Peuvent être classées en réserve naturelle nationale les parties du territoire au sein desquelles la conservation des espèces et du milieu naturel revêt une importance écologique ou scientifique particulière ou qu’il convient de soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader, ainsi que les zones qui contribuent directement à la sauvegarde de ces parties du territoire, en particulier lorsqu’elles en constituent, d’un point de vue écologique, une extension nécessaire ou qu’elles jouent un rôle de transition entre la zone la plus riche en biodiversité et le reste du territoire.

CE, 6e et 5e ch. réunies, Association Amis du banc d’Arguin 3 juin 2020, n° 414018, Lebon T

Conclusions du Rapporteur Public

Texte intégral
Conseil d’État

N° 414018
ECLI:FR:CECHR:2020:414018.20200603
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6e et 5e chambres réunies
Mme Fanélie Ducloz, rapporteur
M. Olivier Fuchs, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats

Lecture du mercredi 3 juin 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 5 septembre et 5 décembre 2017, le 6 mars 2019 et le 12 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du Premier ministre rejetant la demande qu’elle a présentée le 28 juin 2017 tendant à l’annulation du décret n° 2017-945 du 10 mai 2017 portant extension et modification de la réserve nationale du banc d’Arguin ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le décret n° 86-53 du 9 janvier 1986 ;
– le décret n° 2017-244 du 27 février 2017 ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l’association Amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mai 2020, présentée par l’association Amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon ;

Considérant ce qui suit :

Sur l’intervention de l’association Coordination Environnement du bassin d’Arcachon :

1. Cette intervention n’est pas motivée et n’est, dès lors, pas recevable.

Sur les conclusions de la requête de l’association Amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon tendant à l’annulation du décret attaqué :

2. L’association Amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon, qui a saisi, le 28 juin 2017, le Premier ministre d’une demande tendant à l’annulation du décret du 10 mai 2017 portant extension et modification de la réserve nationale du banc d’Arguin, demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir ce décret et le refus implicite du Premier ministre de faire droit à la demande dont elle l’avait saisi.

En ce qui concerne la légalité externe du décret attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l’article R. 332-14 du code de l’environnement : « L’extension du périmètre ou la modification de la réglementation d’une réserve naturelle nationale, son déclassement partiel ou total font l’objet des mêmes modalités d’enquête et de consultation et des mêmes mesures de publicité que celles qui régissent les décisions de classement. / L’extension du périmètre ou la modification de la réglementation est prononcée par décret. Elle est prononcée par décret en Conseil d’Etat en cas de désaccord d’un ou plusieurs propriétaires ou titulaires de droits réels. (…) ». Aux termes de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques :  » Le domaine public maritime naturel de l’Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu’elle couvre et découvre jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (…) « .

4. Il ressort des pièces du dossier que la réserve naturelle du banc d’Arguin est située au large de la côte dans la mer territoriale. Elle fait ainsi partie du domaine public maritime de l’Etat en vertu de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques précité. La commune de La-Teste-de-Buch n’est par suite ni propriétaire ni titulaire de droits réels dans cette réserve, Il en résulte que son opposition à l’extension de la réserve n’impliquait pas l’intervention d’un décret en Conseil d’Etat sur le fondement des dispositions précitées de l’article R. 332-14 du code de l’environnement.

5. En deuxième lieu, d’une part, il ressort des pièces du dossier que le syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon a été consulté par le préfet de la Gironde sur le projet de décret. Par suite, le moyen tiré de ce que ce syndicat n’aurait pas été consulté manque en fait. D’autre part, il ressort également des pièces du dossier que l’agence des aires marines protégées, qui assurait, à la date des consultations préalables, la gestion provisoire du parc naturel marin du bassin d’Arcachon en attendant la mise en place du conseil de gestion de ce parc, a été consultée. Dans ces conditions, et alors même que les organes de gestion du parc naturel marin du bassin d’Arcachon ont été installés postérieurement à ces consultations mais avant l’entrée en vigueur du décret attaqué, le moyen tiré de ce que ce parc n’aurait pas été consulté, contrairement à ce que prévoit l’article L. 334-4 du code de l’environnement, doit être écarté.

