Le crédit d’impôt en faveur de certaines entreprises ayant conclu un accord d’intéressement (art. 244 quater T du CGI) constitue un bien au sens du droit au respect de ses biens (art. 1er du premier protocole additionnel de la CEDH).

CE, 3e – 8e ch. réunies, Société FerroPem 13 mars 2019, n° 417536, Lebon T

Les dispositions de l’article 244 quater T du code général des impôts (CGI) dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 ont créé un dispositif fiscal destiné à inciter les entreprises à conclure des accords d’intéressement ou à modifier des accords existants dans un sens plus favorable aux salariés entre la date de publication de cette loi et le 31 décembre 2014. Les accords d’intéressement visés par ce dispositif incitatif sont, en vertu de l’article L. 3312-5 du code du travail, conclus pour une durée de trois ans. Il résulte de ces dispositions fiscales que le crédit d’impôt intéressement, qui est calculé au titre des sommes attribuées aux bénéficiaires de l’accord d’intéressement signé durant cette période, bénéficie aux entreprises pendant la période triennale de l’accord. Ces dispositions étaient de nature à laisser espérer leur application sur l’ensemble de la période triennale pour laquelle est conclu un accord d’intéressement. Par suite, en excluant du bénéfice du crédit d’impôt les entreprises de plus de 250 salariés pour 2011 et 2012, le législateur a privé la société requérante d’une espérance légitime d’en bénéficier jusqu’au terme de la période triennale de l’accord d’intéressement applicable à compter du 1er janvier 2010 et signé en mai de cette année.

Administration soutenant que le plafonnement des montants de crédit d’impôt intéressement susceptibles d’être versés au titre des années 2011 et 2012 à la société requérante est justifié par un motif d’intérêt général, tiré de ce qu’en n’appliquant pas un tel plafonnement à cette société, l’administration méconnaitrait l’article 2 du règlement (CE) n° 1998/2006 du 15 décembre 2006. Toutefois, il résulte de l’instruction qu’au moment de la signature de l’accord d’intéressement, le 25 mai 2010, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article 131 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 restreignant le champ d’application du crédit d’impôt intéressement aux entreprises de moins de 50 salariés, ce dispositif n’accordait pas d’avantages sélectifs aux entreprises qui en bénéficiaient et ne pouvait, dès lors, être regardé comme organisant un régime d’aides d’Etat au sens de l’article 2 de ce règlement. Ainsi, le motif d’intérêt général invoqué par l’administration ne saurait être retenu, dès lors que les montants de crédits d’impôt qui devaient être versés à la société requérante au titre des années 2011 et 2012, en application de l’accord d’intéressement qu’elle a signé le 25 mai 2010, n’entrent pas dans le champ d’application du règlement du 15 décembre 2006.

Si l’administration fiscale se fonde sur ce même règlement pour soutenir que la société requérante ne peut bénéficier que d’un montant plafonné à 200 000 euros de crédit d’impôt au titre des années 2011 et 2012, le dispositif de crédit d’impôt tel qu’issu de l’article 244 quater T du CGI dans sa rédaction applicable à la date de signature de l’accord d’intéressement de la société requérante ne pouvait être regardé comme organisant un régime d’aides d’Etat, au sens de l’article 2 du règlement. Ainsi, ce crédit d’impôt intéressement n’étant pas susceptible d’être soumis à un plafonnement des montants versés pour sa mise en œuvre en application de cet article au jour de la signature de l’accord d’intéressement, la société requérante peut se prévaloir d’une espérance légitime, devant être regardée comme un bien au sens des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de bénéficier d’un crédit d’impôt non plafonné durant la durée triennale de son accord d’intéressement.

1. Cf. CE, 6 juin 2018, Société Dekra France, n° 414482, à mentionner aux Tables.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 417536
ECLI:FR:CECHR:2019:417536.20190313
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3e – 8e chambres réunies
M. Thomas Janicot, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER, avocats

Lecture du mercredi 13 mars 2019REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société FerroPem a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution d’une somme de 583 153 euros résultant de l’application aux exercices clos les 31 décembre 2011 et 31 décembre 2012 du crédit d’impôt intéressement prévu par l’article 244 quater T du code général des impôts.

