Le rapporteur public doit indiquer le montant de l’indemnisation qu’il propose.

CE, 7-2 chr, Me Courtoux, liquidateur judiciaire de la société Les Compagnons Paveurs 10 févr. 2020, n° 427282, Lebon T.

Conclusions du Rapporteur Public

Rapporteur public ayant porté à la connaissance des parties, avant la tenue de l’audience, le sens des conclusions qu’il envisageait de prononcer dans les termes suivants : « Annulation partielle du jugement – Réformation partielle du jugement ». Une telle mention, qui ne permettait pas de connaître la position du rapporteur public sur le montant de l’indemnisation qu’il proposait de mettre à la charge de la communauté de communes défenderesse au bénéfice du requérant, ne satisfait pas aux prescriptions de l’article R. 711-3 du code de justice administrative (CJA).

Il suit de là qu’alors même que l’avocat du requérant, présent à l’audience, ne s’est plaint de l’imprécision de cette mention ni dans les observations orales qu’il a présentées à la suite des conclusions du rapporteur public ni dans une note en délibéré, l’arrêt de la cour administrative d’appel a été rendu au terme d’une procédure irrégulière, l’exigence posée par l’article R. 711 3 du CJA étant prescrite à peine d’irrégularité de la procédure.

1. Cf., sur la portée de cette obligation, CE, Section, 21 juin 2013, Communauté d’agglomération du pays de Martigues, n° 352427, p. 167 ; CE, 30 mai 2016, Mme Rollet, n° 381274, T. pp. 802-806-890.

2. Cf. CE, 28 mars 2019, Consorts Bendjebel, n° 415103, à mentionner aux Tables.

3. Comp., dans le cas où est invoqué un changement de position du rapporteur public par rapport au sens des conclusions annoncé, CE, 1er octobre 2015, M. et Mme Gauchot, n° 366538, p. 325.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 427282
ECLI:FR:CECHR:2020:427282.20200210
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7e – 2e chambres réunies
M. François Lelièvre, rapporteur
Mme Mireille Le Corre, rapporteur public
LE PRADO ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats

Lecture du lundi 10 février 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Les Compagnons Paveurs et Me A… B…, son mandataire liquidateur, ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la communauté de communes de Pont-Audemer à lui verser la somme de 122 736,73 euros au titre du solde d’un marché de travaux d’aménagement de la place Charles de Gaulle à Pont-Audemer. Par un jugement n° 1500536 du 19 juillet 2016, le tribunal administratif de Rouen a condamné la communauté de communes de Pont-Audemer à verser à la société Les Compagnons Paveurs une somme de 2 427,74 euros et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un arrêt n° 16DA01568 du 22 novembre 2018, la cour administrative d’appel de Douai a, sur appel principal de Me B… et appel incident de la communauté de communes de Pont-Audemer, reformé le jugement du tribunal administratif de Rouen en condamnant la communauté de communes à verser à Me B… le montant des intérêts contractuels sur la somme de 43 754,67 euros, pour la période comprise entre le 22 avril 2014 et le 13 février 2015, ainsi que la somme de 23 371,62 euros, augmentée des intérêts contractuels à compter du 22 avril 2014, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 janvier, 23 avril et 15 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Me B…, liquidateur judiciaire de la société Les Compagnons Paveurs, demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt en tant qu’il a rejeté le surplus de ses conclusions d’appel ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Pont-Audemer la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code des marchés publics ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la société Les Compagnons Paveurs et de Me B… et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la communauté de communes de Pont-Audemer ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l’article R. 711-3 du code de justice administrative : « Si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne ». La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter après les conclusions du rapporteur public à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

2. Il ressort des pièces de la procédure d’appel qu’avant la tenue de l’audience de la cour, le rapporteur public a porté à la connaissance des parties le sens des conclusions qu’il envisageait de prononcer dans les termes suivants : « Annulation partielle du jugement Réformation partielle du jugement ». Une telle mention, qui ne permettait pas de connaître la position du rapporteur public sur le montant précis de l’indemnisation qu’il proposait de mettre à la charge de la communauté de communes de Pont-Audemer, au bénéfice de Me B…, liquidateur judiciaire de la société Les Compagnons Paveurs, ne satisfaisait pas aux prescriptions de l’article R. 711-3 du code de justice administrative. Il suit de là qu’alors même que l’avocat de Me B…, présent à l’audience, ne s’est plaint de l’imprécision de cette mention ni dans les observations orales qu’il a présentées à la suite des conclusions du rapporteur public ni dans une note en délibéré, l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai a été rendu au terme d’une procédure irrégulière, l’exigence posée par l’article R. 711-3 du code de justice administrative étant prescrite à peine d’irrégularité de la procédure.

