La contestation tendant à la restitution de tout ou partie de l’impôt sur les sociétés dont une société s’est spontanément acquittée après sa liquidation par ses soins ne concerne pas la détermination de l’assiette de l’impôt ou son calcul mais le montant de la dette fiscale de la société compte tenu des paiements déjà effectués, et relève d’une contestation relative au recouvrement et non à l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

Conseil d’État, 3ème – 8ème chambres réunies, Société SOFIL 9 juin 2020, 417936

Il résulte de l’article 1668 du code général des impôts (CGI) et de l’article 360 de l’annexe III à ce code qu’à la différence des impôts dont le paiement s’effectue par voie de rôle, l’impôt sur les sociétés (IS) fait l’objet d’un paiement spontané par le contribuable, suivi d’une régularisation lorsque la société dépose sa déclaration de résultats, que celle-ci intervienne du fait de la clôture de l’exercice ou en application des dispositions de l’article 201 du CGI, auxquelles renvoient les dispositions de l’article 221 du même code en cas de transfert de siège dans un Etat étranger autre qu’un Etat membre de l’Union européenne ou qu’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative ou lorsque la société cesse totalement ou partiellement d’être soumise à l’impôt sur les sociétés. Une contestation tendant à la restitution de tout ou partie de l’impôt sur les sociétés dont une société s’est spontanément acquittée après sa liquidation par ses soins ne concerne pas la détermination de l’assiette de l’impôt ou son calcul mais le montant de la dette fiscale de la société compte tenu des paiements déjà effectués. Il s’agit ainsi d’une contestation relative au recouvrement et non à l’assiette de l’impôt sur les sociétés, alors même que la société considère finalement ne devoir aucun impôt du fait du transfert de son siège social à l’étranger ou de la cessation de sa soumission à l’impôt sur les sociétés.

Rappr., dans l’hypothèse où le contribuable ne conteste pas le montant de l’imposition dont il est redevable, CE, 13 décembre 2002, Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées-Gascogne, n° 220998, p. 452 ; CE, 30 juin 2004, Société Akzo Nobel, n° 242893, p. 280 ; CE, 19 juillet 2011, SA Carmo Toyota, n° 318777, T. p. 871.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 417936
ECLI:FR:CECHR:2020:417936.20200609
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3e – 8e chambres réunies
M. Sylvain Monteillet, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats

Lecture du mardi 9 juin 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Sofil a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la restitution des acomptes d’impôt sur les sociétés versés au titre de l’exercice clos en 2012, à concurrence de 23 819 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 18 février 2013.

Par un jugement n° 1305829 du 29 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16LY01430 du 5 décembre 2017, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par la société Sofil contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février et 2 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Sofil demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) à titre subsidiaire, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne ;

3°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Sofil ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Sofil, qui exerce une activité de gestion de patrimoine immobilier, était domiciliée à Metz-Tessy (Haute-Savoie) jusqu’au 31 novembre 2012, date du transfert de son siège social au Luxembourg. Le 18 février 2013, elle a sollicité auprès de l’administration fiscale la restitution des quatre acomptes à l’impôt sur les sociétés versés au titre de l’exercice clos en 2012. Cette dernière lui a demandé, en application des dispositions du 2 de l’article 221 et de l’article 201 du code général des impôts, la communication de sa liasse fiscale de l’exercice clos le 30 novembre 2012 et de son relevé de solde d’impôt sur les sociétés. La société Sofil a refusé de procéder à cette communication et a renouvelé sa réclamation, dans un courrier du 7 mars 2013, que l’administration a rejetée le 3 septembre 2013. Par un jugement du 29 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la société Sofil tendant à obtenir la restitution des acomptes d’impôts sur les sociétés versés au titre de l’exercice clos en 2012. Par un arrêt du 5 décembre 2017, la cour administrative d’appel de Lyon a confirmé ce jugement. La société Sofil se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l’article 201 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : « 1. Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d’une entreprise industrielle, commerciale, artisanale, minière ou agricole, l’impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n’ont pas encore été imposés est immédiatement établi (…) 3. Les contribuables assujettis à un régime réel d’imposition sont tenus de faire parvenir à l’administration, dans un délai de soixante jours déterminé comme indiqué au 1, la déclaration de leur bénéfice réel accompagnée d’un résumé de leur compte de résultat (…). Si les contribuables imposés d’après leur bénéfice réel ne produisent pas les déclarations ou renseignements visés au 1 et au premier alinéa du présent paragraphe, ou, si invités à fournir à l’appui de la déclaration de leur bénéfice réel les justifications nécessaires, ils s’abstiennent de les donner dans les trente jours qui suivent la réception de l’avis qui leur est adressé à cet effet, les bases d’imposition sont arrêtées d’office (…) ». Aux termes de l’article 221 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige :  » 2. En cas de dissolution, de transformation entraînant la création d’une personne morale nouvelle, d’apport en société, de fusion, de transfert du siège ou d’un établissement dans un Etat étranger autre qu’un Etat membre de l’Union européenne ou qu’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative (…), l’impôt sur les sociétés est établi dans les conditions prévues aux 1 et 3 de l’article 201. / Il en est de même, sous réserve des dispositions de l’article 221 bis, lorsque les sociétés ou organismes mentionnés aux articles 206 à 208 quinquies, 239, 239 bis AA et 239 bis AB cessent totalement ou partiellement d’être soumis à l’impôt sur les sociétés au taux prévu au deuxième alinéa du I de l’article 219. / Lorsque le transfert du siège ou d’un établissement s’effectue dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 précitée et qu’il s’accompagne du transfert d’éléments d’actifs, l’impôt sur les sociétés calculé à raison des plus-values latentes constatées sur les éléments de l’actif immobilisé transférés et des plus-values en report ou en sursis d’imposition est acquitté dans les deux mois suivant le transfert des actifs : a) Soit pour la totalité de son montant ; b) Soit, sur demande expresse de la société, pour le cinquième de son montant. Le solde est acquitté par fractions égales au plus tard à la date anniversaire du premier paiement au cours des quatre années suivantes. (…) « .

