Des drapeaux fixés sur des mâts implantés au sol sur le parc de stationnement d’une société et implantés sur le terrain du local commercial où s’exerce cette activité doivent être qualifiés d’enseignes, alors même qu’ils ne sont pas installés à proximité immédiate de l’entrée de ce local mais en périphérie de ce terrain.

CE, 2-7 chr, Ministre de la transition écologique et solidaire c/ Société Espace Rénovation 28 févr. 2020, n° 419302, Lebon T

Rappr., sur la qualification d’enseigne lorsque l’immeuble où s’exerce l’activité est inclus dans un ensemble de bâtiments formant un îlot urbain, CE, 4 mars 2013, Société Pharmacie Matignon, n° 353423, T. pp. 428-808.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 419302
ECLI:FR:CECHR:2020:419302.20200228
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2e – 7e chambres réunies
Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public

Lecture du vendredi 28 février 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La SARL Espace Rénovation a demandé au tribunal administratif de Marseille, d’une part, d’annuler l’arrêté du 30 mai 2013 par lequel le préfet des Hautes-Alpes l’a mise en demeure de déposer sept des huit dispositifs publicitaires implantés à proximité de ses locaux commerciaux sur le territoire de la commune de Tallard dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 202,11 euros par jour de retard et par dispositif, ainsi que la décision du 29 juillet 2013 rejetant son recours gracieux dirigé contre cet arrêté, d’autre part, d’annuler l’arrêté du 28 août 2014 par lequel le préfet l’a mise en demeure de déposer quatre dispositifs publicitaires implantés dans les mêmes conditions dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 203,22 euros par jour de retard et par dispositif, ainsi que la décision implicite née du silence gardé par le préfet sur son recours gracieux dirigé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1305630, 1500111 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces arrêtés et ces décisions.

Par un arrêt n° 16MA01608 du 26 janvier 2018, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel que la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer a formé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mars et 28 juin 2018, la ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la SARL Espace Rénovation, qui exploite à Tallard (Hautes-Alpes) un magasin de vente de fenêtres, portes et volets, a implanté sur le parking de son local commercial plusieurs dispositifs destinés à signaler l’activité qu’elle exerce, ces dispositifs étant constitués de drapeaux fixés sur des mâts implantés au sol sur le parc de stationnement desservant ce local, le long de la route nationale qui borde le terrain. Par deux arrêtés en date des 30 mai 2013 et du 28 août 2014, le préfet des Hautes-Alpes l’a mise en demeure, sous astreintes de 202,11 euros et de 203,22 euros par jour de retard et par dispositif, de se conformer aux dispositions du troisième alinéa de l’article R. 581-64 du code de l’environnement. Par un jugement du 25 février 2016, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces arrêtés. Par un arrêt du 26 janvier 2018, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé contre ce jugement. La ministre de la transition écologique et solidaire se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. L’article L. 581-3 du code de l’environnement dispose que :  » Au sens du présent chapitre : / 1° Constitue une publicité, à l’exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ; / 2° Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s’y exerce ;/ 3° Constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d’un immeuble où s’exerce une activité déterminée « . Le troisième alinéa de l’article R. 581-64 du même code dispose que : » Les enseignes de plus de 1 mètre carré, scellées au sol ou installées directement sur le sol, ne peuvent être placées à moins de 10 mètres d’une baie d’un immeuble situé sur un fonds voisin lorsqu’elles se trouvent en avant du plan du mur contenant cette baie. / Ces enseignes ne doivent pas être implantées à une distance inférieure à la moitié de leur hauteur au-dessus du niveau du sol d’une limite séparative de propriété. Elles peuvent cependant être accolées dos à dos si elles signalent des activités s’exerçant sur deux fonds voisins et si elles sont de mêmes dimensions. / Les enseignes de plus de 1 mètre carré scellées au sol ou installées directement sur le sol sont limitées en nombre à un dispositif placé le long de chacune des voies ouvertes à la circulation publique bordant l’immeuble où est exercée l’activité signalée « .

3. Il résulte de ces dispositions que doit être qualifiée d’enseigne, l’inscription, forme ou image installée sur un terrain ou un bâtiment où s’exerce l’activité signalée. S’agissant d’un dispositif scellé au sol ou installé sur le sol, sa distance par rapport à l’entrée du local où s’exerce l’activité est sans incidence sur la qualification d’enseigne, dès lors que ce dispositif est situé sur le terrain même où s’exerce cette activité et est relatif à cette dernière. Par suite, en estimant que les dispositifs signalant l’activité de la SARL Espace Rénovation implantés sur le terrain du local commercial ne pouvaient être qualifiés d’enseignes, au motif qu’ils n’étaient pas installés à proximité immédiate de l’entrée de ce local mais en périphérie de ce terrain, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

4. Il en résulte que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de son pourvoi, la ministre est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt du 26 janvier 2018 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la SARL Espace Rénovation.

Il ne résulte ni du II de l’article L. 212-10 du code de l’environnement ni d’aucune autre disposition qu’un SAGE approuvé conformément au I de cet article et constituant dès lors un plan d’aménagement et de gestion durable (PAGD) de la ressource en eau et des milieux aquatiques cesserait d’être applicable faute d’avoir été complété par l’adoption d’un règlement, dans le délai de six ans à compter de la promulgation de la loi du 30 décembre 2006 prévu au II du même article.

CE, 6-5 chr, Société Valhydrau 11 mars 2020, n° 422704, Lebon T.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 422704
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:422704.20200311
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6e – 5e chambres réunies
M. Didier Ribes, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public
SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; SCP DIDIER, PINET, avocats

Lecture du mercredi 11 mars 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La fédération départementale de pêche et de protection du milieu aquatique de l’Isère et l’association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique du Valbonnais « La Truite de La Bonne » ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 6 mai 2013 du préfet de l’Isère valant règlement d’eau relatif à l’exploitation d’un aménagement hydroélectrique sur la rivière de La Bonne à Valjouffrey au bénéfice de la société Valhydrau. Par un jugement n° 1403798 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16LY04051 du 29 mai 2018, la cour administrative d’appel de Lyon a, sur appel de la fédération départementale de pêche et de protection du milieu aquatique de l’Isère et de l’association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique du Valbonnais « La Truite de La Bonne », annulé ce jugement ainsi que l’arrêté préfectoral du 6 mai 2013.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 juillet et 31 octobre 2018 et le 27 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, la société Valhydrau demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d’appel ;

3°) de mettre à la charge de la fédération départementale de pêche et de protection du milieu aquatique de l’Isère et de l’association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique du Valbonnais « La Truite de La Bonne » la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2016 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société Valhydrau et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la fédération départementale de pêche et de protection du milieu aquatique de l’Isère et autre ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 6 mai 2013, le préfet de l’Isère a autorisé la société Valhydrau à disposer, pour une durée de trente-cinq ans, de l’énergie de la rivière La Bonne et a défini le règlement d’eau relatif à l’exploitation d’une centrale hydroélectrique en dérivation de la rivière. Par un jugement du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande d’annulation de cet arrêté présentée par la fédération départementale de pêche et de protection du milieu aquatique de l’Isère et par l’association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique du Valbonnais « La Truite de La Bonne ». Sur appel de ces associations, la cour administrative d’appel de Lyon a, par un arrêt du 29 mai 2018, annulé le jugement du tribunal administratif ainsi que l’arrêté du 6 mai 2013. La société Valhydrau se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

Sur le cadre juridique du litige :

2. Il résulte des dispositions de l’article L. 212-1 du code de l’environnement que le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), d’une part, fixe, pour chaque bassin ou groupement de bassins, les objectifs de qualité et de quantité des eaux ainsi que les orientations permettant d’assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et, d’autre part, détermine à cette fin les aménagements et les dispositions nécessaires. En outre, lorsque cela apparaît nécessaire pour respecter ses orientations et ses objectifs, le SDAGE peut être complété, pour un périmètre géographique donné, par un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) qui doit être compatible avec lui et qui comporte, en vertu de l’article L. 212-5-1 du code de l’environnement, d’une part, un plan d’aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques (PAGD) et, d’autre part, un règlement, qui peut prévoir les obligations définies au II de cet article. En vertu du XI de l’article L. 212-1 et de l’article L. 212-5-2 du code de l’environnement, les décisions administratives prises dans le domaine de l’eau doivent être compatibles avec le SDAGE et avec le PAGD du SAGE. En revanche, les décisions administratives prises au titre de la police de l’eau en application des articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement doivent être conformes au règlement du SAGE et à ses documents cartographiques, dès lors que les installations, ouvrages, travaux et activités en cause sont situés sur un territoire couvert par un tel document.