3. Il résulte de ce qui précède que Me B… est fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque en tant qu’il a rejeté ses conclusions d’appel.

4. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de Me B… et de la société Les Compagnons Paveurs qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de Me B… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt du 22 novembre 2018 de la cour administrative d’appel de Douai est annulé en tant qu’il a rejeté les conclusions d’appel de Me B….

Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Douai.

Article 3 : Les conclusions des parties au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Me A… B…, liquidateur judiciaire de la société Les Compagnons Paveurs et à la communauté de communes de Pont-Audemer.

Les délais dans lesquels l’avis d’audience est adressée par la CNDA ont pour objet de lui laisser un délai suffisant pour préparer utilement ses observations de sorte que leur méconnaissance est de nature à entacher d’irrégularité la procédure suivie, alors même que l’avocat mandaté pour assister l’intéressé est présent lors de l’audience.

CE, 10e et 9e ch. réunies, 27 mars 2020, n° 431290, Lebon T

Les dispositions de l’article R. 733-19 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qui fixent les délais dans lesquels l’avis d’audience est adressée par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) aux parties ont pour objet, non seulement d’informer l’intéressé de la date de l’audience afin de lui permettre d’y être présent ou représenté, mais aussi de lui laisser un délai suffisant pour préparer utilement ses observations. Il s’ensuit que leur méconnaissance est de nature à entacher d’irrégularité la procédure suivie, alors même que l’avocat mandaté pour assister l’intéressé est présent lors de l’audience.

Rappr., s’agissant du délai de convocation du fonctionnaire devant le conseil de discipline, CE, 1er mars 1996, M. Reynes, N° 146854, T. p. 988 ; s’agissant du délai de convocation devant la chambre nationale de discipline des architectes, CE, 23 juin 2004, M. Fourgous, n° 240876, T. p. 861 ; s’agissant du délai de convocation devant la formation disciplinaire du CNESER, CE, 22 février 2012, M. Guyot, n° 333573, T. p. 784.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 431290
ECLI:FR:CECHR:2020:431290.20200327
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10e et 9e chambres réunies
M. Arno Klarsfeld, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats

Lecture du vendredi 27 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme B… A… a demandé à la Cour nationale du droit d’asile d’annuler la décision du 28 mai 2018 par laquelle l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d’asile. Par une décision n° 18038144 du 25 février 2019, la Cour nationale du droit d’asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 3 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme A… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette décision ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l’OFPRA la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Piwnica et Molinié, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme A… ;

Considérant ce qui suit :

1. Le premier alinéa de l’article L. 733-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose : « Les intéressés peuvent présenter leurs explications à la Cour nationale du droit d’asile et s’y faire assister d’un conseil et d’un interprète ». Aux termes de l’article R. 733-19 du même code : « L’avis d’audience est adressé aux parties trente jours au moins avant le jour où l’affaire sera appelée à l’audience. / Pour les affaires relevant du deuxième alinéa de l’article L. 731-2 lorsque la décision de l’office a été prise en application des articles L. 723-2 ou L. 723-11, l’avis est adressé aux parties par tout moyen quinze jours au moins avant le jour où l’affaire sera appelée à l’audience. (…) ». Ces dispositions ont pour objet, non seulement d’informer l’intéressé de la date de l’audience afin de lui permettre d’y être présent ou représenté, mais aussi de lui laisser un délai suffisant pour préparer utilement ses observations. Il s’ensuit que leur méconnaissance est de nature à entacher d’irrégularité la procédure suivie.

2. Il ressort des pièces de la procédure devant la Cour nationale du droit d’asile qu’alors que l’Office de protection des réfugiés et des apatrides a statué en procédure accélérée sur la demande de Mme A…, sur le fondement de l’article L. 723-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’avis informant celle-ci que son affaire serait appelée à l’audience du 18 février 2019 lui a été adressé par la Cour le 4 février 2019, soit dans un délai inférieur au délai minimum de quinze jours prévu par les dispositions précitées du deuxième alinéa de l’article R. 733-19 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Alors même que l’avocat mandaté pour assister Mme A… était présent lors de l’audience du 18 février 2019, la méconnaissance de l’article R. 733-19 précité a entaché la procédure devant la Cour nationale du droit d’asile d’irrégularité.

3. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme A… est fondée à demander l’annulation de la décision qu’elle attaque.

4. Mme A… a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme A…, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de mettre à la charge de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 3 000 euros, à verser à cette société.

D E C I D E :

————–

Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d’asile du 25 février 2019 est annulée.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d’asile.

Article 3 : L’Office français de protection des réfugiés et apatrides versera la somme de 3 000 euros à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme A…, au titre des articles L.761- 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B… A… et à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.