Le transfert d’une voie privée ouverte à la circulation publique dans le domaine public communal ayant notamment pour effet de ne plus faire dépendre le maintien de l’ouverture à la circulation publique de la voie du seul consentement de ses propriétaires et de mettre son entretien à la charge de la commune, les riverains de la voie justifient d’un intérêt leur donnant qualité pour demander l’annulation pour excès de pouvoir de la décision refusant de la transférer dans le domaine public de la commune sur le fondement de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme.

CE, 8e et 3e ch. réunies, 27 mai 2020, n° 433608, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 433608
ECLI:FR:CECHR:2020:433608.20200527
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8e et 3e chambres réunies
M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats

Lecture du mercredi 27 mai 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. F… A…, Mme G… A… et la société civile immobilière (SCI) de la Poste ont demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler la décision du 5 mai 2015 par laquelle le préfet d’Ille-et-Vilaine a refusé de prononcer le transfert d’office de l’impasse de la Poste dans le domaine public de la commune de Saint-Lunaire. Par un jugement n° 1600930 du 24 novembre 2017, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 18NT00294 du 18 juin 2019, la cour administrative d’appel de Nantes, sur appel des consorts A… et de la société civile de construction-vente (SCCV) Les Viviers venue aux droits de la SCI de la Poste, a annulé ce jugement et la décision du préfet d’Ille-et-Vilaine et enjoint au préfet de se prononcer à nouveau sur la demande dont il avait été saisi par la commune de Sainte-Lunaire.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 août, 13 novembre 2019 et 12 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. et Mme C… B…, M. E… B… et Mme I… D… demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel des consorts A… et de la SCCV Les Viviers ;

3°) de mettre à la charge des consorts A… et de la SCCV Les Viviers la somme de 4 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le protocole additionnel à cette convention ;
– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,

— les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. et Mme B…, M. E… B… et de Mme D… et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A…, de Mme H… et de la SCCV Les Viviers ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la commune de Saint-Lunaire (Ille-et-Vilaine) a cherché à procéder au transfert d’office dans le domaine public communal d’une voie privée, l’impasse de la Poste, constituée de plusieurs parcelles cadastrées section AB n° 69, 71, 73, 75, 78, 58, 383 et 56, dont certaines lui appartiennent, d’autres appartiennent aux consorts B… et une appartient à une copropriété. En raison de l’opposition des consorts B…, la commune a demandé au préfet d’Ille-et-Vilaine, conformément aux dispositions de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme, de prononcer le transfert de la voie privée dans son domaine public, ce que le préfet a refusé le 5 mai 2015. M. et Mme A…, ainsi que la SCI de la Poste, dont ils étaient alors les gérants, ont demandé au préfet de retirer cette décision. Après le rejet implicite de leur demande, ils ont saisi le tribunal administratif de Rennes d’un recours contre le refus du préfet. Par un jugement du 24 novembre 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande. Par un arrêt du 18 juin 2019, la cour administrative d’appel de Nantes, sur l’appel de M. et Mme A… et de la SCCV Les Viviers venue aux droits de la SCI de la Poste, a annulé le jugement et la décision du préfet et enjoint au préfet de se prononcer à nouveau sur la demande de la commune dans un délai de deux mois. M. et Mme C… B…, M. E… B…, Mme I… D…, dont l’intervention concluant au rejet de l’appel a été admise par la cour administrative d’appel, se pourvoient en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : « La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d’habitations peut, après enquête publique ouverte par l’autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale et réalisée conformément au code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, être transférée d’office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées. / La décision de l’autorité administrative portant transfert vaut classement dans le domaine public et éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels et personnels existant sur les biens transférés. / Cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l’Etat dans le département, à la demande de la commune ».

Sur la régularité de l’arrêt attaqué :

3. L’article R. 741-7 du code de justice administrative dispose : « Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d’audience ».