Par un jugement n° 1412495 du 16 juin 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16VE02478 du 23 novembre 2017, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la société FerroPem contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 23 janvier, 19 avril, 23 octobre et 16 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société FerroPem demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

 – le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

 – le règlement (CE) n° 1998/2006 du 15 décembre 2006 ;

 – le code du travail ;

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 ;

 – la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;

 – la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Thomas Janicot, auditeur,

— les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la Société FerroPem ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’administration fiscale s’est fondée sur l’article 131 de la loi de finances pour 2011 du 29 décembre 2010 et l’article 20 de la loi de finances rectificative pour 2011 du 29 juillet 2011 excluant les sociétés membres d’un groupe fiscal de plus de 250 salariés du bénéfice du crédit d’impôt intéressement prévu par l’article 244 quater T du code général des impôts, pour refuser à la société FerroPem le bénéfice de ce crédit d’impôt pour les années 2011 et 2012, au titre d’un accord d’intéressement signé le 25 mai 2010. Par un jugement du 16 juin 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société FerroPem tendant à obtenir la restitution d’une somme de 583 183 euros, correspondant au montant du crédit d’impôt intéressement auquel elle aurait pu prétendre au titre des années 2011 et 2012. Par un arrêt du 23 novembre 2017, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la société contre ce jugement. La société FerroPem se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour (…) assurer le paiement des impôts (…) ». Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d’un bien qu’elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l’espérance légitime d’obtenir une somme d’argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations.

3. Aux termes des dispositions de l’article 244 quater T du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail :  » I.- Les entreprises imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies et 44 duodecies, et ayant conclu un accord d’intéressement en application du titre Ier du livre III de la troisième partie du code du travail peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des primes d’intéressement dues en application de cet accord. II.-Ce crédit d’impôt est égal à 20 % : a) De la différence entre les primes d’intéressement mentionnées au I dues au titre de l’exercice et la moyenne des primes dues au titre de l’accord précédent ; b) Ou des primes d’intéressement mentionnées au I dues au titre de l’exercice lorsque aucun accord d’intéressement n’était en vigueur au titre des quatre exercices précédant celui de la première application de l’accord en cours « . Aux termes du V de l’article 2 de la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail : » Les I à IV s’appliquent au crédit d’impôt calculé au titre des primes d’intéressement dues en application d’un accord d’intéressement ou d’un avenant à un accord d’intéressement en cours à la date de publication de la présente loi modifiant les modalités de calcul de l’intéressement, conclus à compter de la date de publication de la présente loi et au plus tard le 31 décembre 2014. Pour le calcul du crédit d’impôt en cas d’avenant à un accord en cours à la date de publication de la présente loi, l’accord précédent s’entend de la période couverte par l’accord en cours jusqu’à la date d’effet de l’avenant « .

4. L’article 131 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a modifié ce dispositif en en restreignant le champ d’application aux entreprises ayant conclu un accord d’intéressement et employant habituellement moins de 50 salariés et le crédit d’impôt a été porté à 30 % de la différence entre, d’une part, les primes d’intéressement mentionnées au I dues au titre de l’exercice et, d’autre part, la moyenne des primes dues au titre de l’accord précédent ou, si leur montant est plus élevé, les primes d’intéressement dues au titre de l’exercice précédent. Ce nouveau dispositif était applicable aux crédits d’impôt acquis au titre des primes versées à compter du 1er janvier 2011. L’article 20 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 a modifié l’entrée en vigueur de ces dispositions en les rendant applicables aux primes d’intéressement dues au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011 et en prévoyant que, pour les entreprises employant plus de 49 salariés et moins de 250 salariés, les anciennes dispositions s’appliquaient aux crédits d’impôt relatifs aux primes d’intéressement dues en application d’accords d’intéressement conclus ou renouvelés avant le 1er janvier 2011.