6. En troisième lieu, en vertu de l’article R. 332-2 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors applicable, le préfet consulte, lorsque le projet de réserve comporte une partie maritime, « (…) en zone maritime, le conseil maritime de façade ou ultramarin (…) ». Ces dispositions sont issues du décret du 27 février 2017 portant diverses dispositions relatives aux parcs nationaux et aux réserves naturelles et sont entrées en vigueur le 1er mars 2017, lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française. Selon l’article L. 219-6-1 du même code, « Il est créé pour chaque façade maritime métropolitaine un conseil pour l’utilisation, l’aménagement, la protection et la mise en valeur des littoraux et de la mer, dénommé conseil maritime de façade. Ce conseil est composé de représentants de l’Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics, des ports décentralisés, des professionnels du littoral et de la mer, de la société civile et des associations de protection de l’environnement (…) / Le conseil maritime de façade émet des recommandations sur tous les sujets relevant de sa compétence et notamment sur la cohérence de l’affectation des espaces en mer et sur le littoral. Sans préjudice de l’article L. 923-1-1 du code rural et de la pêche maritime, il identifie les secteurs naturels à protéger en raison de la richesse de la faune et de la flore, les secteurs propices au développement des activités économiques, y compris l’aquaculture, et les secteurs pouvant faire l’objet d’une affectation future. (…) ».

7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. L’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte.

8. Il ressort des pièces du dossier que la phase des consultations préalables obligatoires s’est achevée au mois de juin 2016 et que le conseil maritime de façade sud atlantique, dont la consultation n’est devenue obligatoire qu’à compter du 1er mars 2017 ainsi qu’il est dit au point 6, n’a pas été consulté par le préfet de la Gironde sur le projet de décret attaqué. Cette consultation, prévue par les dispositions précitées de l’article R. 332-2 du code de l’environnement, ne constitue toutefois pas une garantie, et son omission n’a pas eu pour effet d’affecter la compétence de l’auteur du décret attaqué. Il y a cependant lieu de vérifier si, dans les circonstances de l’espèce, l’absence de consultation du conseil maritime de façade sud atlantique a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise.

9. A cet égard, il ressort des pièces du dossier qu’ont été consultés, au titre des administrations, le préfet maritime, le commandant de la zone maritime atlantique, le directeur interrégional de la mer sud Atlantique, le chef d’état-major du soutien de la défense de Bordeaux, la directrice régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, le directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, la déléguée régionale du conservatoire du littoral et le directeur de l’Agence des aires maritimes protégées, ainsi que, au titre des collectivités territoriales, le président du conseil régional, le président du conseil général, le président de la communauté d’agglomération du bassin d’Arcachon nord, le président du syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon, le président du syndicat mixte de la dune du Pilat, le maire de la Teste-de-Buch et le maire de Lège-Cap Ferret. Il ressort également des pièces du dossier que des membres de la société civile, des professionnels du littoral de la mer et des associations de protection de l’environnement ont participé effectivement à l’enquête publique et fait valoir leurs avis sur le projet de décret. Par suite, dans les circonstances particulières de l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le défaut de consultation préalable du conseil maritime de façade sud atlantique ait pu exercer une influence sur les dispositions du décret attaqué. Le moyen tiré de l’irrégularité du décret attaqué faute de sa consultation préalable doit, en conséquence, être écarté.

10. En quatrième lieu, le décret attaqué ne modifiant pas les limites territoriales maritimes entre les communes de Lège-Cap-Ferret et de La-Teste-de-Buch, le moyen tiré de l’irrégularité de la consultation préalable de la commune de Lège-Cap-Ferret, faute pour elle d’avoir été informée de ce que le décret attaqué modifierait, à l’intérieur du périmètre de la réserve nationale, les limites de son territoire maritime est inopérant.

En ce qui concerne la légalité interne du décret attaqué :

S’agissant de la légalité du décret dans son entier :

11. Aux termes de l’article L. 332-1 du code de l’environnement :  » I. – Des parties du territoire terrestre ou maritime d’une ou de plusieurs communes peuvent être classées en réserve naturelle lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux et de fossiles et, en général, du milieu naturel présente une importance particulière ou qu’il convient de les soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader. / II. – Sont prises en considération à ce titre : / 1° La préservation d’espèces animales ou végétales et d’habitats en voie de disparition sur tout ou partie du territoire national ou présentant des qualités remarquables ; / 2° La reconstitution de populations animales ou végétales ou de leurs habitats ; / 3° La conservation des jardins botaniques et arboretums constituant des réserves d’espèces végétales en voie de disparition, rares ou remarquables ; / 4° La préservation de biotopes et de formations géologiques, géomorphologiques ou spéléologiques remarquables ; / 5° La préservation ou la constitution d’étapes sur les grandes voies de migration de la faune sauvage (…) « . Aux termes de l’article L. 332-3 du même code : » I. – L’acte de classement d’une réserve naturelle nationale peut soumettre à un régime particulier et, le cas échéant, interdire à l’intérieur de la réserve toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore, au patrimoine géologique et, plus généralement, d’altérer le caractère de ladite réserve. Peuvent notamment être réglementées ou interdits, notamment la chasse, la pêche, les activités agricoles, forestières, pastorales, industrielles, commerciales, sportives et touristiques, l’exécution de travaux publics ou privés, l’utilisation des eaux, la circulation ou le stationnement des personnes, des véhicules et des animaux. (…) / II. – L’acte de classement tient compte de l’intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes dans la mesure où elles sont compatibles avec les intérêts définis à l’article L. 332-1. « .