4. Il ressort de la minute de l’arrêt attaqué que, contrairement à ce que soutient le pourvoi, elle a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur ainsi que le greffier d’audience. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature de la minute ne peut qu’être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé de l’arrêt en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

5. Le transfert d’une voie privée ouverte à la circulation publique dans le domaine public communal ayant notamment pour effet de ne plus faire dépendre le maintien de l’ouverture à la circulation publique de la voie du seul consentement de ses propriétaires et de mettre son entretien à la charge de la commune, les riverains de la voie justifient d’un intérêt leur donnant qualité pour demander l’annulation pour excès de pouvoir de la décision refusant de la transférer dans le domaine public de la commune sur le fondement de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme.

6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A… ainsi que la SCCV Les Viviers, dont il est constant qu’ils sont riverains des parcelles visées par la procédure de transfert, justifient en cette qualité d’un intérêt les rendant recevables à contester la décision du préfet d’Ille-et-Vilaine en date du 5 mai 2015. Ce motif, qui repose sur des faits constants n’appelant aucune appréciation, doit être substitué au motif erroné, tiré de ce que les parcelles appartenant aux consorts B… étaient grevées d’une servitude de passage au profit d’une parcelle appartenant à la SCCV Les Viviers, retenu par l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes, dont il justifie légalement le dispositif.

Sur le bien-fondé de l’arrêt en ce qui concerne la légalité de la décision du préfet :

7. En premier lieu, le transfert des voies privées dans le domaine public communal prévu par les dispositions de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme est subordonné à l’ouverture de ces voies à la circulation publique, laquelle traduit la volonté de leurs propriétaires d’accepter l’usage public de leur bien et de renoncer à son usage purement privé.

8. En jugeant, après voir relevé que l’impasse de la Poste était utilisée librement par les piétons, que l’accès des automobiles était possible dans la partie sud de la voie et que les consorts B…, qui s’étaient bornés à limiter la circulation et le stationnement de véhicules autres que ceux appartenant aux riverains ou aux bénéficiaires d’une servitude de passage et à apposer à l’entrée de l’impasse un panneau indiquant que cette voie sans issue était interdite à la circulation sauf riverains et livraisons et qu’il s’agissait d’un passage piétonnier, avaient accepté l’usage public de leur bien et renoncé à son usage purement privé, que la voie en litige était une voie privée ouverte à la circulation publique, la cour a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n’a pas commis d’erreur de droit, l’ouverture à la circulation publique d’une voie privée n’étant, contrairement à ce qui est soutenu, pas subordonnée à la condition que la circulation automobile y soit possible.

9. En déduisant l’illégalité de la décision de refus du préfet du 5 mai 2015, fondée sur le motif tiré de ce que le caractère de voie ouverte à la circulation publique de l’impasse de la Poste n’était pas établi, la cour, qui n’avait pas à rechercher si le projet de la commune de Saint-Lunaire s’inscrivait dans un projet d’aménagement, si l’entretien de la voie était à la charge de la commune ou si les propriétaires avaient laissé la voie se dégrader, n’a, contrairement à ce qui est soutenu, pas commis d’erreur de droit ni méconnu son office.

10. En second lieu, le moyen tiré de ce que la cour aurait méconnu les stipulations de l’article premier du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en faisant application de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme n’a pas été soulevé devant la cour administrative d’appel et ne présente pas le caractère d’un moyen d’ordre public. Ce moyen, nouveau en cassation, est inopérant et ne peut qu’être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C… B…, M. E… B… et Mme D… ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes qu’ils attaquent.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C… B…, M. E… B… et Mme D… la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme A… et la SCCV Les Viviers au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge des consorts A… et de la SCCV Les Viviers qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme C… B…, M. E… B… et Mme D… est rejeté.

Article 2 : M. et Mme C… B…, M. E… B… et Mme D… verseront une somme de 3 000 euros à M. et Mme A… et à la SCCV Les Viviers au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme C… B…, M. E… B… et à Mme I… B… épouse D…, à M. et Mme F… A… et à la société civile de construction-vente Les Viviers, et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Les conseils régionaux de l’ordre des architectes n’ont pas intérêt à former un recours « Tarn-et-Garonne » contre un marché public confiant à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l’établissement d’études et l’exécution de travaux.