3. Aux termes de l’article L. 212-10 du code de l’environnement, issu de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dans sa version alors en vigueur : « I. – Un projet de schéma d’aménagement et de gestion des eaux arrêté par la commission locale de l’eau à la date de publication du décret prévu à l’article L. 212-11 peut être approuvé selon la procédure prévue par les dispositions législatives et réglementaires antérieures pendant un délai de trois ans à compter de cette même date. Le schéma approuvé constitue le plan d’aménagement et de gestion durable de la ressource défini au I de l’article L. 212-5-1. / II. – Les schémas d’aménagement et de gestion des eaux approuvés à la date de promulgation de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 précitée ou en application du I du présent article sont complétés dans un délai de six ans à compter de la promulgation de ladite loi par le règlement prévu au II de l’article L. 212-5-1, approuvé selon la procédure fixée par l’article L. 212-6 ». Le décret auquel se réfère le I de l’article L. 212-10 a été publié le 14 août 2007.

4. Les dispositions de l’article L. 212-10 du code de l’environnement ont pour objet de permettre, dans les conditions et limites qu’elles prévoient, que les SAGE déjà approuvés ou en cours d’élaboration lors de la promulgation de la loi du 30 décembre 2006 relèvent du régime prévu par cette loi pour les futurs SAGE. Il ne résulte ni des dispositions du II de l’article L. 212-10 ni d’aucune autre disposition qu’un SAGE approuvé conformément au I de cet article et constituant dès lors un PAGD cesserait d’être applicable faute d’avoir été complété, dans le délai prévu au II du même article, par l’adoption d’un règlement.

Sur le pourvoi :

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet de SAGE du Drac et de la Romanche a été adopté par la commission locale de l’eau le 27 mars 2007 et approuvé par un arrêté interpréfectoral du 13 août 2010, dans le délai prévu par les dispositions du I de l’article L. 212-10 du code l’environnement, mais n’a pas été complété, dans le délai prévu au II de cet article, par un règlement. Conformément à ce qui a été dit au point précédent, il a valeur, à compter de son entrée en vigueur, de PAGD pour les sous-bassins considérés, les décisions administratives prises dans le domaine de l’eau étant donc soumises à une obligation de compatibilité à son égard, ainsi que cela a été dit au point 2.

6. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l’autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation de l’autorisation au regard de chaque orientation ou objectif particulier.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’objectif n° 8 du SAGE du Drac et de la Romanche prévoit que les secteurs à préserver de nouveaux aménagements hydroélectriques sont définis dans l’attente de l’approbation du SDAGE, son point 1.c. précisant que, en attendant, tout nouvel aménagement hydroélectrique est interdit sur le sous-bassin versant de La Bonne.

8. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour s’est fondée, pour annuler l’arrêté du 6 mai 2013 autorisant l’exploitation d’une centrale hydroélectrique sur le sous-bassin versant de La Bonne, sur la seule interdiction de tout nouvel aménagement énoncée par le point 1.c. de l’objectif n° 8 du SAGE du Drac et de la Romanche. En se fondant sur la non adéquation de l’arrêté litigieux avec un objectif particulier du SAGE et non sur une analyse globale à l’échelle du territoire pertinent et au regard de l’ensemble des objectifs et orientations fixés par le schéma, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Valhydrau est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Valhydrau qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la fédération départementale de pêche et de protection du milieu aquatique de l’Isère et de l’association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique du Valbonnais « La Truite de La Bonne » le versement à la société Valhydrau de la somme globale de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt du 29 mai 2018 de la cour administrative d’appel de Lyon est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Lyon.

Article 3 : La fédération départementale de pêche et de protection du milieu aquatique de l’Isère et l’association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique du Valbonnais « La Truite de La Bonne » verseront à la société Valhydrau une somme globale de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la fédération départementale de pêche et de protection du milieu aquatique de l’Isère et l’association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique du Valbonnais « La Truite de La Bonne » au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Valhydrau, à la fédération départementale de pêche et de protection du milieu aquatique de l’Isère, à l’association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique du Valbonnais « La Truite de La Bonne » et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Une provision faisant l’objet d’un emploi non conforme à sa destination doit être corrigée dans le bilan de clôture de l’exercice au cours duquel elle a été irrégulièrement constituée ou, si cet exercice est prescrit, dans les bilans des exercices non prescrits à l’exception du bilan d’ouverture du premier de ces exercices, rendant ainsi sans objet sa reprise ultérieure pour emploi non conforme ou perte d’objet.

CE, 9-10 chr, Société Groupe Courtois Automobiles 13 mars 2020, n° 421024, Lebon T

Rappr., pour l’application de la règle d’intangibilité du bilan en cas de reprise d’une provision non déduite alors qu’elle aurait dû l’être, CE, Plénière fiscale, 23 décembre 2013, Min. c/ SAS Foncière du Rond-Point, n° 346018 p. 337 ; CE, Plénière fiscale, 5 décembre 2016, Société Orange, p. 536.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 421024
ECLI:FR:CECHR:2020:421024.20200313
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9e – 10e chambres réunies
M. Matias de Sainte Lorette, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP L. POULET-ODENT, avocats

Lecture du vendredi 13 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Groupe Courtois Automobiles a demandé au tribunal administratif de Versailles de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005. Par un jugement n° 1005686 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Versailles a prononcé une réduction du supplément d’impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l’exercice clos en 2005, et rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 15VE00197 du 29 mars 2018, la cour administrative d’appel de Versailles, faisant droit à l’appel formé par le ministre de l’action et des comptes publics contre ce jugement en tant qu’il avait fait partiellement droit à la demande de la société, a remis à la charge de celle-ci les suppléments d’impôt dont la décharge avait été prononcée par le tribunal.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 mai et 24 août 2018 et le 30 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Groupe Courtois Automobiles demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel du ministre des finances et des comptes publics ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– la loi n°2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société Groupe Courtois Automobiles ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Les Grands Garages de Lannion a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 à l’issue de laquelle des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés ont été mises à la charge de la société mère du groupe fiscal dont elle faisait partie, la société Groupe Courtois Automobiles, au titre des exercices clos en 2004 et 2005. La société Groupe Courtois Automobiles se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 29 mars 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a remis à sa charge les suppléments d’impôt résultant de la réintégration d’une provision pour risques et charges dans les résultats imposables de l’exercice clos en 2005 de la société Les Grands Garages de Lannion, dont la décharge avait été prononcée par le tribunal administratif de Versailles par un jugement du 14 octobre 2014.

