Le défaut de réalisation d’une partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification n’est susceptible de caractériser une opposition à contrôle fiscal justifiant la mise en œuvre de la procédure d’évaluation d’office prévue à l’article L. 74 du LPF que si a) le contribuable a été informé de la possibilité qui lui était ouverte de renoncer à l’option prévue au b du II de l’article L. 47 A du LPF et de choisir l’une ou l’autre des deux autres options prévues par ces mêmes dispositions et si b) les traitements informatiques non réalisés étaient nécessaires au contrôle de la comptabilité.

CE, 9-10 chr, Société Pharmacie centrale de la gare 13 mars 2020, n° 421725, Lebon T.

Rappr., dans le cas de la suppression d’une partie des données soumises au contrôle, CE, 24 juin 2015, SELAS Pharmacie Réveillon, n° 367288, p. 224 ; dans le cas de la rétention de données, CE, 23 décembre 2011, Société SD2R, n° 322463, inédite au Rec.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 421725
ECLI:FR:CECHR:2020:421725.20200313
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9e – 10e chambres réunies
M. Aurélien Caron, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP L. POULET-ODENT, avocats

Lecture du vendredi 13 mars 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société d’exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie centrale de la gare a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2011 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1407440 du 29 juin 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE02592 du 26 avril 2018, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la société Pharmacie centrale de la gare contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juin et 13 septembre 2018 et le 10 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Pharmacie centrale de la gare demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Aurélien Caron, Auditeur,

— les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société Pharmacie centrale de la gare ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Pharmacie centrale de la gare qui exploite une officine de pharmacie à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) a fait l’objet d’un contrôle inopiné le 15 mars 2011, suivi de deux vérifications de comptabilité portant sur les exercices clos de 2008 à 2010 en matière d’impôt sur les sociétés et sur la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Après avoir mis en oeuvre la procédure d’évaluation d’office prévue par l’article L. 74 du livre des procédures fiscales pour opposition à contrôle fiscal et rejeté la comptabilité de la société comme non probante, l’administration fiscale a procédé à la reconstitution des recettes de celle-ci. Par un jugement du 29 juin 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Pharmacie centrale de la gare tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés résultant de ces contrôles ainsi que la majoration de 100 % prévue par l’article 1732 du code général des impôts. La société se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 26 avril 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a confirmé ce jugement.

2. Aux termes du II de l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la procédure d’imposition en litige :  » II.- En présence d’une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu’ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l’administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l’une des options suivantes : / a) Les agents de l’administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l’administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l’entreprise. Il met alors à la disposition de l’administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle (…) « . Il résulte de ces dispositions que le contribuable qui décide d’effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification garde la possibilité de changer d’option jusqu’à l’expiration du délai qui lui a été fixé par l’administration pour réaliser ces traitements.

3. Aux termes de l’article L. 74 du même livre dans sa rédaction applicable à la procédure d’imposition en litige : « Les bases d’imposition sont évaluées d’office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. / Ces dispositions s’appliquent en cas d’opposition à la mise en oeuvre du contrôle dans les conditions prévues au II de l’article L. 47 A ». Aux termes de l’article 1732 du code général des impôts : « La mise en oeuvre de la procédure d’évaluation d’office prévue à l’article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L’application d’une majoration de 100 % aux droits rappelés (…) ».

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite du contrôle inopiné effectué le 15 mars 2011, l’administration fiscale a informé la société Pharmacie centrale de la gare de son intention de réaliser des traitements sur la comptabilité informatisée présentée. La société a décidé d’effectuer elle-même ces traitements informatiques conformément aux dispositions du b du II de l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales rappelées au point 2 ci-dessus. Par courriers du 8 avril 2011 s’agissant des exercices clos en 2008 et 2009, et du 29 septembre 2011 s’agissant de l’exercice clos en 2010, l’administration a transmis à la société les cahiers des charges détaillant les traitements à effectuer avant respectivement les 29 avril et 20 octobre 2011. La société a transmis le 30 mai 2011 s’agissant de la première période vérifiée, et le 13 février 2012 s’agissant de la seconde période vérifiée, une partie des traitements informatiques demandés et indiqué rencontrer des difficultés techniques importantes pour réaliser les autres traitements. Après avoir accordé à la société des délais supplémentaires, l’administration lui a notifié, par courriers du 7 octobre 2011 s’agissant de la première période vérifiée et du 1er juin 2012 s’agissant de la seconde, deux procès-verbaux constatant le défaut de réalisation d’une partie des traitements informatiques demandés et précisant que cette carence était susceptible de conduire à la mise en oeuvre de la procédure d’opposition à contrôle fiscal prévue à l’article L. 74 du livre des procédures fiscales. En l’absence de réalisation des traitements manquants, cette procédure a été effectivement mise en oeuvre par l’administration fiscale.

5. Pour retenir la qualification d’opposition à contrôle fiscal justifiant la mise en oeuvre de la procédure d’évaluation d’office prévue à l’article L. 74 du livre des procédures fiscales, la cour administrative d’appel de Versailles a notamment relevé que l’administration fiscale avait accordé à la société Pharmacie centrale de la gare des délais suffisants pour effectuer les traitements informatiques que celle-ci avait choisis de réaliser elle-même et qu’il lui avait été possible de renoncer à cette option si elle avait estimé ne pas être en mesure, techniquement, de satisfaire aux exigences des cahiers des charges qui lui avaient été transmis. En jugeant que le comportement de la société caractérisait une opposition à contrôle fiscal sans rechercher, d’une part, si elle avait été informée de la possibilité qui lui était ouverte de renoncer à l’option prévue au b du II de l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales et de choisir l’une ou l’autre des deux autres options prévues par ces mêmes dispositions, et d’autre part, si les traitements informatiques non réalisés par la société étaient nécessaires au contrôle de sa comptabilité, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, la société Pharmacie centrale de la gare est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Pharmacie centrale de la gare au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 26 avril 2018 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Versailles.

Article 3 : L’Etat versera à la société Pharmacie centrale de la gare la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Pharmacie centrale de la gare et au ministre de l’action et des comptes publics.

En indiquant que la société est une filiale du groupe industriel sans préciser s’il existe un engagement financier de la mère à l’égard de sa fille, le dossier de demande d’exploiter soumis à enquête publique ne peut être regardé comme suffisamment précis et étayé sur les capacités dont la société est effectivement en mesure de disposer. Une telle insuffisance est de nature à nuire à l’information complète du public.

CE, 6e – 5e ch. réunies, Société Eqiom 11 mars 2020, n° 423164, Lebon T

Société exploitant une usine de production de ciment s’étant bornée, dans le dossier de demande d’autorisation d’exploiter soumis à enquête publique, à indiquer le montant de son capital social, à préciser qu’elle était une filiale à 100 % d’un groupe industriel et à mentionner le chiffre d’affaires et le résultat net de ce groupe sur les trois dernières années.

En indiquant que la société est une filiale du groupe industriel sans préciser s’il existe un engagement financier de la mère à l’égard de sa fille, le dossier de demande ne peut être regardé comme suffisamment précis et étayé sur les capacités dont la société est effectivement en mesure de disposer. Une telle insuffisance est de nature à nuire à l’information complète du public.