12. En vertu de ces dispositions, peuvent être classées en réserve naturelle nationale les parties du territoire au sein desquelles la conservation des espèces et du milieu naturel revêt une importance écologique ou scientifique particulière ou qu’il convient de soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader, ainsi que les zones qui contribuent directement à la sauvegarde de ces parties du territoire, en particulier lorsqu’elles en constituent, d’un point de vue écologique, une extension nécessaire ou qu’elles jouent un rôle de transition entre la zone la plus riche en biodiversité et le reste du territoire.

13 En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n’interdit, contrairement à ce que soutient la requérante, de faire coïncider le périmètre d’une réserve naturelle avec celui d’une zone Natura 2000.

14. En deuxième lieu, si le décret attaqué crée, au sein de la réserve naturelle, des zones de protection renforcée, une telle possibilité est prévue par l’article L. 332-3 du code de l’environnement précité, qui permet de soumettre à un régime particulier, voire d’interdire à l’intérieur de la réserve toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore.

15. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, d’une part, que la réserve naturelle du banc d’Arguin, telle que définie par le décret attaqué, est un secteur privilégié pour de nombreuses espèces d’avifaune qui y vivent et s’y reproduisent, revêt une importance nationale pour la conservation du gravelot à collier interrompu, de l’huîtrier pie et de la sterne caugek, classés comme espèces vulnérables, qu’elle est l’une des principales voies de migration de l’avifaune européenne et d’autre part, que les dérangements humains, qui peuvent être importants notamment en été du fait d’activités touristiques et de loisirs, provoquent des réactions d’envol intempestives et un abandon des nids, perturbent le processus de reproduction et sont à l’origine directe de la dégradation des conditions de vie de ces espèces et de leur diminution, en particulier pour la sterne caugek. Il ressort également des pièces du dossier que la majeure partie de l’extension des limites de la réserve naturelle par le décret attaqué concerne des zones marines où les oiseaux viennent en nombre pour stationner ou s’alimenter, et que l’établissement, par ce texte, de limites fixes et non fluctuantes en fonction des déplacements des bancs de sable permet une application plus efficace de la réglementation. Il ressort également des pièces du dossier que le banc du Toulinguet, qui faisait partie de la réserve naturelle du banc d’Arguin en application de l’article 6 du décret du 9 janvier 1986 portant création de cette réserve naturelle, est une zone de nidification, en particulier pour l’huîtrier pie. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le décret attaqué ne méconnaît pas l’article L. 332-1 du code de l’environnement et n’est pas entaché, dans la définition de son périmètre, d’une erreur d’appréciation.

16. En quatrième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que l’extension, par le décret attaqué, de la surface de la réserve nationale aurait pour effet de remettre en cause la souveraineté du parc naturel marin du bassin d’Arcachon n’est pas, en tout état de cause, assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.

S’agissant de la légalité des articles 6, 7, 12, 17 et 19 du décret attaqué :

17. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, d’une part, qu’avant l’entrée en vigueur du décret attaqué, la surface de la zone de protection intégrale de la réserve naturelle était de cent quatre-vingts hectares et, d’autre part, que l’augmentation de la fréquentation humaine dans le périmètre de la réserve naturelle et ses effets sur l’avifaune nécessitent un accroissement de la surface des zones de protection intégrale afin de renforcer la quiétude de celle-ci, en particulier des sternes caugek, en lui garantissant une zone exempte de toute activité humaine pour s’alimenter, se reproduire et nicher. Par suite, les moyens tirés de ce que l’article 6 du décret attaqué méconnaîtrait les dispositions de l’article L. 332-3 du code de l’environnement et serait entaché d’une erreur d’appréciation, en tant qu’il fixe à cent hectares la surface minimale de la zone de protection intégrale au sein de la réserve nationale, ne peuvent qu’être rejetés.