CE, 7e et 2e ch. réunies, Département de la Loire-Atlantique 3 juin 2020, n° 426932, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 426932
ECLI:FR:CECHR:2020:426932.20200603
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7e et 2e chambres réunies
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP BOULLOCHE, avocats

Lecture du mercredi 3 juin 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Le conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire a demandé au tribunal administratif de Nantes d’annuler ou, à défaut, de résilier le marché de conception-réalisation conclu le 21 août 2014 entre le département de la Loire-Atlantique et le groupement « OBM – Rocheteau-Saillard » pour la construction d’un collège sur le territoire de la commune de Pontchâteau. Par un jugement n° 1409223 du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17NT01602 du 9 novembre 2018, la cour administrative d’appel de Nantes a, sur appel du conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire, annulé ce jugement et ce marché de conception-réalisation.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier et 9 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le département de la Loire-Atlantique demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel du conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire ;

3°) de mettre à la charge du conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de la commande publique ;
– le code des marchés publics ;
– la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 ;
– la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
– la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du département de la Loire-Atlantique et à la SCP Boulloche, avocat du conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 mai 2020, présentée par le conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire ;

Considérant ce qui suit :

1. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que par avis d’appel public à la concurrence publié au Journal officiel de l’Union européenne le 26 octobre 2013, le département de la Loire-Atlantique a lancé une procédure d’attribution d’un marché de conception-réalisation, en vue de la construction d’un collège sur le territoire de la commune de Pontchâteau, comportant vingt-quatre divisions, extensibles à vingt-huit, ainsi que quatre logements de fonctions. A l’issue de l’analyse des offres, le marché a été attribué au groupement d’entreprises « OBM – Rocheteau-Saillard », constitué de la société OBM Construction et de l’agence d’architectes Rocheteau-Saillard Eiffage, et a été conclu le 21 août 2014. Le conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire a fait appel du jugement du 23 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation, ou à défaut à la résiliation de ce marché de conception-réalisation. Par un arrêt du 9 novembre 2018, contre lequel le département de la Loire-Atlantique se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement et ce marché.

3. D’une part, selon l’article 26 de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture : « Le conseil national et le conseil régional de l’ordre des architectes concourent à la représentation de la profession auprès des pouvoirs publics. / Ils ont qualité pour agir en justice en vue notamment de la protection du titre d’architecte et du respect des droits conférés et des obligations imposées aux architectes par les lois et règlements. En particulier, ils ont qualité pour agir sur toute question relative aux modalités d’exercice de la profession ainsi que pour assurer le respect de l’obligation de recourir à un architecte. / (…) ».

4. D’autre part, aux termes de l’article 7 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée applicable au litige : « La mission de maîtrise d’oeuvre que le maître de l’ouvrage peut confier à une personne de droit privé ou à un groupement de personnes de droit privé doit permettre d’apporter une réponse architecturale, technique et économique au programme mentionné à l’article 2. / Pour la réalisation d’un ouvrage, la mission de maîtrise d’oeuvre est distincte de celle d’entrepreneur. / (…) ». Selon le I de l’article 18 de la même loi : « Nonobstant les dispositions du titre II de la présente loi, le maître de l’ouvrage peut confier par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d’infrastructure, à une personne de droit privé, une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux, lorsque des motifs d’ordre technique ou d’engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique ou la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage. Un décret précise les conditions d’application du présent alinéa en modifiant, en tant que de besoin, pour les personnes publiques régies par le code des marchés publics, les dispositions de ce code ». Aux termes de l’article 37 du code des marchés publics applicable au litige, dont la substance a été reprise à l’article L. 2171-2 du code la commande publique : « Un marché de conception-réalisation est un marché de travaux qui permet au pouvoir adjudicateur de confier à un groupement d’opérateurs économiques ou, pour les seuls ouvrages d’infrastructure, à un seul opérateur économique, une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux. / Les pouvoirs adjudicateurs soumis aux dispositions de la loi du 12 juillet 1985 susmentionnée ne peuvent, en application du I de son article 18, recourir à un marché de conception-réalisation, quel qu’en soit le montant, que si un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique ou des motifs d’ordre technique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage. / (…) ».