Texte intégral
Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 423164, M. BZ… BD…, Mme AS… BE…, M. G… CH…, Mme AA… DI…, Mme CF… DI…-DY…, Mme W… CW…, M. DO… T…, M. D… BG…, L’association des Résidents de La Garenne, M. AT… DS…, M. K… DK…, M. CB… U…, M. AK… DL…, M. AF… BH…, M. DJ… V…, Mme DM… CJ…, M. DR… CX…, M. DA… CY…, Mme AW… CY…, M. J… Y…, M. Q… Z…, M. AZ… CK…, M. AG… BK…, M. G… CL…, Mme DW…-EA… AB…, M. AL… DQ…, M. BR… AC…, Mme BJ… AD…, M. DD…-AT… BN…, M. BC… CM…, M. et Mme CP…, M. C… BO…, M. CN… AH…, Mme H… CR…, Mme AQ… L…, M. CO… A…, Mme BI… AM…, M. CG… DP…, M. BQ… CS…, M. et Mme AR… BS…, M. BF… CT…, Mme BM… B…, Mme DC… DE…, M. CV… DN…, M. AZ… AN…, M. BC… AO…-DX…, M. BF… AP…, M. CZ… AP…, M. DD…-DZ… AP…, M. BF… DF…, Mme BX… DF…, l’association « Mat-Ré Pour La Qualité De L’environnement Mer Air Et Terre », M. DT…, M. AT… M…, M. X… BW…, M. DD…-DJ… N…, M. DD…-DZ… N…, Mme BT… BY…, M. DD…-DW… O…, M. BL… P…, Mme BJ… CA…, M. AF… CA…, l’association « Ré Nature Environnement », Mme CD… AU…, M. CI… CC…, M. BU… AV…, M. X… DG…, M. BP… CU…, M. DD…-DW… AX…, Mme AI… R…, M. CQ… DU…, Mme DA… DH…, M. BV… E…, M. et Mme CE…, M. DD…-AR… AY…, Mme DB… F…, l’association « Pêche Et Nautisme Rivedousais », Mme BA… BB… et M. AE… AJ…, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d’annuler l’arrêté du 6 décembre 2010 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé la société Ciments de la Rochelle, à laquelle s’est substituée, le 18 novembre 2013, la société Holcim France, devenue la société Eqiom, à exploiter une installation de production de ciments et de liants hydrauliques par broyage sur le territoire de la commune de La Rochelle. Par un jugement n° 1101501 du 2 avril 2015, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15BX01823 du 12 juin 2018, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur appel de M. DD…-X… T…, M. AF… BH…, M. J… Y…, Mme S… I…, M. CG… DP… M. et Mme BW…, Mme BJ… AD… M. et Mme BO…, M. CO… A…, M. et Mme BS…, M. BC… AO…-DX…, M. CZ… AP…, Mme BX… DF…, l’association « Mat-Ré Pour La Qualité De L’environnement Mer Air Et Terre », M. AT… M…, M. BL… P…, l’association « Ré Nature environnement », Mme CD… AU…, l’association « Pêche Nature Rivedousais », M. DV… N…, Mme DA… CY… et Mme AW… CY…, annulé ce jugement et l’arrêté du 6 décembre 2010 du préfet de la Charente-Maritime.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 août et 13 novembre 2018 et le 18 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Eqiom demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de M. A…, M. T…, M. BH…, M. Y…, Mme I…, M. DP…, M. et Mme BW…, Mme AD…, M. et Mme BO…, M. et Mme BS…, M. AO…-DX…, M. AP…, Mme DF…, l’association « Mat-Ré pour la qualité de l’environnement mer air terre », M. M…, M. P…, l’association « Ré nature environnement », Mme AU…, l’association « Pêche nature rivedousais », M. CY…, Mme CY…, et de M. N…, la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 423165, la commune de Rivedoux-Plage et la communauté de communes de l’Ile de Ré ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d’annuler le même arrêté du préfet de la Charente-Maritime. Par un jugement n° 1102674 du 13 mai 2015, le tribunal administratif a annulé l’arrêté préfectoral et ordonné que les effets de cette annulation soient différés pour une durée de douze mois à compter de la notification de la décision.

Par un arrêt n° 15BX02192 du 12 juin 2018, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel de la société Eqiom.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 août et 13 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Eqiom demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Rivedoux-Plage et de la communauté de communes de l’île de Ré la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

– le code de l’environnement ;

– l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société Eqiom et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de M. A… et autres ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 12 février 2020, présentées par la société Eqiom ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que le préfet de la Charente-Maritime a, par un arrêté du 6 décembre 2010 pris au titre de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement, autorisé la société Ciments de La Rochelle, filiale à 100 % de la société Holcim France, à exploiter une unité de production de ciment et de liants hydrauliques par broyage sur le site de l’Anse Saint-Marc, dans la zone portuaire de La Rochelle et que la société Holcim France, devenue la société Eqiom, s’est, le 18 novembre 2013, substituée à la société Ciments de La Rochelle en tant qu’exploitant de l’installation. Le tribunal administratif de Poitiers a, par un jugement du 2 avril 2015, rejeté la demande de M. A… et autres aux fins d’annulation de l’arrêté préfectoral du 6 décembre 2010. Ce même tribunal a cependant, par un jugement du 13 mai 2015, annulé, à la demande de la commune de Rivedoux-Plage et de la communauté de communes de l’île de Ré, le même arrêté préfectoral et ordonné que les effets de l’annulation soient différés pour une durée de douze mois à compter de la notification de son jugement. Par un premier arrêt du 12 juin 2018, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur appel de M. A… et autres, annulé le jugement du 2 avril 2015 ainsi que l’arrêté préfectoral du 6 décembre 2010. Par un second arrêt du même jour, la cour a rejeté l’appel de la société Eqiom formé contre le jugement du 13 mai 2015 et prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de l’appel incident formé par la commune de Rivedoux-Plage et la communauté de communes de l’Ile de Ré. La société Eqiom se pourvoit en cassation contre ces deux arrêts de la cour administrative d’appel de Bordeaux.

3. En premier lieu, il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement d’apprécier le respect des règles relatives à la forme et à la procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d’urbanisme, qui s’apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l’autorisation. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d’autorisation d’une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d’entacher d’irrégularité l’autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative. Eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées.

4. En vertu du 5° de l’article R. 512-3 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance de l’autorisation attaquée, la demande d’autorisation mentionne « les capacités techniques et financières de l’exploitant ». Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire est tenu de fournir, à l’appui de sa demande, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières. Si cette règle a été ultérieurement modifiée par le décret du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale, qui a créé l’article D. 181-15-2 du code de l’environnement en vertu duquel le dossier comprend une description des capacités techniques et financières dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d’autorisation, les modalités prévues pour en justifier, l’exploitant devant, dans ce dernier cas, adresser au préfet les éléments justifiant de ses capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l’installation, cette évolution de la règle de droit ne dispense pas le pétitionnaire de l’obligation de régulariser une irrégularité dans la composition du dossier au vu des règles applicables à la date de délivrance de l’autorisation dès lors que l’irrégularité en cause a eu pour effet de nuire à l’information complète du public.