18. En deuxième lieu, l’association requérante soutient que les articles 7 et 12 du décret attaqué, qui interdisent la pêche dans tout le périmètre de la réserve naturelle, méconnaissent les dispositions de l’article L. 332-3 du code de l’environnement et sont entachés d’une erreur d’appréciation en ce qu’il ne serait pas établi que cette activité est susceptible de nuire au patrimoine géologique ou écologique et au développement de la faune ou de la flore, et en ce qu’aucune mesure transitoire n’a été instituée alors que des professionnels de la pêche exercent leur activité sur le territoire de la réserve. Toutefois, les articles 7 et 12 du décret attaqué n’édictent une interdiction totale de la pêche que dans les zones de protection intégrale et soumettent, en dehors de ces zones, cette activité à autorisation préfectorale. Le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a d’ailleurs, par arrêtés des 4 août 2017 et 6 avril 2018, autorisé à certaines conditions la pêche dans la réserve naturelle à l’exclusion des zones de protection intégrale. Enfin, il ressort également des pièces du dossier, notamment du rapport d’enquête publique que, contrairement à ce qui est soutenu, la pêche, qu’il s’agisse de la pêche à pied, embarquée, en filet ou à la ligne, a un impact direct et certain sur la flore, la faune et l’avifaune. Par suite, le moyen dirigés contre les articles 7 et 12 du décret attaqué doivent être écarté.

19. En troisième lieu, l’association requérante soutient que l’article 17 du décret attaqué, qui interdit, du coucher au lever du soleil, le stationnement ou la circulation des personnes de quelque manière que ce soit, y compris à pied sur l’estran et les terres émergées, méconnaît les dispositions de l’article L. 332-3 du code de l’environnement ou est entaché d’une erreur d’appréciation, en ce qu’il interdit la pratique nocturne de la pêche à la ligne dans les vagues, pratiquée depuis les rochers, les plages ou les digues, alors que cette pratique serait sans danger pour la faune aviaire dès lors que les pêcheurs ne peuvent prélever que des poissons dont la taille est supérieure à celle des poissons dont les oiseaux se nourrissent. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette interdiction est justifiée non pas, comme il est soutenu, par les prélèvements piscicoles des pêcheurs mais par les effets de la présence humaine sur les espaces émergés qui, ainsi qu’il a été dit précédemment, perturbe l’avifaune. Par suite, le moyen tiré de l’illégalité de l’article 17 du décret attaqué doit être écarté.

20. En quatrième lieu, l’association requérante soutient que l’interdiction et la limitation du mouillage des navires auxquelles procède l’article 19 du décret attaqué sont contraires aux objectifs recherchés par les dispositions de l’article L. 332-3 du code de l’environnement, sont entachées d’une erreur d’appréciation, constituent une discrimination en faveur des plaisanciers les plus proches de la réserve nationale et ont des conséquences disproportionnées sur l’activité touristique. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l’interdiction du mouillage la nuit et la limitation du mouillage le jour sont justifiées en raison des effets précédemment évoqués de la présence humaine sur l’avifaune, qui imposent d’assurer sa quiétude nocturne dans l’ensemble de la réserve, dès lors que ces espèces s’y reposent ou s’y reproduisent en tout point, et sa quiétude diurne dans certains espaces des zones de protection renforcée. Ensuite, cette interdiction et cette limitation du mouillage concernent l’ensemble des plaisanciers nautiques, quelle que soit la proximité de leur lieu de mouillage avec le périmètre de la réserve nationale. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces mesures portent une atteinte disproportionnée à l’activité économique de la région. Par suite, les moyens soulevés à l’encontre de l’article 19 du décret attaqué doivent être rejeté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que l’association requérante n’est pas fondée à demander l’annulation du décret attaqué. Ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’intervention de l’association Coordination Environnement du bassin d’Arcachon n’est pas admise.

Article 2 : La requête de l’association Amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’association Coordination Environnement du bassin d’Arcachon, à l’association Amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon, au Premier ministre et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Conditions dans lesquelles le projet de réouverture d’une carrière répond à une raison impérative d’intérêt public majeur.

CE, 6e et 5e ch. réunies, Ministre de la transition écologique et solidaire, Société La Provençale 3 juin 2020, n° 425395, Lebon T

Conclusions du Rapporteur Public

Cf., sur les conditions cumulatives, dont l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur, CE, 25 mai 2018, SAS PCE et autre, n° 413267, T. pp. 790-831.