2. Aux termes de l’article 38 du même code dans sa rédaction résultant de l’article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004, applicable aux impositions établies après le 1er janvier 2005 : « 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (…) 4°bis. Pour l’application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de l’exercice, l’actif net d’ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas lorsque l’entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l’ouverture du premier exercice non prescrit. / Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l’article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d’exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l’actif immobilisé ». En application de ces dispositions, dans l’hypothèse où le bénéfice imposable d’un exercice a été déterminé par différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de l’exercice et où son montant a servi de base à une imposition qui est devenue définitive en raison de l’expiration du délai de répétition, les erreurs qui ont entraîné une sous-estimation ou une surestimation de l’actif net ressortant du bilan de clôture de cet exercice peuvent être ultérieurement corrigées, à l’initiative du contribuable ou à celle de l’administration à la suite d’une vérification, dans les bilans des exercices non couverts par la prescription et, par suite, dans les bilans d’ouverture de ces exercices à l’exception du premier.

3. Aux termes du 1 de l’article 39 du code général des impôts, applicable à l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 de ce même code : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (…) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice. / (…) Les provisions qui, en tout ou en partie, reçoivent un emploi non conforme à leur destination ou deviennent sans objet au cours d’un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice. Lorsque le rapport n’a pas été effectué par l’entreprise elle-même, l’administration peut procéder aux rectifications nécessaires dès qu’elle constate que les provisions sont devenues sans objet ». Il résulte de ces dispositions qu’une provision faisant l’objet d’un emploi non conforme à sa destination ou devenue sans objet au cours d’un exercice doit être réintégrée au bilan de clôture de ce même exercice ou, si cet exercice est prescrit, dans les bilans des exercices non prescrits à l’exception du bilan d’ouverture du premier de ces exercices. Toutefois, lorsque cette provision ne satisfaisait pas, dès l’origine, aux conditions de déductibilité, cette erreur initiale, pour autant qu’elle ne revête pas, pour le contribuable, un caractère délibéré, doit être corrigée dans le bilan de clôture de l’exercice au cours duquel elle a été irrégulièrement constituée ou, si cet exercice est prescrit, dans les bilans des exercices non prescrits à l’exception du bilan d’ouverture du premier de ces exercices, rendant ainsi sans objet sa reprise ultérieure pour emploi non conforme ou perte d’objet.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Les Grands Garages de Lannion avait comptabilisé et déduit de ses résultats, au titre d’exercices antérieurs prescrits, une provision pour risques et charges en vue de faire face au paiement de rappels de taxe sur la valeur ajoutée qu’elle avait initialement contestés mais dont elle s’était, ensuite, acquittée selon un échéancier de paiements s’achevant en 2005. A l’issue de la vérification de comptabilité, l’administration fiscale a estimé que cette provision pour impôt à payer n’était pas fiscalement déductible. Par ailleurs, elle a relevé que la société avait, dans son bilan de clôture de l’exercice clos en 2005, procédé à l’annulation comptable de cette provision mais omis de la reprendre dans ses résultats imposables déclarés au titre de ce même exercice. Estimant que la provision avait perdu son objet, l’administration en a réintégré le montant dans les résultats imposables de l’exercice clos en 2005.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu’en écartant comme inopérant le moyen tiré de ce que la provision en litige ne pouvait, à raison de son caractère non déductible, être réintégrée qu’aux seuls résultats du premier exercice non prescrit, soit l’exercice 2004, au motif que l’administration s’était bornée à reprendre cette provision devenue sans objet au cours de l’exercice clos en 2005, dans les résultats imposables de cet exercice, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, la société est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 29 mars 2018 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Versailles.

Article 3 : L’Etat versera à la société Groupe Courtois Automobile la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Groupe Courtois Automobiles et au ministre de l’action et des comptes publics.

Le refus de permis d’édifier un immeuble au motif que son implantation aurait pour conséquence, en raison d’une baisse de l’ensoleillement, d’altérer les conditions de fonctionnement selon les principes architecturaux dits bioclimatiques d’une maison implantée à proximité, ne peut se fonder sur l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme qui ne permettent de rejeter ou d’assortir de réserves les seuls projets qui, par leurs caractéristiques et aspect extérieur, portent une atteinte visible à leur environnement naturel ou urbain.

CE, 2-7 chr, société Cogédim Grand Lyon 13 mars 2020, n° 427408, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 427408
ECLI:FR:CECHR:2020:427408.20200313
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2e – 7e chambres réunies
M. Paul Bernard, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP DIDIER, PINET, avocats

Lecture du vendredi 13 mars 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

Mme C… B… et M. A… B… ont demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 25 juillet 2017 par lequel le maire de Lyon a délivré un permis de construire à la société Cogédim Grand Lyon en vue de l’édification d’un immeuble de 39 logements sur un terrain situé 21 rue du Docteur Horand dans le 9e arrondissement.

Par un jugement n° 1706997 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif a annulé cet arrêté.

1°/ Sous le n° 427408, par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 janvier et 23 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Cogédim Grand Lyon demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de M. et Mme B… ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B… la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2°/ Sous le n° 427618, par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 février et 6 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la ville de Lyon demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de M. et Mme B… ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B… la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Cogedim Grand Lyon, à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. et Mme B…, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la ville de Lyon ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus sont dirigés contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 25 juillet 2017, le maire de Lyon a délivré un permis de construire à la société Cogédim Grand Lyon en vue de l’édification d’un immeuble collectif de 39 logements sur un terrain situé 21 rue du Docteur Horand dans le 9e arrondissement. À la demande de M. et Mme B…, le tribunal administratif de Lyon a annulé ce permis de construire, par un jugement du 29 novembre 2018 contre lequel la société Cogédim Grand Lyon et la ville de Lyon se pourvoient en cassation.

3. Aux termes de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ». Ces dispositions permettent de rejeter ou d’assortir de réserves les seuls projets qui, par leurs caractéristiques et aspect extérieur, portent une atteinte visible à leur environnement naturel ou urbain.

4. Par suite, en annulant le permis d’édifier l’immeuble litigieux au motif que son implantation aurait pour conséquence, en raison d’une baisse de l’ensoleillement, d’altérer les conditions de fonctionnement selon les principes architecturaux dits bioclimatiques selon lesquelles elle a été réalisée en 1987, d’une maison implantée à proximité, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de leurs pourvois, la société Cogédim Grand Lyon et la ville de Lyon sont fondées à demander l’annulation du jugement qu’elles attaquent.

6. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société Cogédim Grand Lyon et de la ville de Lyon. Il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme B… le versement à la société Cogédim Grand Lyon d’une somme de 1 500 euros et à la ville de Lyon d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

————–
Article 1er : Le jugement du 29 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lyon.

Article 3 : M. et Mme B… verseront à la société Cogédim Grand Lyon et à la ville de Lyon chacune une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Cogédim Grand Lyon, à la ville de Lyon, à Mme C… B… et à M. A… B….

Les dispositions de l’article D. 356-6 du code de la sécurité sociale méconnaissent le principe d’égalité en tant qu’elles réservent le bénéfice du versement rétroactif de l’allocation de veuvage qu’elles instituent aux demandes présentées dans le délai d’un an qui suit le décès du conjoint.

CE, 1-4 chr, 13 mars 2020, n° 430371, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 430371
ECLI:FR:CECHR:2020:430371.20200313
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1re – 4e chambres réunies
Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, rapporteur
M. Vincent Villette, rapporteur public

Lecture du vendredi 13 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 8 avril 2019, enregistré le 24 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le tribunal de grande instance de Caen a sursis à statuer et saisi le Conseil d’Etat de la question de la légalité de l’article D. 356-6 du code de la sécurité sociale au regard du principe d’égalité, en tant qu’il réserve l’attribution rétroactive de l’allocation de veuvage qu’il institue aux demandes déposées dans l’année suivant le décès du conjoint.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Constitution, notamment son Préambule ;
– le code de la sécurité sociale ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 8 avril 2019, le tribunal de grande instance de Caen, saisi d’un litige opposant Mme A… à la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail de Normandie, a sursis à statuer jusqu’à ce que le Conseil d’Etat se soit prononcé sur la question de la légalité de l’article D. 356-6 du code de la sécurité sociale au regard du principe d’égalité, en tant qu’il réserve l’attribution rétroactive de l’allocation de veuvage qu’il institue aux demandes déposées dans l’année suivant le décès du conjoint.