5. Il ressort des énonciations des arrêts attaqués que le dossier de demande d’autorisation soumis à enquête publique indiquait le montant du capital social de la société Ciments de La Rochelle, précisait qu’elle était une filiale à 100 % de la société Holcim France et se bornait, pour le reste, à mentionner le chiffre d’affaires réalisé par le groupe Holcim et son résultat net sur les trois dernières années. Pour déduire de ces constatations que le dossier soumis à enquête publique était incomplet et que, par suite, la procédure au terme de laquelle était intervenu l’arrêté litigieux était irrégulière, la cour administrative d’appel a relevé, par une décision suffisamment motivée et sans dénaturer les faits qui lui étaient soumis, que, en indiquant que la société Ciments de La rochelle était une filiale de la société Holcim France, sans préciser s’il existait un engagement financier de la mère à l’égard de sa fille, le dossier de demande ne pouvait être regardé comme suffisamment précis et étayé sur les capacités dont la société Ciments de La Rochelle était effectivement en mesure de disposer et que cette insuffisance avait été de nature à nuire à l’information complète du public. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c’est sans erreur de droit que la cour, qui s’est bornée à contrôler le contenu du dossier de demande, sans rechercher, contrairement à ce qui est soutenu, si, au regard des règles de fond, les capacités financières de la société bénéficiaire étaient suffisantes, a fait application, s’agissant de règles de procédure, des dispositions applicables à la date de délivrance de l’autorisation, alors même que les règles de composition du dossier avaient évolué à la date à laquelle elle a statué.

6. En second lieu, aux termes de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 26 janvier 2017 :  » I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demander à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité ; / 2° Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (…) « .

7. La faculté ouverte par les dispositions précitées du 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, relève de l’exercice d’un pouvoir propre du juge, qui n’est pas subordonné à la présentation de conclusions en ce sens. Lorsqu’il n’est pas saisi de telles conclusions, le juge du fond peut toujours mettre en oeuvre cette faculté, mais il n’y est pas tenu, son choix relevant d’une appréciation qui échappe au contrôle du juge de cassation. En revanche, lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, le juge est tenu de mettre en oeuvre les pouvoirs qu’il tient du 2° du I de l’article L. 181-18-du code de l’environnement si les vices qu’il retient apparaissent, au vu de l’instruction, régularisables.

8. Il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la cour administrative d’appel de Bordeaux n’a pas été saisie de conclusions tendant à ce qu’elle mette en oeuvre le pouvoir que ces dispositions lui confèrent. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour a commis une erreur de droit en annulant l’arrêté litigieux alors que le vice qu’elle avait relevé, tiré du défaut de d’information du public, était régularisable, doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que les pourvois de la société Eqiom doivent être rejetés, y compris les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Eqiom le versement de la somme globale de 3 000 euros à M. A… et autres au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Les pourvois de la société Eqiom sont rejetés.

Article 2 : La société Eqiom versera à M. DD…-X… T…, M. AF… BH…, M. J… Y…, Mme S… I…, M. CG… DP… M. et Mme X… BW…, Mme BJ… AD…, M. et Mme C… BO…, M. CO… A…, M. et Mme AR… BS…, M. BC… AO…-DX…, M. CZ… AP…, Mme BX… DF…, l’association « Mat-Ré Pour La Qualité De L’environnement Mer Air Et Terre », M. AT… M…, M. BL… P…, l’association « Ré Nature environnement », Mme CD… AU…, et à l’association « Pêche Nature Rivedousais », la somme globale de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Eqiom, à M. CO… A…, premier dénommé, pour tous ses cosignataires, à la commune de Rivedoux-Plage, à la communauté de communes de l’île de Ré, et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Le délai réglementaire dont un contribuable dispose pour former un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de tout commentaire par lequel l’autorité compétente prescrit l’interprétation de la loi fiscale, lorsque celui-ci a été mis en ligne sur le site « bofip.impots.gouv.fr » à compter du 1er janvier 2019, commence à courir au jour de cette mise en ligne.

CE, sect., Société Hasbro European Trading BV 13 mars 2020, n° 435634, Lebon

Le délai réglementaire dont un contribuable dispose pour former un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de tout commentaire par lequel l’autorité compétente prescrit l’interprétation de la loi fiscale, lorsque celui-ci a été inséré au BOFiP-impôts et mis en ligne sur un site internet accessible depuis l’adresse http://www.impots.gouv.fr entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018, commence à courir au jour de cette mise en ligne.

Il appartient en principe au juge administratif de faire application de la règle jurisprudentielle nouvelle à l’ensemble des litiges, quelle que soit la date des faits qui leur ont donné naissance, sauf si cette application a pour effet de porter rétroactivement atteinte au droit au recours. La règle de forclusion énoncée ci-dessus revient sur une jurisprudence constante et, dans cette mesure, est de nature à porter atteinte au droit au recours. Elle ne saurait, par conséquent, fonder le rejet pour irrecevabilité d’un recours formé contre un commentaire publié entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018 et présenté avant l’expiration d’un délai de deux mois suivant la date de lecture de la présente décision.

Le délai réglementaire dont un contribuable dispose pour former un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de tout commentaire par lequel l’autorité compétente prescrit l’interprétation de la loi fiscale, lorsque celui-ci a été mis en ligne sur le site « bofip.impots.gouv.fr » à compter du 1er janvier 2019, commence à courir au jour de cette mise en ligne.

La règle de forclusion énoncée ci-dessus, qui se borne à tirer les conséquences de dispositions légales et réglementaires antérieures aux commentaires administratifs à l’égard desquels elle s’applique, et qui ne constitue pas un revirement de jurisprudence, ne porte pas rétroactivement atteinte au droit au recours. Rien ne fait obstacle, dès lors, à ce que le juge administratif en fasse application à tout litige intéressant des commentaires administratifs mis en ligne, dans les conditions décrites plus haut, à compter du 1er janvier 2019, quelle que soit la date à laquelle il en est saisi.

Ab. jur. CE, Section, 4 mai 1990, Association freudienne et autres, n°s 55124 55137, p. 111, mentionné aux Tables sur un autre point. Rappr., s’agissant de toute décision administrative, CE, Section, 27 juillet 2005, Millon, n° 259004, p. 336 ; s’agissant des circulaires de l’administration des douanes, CE, 26 décembre 2018, Société Massis import export Europe, n° 424759, T. pp. 508- 536- 825-826.