5. Aux termes de l’article L. 3312-5 du code du travail : « les accords d’intéressement sont conclus pour une durée de trois ans (…) ».

6. Les dispositions de l’article 244 quater T du code général des impôts dans leur rédaction issue de la loi du 3 décembre 2008 ont créé un dispositif fiscal destiné à inciter les entreprises à conclure des accords d’intéressement ou à modifier des accords existants dans un sens plus favorable aux salariés entre la date de publication de la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail et le 31 décembre 2014. Les accords d’intéressement visés par ce dispositif incitatif sont, en vertu de l’article L. 3312-5 du code du travail, conclus pour une durée de trois ans. Il résulte de ces dispositions fiscales que le crédit d’impôt intéressement, qui est calculé au titre des sommes attribuées aux bénéficiaires de l’accord d’intéressement signé durant cette période, bénéficie aux entreprises pendant la période triennale de l’accord. Ces dispositions étaient de nature à laisser espérer leur application sur l’ensemble de la période triennale pour laquelle est conclu un accord d’intéressement.

7. Par suite, en jugeant qu’en excluant du bénéfice du crédit d’impôt les entreprises de plus de 250 salariés pour 2011 et 2012, le législateur n’avait pas privé la société FerroPem France d’une espérance légitime d’en bénéficier jusqu’au terme de la période triennale de l’accord d’intéressement applicable à compter du 1er janvier 2010 et signé en mai de cette année aux motifs que le dispositif de l’article 244 quater T ne comportait aucune indication de durée et que le crédit d’impôt ne pouvait être imputé sur un exercice autre que celui au titre duquel étaient versées les primes d’intéressement, alors qu’ainsi qu’il a été dit, ce régime fiscal était lié à la durée d’application du contrat d’intéressement, la cour a donné aux faits de l’espèce une qualification juridique erronée.

8. Il résulte de ce qui précède que la société FerroPem est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

9. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la société FerroPem disposait d’une espérance légitime de bénéficier du crédit d’impôt, dès lors que ce dispositif était de nature à laisser espérer son application sur l’ensemble de la période triennale pour laquelle est conclu un accord d’intéressement.

11. En deuxième lieu, si les stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant de lois en vigueur ayant le caractère d’un bien au sens de ces stipulations, c’est à la condition de ménager un juste équilibre entre l’atteinte portée à ces droits et les motifs d’intérêt général susceptibles de la justifier.

12. Il résulte de l’instruction que, pour établir ces motifs d’intérêt général, l’administration invoque, d’une part, la nécessité de recentrer le dispositif sur les petites et moyennes entreprises afin d’y développer en priorité l’intéressement et, d’autre part, « l’effet d’aubaine » et « l’avantage économique injustifié » pour les grandes entreprises que constituerait le bénéfice de ce crédit d’impôt. Toutefois, d’une part, à la date de la modification du régime fiscal, aucun bilan n’avait été tiré de ce dispositif qui avait seulement deux ans d’existence, et, d’autre part, si l’administration met en avant une étude de 2018 de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques relative à l’évolution des dispositifs de participation, d’intéressement et d’épargne salariale entre 2006 et 2016, ces études n’apportent, en tout état de cause, aucun élément sur les efforts qui auraient pu être consentis par les entreprises d’une taille supérieure à 250 salariés pour améliorer le contenu des accords conclus précédemment et établissent seulement l’absence de résultats tangibles à la suite du recentrage du crédit d’impôt sur les petites entreprises de moins de 50 salariés. En outre, alors que ni l’ampleur ni la nature des « effets d’aubaine » allégués par l’administration n’ont fait l’objet d’études précises, le coût de ce dispositif fiscal, quand bien même il aurait été sous-évalué par l’administration au moment de sa conception, ne saurait constituer à lui seul un motif d’intérêt général susceptible de justifier l’atteinte portée à l’espérance légitime de la société requérante. Par suite, la suppression du bénéfice du crédit d’impôt pour les entreprises de plus de 250 salariés à compter du 1er janvier 2011 a porté une atteinte disproportionnée à l’espérance légitime de la société FerroPem de bénéficier des montants de crédits d’impôt auxquels elle aurait pu prétendre au titre des années 2011 et 2012, faute de motifs d’intérêt général susceptibles de la justifier.