2. Aux termes de l’article L. 356-1 du code de la sécurité sociale :  » L’assurance veuvage garantit au conjoint survivant de l’assuré qui a été affilié, à titre obligatoire ou volontaire, à l’assurance vieillesse du régime général, au cours d’une période de référence et pendant une durée fixées par décret ou qui bénéficiait, en application de l’article L. 311-5, des prestations en nature de l’assurance maladie du régime général, une allocation de veuvage lorsque, résidant en France, il satisfait à des conditions d’âge fixées par décret. L’allocation de veuvage n’est due que si le total de cette allocation et des ressources personnelles du conjoint survivant n’excède pas un plafond fixé par décret ; lorsque le total de l’allocation et des ressources personnelles du conjoint survivant dépasse ce plafond, l’allocation est réduite à due concurrence. / Un décret détermine (…) le délai dans lequel le conjoint survivant demande l’attribution de cette prestation postérieurement à la date du décès de l’assuré. (…) « . Aux termes de l’article L. 356-2 du même code : » L’allocation de veuvage a un caractère temporaire (…) « . L’article L. 356-3 du même code dispose que : » L’allocation de veuvage n’est pas due ou cesse d’être due lorsque le conjoint survivant : / 1° Se remarie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage ; / 2° Ne satisfait plus aux conditions prévues par l’article L. 356-1 « . Enfin, l’article L. 356-5 du même code prévoit que : » Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret « . Il résulte de ces dispositions que l’allocation de veuvage est destinée à permettre au conjoint survivant d’un assuré social de faire face aux difficultés financières créées par ce décès, pendant la période qui le suit, compte tenu du caractère limité de ses ressources et de son isolement, lorsqu’il n’a pas atteint l’âge lui permettant de prétendre à un avantage de vieillesse. Il en résulte également qu’eu égard à cet objet, le législateur a entendu que l’allocation de veuvage ait un caractère temporaire. A ce titre, l’article D. 356-5 du code de la sécurité sociale prévoit que l’allocation de veuvage est » versée mensuellement et à terme échu pendant une période maximum de deux ans à compter du premier jour du mois au cours duquel s’est produit le décès « et que » toutefois, lorsque, à la date du décès, le conjoint survivant avait atteint l’âge de cinquante ans, la période prévue à l’alinéa précédent est prolongée jusqu’à ce qu’il ait cinquante-cinq ans « .

3. L’article D. 356-6 du même code, pris pour l’application de l’article L.356-1 cité ci-dessus, prévoit que : « Lorsque la demande d’allocation est présentée dans le délai d’un an qui suit le décès du conjoint, le versement de l’allocation prend effet au premier jour du mois au cours duquel s’est produit le décès », sous réserve que le conjoint survivant en ait rempli à la date du décès les conditions d’attribution, et qu’en revanche, « lorsque la demande d’allocation est présentée après l’expiration de la période d’un an suivant le décès du conjoint, le versement de l’allocation prend effet au premier jour du mois au cours duquel ladite demande a été déposée ».

4. Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

5. Par les dispositions litigieuses citées au point 3, le pouvoir réglementaire a choisi, eu égard à l’objet de l’allocation de veuvage, de prendre en compte les difficultés créées par le décès de l’assuré pour le conjoint survivant en prévoyant, par l’attribution rétroactive de l’allocation, que le délai mis à déposer la demande d’allocation de veuvage ne soit pas opposé au conjoint survivant qui aurait rempli les conditions pour en bénéficier dès la date du décès. Toutefois, eu égard, à l’objet particulier de cette allocation, destinée comme il a été dit au point 2 à permettre au conjoint survivant d’un assuré social de faire face temporairement aux difficultés financières créées par ce décès auxquelles son âge, ses ressources et son isolement l’exposent, à la durée de deux ans après le décès que le pouvoir réglementaire a lui-même fixée pour le versement de cette allocation aux conjoints survivants âgés de moins de cinquante ans à la date du décès de l’assuré social, enfin, aux effets sur les montants servis, au cours de cette période de deux ans, de l’entière rétroactivité ou de l’absence totale de rétroactivité du versement de l’allocation, il ne pouvait, sans instituer une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard de la différence de situation, réserver le bénéfice de la rétroactivité qu’il instituait aux demandes déposées la première année suivant le décès.

6. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de déclarer que les dispositions de l’article D. 356-6 du code de la sécurité sociale sont entachées d’illégalité en tant qu’elles réservent le bénéfice du versement rétroactif de l’allocation de veuvage qu’elles instituent aux demandes présentées dans le délai d’un an qui suit le décès du conjoint.

D E C I D E :
————–

Article 1er : Il est déclaré que l’article D. 356-6 du code de la sécurité sociale est entaché d’illégalité en tant qu’il réserve le bénéfice du versement rétroactif de l’allocation de veuvage qu’il institue aux demandes présentées dans le délai d’un an qui suit le décès du conjoint.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B… A… et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée à la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail de Normandie, au Premier ministre et au président du tribunal judiciaire de Caen.

Dès lors qu’un acte recense la population d’une agglomération communale sans avoir été contesté dans le délai de recours, il est inopérant d’en exciper de son illégalité dans le cadre d’un litige sur le régime applicable à un dispositif publicitaire.

CE, 2-7 chr, société Afficion LCartel 13 mars 2020, n° 427207, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 427207
ECLI:FR:CECHR:2020:427207.20200313
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2e – 7e chambres réunies
M. Paul Bernard, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP DIDIER, PINET, avocats

Lecture du vendredi 13 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Afficion LCartel a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d’une part, d’annuler les arrêtés du 31 janvier 2013 par lesquels le préfet de l’Aveyron l’a mise en demeure de déposer ou de mettre en conformité sept dispositifs publicitaires situés sur le territoire de la commune d’Onet-le-Château, d’autre part, d’annuler les arrêtés du 9 avril 2013 du maire d’Onet-le-Château portant mise en recouvrement de l’astreinte administrative résultant de la dépose tardive de ces dispositifs publicitaires, enfin, d’annuler le titre exécutoire d’un montant de 48 304,29 euros émis le 26 avril 2013 par la commune d’Onet-le-Château.

Par des jugements n° 1300671-1302051, n° 1300674-1302058, n° 1300649-1302056, n° 1300669-1302054, n° 1300673-1302055, n° 1300670-1302052, n° 1300675-1302057 et n° 1303194 du 13 mai 2016, le tribunal administratif a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 16BX02519, 16BX02520, 16BX02521, 16BX02523, 16BX02524, 16BX02525, 16BX02526, 16BX02527 du 20 novembre 2018, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel de la société Afficion LCartel contre ces jugements.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier et 23 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Afficion LCartel demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la commune d’Onet-le-Château la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Afficion Lcartel et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la Commune d’Onet-le-Château ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par sept arrêtés du 31 janvier 2013, le préfet de l’Aveyron a mis en demeure la société Afficion LCartel de déposer ou de mettre en conformité des dispositifs de préenseigne implantés sur le territoire de la commune d’Onet-le-Château et de procéder à la remise en état des lieux, aux motifs que ces dispositifs étaient implantés en méconnaissance des prescriptions des articles R. 581-31 ou R. 581-66 du code de l’environnement. Le maire, agissant au nom de l’Etat, a, par arrêtés du 9 avril 2013, liquidé les astreintes résultant de la dépose tardive de ces dispositifs publicitaires et la société Afficion LCartel a été constituée débitrice par un titre exécutoire émis par la commune le 26 avril 2013. Par des jugements du 13 mai 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la société Afficion LCartel tendant à l’annulation de ces décisions. Par un arrêt du 20 novembre 2018, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel de la société contre ce jugement. La société Afficion LCartel se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. En vertu des dispositions combinées des articles L. 581-9 et L. 581-19 du code de l’environnement, si les préenseignes, soumises aux dispositions qui régissent la publicité, sont en principe admises dans les agglomérations, elles doivent toutefois satisfaire à des prescriptions fixées par décret en Conseil d’Etat en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l’importance des agglomérations concernées. Aux termes de l’article R. 581-31 du même code : « Les dispositifs publicitaires non lumineux, scellés au sol ou installés directement sur le sol sont interdits dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants (…) ». En application de l’article R. 581-66 du même code dans sa rédaction applicable, si certaines préenseignes peuvent être implantées dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’un ensemble multicommunal de plus de 100 000 habitants, c’est à la condition notamment que leurs dimensions n’excèdent pas 1 mètre en hauteur et 1,50 mètre en largeur.