Cf., sur les conditions de mise en œuvre de la modulation d’un changement de jurisprudence, CE, Assemblée, 16 juillet 2007, Assemblée, Société Tropic Travaux Signalisation, n° 291545, p. 360 ; CE Section, 6 juin 2008, Conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes de Paris, n° 283141, p. 204.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 435634
ECLI:FR:CESEC:2020:435634.20200313
Publié au recueil Lebon
Section
M. Guillaume de LA TAILLE LOLAINVILLE, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats

Lecture du vendredi 13 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 octobre 2019 et 16 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Hasbro European Trading BV (HET BV) demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir les paragraphes n° 60 à 90 ou, s’ils n’en sont pas divisibles, les paragraphes n° 50 à 120 des commentaires administratifs publiés les 12 septembre 2012 et 7 août 2019 au Bulletin officiel des finances publiques – impôts (BOFiP-impôts) sous la référence BOI-TVA-BASE-10-20-10, d’une part, en tant que l’interprétation qu’ils prescrivent d’adopter ne régit pas la situation des fournisseurs établis dans un Etat membre de l’Union européenne autre que la France, et, d’autre part, en tant qu’ils ajoutent par eux-mêmes à la loi ;

2°) d’enjoindre au ministre de l’action et des comptes publics, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de compléter dans un délai raisonnable l’interprétation que ces commentaires administratifs prescrivent d’adopter s’agissant du régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux livraisons de biens réglées au moyen de bons à des opérateurs procédant à l’auto-liquidation de cette taxe, et dans l’attente, de prévoir des mesures transitoires au bénéfice des fournisseurs établis hors de France ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 8 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
– le code général des impôts ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
– le décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 ;
– le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 ;
– le décret n° 2018-1047 du 28 novembre 2018 ;
– l’arrêté du 16 octobre 1980 relatif aux modalités de publication et de consultation des documents administratifs ;
– l’arrêté du 7 septembre 2012 modifiant l’arrêté du 16 octobre 1980 portant modalités de publication et consultation des documents administratifs du ministère de l’économie ;
– l’arrêté du 10 septembre 2012 du Premier ministre relatif à la mise à disposition des instructions et circulaires publiées au Bulletin officiel des finances publiques-impôts ;
– l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 24 octobre 1996, Elida Gibbs Ltd contre Commissioners of Customs and Excise (C-317/94) ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Guillaume de La Taille Lolainville, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Hasbro European Trading Bv ;

Considérant ce qui suit :

1. L’administration fiscale a repris aux paragraphes n° 50 à 120 des commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) – impôts le 12 septembre 2012, puis de nouveau le 7 août 2019, sous la référence BOI-TVA-BASE-10-20-10, une interprétation des règles d’assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, qu’elle avait auparavant donnée par une instruction 3-B-2-99 publiée le 17 novembre 1999, relative à la prise en compte, pour l’établissement de la taxe, des bons promotionnels distribués par les fabricants aux consommateurs potentiels, acceptés par les détaillants en paiement partiel du prix des produits vendus, puis remboursés aux détaillants par les fabricants. Ces commentaires traitent, dans leurs paragraphes n° 60 à 90, de la situation des fabricants émettant ces bons de réduction et, dans leurs paragraphes n° 100 à 120, de celle des détaillants percevant leur remboursement. En particulier, ils énoncent que les fabricants sont autorisés à diminuer leur base d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des sommes remboursées aux détaillants au titre des bons de réduction qu’ils ont émis à destination des consommateurs. Ainsi que le précise toutefois le paragraphe n° 70 : « Pour pouvoir justifier de la diminution de leur base d’imposition, les fabricants doivent apporter la preuve qu’ils sont redevables de la TVA en France au titre des opérations dans le prolongement desquelles des remboursements sont effectués (…) ».

2. La société HET BV, qui indique être établie aux Pays-Bas, avoir pour activité la fourniture de produits à des détaillants notamment établis en France et consentir à cet effet aux consommateurs finaux des bons de réduction qu’elle rembourse ensuite à ses propres clients lorsqu’ils sont utilisés comme moyen de paiement par les consommateurs, fait valoir que la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces opérations est collectée, en application des règles d’auto-liquidation prévues au deuxième alinéa du 1 de l’article 283 du code général des impôts, par les détaillants eux-mêmes, si bien qu’elle ne bénéficie pas de l’interprétation que ces commentaires administratifs prescrivent d’adopter. Elle demande l’annulation pour excès de pouvoir des paragraphes n° 60 à 90 de ces commentaires ou, subsidiairement, s’ils n’en sont pas divisibles, des paragraphes n° 50 à 120, d’une part, en tant qu’ils comportent des énonciations qui ajouteraient à la loi qu’ils ont pour objet d’interpréter et, d’autre part, en tant qu’ils ne régissent pas la situation des fournisseurs établis hors de France. Par voie de conséquence et sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, elle demande également qu’il soit fait injonction au ministre de compléter l’instruction dans un sens favorable à ses intérêts.

Sur les délais applicables à la contestation des commentaires administratifs :

En ce qui concerne les règles applicables antérieurement au 1er janvier 2019 :

3. En vertu du premier alinéa de l’article 9 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, devenu son article 7 par l’effet de l’ordonnance du 6 juin 2005 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques puis, à compter du 1er janvier 2016, le premier alinéa de l’article L. 312-2 du code des relations entre le public et l’administration, les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives font l’objet d’une publication dont un décret en Conseil d’Etat précise les modalités. Prises pour l’application de ces dispositions, celles du premier alinéa de l’article 29 du décret du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, qui reprennent celles du premier alinéa de l’article 1er du décret du 22 septembre 1979 portant application de l’article 9 de la loi du 17 juillet 1978 et qui ont été transférées à compter du 1er janvier 2016 et jusqu’au 31 décembre 2018 au premier alinéa de l’article R. 312-3 du code des relations entre le public et l’administration, disposent que, lorsqu’ils émanent des administrations centrales de l’Etat, ces documents administratifs sont en principe publiés dans des bulletins ayant une périodicité au moins trimestrielle et comportant dans leur titre la mention « Bulletin officiel ».

4. Sur le fondement de dispositions, codifiées jusqu’au 31 décembre 2018 au second alinéa de ce même article R. 312-3 du code des relations entre le public et l’administration, qui renvoient à des arrêtés ministériels la détermination, pour chaque administration, du titre exact des bulletins la concernant, de la matière qu’ils couvrent ainsi que du lieu ou du site internet où le public peut les consulter ou s’en procurer copie, les dispositions de l’arrêté du 16 octobre 1980 relatif aux modalités de publication et de consultation des documents administratifs pour le ministère de l’économie et le ministère du budget, dans leur rédaction issue de l’arrêté du 7 septembre 2012 du ministre de l’économie et des finances et du ministre délégué chargé du budget, en vigueur le 10 de ce même mois, prévoient que les documents administratifs émanant de la direction générale des finances publiques et ayant trait aux impôts sont publiés, suivant une périodicité au moins trimestrielle, au Bulletin officiel des finances publiques – impôts, lequel peut être consulté sur le site internet « www.impots.gouv.fr ».

5. Il résulte de ces dispositions, toutes issues de textes législatifs ou réglementaires eux-mêmes publiés au Journal officiel de la République française, que dans la mesure où elle intervient entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018, la mise en ligne sur un site internet accessible depuis l’adresse http://www.impots.gouv.fr, d’une instruction, d’une circulaire ou de tout autre document comportant une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives, émanant de l’administration fiscale et inséré au BOFiP-impôts, constitue l’acte de publication prévu par les dispositions de l’article 7 de la loi du 17 juillet 1978 puis, à compter du 1er janvier 2016, par celles de l’article L. 312-2 du code des relations entre le public et l’administration.