2. Cf., sur le degré de contrôle en cassation, CE, 24 juillet 2019, Société PCE et autres, n° 414353, à mentionner aux Tables.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 425395
ECLI:FR:CECHR:2020:425395.20200603
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6e et 5e chambres réunies
Mme Catherine Calothy, rapporteur
M. Olivier Fuchs, rapporteur public
SCP ZRIBI, TEXIER ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats

Lecture du mercredi 3 juin 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La Fédération pour les espaces naturels et l’environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66) et M. A… B… ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 3 février 2015 accordant à la société La Provençale une dérogation aux interdictions de destruction d’espèces de flore et de faune sauvages protégées, dans le cadre de la réouverture de la carrière de Nau Bouques sur le territoire des communes de Vingrau et Tautavel. Par un jugement n° 1502035 du 3 mai 2016, le tribunal administratif a annulé l’arrêté.

Par un arrêt n° 16MA02625 du 14 septembre 2018, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer contre ce jugement. Par un arrêt n° 16MA02626 du même jour, la cour a rejeté l’appel formé par la société La Provençale.

Procédures devant le Conseil d’État :

1° Sous le n° 425395, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 novembre 2018, 14 février 2019 et 6 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société La Provençale demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 16MA02626 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la Fédération pour les espaces naturels et l’environnement des Pyrénées-Orientales et de M. B… la somme de 3 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 425399, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 novembre 2018, le 14 février 2019 et le 6 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société La Provençale demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 16MA02625 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à l’appel du ministre de la transition écologique et solidaire ;

3°) de mettre à la charge de la Fédération pour les espaces naturels et l’environnement des Pyrénées-Orientales et de M. B… la somme de 3 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

3° Sous le n° 425425, par un pourvoi enregistré le 15 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 16MA02625 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de la société la Provençale, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Fédération pour les espaces naturels et l’environnement des Pyrénées-Orientales et autre, et à la SCP Nicolay, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de l’association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus sont relatifs au même arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales. Il convient de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 3 février 2015, le préfet des Pyrénées-Orientales a accordé à la société La Provençale une dérogation aux interdictions de destruction d’espèces de flore et de faune sauvages protégées pour la réalisation de son projet de réouverture de la carrière de Nau Bouques sur le territoire des communes de Vingrau et Tautavel. A la demande de la Fédération pour les espaces naturels et l’environnement des Pyrénées-Orientales et de M. B…, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté. La cour administrative d’appel de Marseille a, par deux arrêts du 14 septembre 2018, rejeté les appels du ministre chargé de la transition écologique et solidaire et de la société la Provençale. Ces derniers se pourvoient en cassation contre ces arrêts.
Sur le pourvoi n° 425399 :

3. La voie du recours en cassation n’est ouverte, en vertu des règles générales de la procédure, qu’aux personnes qui ont eu la qualité de partie dans l’instance ayant donné lieu à la décision attaquée ainsi qu’à celles qui y sont intervenues, que leur intervention ait été admise ou non, ou qui ont fait appel du jugement ayant refusé d’admettre leur intervention. En revanche, les personnes qui ont eu la qualité d’observateur n’ont pas qualité pour former un pourvoi en cassation.

4. Il ressort des pièces de la procédure que la société La Provençale a eu la qualité d’observateur dans l’instance engagée devant la cour administrative d’appel de Marseille par l’appel du ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer. Par suite, le pourvoi de la société contre l’arrêt rendu par la cour dans cette instance est irrecevable et doit être rejeté à ce titre, ensemble ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les interventions présentées par l’association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France et l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction au soutien de ce pourvoi sont, par voie de conséquence, irrecevables.

5. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la Fédération pour les espaces naturels et l’environnement des Pyrénées-Orientales et M. B… tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les pourvois nos 425395 et 425425 :

En ce qui concerne l’intervention de l’association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France et de l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction :

6. L’association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France et l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction justifient d’un intérêt suffisant à l’annulation de l’arrêt attaqué. Ainsi, leurs interventions au soutien des pourvois du ministre de la transition écologique et solidaire et de la société La Provençale sont recevables.