3. En premier lieu, pour l’application de ces dispositions, la notion d’agglomération, qui doit être entendue comme un espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés, ne saurait, en l’absence de disposition contraire, être appréhendée qu’à l’intérieur du territoire d’une seule commune. En l’absence d’authentification, par décret, du chiffre de la population de l’agglomération de la commune, tel qu’il résulterait d’un recensement général, il appartient au maire de déterminer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la population de l’agglomération de sa commune. Un tel acte, qui se borne au constat du nombre d’habitants de l’agglomération communale à une date donnée, lequel intervient notamment pour la détermination des dispositions législatives et réglementaires y régissant les dispositifs publicitaires, ne revêt pas, par suite, un caractère réglementaire et ne forme pas avec les décisions individuelles prises en application de ces dispositions une opération administrative unique comportant un lien tel qu’un requérant serait encore recevable à invoquer par la voie de l’exception les illégalités qui l’affecteraient, alors qu’il aurait acquis un caractère définitif. La cour administrative d’appel n’a, par suite, commis aucune erreur de droit en écartant le moyen tiré de l’exception d’illégalité de l’arrêté, devenu définitif, par lequel le maire d’Onet-le-Château a, le 18 janvier 2013, fixé la population municipale à 9 979 habitants.

4. En second lieu, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les décisions en litige ont été prises aux motifs que les dispositifs étaient implantés en méconnaissance des prescriptions des articles R. 581-31 ou R. 581-66 du code de l’environnement. Si la cour a fait application des dispositions de l’article L. 581-43 du code de l’environnement qui prévoient un délai de mise en conformité pour les dispositifs qui ne seraient pas conformes aux actes pris pour l’application des dispositions législatives que mentionne cet article, les articles R. 581-31 ou R. 581-66 du code de l’environnement, qui fondent les actes litigieux, n’ont pas été pris pour l’application de ces dispositions législatives. La société requérante ne pouvait ainsi, en tout état de cause, invoquer le bénéfice du délai de mise en conformité instauré par l’article L. 581-43 du code de l’environnement. Ce motif, qui ne suppose l’appréciation d’aucune circonstance de fait supplémentaire, peut être substitué à celui retenu par la cour dans l’arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif.

5. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat et de la commune d’Onet-le-Château, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu de mettre à la charge de la société Afficion LCartel une somme de 3 000 euros à verser à la commune d’Onet-le-Château au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

————–
Article 1er : Le pourvoi de la société Afficion LCartel est rejeté.

Article 2 : La société Afficion LCartel versera à la commune d’Onet-le-Château une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Afficion LCartel, à la commune d’Onet-le-Château et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Le réfugié Sri-Lankais condamné pour participation à une entreprise terroriste du fait de la collecte de fonds en France, doit être exclu du bénéfice de cette qualité.

CE, 2-7 chr, 13 mars 2020, n° 423579, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 423579
ECLI:FR:CECHR:2020:423579.20200313
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2e – 7e chambres réunies
Mme Stéphanie Vera, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats

Lecture du vendredi 13 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B… A… a demandé à la Cour nationale du droit d’asile d’annuler la décision du 24 novembre 2016 par laquelle le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin au statut de réfugié qui lui a été accordé le 15 avril 2005.

Par une décision n° 16040253 du 4 juillet 2018, la Cour nationale du droit d’asile a rejeté son recours.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire enregistrés les 24 août et 22 novembre 2018, 30 décembre 2019 et 14 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l’OFPRA une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;
– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A… et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que M. B… A…, de nationalité sri-lankaise, s’est vu reconnaître la qualité de réfugié par la Cour nationale du droit d’asile le 15 avril 2005. Après avoir été informé de la condamnation pénale dont l’intéressé avait fait l’objet le 23 novembre 2009 pour des faits en lien avec une organisation terroriste, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a engagé à son encontre une procédure de fin de protection et mis fin à son statut de réfugié le 24 novembre 2016, sur le fondement des dispositions du 3° de l’article L. 711-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au motif qu’il existait des raisons sérieuses de penser qu’il s’était rendu coupable d’agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies conduisant à l’exclure, en application du c) du F de l’article 1er de la convention de Genève relative aux réfugiés, du bénéfice du statut de réfugié. M. A… se pourvoit en cassation contre la décision du 4 juillet 2018 par laquelle la Cour nationale du droit d’asile a rejeté le recours qu’il a formé contre cette décision.

2. En premier lieu, si le requérant fait valoir que la Cour nationale du droit d’asile a méconnu les exigences du débat contradictoire en refusant de faire droit à la demande qu’il a présentée devant elle tendant à ce que lui soient communiquées certaines pièces, en particulier les deux courriers en date des 24 septembre 2015 et 4 avril 2016 par lesquels le préfet de Seine-et-Marne a informé l’OFPRA de la condamnation pénale prononcée à son encontre, il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour que celle-ci ne s’est en tout état de cause pas fondée, dans la décision attaquée, sur des pièces dont le requérant n’aurait pas eu connaissance. Par suite, en ne procédant pas à la communication sollicitée, la Cour n’a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure ni entaché sa décision d’irrégularité.

3. En deuxième lieu, aux termes du 2 du A de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, doit être considérée comme réfugié toute personne qui : « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Aux termes du F de l’article 1er de la même convention : « Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : (…) c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ». Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 711-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’OFPRA peut « mettre fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, au statut de réfugié lorsque : (…/…) 3° Le réfugié doit, compte tenu de circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application des sections D, E ou F de l’article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951 (…) ».

4. Les actes terroristes ayant une ampleur internationale en termes de gravité, d’impact international et d’implications pour la paix et la sécurité internationales peuvent être assimilés à des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies au sens du c) du F de l’article 1er de la convention de Genève. Il en va ainsi des actions de soutien à une organisation qui commet, prépare ou incite à la commission de tels actes, notamment en participant de manière significative à son financement.

5. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que M. A… a, par un jugement définitif du tribunal correctionnel de Paris du 23 novembre 2009, été reconnu coupable et condamné à une peine de quatre années d’emprisonnement pour « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme, financement d’entreprise terroriste et extorsions par la violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien ». Ces faits ont été commis alors que l’intéressé était responsable, pour le département de la Seine-Saint-Denis, de la collecte de fonds organisée par le comité de coordination Tamoul France (CCTF), association dissoute le 22 février 2012 pour « association de malfaiteurs et extorsion en relation avec une entreprise terroriste et financement d’une entreprise terroriste » en raison de ses liens avec le mouvement sri-lankais des Tigres Libérateurs de l’Eelam Tamoul (LTTE). Cette organisation fait partie des groupes terroristes figurant sur la liste annexée à la position commune 2001/931 PESC du 27 décembre 2001 du Conseil de l’Union européenne relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme en vertu de la position commune du Conseil du 29 mai 2006. En jugeant qu’eu égard à l’importance de la contribution de M. A… entre 2002 et 2007 à la collecte de fonds par le CCTF au profit du mouvement des LTTE et aux effets des actions violentes au cours de ces années, au Sri-Lanka mais également au sein d’autres Etats, de ce mouvement ayant justifié l’inscription sur la liste des groupes terroristes par la décision (PESC) citée ci-dessus, il existait des raisons sérieuses de penser M. A… s’était rendu coupable d’agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies, justifiant qu’il soit mis fin à son statut de réfugié en application du c) du F de l’article 1er de la convention de Genève, la Cour n’a ni commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l’espèce.

6. En troisième lieu, ni les dispositions précitées du c) du F de l’article 1er de la convention de Genève ni celles de l’article L. 711-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne subordonnent l’application de cette clause d’exclusion à l’existence d’un danger actuel pour l’État d’accueil. Par suite, la Cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que M. A… ne saurait utilement faire valoir qu’il avait purgé la peine d’emprisonnement à laquelle il avait été condamné et qu’il ne représentait aucune menace pour l’ordre public pour faire obstacle à l’application à son endroit de la clause d’exclusion prévue par le c) du F de l’article 1er de la convention.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision, en date du 4 juillet 2018, par laquelle la Cour nationale du droit d’asile a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides mettant fin au statut de réfugié qui lui avait été accordé. Ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu’être rejetées.

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le pourvoi de M. A… est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B… A… et à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Le juge judiciaire est compétent pour un litige relatif au paiement d’heures supplémentaires effectuées dans le cadre de la mise à disposition d’une agente hospitalière auprès d’une association.

T. confl., 9 mars 2020, n° C4178.

Texte intégral
Vu, enregistrée à son secrétariat, le 21 octobre 2019, l’expédition de l’arrêt du 18 octobre 2019 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes, statuant sur la demande de Mme B… tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif d’Orléans du 15 mars 2018, par lequel il a rejeté sa requête tendant à la condamnation du centre hospitalier de Chartres à lui verser les sommes de 31 839,33 euros à titre de rappel de salaires et 3 183,93 euros à titre de congés payés, a renvoyé au Tribunal, en application de l’article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de la compétence ;

Vu l’arrêt du 26 mars 2015 par lequel la cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes de Chartres du 10 juillet 2013 qui s’est déclaré incompétent pour connaître du litige;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à Mme B…, au centre hospitalier de Chartres, à l’association Centre d’information et de consultation en alcoologie et toxicomanie et au ministre des solidarités et de la santé, qui n’ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le décret n°88-976 du 13 octobre 1988 ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme A… C…, membre du Tribunal,

— les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

Considérant que Mme B…, engagée le 1er juillet 1987 par le centre hospitalier de Chartres en qualité d’infirmière, a été mise, par convention plusieurs fois renouvelée, à disposition de l’association Centre d’information et de consultation en alcoologie et toxicologie (CICAT) à compter du 15 septembre 1997, d’abord à temps partiel (50 %), puis, à compter du 1er février 2002, à temps plein ; qu’en retraite depuis janvier 2012, elle a saisi le 11 mai 2012 le conseil de prud’hommes de Chartres d’une demande en paiement par l’association CICAT des sommes de 31 839,33 euros au titre des heures supplémentaires effectuées au cours des années 2007 à 2011 et 3 183,93 euros au titre des congés payés afférents à ces heures supplémentaires ; que, par jugement du 10 juillet 2013, cette juridiction s’est déclarée incompétente au motif que l’infirmière n’était pas liée par un contrat de travail à l’association mais par un contrat de droit public au centre hospitalier et que le litige relevait de la juridiction administrative ; que cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 26 mars 2015 ; que, par requête du 30 juillet 2015, Mme B… a demandé au tribunal administratif d’Orléans la condamnation du centre hospitalier de Chartres à lui payer les mêmes sommes ; que, par jugement du 15 mars 2018, sa requête a été rejetée ; que, par arrêt du 18 octobre 2019, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement et, évoquant le litige, a renvoyé au Tribunal, par application de l’article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de la compétence ;

Considérant que, bien qu’elle ait continué à dépendre du centre hospitalier de Chartres et à percevoir son traitement de fonctionnaire, Mme B…, mise à disposition de l’association CICAT pour accomplir un travail pour le compte et sous l’autorité de celle-ci, était liée à cet organisme par un contrat de travail ; que sa demande en paiement d’heures supplémentaires, qui s’inscrit dans ces relations contractuelles de droit privé, relève de la compétence judiciaire ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant Mme B… à l’association Centre d’information et de consultation en alcoologie et toxicologie (CICAT).

Article 2 : L’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 26 mars 2015 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif d’Orléans et la cour administrative d’appel de Nantes est déclarée nulle et non avenue, à l’exception de l’arrêt rendu le 18 octobre 2019 par cette cour.

Article 4 : La présente décision est notifiée à Mme B…, au centre hospitalier de Chartres, à l’association Centre d’information et de consultation en alcoologie et toxicomanie et au ministre des solidarités et de la santé.

Les mesures de lutte contre la pandémie du Covid-19

Le « confinement »

Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19

NOR: PRMX2007858DELI: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/3/16/PRMX2007858D/jo/texte
Alias: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/3/16/2020-260/jo/texte

 

Etablissements touchés par la fermeture

Arrêté du 15 mars 2020 complétant l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19

NOR: SSAS2007753AELI: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2020/3/15/SSAS2007753A/jo/texte

L’amende : 

Décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 portant création d’une contravention réprimant la violation des mesures destinées à prévenir et limiter les conséquences des menaces sanitaires graves sur la santé de la population

Arrêt des séances de jugement

  • Dans la juridiction administrative :

Conseil d’Etat : https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/arret-des-seances-de-jugement-et-des-evenements-publics

Gestion du Covid-19 dans la fonction publique : site de la DGAFP

L’attestation de déplacement dérogatoire

Justificatif de déplacement professionnel

 

Liste des textes

Arrêté du 13 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du …

Décret n° 2020-241 du 13 mars 2020 modifiant le décret n° 2017-1063 du 18 mai 2017 relatif aux …

Arrêté du 13 mars 2020 autorisant par dérogation la mise à disposition sur le marché et …

Décret n° 2020-247 du 13 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la …

Décret n° 2020-248 du 13 mars 2020 relatif à la mobilisation de la réserve sanitaire

Arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du …

Arrêté du 14 mars 2020 relatif au prix maximum de vente des produits hydro-alcooliques destinés …

Arrêté du 15 mars 2020 complétant l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives …

Le caractère limité de l’urbanisation qui résulte d’une opération de construction s’apprécie en tenant compte de ces dispositions d’ un schéma de cohérence territoriale (SCoT) ou un des autres schémas mentionnés par les dispositions du II de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme comporte des dispositions suffisamment précises.

CE, 6-5 chr, Confédération Environnement Méditerranée et autre 11 mars 2020, n° 419861, Lebon T

Il résulte du II de l’article L. 146-4 et du I de l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme, aujourd’hui repris en substance, respectivement, aux articles L. 121-13 et L. 131-1 de ce code, qu’une opération conduisant à étendre l’urbanisation d’un espace proche du rivage ne peut être légalement autorisée que si elle est, d’une part, de caractère limité, et, d’autre part, justifiée et motivée dans le plan local d’urbanisme (PLU) selon les critères qu’ils énumèrent.