5. Un tiers à un contrat administratif n’est recevable à contester la validité d’un contrat, ainsi qu’il a été dit au point 1, que s’il est susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou par ses clauses. Si, en vertu des dispositions de l’article 26 précité de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, les conseils régionaux de l’ordre des architectes ont qualité pour agir en justice en vue notamment d’assurer le respect de l’obligation de recourir à un architecte, la seule passation, par une collectivité territoriale, d’un marché public confiant à un opérateur économique déterminé une mission portant à la fois sur l’établissement d’études et l’exécution de travaux ne saurait être regardée comme susceptible de léser de façon suffisamment directe et certaine les intérêts collectifs dont ils ont la charge.

6. Par suite le conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire n’était pas recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du marché de conception-réalisation en litige.

7. Il résulte de ce qui précède que le département de la Loire-Atlantique est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

9. Ainsi qu’il a été dit aux points 5 et 6, les conclusions du conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire tendant à l’annulation du marché de conception-réalisation en litige étaient irrecevables dans le cadre d’un recours en contestation de la validité de ce marché. Par suite, le conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire la somme de 3 000 euros à verser au département de la Loire-Atlantique au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge du département de la Loire-Atlantique qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt du 9 novembre 2018 de la cour administrative d’appel de Nantes est annulé.

Article 2 : La requête du conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire présentée devant la cour administrative d’appel de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire versera au département de la Loire-Atlantique une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au département de la Loire-Atlantique et au conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire.

Copie en sera adressée à la société Rocheteau-Saillard architectes et à la société OBM construction France Nord.

Un exploitant qui a demandé une autorisation d’exploiter une ou plusieurs parcelles sur des terres en application du 1° de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) justifie d’une qualité lui donnant intérêt à agir contre l’autorisation donnée à un autre exploitant d’exploiter des parcelles sur ces terres.

CE, 5-6 chr, Ministre de l’agriculture et de l’alimentation c/ GAEC Coulangheon Frères 5 févr. 2020, n° 418970, Lebon T

Rappr., s’agissant de l’intérêt pour agir du candidat à la reprise des terres entrant dans une des priorités définies par le schéma directeur des structures agricoles, CE, 2 décembre 1992, M. Tendron, n° 98985, T. pp. 731-1196.

Sur les personnes
Président : M. Alain Ménéménis
Rapporteur : M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public : Mme Cécile Barrois de Sarigny
Parties : MINISTERE DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION
Texte intégral
Conseil d’État

N° 418970
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:418970.20200205
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5e – 6e chambres réunies
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public

Lecture du mercredi 5 février 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Le groupement d’exploitation agricole en commun (GAEC) Coulangheon frères a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 6 juin 2014 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a autorisé le GAEC Ferme Bio « La Fenière » à exploiter des terres d’une surface de 18 hectares 23 ares 61 centiares sur le territoire de la commune de Saint-Hilaire-près-Pionsat ainsi que l’arrêté du même jour par lequel le même préfet a refusé de lui délivrer l’autorisation d’exploiter, au sein de ces mêmes terres, des parcelles d’une superficie de 8ha 63 a 96 ca. Par un jugement n° 14001472 du 4 juin 2015, le tribunal administratif a annulé ces deux arrêtés.

Par un arrêt n° 15LY02720 du 11 janvier 2018, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt contre ce jugement en tant qu’il annule l’arrêté du 6 juin 2014 pris en faveur du GAEC Ferme Bio « La Fenière ».

Par un pourvoi enregistré le 12 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation demande au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt. Il soutient qu’il est entaché d’erreur de droit en ce qu’il juge que le GAEC Coulangheon frères a intérêt pour agir contre l’arrêté litigieux pris dans sa totalité, alors qu’il n’a été candidat qu’à l’exploitation d’une partie des terres concernées.