6. La publication d’une décision administrative dans un recueil autre que le Journal officiel fait courir le délai du recours contentieux à l’égard de tous les tiers si l’obligation de publier cette décision dans ce recueil résulte d’un texte législatif ou réglementaire lui-même publié au Journal officiel de la République française. Par suite, le délai réglementaire dont un contribuable dispose pour former un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de tout commentaire par lequel l’autorité compétente prescrit l’interprétation de la loi fiscale, lorsque celui-ci a été inséré au BOFiP-impôts et mis en ligne sur un site internet accessible depuis l’adresse http://www.impots.gouv.fr entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018, commence à courir au jour de cette mise en ligne.

7. Il appartient en principe au juge administratif de faire application de la règle jurisprudentielle nouvelle à l’ensemble des litiges, quelle que soit la date des faits qui leur ont donné naissance, sauf si cette application a pour effet de porter rétroactivement atteinte au droit au recours. La règle de forclusion énoncée ci-dessus revient sur une jurisprudence constante et, dans cette mesure, est de nature à porter atteinte au droit au recours. Elle ne saurait, par conséquent, fonder le rejet pour irrecevabilité d’un recours formé contre un commentaire publié entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018 et présenté avant l’expiration d’un délai de deux mois suivant la date de lecture de la présente décision.

En ce qui concerne les règles applicables à compter du 1er janvier 2019 :

8. Par l’effet de l’article 1er du décret du 28 novembre 2018, en vigueur au 1er janvier 2019, relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires, l’article R. 312-3 du code des relations entre le public et l’administration est devenu l’article R. 312-3-1. Aux termes de l’article R. 312-8 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 3 du même décret : « Par dérogation à l’article R. 312-3-1, les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l’Etat sont publiées sur un site relevant du Premier ministre. Elles sont classées et répertoriées de manière à faciliter leur consultation. » Aux termes du premier alinéa de l’article R. 312-9, également dans sa rédaction issue de cet article 3 : « Un arrêté du Premier ministre peut prévoir que, pour les circulaires et instructions intervenant dans certains domaines marqués par un besoin régulier de mise à jour portant sur un nombre important de données, la publication sur un site internet autre que celui qui est mentionné à l’article R. 312-8 produit les mêmes effets que la publication sur ce site. » Enfin, l’article 1er de l’arrêté du Premier ministre du 10 septembre 2012 relatif à la mise à disposition des instructions et circulaires publiées au Bulletin officiel des finances publiques-impôts dispose que la mise en ligne des circulaires et instructions sur le site « bofip.impots.gouv.fr » produit les mêmes effets que si elle avait été effectuée sur le site relevant du Premier ministre qui est mentionné à l’article 1er du décret du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires, devenu l’article R. 312-8 du code.

9. Il résulte de ces dispositions, toutes issues de textes législatifs ou réglementaires eux-mêmes publiés au Journal officiel de la République française, que dans la mesure où elle intervient à compter du 1er janvier 2019, la mise en ligne d’une instruction, d’une circulaire ou de tout autre document émanant de l’administration fiscale sur le site « bofip.impots.gouv.fr » constitue l’acte de publication prévu à l’article L. 312-2 du code des relations entre le public et l’administration. Par suite, le délai réglementaire dont un contribuable dispose pour former un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de tout commentaire par lequel l’autorité compétente prescrit l’interprétation de la loi fiscale, lorsque celui-ci a été mis en ligne sur le site « bofip.impots.gouv.fr » à compter du 1er janvier 2019, commence à courir au jour de cette mise en ligne.

10. La règle de forclusion énoncée ci-dessus, qui se borne à tirer les conséquences de dispositions légales et réglementaires antérieures aux commentaires administratifs à l’égard desquels elle s’applique, et qui ne constitue pas un revirement de jurisprudence, ne porte pas rétroactivement atteinte au droit au recours. Rien ne fait obstacle, dès lors, à ce que le juge administratif en fasse application à tout litige intéressant des commentaires administratifs mis en ligne, dans les conditions décrites plus haut, à compter du 1er janvier 2019, quelle que soit la date à laquelle il en est saisi.

Sur les conclusions de la requête :

11. Compte tenu de la date à laquelle sa requête a été présentée et de ce qui est dit au point 7, aucune règle de forclusion n’est opposable aux conclusions par lesquelles la société HET BV demande l’annulation des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012. Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit aux points 9 et 10 et eu égard aux délais de distance prévus par les dispositions de l’article R. 421-7 du code de justice administrative, les conclusions par lesquelles elle demande l’annulation des commentaires administratifs publiés le 7 août 2019 ne sont pas tardives.

12. Toutefois, interprétant, par son arrêt C-317/94 du 24 octobre 1996 Elida Gibbs Ltd contre Commissioners of Customs and Excise, les dispositions qui sont aujourd’hui reprises aux articles 73, 79 et 90 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et que transposent les articles 266 et 267 du code général des impôts, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que « lorsqu’un fabricant émet un bon de réduction, rachetable pour un montant indiqué sur le bon par le fabricant, ou à ses frais, au bénéfice du détaillant, que le bon, qui est remis à un client potentiel dans le cadre d’une campagne de promotion des ventes, est susceptible d’être accepté par le détaillant en paiement d’un article désigné, que le fabricant a vendu l’article désigné au » prix de vente usine « directement au détaillant et que ce dernier se fait remettre le bon par le client lors de la vente de l’article, le présente au fabricant et reçoit le montant indiqué, la base d’imposition est égale au prix de vente pratiqué par le fabricant, diminué du montant indiqué sur le bon et remboursé ». Les paragraphes n° 60 à 90 des commentaires administratifs attaqués, qui sont divisibles du paragraphe n° 50 et des paragraphes n° 100 à 120, se bornent à tirer les conséquences de cet arrêt pour l’application des dispositions des articles 266 et 267 du code général des impôts aux seuls fabricants qui sont redevables de la taxe sur la valeur ajoutée en France au titre des opérations dans le prolongement desquelles des remboursements de bons de réduction sont effectués. Corrélativement, pour le droit applicable aux fournisseurs qui, comme la société HET BV et à ce même titre, ne sont pas redevables de la taxe sur la valeur ajoutée en France, ces commentaires ne prescrivent pas d’adopter une interprétation déterminée.

13. Il s’ensuit d’une part, contrairement à ce que la société HET BV soutient, que l’interprétation que ces commentaires prescrivent d’adopter pour les situations qu’ils concernent expressément ne méconnaît pas les articles 266 et 267 du code général des impôts lus à la lumière des dispositions de la directive qu’ils transposent. Il en résulte que la société HET BV n’est pas fondée à demander l’annulation pour excès de pouvoir des énonciations expresses de ces commentaires.

14. Il s’ensuit d’autre part, l’administration n’étant jamais tenue d’édicter des commentaires, qui sont d’application littérale, pour interpréter l’état du droit existant, que les conclusions par lesquelles la société HET BV demande l’annulation pour excès de pouvoir des commentaires administratifs en tant que ceux-ci ne concernent pas sa situation sont, ainsi que le ministre le fait valoir en défense, irrecevables. Il en résulte que ces conclusions doivent être rejetées.

