil d’Etat :

3. Aux termes de l’article L. 232-5 du code du sport, l’AFLD est une autorité publique indépendante chargée de définir et de mettre en oeuvre les actions de lutte contre le dopage et qui, à ce titre, exerce un pouvoir disciplinaire dans les conditions énoncées aux articles L. 232-21-1 à L. 232-23-6. Selon l’article L. 232-5-1 du même code, l’Agence comprend en son sein un collège et une commission des sanctions. L’article L. 232-22 de ce code investit le collège des fonctions de poursuite à l’encontre des auteurs d’infractions présumées en l’absence d’accord homologué dans le cadre de la procédure de composition administrative prévue par l’article L. 232-21-1 du même code. Les articles L. 232-22 et L. 232-23 du code, dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 11 juillet 2018, confèrent à la commission des sanctions, dotée d’une indépendance fonctionnelle afin d’assurer le respect du principe d’impartialité, des fonctions de sanction. Ainsi cette commission, lorsqu’elle se prononce sur d’éventuelles sanctions sur le fondement de l’article L. 232-23 et alors même qu’elle ne constitue pas une juridiction, est investie, compte tenu de l’objet de son intervention ainsi que de sa composition et de son fonctionnement, de fonctions de jugement.

4. Il en résulte que la commission des sanctions de l’AFLD ne peut être regardée comme ayant la qualité de partie dans les litiges portant sur les décisions de sanction qu’elle a prises en application des articles L. 232-22 à L. 232-23-6 du code du sport. Il en va notamment ainsi dans le cas d’une requête introduite par le président de l’Agence, en application de l’article L. 232-24 du code. Il est en revanche loisible au juge administratif, dans le cadre de ses pouvoirs d’instruction, d’appeler en la cause la commission des sanctions en qualité d’observateur ; en cette qualité, la commission n’est pas soumise à l’obligation de ministère d’avocat prévue à l’article R. 432-1 du code de justice administrative.

Sur la sanction prononcée :

5. Selon l’article L. 232-22 du code du sport alors en vigueur, en cas de soustraction d’un sportif à un contrôle relatif à la lutte contre le dopage,  » l’Agence française de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction dans les conditions suivantes : / (…) 3° Elle peut réformer les décisions prises en application de l’article L. 232-21 (…) ; / 4° Elle peut décider l’extension d’une sanction disciplinaire prononcée par une fédération aux activités de l’intéressé relevant des autres fédérations, de sa propre initiative ou à la demande de la fédération ayant prononcé la sanction « . En vertu du 1° du I de l’article L. 232-23 du même code, dans sa version applicable aux faits litigieux, l’Agence peut prononcer à l’encontre de ce sportif » / a) Un avertissement ; / b) Une interdiction temporaire ou définitive de participer à toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, de même qu’aux manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu’aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou l’un des membres de celle-ci ; /c) Une interdiction temporaire ou définitive de participer directement ou indirectement à l’organisation et au déroulement des manifestations sportives et des entraînements mentionnés au b (…). / La sanction prononcée à l’encontre d’un sportif peut être complétée par une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 45 000 ?. Elle est complétée par une décision de publication nominative de la sanction, dans les conditions fixées par l’article L. 232 23 3-1 « . L’article L. 232-23-3-4 de ce code, dans sa rédaction en vigueur, prévoit que » la durée des mesures d’interdiction mentionnées au 1° du I de l’article L. 232-23 (…) est de quatre ans « , cette durée pouvant toutefois être réduite lorsque les circonstances particulières de l’affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité, en vertu de l’article L. 232-23-3-10.

6. Il résulte de l’instruction que M. B… ne s’est pas soumis au contrôle antidopage pour lequel il avait été inscrit le 21 janvier 2018 à l’occasion des championnats nationaux de cyclocross organisés par la Fédération sportive et gymnique du travail. Si l’intéressé a abandonné en cours d’épreuve, sur blessure, et a décidé de rejoindre son domicile en Alsace sans attendre l’arrivée des autres concurrents, il résulte de la délibération n° 296 du 12 septembre 2013 de l’Agence française de lutte contre le dopage que, dans le cas des compétitions cyclistes, tout coureur ayant abandonné en cours d’épreuve est tenu de se rendre, dans les meilleurs délais, au poste de contrôle du dopage pour vérifier s’il a été ou non désigné pour un tel contrôle et, dans l’affirmative, y satisfaire. Alors que M. B…, coureur expérimenté, ne pouvait ignorer ces dispositions et reconnaît avoir été négligent, les faits en cause constituent un manquement caractérisé à l’éthique sportive et à la règlementation de la lutte contre le dopage, susceptible de compromettre la bonne tenue de l’ensemble des compétitions cyclistes. Par suite, après avoir relevé la gravité de la faute commise par M. B…, la commission des sanctions de l’AFLD ne pouvait, sans porter atteinte à l’effet utile du dispositif de lutte antidopage, limiter l’interdiction de quatre ans qu’elle prononçait aux manifestations autorisées ou organisées par la seule Fédération sportive et gymnique du travail ainsi qu’à leur organisation et à leur déroulement, dont relevait la compétition au titre de laquelle avait eu lieu le manquement, alors qu’il n’est pas contesté que des compétitions cyclistes sont organisées par d’autres fédérations.

7. Dans les circonstances de l’espèce, si, pour assurer le respect du principe de proportionnalité, il n’y a pas lieu d’étendre l’interdiction prononcée à l’encontre de M. B… aux manifestations des fédérations sportives qui n’organisent pas de compétitions de cyclisme, il y a lieu, en revanche, comme le demande la présidente de l’AFLD, de l’étendre à celles qui sont organisées ou autorisées par la Fédération française de cyclisme, la Fédération française de cyclotourisme, la Fédération française de triathlon, la Fédération sportive et culturelle de France, la Fédération française du sport d’entreprise et l’Union française des oeuvres laïques d’éducation physique, ainsi qu’aux entraînements y préparant, mais en en limitant la durée à celle qui reste à courir. La présente décision, qui réforme l’étendue de la sanction prononcée par la décision du 28 novembre 2018, qui devait être publiée sur les sites internet de l’AFLD, de la fédération sportive et gymnique du travail et de la fédération française de cyclisme, implique qu’il en soit fait mention sur ces mêmes sites internet ainsi que sur ceux des autres fédérations pour lesquelles l’interdiction s’applique.

D E C I D E :
————–

Article 1er : La sanction d’interdiction prononcée à l’encontre de M. B… est étendue aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de cyclisme, la Fédération française de cyclotourisme, la Fédération française de triathlon, la Fédération sportive et culturelle de France, la Fédération française du sport d’entreprise et l’Union française des oeuvres laïques d’éducation physique ainsi qu’aux entraînements y préparant, dans les conditions énoncées dans les motifs de la présente décision.

Article 2 : La décision de la commission des sanctions de l’AFLD du 28 novembre 2018 est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

Article 3 : La présente décision sera publiée sur les sites internet de l’Agence française de lutte contre le dopage et des fédérations concernées par l’interdiction prononcée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage, à M. A… B… et à la ministre des sports.

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