Les délais dans lesquels l’avis d’audience est adressée par la CNDA ont pour objet de lui laisser un délai suffisant pour préparer utilement ses observations de sorte que leur méconnaissance est de nature à entacher d’irrégularité la procédure suivie, alors même que l’avocat mandaté pour assister l’intéressé est présent lors de l’audience.

CE, 10e et 9e ch. réunies, 27 mars 2020, n° 431290, Lebon T

Les dispositions de l’article R. 733-19 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qui fixent les délais dans lesquels l’avis d’audience est adressée par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) aux parties ont pour objet, non seulement d’informer l’intéressé de la date de l’audience afin de lui permettre d’y être présent ou représenté, mais aussi de lui laisser un délai suffisant pour préparer utilement ses observations. Il s’ensuit que leur méconnaissance est de nature à entacher d’irrégularité la procédure suivie, alors même que l’avocat mandaté pour assister l’intéressé est présent lors de l’audience.

Rappr., s’agissant du délai de convocation du fonctionnaire devant le conseil de discipline, CE, 1er mars 1996, M. Reynes, N° 146854, T. p. 988 ; s’agissant du délai de convocation devant la chambre nationale de discipline des architectes, CE, 23 juin 2004, M. Fourgous, n° 240876, T. p. 861 ; s’agissant du délai de convocation devant la formation disciplinaire du CNESER, CE, 22 février 2012, M. Guyot, n° 333573, T. p. 784.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 431290
ECLI:FR:CECHR:2020:431290.20200327
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10e et 9e chambres réunies
M. Arno Klarsfeld, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats

Lecture du vendredi 27 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme B… A… a demandé à la Cour nationale du droit d’asile d’annuler la décision du 28 mai 2018 par laquelle l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d’asile. Par une décision n° 18038144 du 25 février 2019, la Cour nationale du droit d’asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 3 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme A… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette décision ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l’OFPRA la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Piwnica et Molinié, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme A… ;

Considérant ce qui suit :

1. Le premier alinéa de l’article L. 733-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose : « Les intéressés peuvent présenter leurs explications à la Cour nationale du droit d’asile et s’y faire assister d’un conseil et d’un interprète ». Aux termes de l’article R. 733-19 du même code : « L’avis d’audience est adressé aux parties trente jours au moins avant le jour où l’affaire sera appelée à l’audience. / Pour les affaires relevant du deuxième alinéa de l’article L. 731-2 lorsque la décision de l’office a été prise en application des articles L. 723-2 ou L. 723-11, l’avis est adressé aux parties par tout moyen quinze jours au moins avant le jour où l’affaire sera appelée à l’audience. (…) ». Ces dispositions ont pour objet, non seulement d’informer l’intéressé de la date de l’audience afin de lui permettre d’y être présent ou représenté, mais aussi de lui laisser un délai suffisant pour préparer utilement ses observations. Il s’ensuit que leur méconnaissance est de nature à entacher d’irrégularité la procédure suivie.

2. Il ressort des pièces de la procédure devant la Cour nationale du droit d’asile qu’alors que l’Office de protection des réfugiés et des apatrides a statué en procédure accélérée sur la demande de Mme A…, sur le fondement de l’article L. 723-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’avis informant celle-ci que son affaire serait appelée à l’audience du 18 février 2019 lui a été adressé par la Cour le 4 février 2019, soit dans un délai inférieur au délai minimum de quinze jours prévu par les dispositions précitées du deuxième alinéa de l’article R. 733-19 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Alors même que l’avocat mandaté pour assister Mme A… était présent lors de l’audience du 18 février 2019, la méconnaissance de l’article R. 733-19 précité a entaché la procédure devant la Cour nationale du droit d’asile d’irrégularité.

3. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme A… est fondée à demander l’annulation de la décision qu’elle attaque.

4. Mme A… a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme A…, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de mettre à la charge de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 3 000 euros, à verser à cette société.

D E C I D E :

————–

Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d’asile du 25 février 2019 est annulée.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d’asile.

Article 3 : L’Office français de protection des réfugiés et apatrides versera la somme de 3 000 euros à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme A…, au titre des articles L.761- 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B… A… et à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.