15. La présente décision n’impliquant aucune mesure d’exécution, les conclusions que la société HET BV présente à fin d’injonction ne peuvent qu’être également rejetées. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :
————–

Article 1er : La requête de la société HET BV est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Hasbro European Trading BV et au ministre de l’action et des comptes publics.

Le contribuable ne peut utilement se prévaloir de l’absence de remise en cause par l’administration de l’application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au cours de contrôles antérieurs, qui ne constitue pas une prise de position formelle, pour s’opposer à l’application de la pénalité pour manquement délibéré prévue par le a de l’article 1729 du code général des impôts (CGI).

CE, 9-10 chr, Société Le Relais de la Benerie 13 mars 2020, n° 423782, Lebon T

Rappr., sur l’absence de remise en cause d’une pratique lors d’un précédent contrôle, CE, 20 novembre 2002, Mme Le Gall, n° 234600, aux Tables sur un autre point ; CE, 28 mai 2003, SNC Celdran, n° 237967, aux Tables sur un autre point.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 423782
ECLI:FR:CECHR:2020:423782.20200313
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9e – 10e chambres réunies
M. Aurélien Caron, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
HAAS, avocats

Lecture du vendredi 13 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 18 mars 2016, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a, sur le fondement de l’article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Montreuil la demande, enregistrée le 10 septembre 2014 au greffe du tribunal administratif de Versailles, par laquelle la société Le Relais de la Benerie a demandé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2007 au 30 juin 2009 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1426454 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16VE03394 du 3 juillet 2018, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 3 septembre et 4 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Le Relais de la Benerie demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;
– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
– l’arrêt du 10 mars 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne rendu dans les affaires jointes C-497/09, C-499/09, C-501/09 et C-502/09 « Finanzamt Burgdorf c/ Manfred Bog », « CinemaxX Entertainment GmbH et Co. KG c/ Finanzamt Hamburg-Barmbek-Uhlenhorst », « Lothar Lohmeyer c/ Finanzamt Minden » et « Fleischerei Nier GmbH et Co. KG c/ Finanzamt Detmold » ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,

— les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de la société Le Relais de la Benerie ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Le Relais de la Benerie qui exerce une activité de restaurateur et de traiteur dans la ferme de la Benerie sur la commune de Limours (Essonne) a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2010. Estimant que l’activité de traiteur de la société, que celle-ci avait soumise au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, devait être soumise au taux normal, l’administration fiscale lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre 2007 au 30 juin 2009 assortis de la majoration pour manquement délibéré prévue à l’article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande en décharge de ces suppléments d’impôt présentée par la société. Celle-ci demande l’annulation de l’arrêt du 3 juillet 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel qu’elle a formé contre ce jugement.

Sur le bien-fondé de l’imposition :

2. Aux termes du I de l’article 256 du code général des impôts : « Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ». Aux termes de l’article 278 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : « Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 % ». Aux termes de l’article 278 bis du même code dans sa rédaction applicable au litige : « La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 p. 100 en ce qui concerne les opérations d’achat, d’importation, d’acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : / (…) 2° Produits destinés à l’alimentation humaine (…) ».

3. Par ailleurs, dans l’arrêt C-497/09, C-499/09, C-501/09 et C-502/09 du 10 mars 2011, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que « (…) sauf dans les cas où un traiteur à domicile se borne à livrer des plats standardisés sans autre élément de prestation de services supplémentaire ou lorsque d’autres circonstances particulières démontrent que la livraison des plats représente l’élément prédominant d’une opération, les activités de traiteur à domicile constituent des prestations de services au sens de l’article 6 » de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 aux motifs notamment que les plats fournis par un traiteur à domicile « ne sont, en général, pas le résultat d’une simple préparation standardisée, mais contiennent une dimension de prestation de services (…) importante », que « la qualité des mets, la créativité ainsi que la présentation sont, dans ce cas, des éléments qui, la plupart du temps, revêtent pour le client une importance déterminante » et que « ces prestations peuvent comprendre des éléments qui permettent la consommation, tels que la fourniture de vaisselle, de couverts, voire de mobilier ».

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Le Relais de la Benerie exerce une activité de restauration au lieu-dit ferme de la Benerie, situé sur la commune de Limours. Les bâtiments sont la propriété indivise des associés de la société Le Relais de la Benerie qui les louent à une association dénommée La Benerie. Cette association loue à la société Le Relais de la Benerie, une salle de restaurant, une cuisine, un sanitaire et une entrée. L’activité de restauration exercée par la société comprend, outre une activité de restauration classique, une activité de traiteur pour des particuliers et des entreprises dans des salles louées par ces derniers à l’association, les frais de personnel mis en place à l’occasion de ces manifestations leur étant par ailleurs facturés par la société Manpower.

5. Il résulte de ce qui a été au point 3 ci-dessus, que l’activité traiteur exercée par la société La Benerie relève du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée, compte tenu du caractère élaboré de la prestation alimentaire fournie en sa qualité de traiteur et en l’absence de toutes circonstances particulières qui auraient été invoquées devant le juge du fond. Il y a lieu de substituer ce motif, qui n’appelle l’appréciation d’aucune circonstance de fait, à celui retenu dans l’arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour ne pouvait, sans commettre d’erreur de droit, juger que l’administration fiscale avait à bon droit appliqué le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée aux prestations traiteur fournies par la société dès lors que celle-ci n’était rémunérée que pour ces seules prestations alimentaires, la mise à disposition des locaux et du personnel étant réalisés et facturés par des entités juridiquement et économiquement distinctes d’elle, est, en tout état de cause, inopérant.

Sur la pénalité pour manquement délibéré :

6. Aux termes de l’article 1729 du code général des impôts :  » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (…) « .

7. En jugeant que la société ne pouvait utilement se prévaloir, pour s’opposer à l’application de la pénalité pour manquement délibéré qui lui avait été appliquée, de ce que l’administration n’avait pas remis en cause, au cours de contrôles antérieurs, l’application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée au motif qu’une telle circonstance ne pouvait être regardée ni comme une prise de position formelle opposable à l’administration sur le fondement de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, ni comme une approbation tacite par celle-ci de l’organisation et des facturations mises en place pour l’activité de traiteur proposée à la ferme de la Benerie, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Le Relais de la Benerie n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Le pourvoi de la société Le Relais de la Benerie est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL Le Relais de la Benerie et au ministre de l’action et des comptes publics.

Un mariage coutumier non déclaré aux autorités françaises constitue une fraude de nature à justifier le retrait de la nationalité française, et ce retrait est conforme au droit de l’UE.

CE, 2-7 chr, 13 mars 2020, n° 429022, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 429022
ECLI:FR:CECHR:2020:429022.20200313
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2e – 7e chambres réunies
M. Sébastien Gauthier, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET, avocats

Lecture du vendredi 13 mars 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 21 mars, 21 juin et 13 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme E… A… C… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 16 janvier 2019 rapportant le décret du 16 août 2011 lui accordant la nationalité française et mentionnant ses enfants comme bénéficiant de l’effet collectif attaché à la naturalisation de leur mère ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
– le code civil ;
– le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
– le code justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Sébastien Gauthier, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de Mme A… C… ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article 27-2 du code civil :  » Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d’Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude « .

2. Mme A… C…, ressortissante libanaise, a déposé une demande de naturalisation, le 14 novembre 2010, dans laquelle elle a indiqué être divorcée et s’est engagée sur l’honneur à signaler tout changement dans sa situation personnelle et familiale. Au vu de ses déclarations, elle été naturalisée par décret du 16 août 2011. Toutefois, par bordereau reçu le 18 janvier 2017, le ministre des affaires étrangères et du développement international a informé le ministre chargé des naturalisations que Mme A… C… s’était remariée à Beyrouth (Liban), le 6 juin 2011, avec son ex-époux résidant habituellement à l’étranger. Par décret du 16 janvier 2019, publié au Journal officiel du 17 janvier 2019, le Premier ministre a rapporté le décret de naturalisation de Mme A… C… au motif qu’il avait été pris au vu d’informations mensongères délivrées par l’intéressée quant à sa situation personnelle et familiale. Mme A… C… demande l’annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

3. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 59 et 62 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, lorsque le Gouvernement a l’intention de retirer un décret de naturalisation, il notifie l’engagement de la procédure de retrait à l’intéressé « qui dispose d’un délai d’un mois à dater de la notification (…) pour faire parvenir au ministre chargé des naturalisations ses observations en défense. Après l’expiration de ce délai, le gouvernement peut déclarer, par décret motivé pris sur avis conforme du Conseil d’Etat, que l’intéressé a perdu la qualité de français ». Il résulte de ces dispositions que lorsque l’intéressé a présenté des observations en défense, dans les conditions énoncées ci-dessus, elles doivent être portées par le ministre à la connaissance du Conseil d’Etat avant que celui-ci se prononce.

4. Il ressort des visas du décret attaqué que les observations en défense de Mme A… C…, produites le 27 septembre 2018, ont bien été portées à la connaissance du Conseil d’Etat avant que celui-ci ne rende son avis, conforme, le 8 janvier 2019. Dès lors, le moyen selon lequel la procédure suivie aurait été irrégulière doit être écarté.

5. En deuxième lieu, l’article 21-16 du code civil dispose que : « Nul ne peut être naturalisé s’il n’a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ». Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n’est pas recevable lorsque l’intéressé n’a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l’autorité administrative doit notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la situation personnelle et familiale en France de l’intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A… C…, mariée en 2002 avec M. D…, ressortissant libanais résidant habituellement à l’étranger, divorcée le 15 septembre 2010, s’est à nouveau unie avec l’intéressé le 6 juin 2011, avant l’intervention du décret de naturalisation. Mme A… C… soutient que son union coutumière avec M. B… D…, régie par la loi libanaise, ne pouvait être regardée comme un mariage avant son enregistrement par l’état civil libanais le 5 février 2012, soit postérieurement à sa naturalisation et, ainsi, ne constituait pas un changement dans sa situation familiale devant être porté à la connaissance des services instruisant sa demande. Toutefois, la circonstance que cette union ne pourrait être qualifiée de mariage en vertu de la loi qui lui est applicable, n’interdit pas à l’autorité compétente de prendre en compte son existence pour apprécier si la condition de résidence posée par l’article 21-16 du code civil est remplie. Il en résulte qu’alors même qu’elle remplirait les autres conditions requises à l’obtention de la nationalité française, la circonstance que l’intéressée ait conclu une union coutumière à l’étranger avec un ressortissant libanais au cours de l’instruction de sa demande de naturalisation était de nature à modifier l’appréciation qui a été portée par l’autorité administrative sur la fixation du centre de ses intérêts. L’intéressée, qui maîtrise la langue française, ainsi qu’il ressort du procès-verbal d’assimilation du 16 février 2011, ne pouvait se méprendre ni sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l’administration chargée d’instruire sa demande, ni sur la portée de la déclaration sur l’honneur qu’elle a signée. Dans ces conditions, Mme A… C… doit être regardée comme ayant volontairement dissimulé le changement de sa situation. Par suite, en rapportant sa naturalisation, dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, le ministre de l’intérieur n’a pas méconnu les dispositions de l’article 27-2 du code civil.

7. En troisième lieu, la définition des conditions et de la perte de la nationalité relève de la compétence de chaque Etat membre de l’Union européenne. Toutefois, dans la mesure où la perte de nationalité d’un Etat membre a pour conséquence la perte du statut de citoyen de l’Union, la perte de la nationalité d’un Etat membre doit, pour être conforme au droit de l’Union, répondre à des motifs d’intérêt général et être proportionnée à la gravité des faits qui la fondent, au délai écoulé depuis l’acquisition de la nationalité et à la possibilité pour l’intéressé de recouvrer une autre nationalité. Il résulte des dispositions de l’article 27-2 du code civil, qui s’appliquent également au cas de retrait pour un enfant mineur de l’effet collectif attaché à l’acquisition de la nationalité française par un de ses parents, qu’un décret ayant conféré la nationalité française peut être rapporté dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude au motif que l’intéressé a obtenu la nationalité française par mensonge ou fraude. Ces dispositions, qui ne sont pas incompatibles avec le droit de l’Union, permettaient en l’espèce, eu égard à la date à laquelle il est intervenu et aux motifs qui le fondent, de rapporter légalement le décret accordant à Mme A… C… et à ses deux enfants mineurs la nationalité française, dont il n’est ni soutenu, ni a fortiori établi qu’ils auraient perdu la nationalité libanaise.

8. En quatrième lieu, un décret qui rapporte un décret ayant conféré la nationalité française est, par lui-même dépourvu d’effet sur la présence sur le territoire français de celui qu’il vise, comme sur les liens avec les membres de sa famille, et n’affecte pas, dès lors, le droit au respect de sa vie familiale. En revanche, un tel décret affecte un élément constitutif de l’identité de la personne concernée et est ainsi susceptible de porter atteinte au droit au respect de sa vie privée. En l’espèce, toutefois, eu égard à la date à laquelle il est intervenu, aux motifs qui le fondent et à la situation de Mme A… C… et de ses enfants, le décret attaqué, qui n’est entaché d’aucune erreur de fait, ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A… C… n’est pas fondée à demander l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 16 janvier 2019 par lequel le Premier ministre a rapporté le décret du 16 août 2011. Ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu’être rejetées.

D E C I D E :

————–

Article 1er : La requête de Mme E… A… C… est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme E… A… C… et au ministre de l’intérieur.

Les conditions dans lesquelles les agences de l’eau définissent les conditions générales d’attribution des concours financiers qu’elles peuvent apporter aux personnes publiques et privées sous forme de subventions, de primes de résultat ou d’avances remboursables doivent être délibérées par le conseil d’administration de l’agence selon les formes requises.

CE, 6-5 chr, Syndicat des industries et entreprises françaises de l’assainissement autonome 11 mars 2020, n° 426366, Lebon.

Il résulte des articles L. 213-8-1, L. 213-9-1, L. 213-9-2, R. 213-32 et R. 213-39 du code de l’environnement que les agences de l’eau disposent d’un pouvoir règlementaire pour déterminer, dans la limite des missions qui leur sont fixées par la loi, les domaines et conditions de leur action et définir les conditions générales d’attribution des concours financiers qu’elles peuvent apporter aux personnes publiques et privées sous forme de subventions, de primes de résultat ou d’avances remboursables.