Le pourvoi du ministre de l’agriculture et de l’alimentation a été communiqué au GAEC Coulangheon frères, qui n’a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à l’espèce : « Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : / 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu’il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures (…) ». Aux termes de l’article L. 331-3 du même code, dans sa rédaction applicable : « L’autorité administrative se prononce sur la demande d’autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l’objet de la demande. Elle doit notamment : / 1° Observer l’ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l’installation de jeunes agriculteurs et l’agrandissement des exploitations agricoles (…) ».

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, saisi par deux groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC) candidats à l’agrandissement de leur exploitation sur des terres d’environ dix-huit hectares situées dans la commune de Saint Hilaire-près-Pionsat (Puy-de-Dôme), le préfet du département a, par deux arrêtés du 6 juin 2014 pris sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, d’une part, autorisé le GAEC Ferme Bio « La Fenière » à exploiter l’ensemble des parcelles sur ces terres, d’autre part, rejeté la demande par laquelle le GAEC Coulangheon frères sollicitait l’autorisation d’exploiter, sur les mêmes terres, certaines parcelles seulement, d’une superficie d’environ huit hectares. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 11 janvier 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 5 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à la demande du GAEC Coulangheon frères, annulé l’autorisation délivrée au GAEC Ferme Bio « La Fenière ».

3. Un exploitant qui a demandé une autorisation d’exploiter une ou plusieurs parcelles sur des terres en application des dispositions précitées de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime justifie d’un intérêt lui donnant qualité à agir contre l’autorisation donnée à un autre exploitant d’exploiter des parcelles sur ces terres, même s’il ne s’est porté candidat que pour une partie des parcelles qui font l’objet de l’autorisation.

4. Par suite, en jugeant que le GAEC Coulangheon frères, candidat à la reprise d’une partie des terres en litige, justifiait d’un intérêt à agir contre l’arrêté préfectoral d’autorisation dans son ensemble, la cour administrative d’appel de Lyon n’a pas commis d’erreur de droit. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation n’est, par suite, pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque.

D E C I D E :

————–
Article 1er : Le pourvoi du ministre de l’agriculture et de l’alimentation est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’agriculture et de l’alimentation, au GAEC Coulangheon frères et au GAEC Ferme Bio « La Fenière ».

Lorsque l’auteur d’un recours « Tarn-et-Garonne » se prévaut de sa qualité de contribuable local, il lui revient d’établir que la convention ou les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité.

CE, 27 mars 2020, M. Le Monnier et autres, n° 426291, A.

Saisi par un tiers de conclusions contestant la validité d’un contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat de vérifier que l’auteur du recours autre que le représentant de l’Etat dans le département ou qu’un membre de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d’un intérêt susceptible d’être lésé de façon suffisamment directe et certaine. Lorsque l’auteur du recours se prévaut de sa qualité de contribuable local, il lui revient d’établir que la convention ou les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité.

Recours contre un contrat de concession du service public du développement et de l’exploitation du réseau de distribution et de fourniture d’énergie électrique aux tarifs réglementés, attribué à la société Enedis.

Requérants se prévalant de leur qualité de contribuables locaux pour contester, d’une part, la validité des clauses relatives à la délimitation du périmètre des ouvrages concédés, dont ils estimaient qu’elles n’incluaient pas certains dispositifs dans les biens de retour, d’autre part, la validité des clauses relatives à l’indemnité susceptible d’être versée au concessionnaire en cas de rupture anticipée du contrat, dont ils estimaient que l’application pouvait excéder le montant du préjudice réellement subi par ce dernier et constituer de ce fait une libéralité prohibée.