3. Aux termes de l’article 1668 du code général des impôts : « 1. L’impôt sur les sociétés donne lieu au versement, au comptable public compétent, d’acomptes trimestriels déterminés à partir des résultats du dernier exercice clos. (…) / 2. Il est procédé à une liquidation de l’impôt dû à raison des résultats de la période d’imposition mentionnée par la déclaration prévue au 1 de l’article 223. (…) Si la liquidation fait apparaître que les acomptes versés sont supérieurs à l’impôt dû, l’excédent, défalcation faite des autres impôts directs dus par l’entreprise, est restitué dans les trente jours de la date de dépôt du relevé de solde (…) ». Aux termes de l’article 360 de l’annexe III au même code : « La liquidation de l’impôt sur les sociétés mentionnée au 2 de l’article 1668 du code général des impôts est réalisée par le redevable et détaillée sur un relevé de solde dont le modèle est fourni par l’administration, daté et signé de la partie versante et indiquant la nature du versement, son échéance, les éléments de liquidation, ainsi que la désignation et l’adresse du principal établissement de l’entreprise. / Le relevé de solde accompagné le cas échéant du complément d’impôt résultant de cette liquidation est adressé au comptable de la direction générale des finances publiques du lieu d’imposition défini à l’article 218 A du même code. / Les demandes de restitution de créances remboursables sont formulées sur ce relevé ».

4. Aux termes de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales : « Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l’administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu’elles tendent à obtenir soit la réparation d’erreurs commises dans l’assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire. (…) ». En vertu de l’article L. 281 du même livre, dans sa version applicable au litige :  » Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l’article L. 252 doivent être adressées à l’administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : / 1° Soit sur la régularité en la forme de l’acte ; / 2° Soit sur l’existence de l’obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l’exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l’assiette et le calcul de l’impôt. (…) « . Aux termes de l’article R. 281-1 du même livre, dans sa version applicable au litige : » Les contestations relatives au recouvrement prévues par l’article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l’objet d’une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite. Le chef de service compétent est : a) Le directeur départemental des finances publiques ou le responsable du service à compétence nationale si le recouvrement incombe à un comptable de la direction générale des finances publiques ; b) Le directeur régional des douanes et droits indirects si le recouvrement incombe à un comptable de la direction générale des douanes et droits indirects « .

5. Il résulte des dispositions citées au point 3 qu’à la différence des impôts dont le paiement s’effectue par voie de rôle, l’impôt sur les sociétés fait l’objet d’un paiement spontané par le contribuable, suivi d’une régularisation lorsque la société dépose sa déclaration de résultats, que celle-ci intervienne du fait de la clôture de l’exercice ou en application des dispositions de l’article 201 du code général des impôts, auxquelles renvoient les dispositions de l’article 221 du même code en cas de transfert de siège dans un Etat étranger autre qu’un Etat membre de l’Union européenne ou qu’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative ou lorsque la société cesse totalement ou partiellement d’être soumise à l’impôt sur les sociétés. Une contestation tendant à la restitution de tout ou partie de l’impôt sur les sociétés dont une société s’est spontanément acquittée après sa liquidation par ses soins ne concerne pas la détermination de l’assiette de l’impôt ou son calcul mais le montant de la dette fiscale de la société compte tenu des paiements déjà effectués. Il s’agit ainsi d’une contestation relative au recouvrement et non à l’assiette de l’impôt sur les sociétés, alors même que la société considère finalement ne devoir aucun impôt du fait du transfert de son siège social à l’étranger ou de la cessation de sa soumission à l’impôt sur les sociétés. Enfin, le relevé de solde prévu par l’article 360 de l’annexe III au code général des impôts a vocation à informer l’administration de l’existence d’un excédent de versement et doit être produit devant cette dernière avant qu’elle ne statue sur une demande de restitution d’acomptes provisionnels d’impôt sur les sociétés versés au Trésor public, de sorte qu’elle soit en mesure d’en apprécier l’existence et le montant, et une demande de restitution à l’appui de laquelle ne sont pas produites, devant l’administration, avant que celle-ci n’y statue, les pièces justificatives, nécessaires à l’appréciation de son bien-fondé, est, de ce fait, irrecevable.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que c’est sans erreur de droit que la cour, après avoir relevé qu’il était constant que la société Sofil n’avait pas produit son relevé de solde en dépit de demandes de l’administration, a jugé sa demande irrecevable. La production de ce relevé de solde étant indispensable en toute hypothèse, l’erreur de droit commise par la cour en relevant que la société Sofil entrait dans les prévisions du premier alinéa du 2 de l’article 221 du code général des impôts, alors qu’elle avait transféré son siège dans un Etat membre de l’Union européenne, et que c’est le deuxième alinéa de ce 2 qui lui était applicable, est sans incidence sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué.

7. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Sofil doit être rejeté, ensemble ses conclusions au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Le pourvoi de la société Sofil est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Sofil et au ministre de l’action et des comptes publics.