Cependant, lorsqu’ un  schéma de cohérence territoriale (SCoT) ou un des autres schémas mentionnés par les dispositions du II de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme comporte des dispositions suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions législatives qui précisent les conditions de l’extension de l’urbanisation dans l’espace proche du rivage dans lequel l’opération est envisagée, le caractère limité de l’urbanisation qui résulte de cette opération s’apprécie en tenant compte de ces dispositions du schéma concerné.

1. Rappr., sur cette notion, CE, 7 février 2005, Société soleil d’or et commune de Menton, n°s 264315 264372, T. p. 1131 ; CE, 11 avril 2018, Commune d’Annecy et autres, n° 399094, T. pp. 869- 951.

2. Comp., sur l’appréciation de l’extension « en continuité avec les agglomérations et villages existants » au regard de la loi Littoral même lorsque le PLU a prévu l’ouverture de la zone à l’urbanisation, CE, Section, 31 mars 2017, SARL Savoie Lac Investissements, n° 392186, p. 117.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 419861
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:419861.20200311
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6e – 5e chambres réunies
Mme Coralie Albumazard, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public
SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats

Lecture du mercredi 11 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

Par trois demandes distinctes, M. D… B…, la Confédération Environnement Méditerranée et M. E… C… et Mme F… A… ont demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 18 mars 2015 par lequel le maire de La Seyne-sur-Mer a délivré à la SAS Corniche du Bois Sacré un permis de construire pour un projet de 352 logements sur un terrain situé 617 corniche Philippe Giovannini sur le territoire de cette commune. Le Comité de défense des intérêts locaux de Balaguier, Le Manteau, L’Eguillette est intervenu volontairement au soutien de la requête de M. C… et Mme A…. Par un jugement n° 1501248, 1503126, 1503196 du 13 février 2018, le tribunal administratif a annulé la décision attaquée en ce qu’elle ne prévoit aucune prescription relative aux mesures de contrôle sanitaire du projet et l’engagement à vérifier régulièrement, en phase d’exploitation, la qualité de l’eau potable et l’étanchéité des canalisations et a rejeté le surplus des requêtes.

1° Sous le numéro 419861, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 avril et 17 juillet 2018 et le 27 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Confédération Environnement Méditerranée demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler les articles 3 et 4 de ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Seyne-sur-Mer la somme de 4 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le numéro 419862, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 avril et 17 juillet 2018 et le 27 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le Comité de défense des intérêts locaux de Balaguier, Le Manteau, L’Eguillette demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler les articles 3 et 4 du même jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit aux conclusions de son intervention ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Seyne-sur-Mer la somme de 4 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– la Constitution, notamment la Charte de l’environnement ;
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la Confédération Environnement Méditerranée et autre, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la commune de La Seyne-sur-Mer, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la SAS Corniche du Bois Sacré, et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B… ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 février 2020, présentée par la commune de La Seyne-sur-Mer ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 18 mars 2015, le maire de La Seyne-sur-Mer a délivré à la SAS Corniche du Bois Sacré un permis de construire en vue de la réalisation d’un ensemble immobilier de 352 logements et de locaux d’activité sur un terrain situé 617, corniche Philippe Giovannini, sur le territoire de cette commune. Par trois demandes distinctes, M. B…, la Confédération Environnement Méditerranée (CEM) ainsi que M. C… et Mme A… ont demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler pour excès de pouvoir cet arrêté, le Comité de défense des intérêts locaux de Balaguier, Le Manteau, L’Eguillette (CIL BME) étant intervenu volontairement au soutien de la demande formée par M. C… et Mme A…. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif, après avoir joint les demandes et admis l’intervention du CIL BME, a annulé l’arrêté attaqué en tant seulement qu’il ne prévoyait aucune prescription relative aux mesures de contrôle sanitaire du projet ni d’engagement à vérifier régulièrement, en phase d’exploitation, la qualité de l’eau potable et l’étanchéité des canalisations et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes. Par deux pourvois qu’il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, la CEM et le CIL BME demandent au Conseil d’Etat d’annuler ce jugement en tant qu’il rejette le surplus de leurs conclusions.

Sur la recevabilité du pourvoi n° 419862 :

2. La personne qui est intervenue devant la cour administrative d’appel ou, le cas échéant, devant le tribunal administratif statuant en premier et dernier ressort, que son intervention ait été admise ou non, ou qui a fait appel du jugement ayant refusé d’admettre son intervention, a qualité pour se pourvoir en cassation contre l’arrêt ou le jugement rendu contre les conclusions de son intervention. Dans le cas où elle aurait eu qualité, à défaut d’intervention de sa part, pour former tierce opposition, elle peut contester tant la régularité que le bien-fondé de l’arrêt ou, le cas échéant, du jugement rendu en premier et dernier ressort attaqué. Dans le cas contraire, elle n’est recevable à invoquer que des moyens portant sur la régularité de l’arrêt ou du jugement attaqué relatifs à la recevabilité de son intervention ou à la prise en compte des moyens qu’elle comporte, tout autre moyen devant être écarté par le juge de cassation dans le cadre de son office.

3. Aux termes de l’article R. 832-1 du code de justice administrative : « Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu’elle représente n’ont été présents ou régulièrement appelés dans l’instance ayant abouti à cette décision ». Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les statuts de l’association CIL BME lui donnent notamment pour objet social  » la défense des intérêts des habitants des quartiers [Balaguier, La Seyne-sur-Mer, (…)], dont notamment la sécurité, protection du site, défense contre l’implantation de toute industrie entre le fort de Balaguier et le fort de l’Eyguillette, défense au projet de comblement d’une partie de la baie de Balaguier, défense contre la pollution, amélioration de l’entretien des routes, trottoirs et parapets du bord de mer (…) « . Il s’ensuit que, conformément aux principes précédemment rappelés, l’association CIL BME, qui ne justifie pas d’une atteinte portée à ses droits, n’est recevable à invoquer devant le juge de cassation que des moyens portant sur la régularité du jugement attaqué relatifs à la recevabilité de son intervention ou à la prise en compte des moyens qu’elle comporte.

4. Le pourvoi de l’association CIL BME ne comporte cependant que des moyens portant sur le bien-fondé du jugement qu’elle attaque. Par suite, il n’est pas recevable.

Sur le pourvoi n° 419861 :

En ce qui concerne l’intervention de l’association CIL BME :

5. L’association CIL BME demande, dans le cas où son pourvoi n° 419862 serait jugé irrecevable, qu’il soit requalifié en intervention volontaire au soutien du pourvoi n° 419861 introduit par l’association CEM contre le même jugement. Elle justifie, eu égard à son objet statutaire rappelé ci-dessus, d’un intérêt suffisant à l’annulation de ce jugement. Dès lors, il y a lieu d’admettre son intervention.

En ce qui concerne les moyens de cassation dirigés contre les motifs du jugement écartant les moyens d’annulation soulevés par les autres demandeurs devant le tribunal administratif :

6. Est nouveau en cassation et, à ce titre, inopérant le moyen qui critique les motifs de la décision juridictionnelle attaquée écartant un moyen soulevé dans l’une des requêtes qui ont été jointes mais que l’auteur du pourvoi en cassation n’avait pas soulevé ni repris à son compte devant le juge du fond.

7. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du III de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme relatives aux conditions de construction dans la « bande des cent mètres », de celles des articles L. 146-6 et R. 146-1 de ce même code, relatives à la préservation des espaces remarquables et au classement d’espaces boisés, de celles de l’article R. 423-50 du code, relatives à la consultation préalable des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, de celles de l’article R. 122-2 du code de l’environnement, relatives à l’étude d’impact, de celles des articles L. 123-1 et R. 123-19 du même code, relatives au déroulement de l’enquête publique, de celles de l’arrêté préfectoral du 17 octobre 2007 instaurant une servitude d’utilité publique sur le site du Bois sacré et de celles de l’article UB 11 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune ont été soulevés devant le tribunal administratif par les autres requérants et intervenants et non par l’association CEM. Dès lors, ils sont inopérants. Il en est de même, par voie de conséquence, des mêmes moyens soulevés par l’association CIL BME dans son intervention au soutien du pourvoi formé par l’association CEM.