L’intérêt à agir des requérants en tant que contribuables locaux ne peut être écarté en se fondant sur le caractère aléatoire du déploiement des dispositifs exclus de la liste des ouvrages concédés et sur le caractère incertain de la mise en œuvre de la clause relative à la rupture anticipée du contrat : d’une part, le caractère éventuel ou incertain de la mise en œuvre de clauses est par lui-même dépourvu d’incidence sur l’appréciation de leur répercussion possible sur les finances ou le patrimoine de l’autorité concédante ; d’autre part, bien que l’article L. 111-52 du code de l’énergie fixe des zones de desserte exclusives pour les gestionnaires de réseaux publics et attribue de ce fait un monopole légal à la société Enedis et que la convention litigieuse a été conclue pour 30 ans, au vu des évolutions scientifiques, techniques, économiques et juridiques propres au secteur de l’énergie, des modifications d’une telle concession sont probables au cours de la période couverte par le contrat et pourraient notamment nécessiter la mise en œuvre des clauses critiquées.

Cf. CE, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994, p. 70.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 426291
ECLI:FR:CECHR:2020:426291.20200327
Publié au recueil Lebon
7e – 2e chambres réunies
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur
Mme Mireille Le Corre, rapporteur public
SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP BOULLOCHE ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats

Lecture du vendredi 27 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

MM. A… I… H…, B… F…, D… K…, J… E… et G… C… ont demandé au tribunal administratif de Nancy d’annuler ou de résilier l’avenant n° 1 au contrat de concession pour le service public du développement et de l’exploitation du réseau de distribution d’électricité et de fourniture d’énergie électrique aux tarifs réglementés de vente que la communauté urbaine du Grand Nancy (CUGN) a signé le 18 avril 2011 avec les sociétés EDF et ERDF, subsidiairement, d’annuler l’article 1er de cet avenant et la délibération n° 27 du conseil communautaire du 14 novembre 2014 et d’enjoindre à la communauté urbaine du Grand Nancy de résilier l’avenant litigieux ou de saisir le juge du contrat pour qu’il en constate la nullité, et, enfin, d’annuler les décisions du 16 mars 2015 ayant rejeté leurs recours gracieux. Par un jugement n° 1501422 du 2 mai 2017, ce tribunal a rejeté leurs demandes.

Par un arrêt n° 17NC01597 du 16 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel formé par M. I… H… et autres contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 17 décembre 2018, 18 mars et 29 octobre 2019 et 12 février, 4 et 9 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. I… H… et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de la métropole du Grand Nancy, de la société EDF et de la société Enedis la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’énergie ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. I… H… et autres, à la SCP Boulloche, avocat de la métropole du Grand Nancy, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société EDF, et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société Enedis ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 15 avril 2011, le conseil de la communauté urbaine du Grand Nancy, devenue depuis la métropole du Grand Nancy, a autorisé son président à signer avec les sociétés ERDF, devenue Enedis, et EDF, un contrat de concession du service public du développement et de l’exploitation du réseau de distribution et de fourniture d’énergie électrique aux tarifs réglementés. Par un arrêt devenu définitif du 12 mai 2014, la cour administrative d’appel de Nancy a annulé cette délibération ainsi que la décision du président de la communauté urbaine de signer cette convention en tant que figuraient à son cahier des charges les articles 2 et 19 relatifs à la propriété des compteurs électriques, et l’article 31 concernant l’indemnité de fin de contrat en cas de résiliation anticipée, qui comportaient des clauses illégales. Tirant les conséquences de cet arrêt, la communauté urbaine du Grand Nancy a, le 25 février 2015, signé avec les sociétés EDF et ERDF un avenant modifiant les clauses des articles 2, 19 et 31 du contrat. Se prévalant de leur qualité d’usagers du service public et de contribuables locaux, M. I… H… et autres ont demandé l’annulation de cet avenant devant le tribunal administratif de Nancy qui a rejeté leur demande par un jugement en date du 2 mai 2017. Ils se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 16 octobre 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel qu’ils ont formé contre ce jugement.