En ce qui concerne le bien-fondé des arrêts attaqués :

7. L’article L. 411-1 du code de l’environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d’espèces animales non domestiques, l’interdiction de  » 1° La destruction ou l’enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces (…). « Le I de l’article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d’Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : » 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (…) / c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ; (…). « 

8. Il résulte de ces dispositions qu’un projet de travaux, d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, tels que notamment le projet urbain dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

9. Il résulte du point précédent que l’intérêt de nature à justifier, au sens du c) du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, la réalisation d’un projet doit être d’une importance telle qu’il puisse être mis en balance avec l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage poursuivi par la législation, justifiant ainsi qu’il y soit dérogé. Ce n’est qu’en présence d’un tel intérêt que les atteintes portées par le projet en cause aux espèces protégées sont prises en considération, en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, afin de vérifier s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et si la dérogation demandée ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. C’est donc à bon droit que la cour s’est prononcée sur la question de savoir si le projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur, sans prendre en compte à ce stade la nature et l’intensité des atteintes qu’il porte aux espèces protégées, notamment leur nombre et leur situation. Cependant, outre le fait que, comme l’a relevé la cour, l’exploitation de la carrière de Nau-Bouques devrait permettre la création de plus de quatre-vingts emplois directs dans un département dont le taux de chômage dépasse de près de 50 % la moyenne nationale, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le projet de réouverture de la carrière de Nau Bouques s’inscrit dans le cadre des politiques économiques menées à l’échelle de l’Union Européenne qui visent à favoriser l’approvisionnement durable de secteurs d’industrie en matières premières en provenance de sources européennes, qu’il n’existe pas en Europe un autre gisement disponible de marbre blanc de qualité comparable et en quantité suffisante que celui de la carrière de Nau Bouques pour répondre à la demande industrielle et que ce projet contribue à l’existence d’une filière française de transformation du carbonate de calcium. Par suite, eu égard à la nature du projet et aux intérêts économiques et sociaux qu’il présente, la cour a commis une erreur de qualification juridique en estimant qu’il ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur au sens du c) du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

10. Il résulte de ce qui précède que, sous le n° 425425, le ministre de la transition écologique et solidaire et, sous le n° 425395, la société La Provençale sont fondés à demander l’annulation des arrêts de la cour administrative d’appel de Marseille qu’ils attaquent.

11. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Fédération pour les espaces naturels et l’environnement des Pyrénées-Orientales et de M. B… la somme que demande, sous le n° 425395, la société La Provençale, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat et de la société La Provençale qui ne sont pas, dans ces deux instances, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les intervention de Minéraux Industriels France et de l’Union nationale de l’industrie de carrières et matériaux de construction ne sont pas admises dans le pourvoi n° 425399 et sont admises dans les pourvois nos 425425 et 425395.

Article 2 : Les arrêts nos 16MA02625 et 16MA02626 du 14 septembre 2018 de la cour administrative d’appel de Marseille sont annulés.

Article 3 : Les deux affaires sont renvoyées à la cour administrative d’appel de Marseille.

Article 4 : Le pourvoi n° 425399, les conclusions présentées par la société La Provençale sous le n° 425395 au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et les conclusions présentées par la Fédération pour les espaces naturels et l’environnement des Pyrénées-Orientales et M. B… sous les nos 425395 – 425399 – 425425 au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Minéraux Industriels France, à l’Union nationale de l’industrie de carrières et matériaux de construction, à la ministre de la transition écologique et solidaire, à la société La Provençale et à la Fédération pour les espaces naturels et l’environnement des Pyrénées-Orientales, première dénommée pour l’ensemble des défendeurs.

Le vendeur des véhicules propres doit refuser de consentir une avance de l’aide à l’acquisition des véhicules propres en cas de doute manifeste sur le respect par l’acheteur de la réglementation relative à l’aide, notamment s’il apparaît au vendeur que l’acheteur destine les véhicules en cause à la revente comme véhicules neufs.

Environnement

CE, 6-5 chr, 11 déc. 2019, n° 424801, Lebon T Texte intégral Conseil d’État N° 424801 ECLI:FR:Code Inconnu:2019:424801.20191211 Mentionné aux tables du recueil Lebon 6e – 5e chambres réunies Mme Catherine Calothy, rapporteur M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT, avocats Lecture du mercredi 11 décembre 2019REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU … Continuer à lire … « Le vendeur des véhicules propres doit refuser de consentir une avance de l’aide à l’acquisition des véhicules propres en cas de doute manifeste sur le respect par l’acheteur de la réglementation relative à l’aide, notamment s’il apparaît au vendeur que l’acheteur destine les véhicules en cause à la revente comme véhicules neufs. »