En ce qui concerne les autres moyens :

8. En premier lieu, aux termes du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme, alors applicable, dont les dispositions ont été reprises à l’article L. 121-8 de ce même code : « I. – L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. (…) ». Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, le tribunal administratif a notamment relevé, au terme d’une appréciation souveraine, la présence d’immeubles collectifs, de bâtiments pavillonnaires de faible densité et d’installations industrielles sur trois des quatre côtés du terrain d’assiette du projet litigieux. En se fondant sur ces éléments pour juger que ce terrain d’assiette était situé en continuité d’un espace déjà urbanisé de l’agglomération de La Seyne-sur-Mer, le tribunal administratif n’a pas dénaturé les pièces des dossiers qui lui étaient soumis.

9. En deuxième lieu, aux termes du II de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme, aujourd’hui repris en substance à l’article L. 121-13 de ce code : « L’extension limitée de l’urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d’eau intérieurs désignés à l’article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d’urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l’urbanisation est conforme aux dispositions d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un schéma d’aménagement régional ou compatible avec celles d’un schéma de mise en valeur de la mer (…) ». En vertu du I de l’article L. 111-1-1 du même code, aujourd’hui repris en substance à l’article L. 131-1, les schémas de cohérence territoriale doivent être compatibles, notamment, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral prévues par les articles L. 145-1 à L. 146-9.

10. Il résulte de ces dispositions qu’une opération conduisant à étendre l’urbanisation d’un espace proche du rivage ne peut être légalement autorisée que si elle est, d’une part, de caractère limité, et, d’autre part, justifiée et motivée dans le plan local d’urbanisme selon les critères qu’elles énumèrent. Cependant, lorsqu’un schéma de cohérence territoriale ou un des autres schémas mentionnés par les dispositions du II de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme comporte des dispositions suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions législatives qui précisent les conditions de l’extension de l’urbanisation dans l’espace proche du rivage dans lequel l’opération est envisagée, le caractère limité de l’urbanisation qui résulte de cette opération s’apprécie en tenant compte de ces dispositions du schéma concerné.

11. Le schéma de cohérence territoriale (SCOT) Provence Méditerranée, dans sa version applicable au litige, dispose que : « Dans les espaces proches du rivage, la notion d’extension limitée est appréciée à l’échelle du SCOT. Ainsi, à travers trois catégories d’espaces, le SCOT définit l’intensité de l’urbanisation des espaces proches du rivage : / Les espaces littoraux à forts enjeux et stratégiques où les opérations d’urbanisme peuvent se faire par renouvellement ou par extension de manière significative par rapport aux caractéristiques du bâti existant environnant : (…) le site de Bois sacré à La Seyne (…) ». Ce document d’urbanisme définit et répertorie par ailleurs les « espaces littoraux sensibles (du fait de leur localisation en bord de mer, leur qualité architecturale et / ou paysagère) où les opérations d’urbanisme doivent être plus particulièrement limitées et intégrées ». Il identifie enfin les « espaces littoraux neutres (sans enjeu particulier de développement et sans qualité patrimoniale ou paysagère spécifique) », où le critère de l’extension limitée ne fait pas l’objet de précision.

12. Le tribunal administratif a pu, sans erreur de droit ni contradiction de motifs, juger que, eu égard à sa distance par rapport à la côte, à sa covisibilité avec la mer et à l’absence d’urbanisation le séparant de la côte, le terrain d’assiette du projet litigieux devait être regardé comme un espace proche du rivage au sens du II de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme précité.

13. Par ailleurs, après avoir relevé, par des motifs non contestés en cassation, que, selon les dispositions du SCOT Provence Méditerranée alors en vigueur, une extension de l’urbanisation pouvait être réalisée dans la zone du « Bois sacré », terrain d’assiette du projet, « de manière significative par rapport aux caractéristiques du bâti existant », le tribunal administratif a pu écarter, sans dénaturer les pièces des dossiers qui lui étaient soumis, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait la règle de l’extension limitée de l’urbanisation des espaces proches du rivage eu égard aux caractéristiques du projet litigieux qui lui était soumis, qui tend à la réalisation, sur environ six hectares, d’un ensemble immobilier comprenant sept bâtiments d’habitation collectifs destinés à accueillir 344 logements, huit villas et des locaux d’activité, pour une surface de plancher créée de 23 781,22 m2, ainsi qu’aux caractéristiques du bâti environnant.

14. En troisième lieu, si la requérante reproche au tribunal administratif d’avoir dénaturé ses écritures et entaché son jugement d’une insuffisance de motivation en écartant le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 146-2 du code de l’urbanisme alors en vigueur, aujourd’hui repris à l’article L. 121-22 de ce code, qui prévoit que « les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme doivent prévoir des espaces naturels présentant le caractère d’une coupure d’urbanisation », au motif que ce moyen n’était pas assorti de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé, il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la requérante s’est bornée, dans ses écritures, à invoquer la méconnaissance de ces dispositions par le SCOT et le plan local d’urbanisme (PLU), au soutien d’un moyen tiré de la méconnaissance par ces documents des dispositions applicables au littoral. Par suite, c’est sans entacher son jugement de dénaturation ni d’insuffisance de motivation que le tribunal administratif, qui n’était pas tenu de pallier l’insuffisance de l’argumentation dont il était saisi en prenant en compte des éléments plus étayés invoqués par ailleurs par d’autres requérants ou intervenants devant lui au soutien des autres requêtes, a pu écarter le moyen qui lui était soumis pour les motifs précités.

15. En quatrième lieu, l’article L. 110-1 du code de l’environnement définit le principe de précaution, consacré à l’article 5 de la Charte de l’environnement, comme le principe « selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ». S’il appartient à l’autorité administrative compétente de prendre en compte ce principe lorsqu’elle se prononce sur l’octroi d’une autorisation délivrée en application de la législation sur l’urbanisme, ces dispositions ne permettent pas, indépendamment des procédures d’évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d’être mises en oeuvre par les autres autorités publiques dans leur domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d’une autorisation d’urbanisme en l’absence d’éléments circonstanciés faisant apparaître, en l’état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus.

16. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a relevé que le site litigieux, siège d’une activité de stockage d’hydrocarbures jusqu’en 1988, avait fait l’objet d’investigations et d’analyses qui avaient permis d’apprécier le niveau de la pollution des sols et d’évaluer correctement et précisément les risques sanitaires afférents. Contrairement à ce qui est soutenu, il n’a ainsi pas omis de rechercher si les risques identifiés étaient de nature à justifier l’application du principe de précaution. Par suite, les moyens d’erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier sur ce point doivent être écartés.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l’association CEM n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif qu’elle attaque.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de La Seyne-sur-Mer qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’association CEM la somme globale de 3 000 euros à verser à la commune de La Seyne-sur-Mer et à la SAS Corniche du Bois sacré au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi n° 419862 est rejeté.

Article 2 : L’intervention de l’association CIL BME au soutien du pourvoi de l’association CEM est admise.

Article 3 : Le pourvoi de l’association CEM est rejeté.

Article 4 : L’association CEM versera à la commune de La Seyne-sur-Mer et à la SAS Corniche de Bois sacré une somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’association Confédération Environnement Méditerranée, à l’association Comité de défense des intérêts locaux de Balaguier, Le Manteau, L’Eguillette, à la commune de la Seyne-sur-Mer, à la SAS Corniche du Bois sacré et à M. D… B….

Copie en sera adressée à M. E… C… et à Mme F… A….