Sur les conclusions à fins de non-lieu présentées par la métropole du Grand Nancy :

2. La métropole du Grand Nancy fait valoir que par une délibération du conseil métropolitain du 20 décembre 2019, le contrat de concession litigieux a été résilié à compter du 31 décembre 2019 et que le recours des demandeurs est par voie de conséquence privé d’objet. Toutefois, la circonstance que le contrat de concession ait été résilié n’est pas de nature à priver d’objet le présent pourvoi, qui tend à l’annulation de l’avenant adopté le 25 février 2015 et qui a été en vigueur à compter de cette date. Ses conclusions à fins de non-lieu doivent par suite être rejetées.

Sur le pourvoi :

3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi.

4. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus de conclusions contestant la validité d’un contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat de vérifier que l’auteur du recours autre que le représentant de l’Etat dans le département ou qu’un membre de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d’un intérêt susceptible d’être lésé de façon suffisamment directe et certaine. Lorsque l’auteur du recours se prévaut de sa qualité de contribuable local, il lui revient d’établir que la convention ou les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité.

5. Il ressort des motifs de l’arrêt attaqué que M. I… H… et autres se prévalaient notamment de leur qualité de contribuables locaux pour contester, d’une part, la validité des clauses de l’avenant relatives à la délimitation du périmètre des ouvrages concédés, dont ils estimaient qu’elles n’incluaient pas dans les biens de retour qui, en principe, reviennent gratuitement à l’autorité concédante à l’expiration de la concession, les dispositifs de suivi intelligent, de contrôle, de coordination et de stockage des flux électriques mentionnés à l’article 2 du cahier des charges modifié, alors, selon eux, que ces équipements étaient nécessaires à l’exploitation des compteurs Linky et, partant, au fonctionnement du service public. Ils contestaient, d’autre part, la validité des clauses relatives à l’indemnité susceptible d’être versée au concessionnaire en cas de rupture anticipée du contrat, dont ils estimaient que l’application pouvait excéder le montant du préjudice réellement subi par ce dernier et constituer de ce fait une libéralité prohibée.

6. Pour écarter l’intérêt à agir des requérants en tant que contribuables locaux, la cour s’est en premier lieu fondée sur le caractère aléatoire du déploiement des dispositifs exclus de la liste des ouvrages concédés par l’article 2 du cahier des charges et sur le caractère incertain de la mise en oeuvre de la clause relative à la rupture anticipée du contrat. Elle a ce faisant commis une erreur de droit, le caractère éventuel ou incertain de la mise en oeuvre de clauses étant par lui-même dépourvu d’incidence sur l’appréciation de leur répercussion possible sur les finances ou le patrimoine de l’autorité concédante. En second lieu, en se fondant sur la spécificité des dispositions du code de l’énergie, dont l’article L. 111-52 fixe des zones de desserte exclusives pour les gestionnaires de réseaux publics et attribue de ce fait un monopole légal à la société Enedis, et sur la durée de la convention litigieuse, qui a été conclue pour trente ans, pour estimer que la mise en oeuvre de l’indemnité pour rupture anticipée du contrat était trop hypothétique pour suffire à établir que les finances ou le patrimoine de la métropole s’en trouveraient affectés de façon significative, alors qu’au vu des évolutions scientifiques, techniques, économiques et juridiques propres au secteur de l’énergie, des modifications d’une telle concession sont probables au cours de la période couverte par le contrat et pourraient notamment nécessiter la mise en oeuvre des clauses critiquées, la cour a commis une autre erreur de droit. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge respective de la métropole du Grand Nancy et des société Enedis et EDF la somme de 1 000 euros à verser chacune aux requérants, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge des requérants qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L’arrêt du 16 octobre 2018 de la cour administrative d’appel de Nancy est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Nancy.

Article 3 : La métropole du Grand Nancy, la société Enedis et la société EDF verseront chacune une somme totale de 1 000 euros aux requérants, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de la métropole du Grand Nancy, de la société Enedis et de la société EDF présentées au titre des mêmes dispositions sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A… I… H…, représentant unique ainsi qu’à la métropole du Grand Nancy, à la société Enedis et à la société EDF.