13. En troisième lieu, aux termes de l’article 2 du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis, dans sa version applicable au litige : « Le montant brut total des aides de minimis octroyées à une même entreprise ne peut excéder 200 000 EUR sur une période de trois exercices fiscaux (…) ». Aux termes du VI de l’article 244 quater T du code général des impôts, issu de l’article 131 de la loi de finances pour 2011 du 29 décembre 2010 : « Le bénéfice du crédit d’impôt mentionné au I est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis ».

14. L’administration soutient que le plafonnement des montants de crédit d’impôt intéressement susceptibles d’être versés au titre des années 2011 et 2012 à la société FerroPem serait aussi justifié par le motif d’intérêt général tiré de ce qu’en n’appliquant pas un tel plafonnement à cette société, l’administration méconnaîtrait l’article 2 du règlement de la Commission du 15 décembre 2006 précédemment cité. Toutefois, il résulte de l’instruction qu’au moment de la signature de l’accord d’intéressement, le 25 mai 2010, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article 131 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 restreignant le champ d’application du crédit d’impôt intéressement aux entreprises de moins de 50 salariés, ce dispositif n’accordait pas d’avantages sélectifs aux entreprises qui en bénéficiaient et ne pouvait, dès lors, être regardé comme organisant un régime d’aides d’Etat au sens de l’article 2 du règlement n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006. Ainsi, le motif d’intérêt général invoqué par l’administration ne saurait être retenu, dès lors que les montants de crédits d’impôt qui devaient être versés à la société requérante au titre des années 2011 et 2012, en application de l’accord d’intéressement qu’elle a signé le 25 mai 2010, n’entrent pas dans le champ d’application du règlement n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 relatif aux aides de minimis.

15. Enfin, si l’administration se fonde sur les dispositions du règlement du 15 décembre 2006 pour soutenir aussi que la société requérante ne pourrait bénéficier que d’un montant plafonné à 200 000 euros de crédit d’impôt au titre des années 2011 et 2012, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le dispositif de crédit d’impôt tel qu’issu de l’article 244 quater T du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la date de signature de l’accord d’intéressement de la société FerroPem, ne pouvait être regardé comme organisant un régime d’aides d’Etat, au sens de l’article 2 du règlement. Ainsi, ce crédit d’impôt intéressement n’étant pas susceptible d’être soumis à un plafonnement des montants versés pour sa mise en oeuvre en application de cet article au jour de la signature de l’accord d’intéressement, la société FerroPem peut se prévaloir d’une espérance légitime, devant être regardée comme un bien au sens des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de bénéficier d’un crédit d’impôt non plafonné durant la durée triennale de son accord d’intéressement.

16. Il résulte de tout qui précède que la société FerroPem est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande et à demander la restitution du crédit d’impôt d’un montant de 583 153 euros correspondant au crédit d’impôt intéressement dont elle aurait dû bénéficier au titre des années 2011 et 2012. Toutefois, en l’absence de litige né et actuel avec le comptable sur ce point, ses conclusions tendant au versement d’intérêts moratoires ne peuvent qu’être rejetées.

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 6 000 euros à verser à la société FerroPem pour les frais exposés par elle en première instance, en appel et en cassation.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt du 23 novembre 2017 de la cour administrative d’appel de Versailles et le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 16 juin 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est accordé à la société FerroPem la restitution du crédit d’impôt d’un montant de 583 153 euros correspondant au crédit d’impôt d’intéressement au titre des années 2011 et 2012.

Article 3 : L’Etat versera à la société FerroPem la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société FerroPem est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société FerroPem et au ministre de l’action et des comptes publics.