Cette compétence doit être exercée, en vertu de l’article R. 213-39 du code de l’environnement, par leur conseil d’administration.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 426366
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:426366.20200311
Publié au recueil Lebon
6e – 5e chambres réunies
Mme Carine Chevrier, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats

Lecture du mercredi 11 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Le syndicat professionnel des industries et entreprises françaises de l’assainissement autonome (IFAA) a demandé au tribunal administratif d’Orléans d’annuler la délibération adoptée le 30 octobre 2014 par le conseil d’administration de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne (AELB) en tant qu’elle modifie le contenu de la fiche action 1-2-c1, la décision du 14 octobre 2015 portant rejet du recours administratif qu’il a formé contre cette délibération et la délibération du 29 octobre 2015 de l’AELB en tant qu’elle confirme les dispositions de la délibération du 30 octobre 2014. Par un jugement n° 1504092 du 4 juillet 2017, le tribunal administratif a fait droit à ses demandes.

Par un arrêt n° 17NT02714 du 22 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Nantes a, sur l’appel de l’AELB, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par l’IFAA.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 18 décembre 2018 et les 18 mars et 3 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, le syndicat des industries et entreprises françaises de l’assainissement autonome (IFAA) demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel formé par l’AELB ;

3°) de mettre à la charge de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Carine Chevrier, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat du syndicat des industries et entreprises françaises de l’assainissement autonome et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 30 octobre 2014, le conseil d’administration de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne (AELB) a modifié la « fiche action » 1-2-c1 de son programme pluriannuel d’intervention approuvé pour la période 2013-2018, relative aux conditions d’éligibilité aux aides relatives aux études de sol et de filières d’assainissement non collectif réalisées soit préalablement à des réhabilitations de ces installations, soit à l’occasion de réhabilitations d’habitations neuves. Elle a ensuite confirmé cette modification par une délibération du 29 octobre 2015. Saisi par le syndicat professionnel des industries et entreprises françaises de l’assainissement autonome (IFAA), le tribunal administratif d’Orléans a annulé les délibérations ainsi adoptées en tant qu’elles modifient la « fiche action » précitée. Par un arrêt du 22 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Nantes a, sur l’appel de l’AELB, annulé ce jugement et rejeté les demandes de l’IFAA.

2. Aux termes de l’article L. 213-8-1 du code de l’environnement dans sa rédaction applicable, les agences de l’eau ont pour mission de  » favoris[er] une gestion équilibrée et économe de la ressource en eau et des milieux aquatiques, l’alimentation en eau potable, la régulation des crues et le développement durable des activités économiques « . Aux termes de l’article L. 213-9-1 du même code alors applicable : » Pour l’exercice des missions définies à l’article L. 213-8-1, le programme pluriannuel d’intervention de chaque agence de l’eau détermine les domaines et les conditions de son action et prévoit le montant des dépenses et des recettes nécessaires à sa mise en oeuvre. Le Parlement définit les orientations prioritaires du programme pluriannuel d’intervention des agences de l’eau et fixe le plafond global de leurs dépenses sur la période considérée ainsi que celui des contributions des agences à l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (…) « . Cet article est complété par l’article L. 213-9-2, aux termes duquel : » I.- Dans le cadre de son programme pluriannuel d’intervention, l’agence de l’eau apporte directement ou indirectement des concours financiers sous forme de subventions, de primes de résultat ou d’avances remboursables aux personnes publiques ou privées pour la réalisation d’actions ou de travaux d’intérêt commun au bassin ou au groupement de bassins qui contribuent à la gestion équilibrée de la ressource en eau et des milieux aquatiques. (…) « . Enfin, les conditions d’attribution de concours financiers sont précisées par les dispositions, d’une part, de l’article R. 213-32 du même code, en vertu duquel : » I.- Pour l’exercice de ses missions définies aux articles L. 213-8-1 et L. 213-9-2 : 1° L’agence peut attribuer des subventions, des primes de résultat et consentir des avances remboursables aux personnes publiques ou privées, dans la mesure où les études, recherches, travaux ou ouvrages exécutés par ces personnes et leur exploitation entrent dans le cadre de ses attributions. Elle s’assure de la bonne utilisation et de l’efficacité des aides versées (…) « , d’autre part, de l’article R. 213-39 du même code, en vertu duquel le conseil d’administration de l’agence délibère sur » 2° Les programmes généraux d’activité, et notamment les programmes pluriannuels d’intervention prévus à l’article L. 213-9-1 (…) / 7° Les conditions générales d’attribution des subventions et des concours financiers aux personnes publiques et privées (…) « .

3. Il résulte de ces dispositions que les agences de l’eau disposent d’un pouvoir règlementaire pour déterminer, dans la limite des missions qui leur sont fixées par la loi, les domaines et conditions de leur action et définir les conditions générales d’attribution des concours financiers qu’elles peuvent apporter aux personnes publiques et privées sous forme de subventions, de primes de résultat ou d’avances remboursables. Cette compétence doit être exercée, en vertu de l’article R. 213-39 du code de l’environnement cité ci-dessus, par leur conseil d’administration.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le conseil d’administration de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne a approuvé, par une délibération du 30 octobre 2014 confirmée par une délibération du 29 octobre 2015, la modification de la « fiche action » 1-2-c1 de son programme pluriannuel d’intervention. Il en ressort également que la fiche ainsi modifiée impose, au nombre des conditions d’éligibilité des personnes publiques ou privées aux aides relatives aux études de sol et de filières d’assainissement non collectif, la réalisation de ces études conformément à un cahier des charges type qui, en son point 4, exige que soit étudiée en priorité la solution d’une installation d’assainissement non collectif traditionnelle, dite « par le sol », la possibilité d’un assainissement par un dispositif alternatif agréé n’étant étudiée qu’au cas où il est justifié qu’un dispositif traditionnel n’est pas techniquement réalisable. Après avoir relevé que le cahier des charges type annexé à la « fiche action » 1-2-c1 formait avec cette dernière un ensemble indissociable de dispositions réglementaires, la cour a jugé qu’il avait été adopté par le conseil d’administration sans que celui-ci n’excède sa compétence. Or il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que le cahier des charges n’avait été ni débattu ni approuvé par le conseil d’administration. La cour a ainsi entaché son arrêt de dénaturation.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, le syndicat professionnel des industries et entreprises françaises de l’assainissement autonome est fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque.

6. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge du syndicat professionnel des industries et entreprises françaises de l’assainissement autonome qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne une somme de 3 000 euros à verser au syndicat professionnel des industries et entreprises françaises de l’assainissement autonome au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

————–

Article 1 : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 22 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Nantes.

Article 3 : L’Agence de l’eau Loire-Bretagne versera au syndicat professionnel des industries et entreprises françaises de l’assainissement autonome une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par L’Agence de l’eau Loire-Bretagne sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat professionnel des industries et entreprises françaises de l’assainissement autonome, à l’Agence de l’eau Loire-Bretagne.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique et solidaire.

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Participation pour non-réalisation d’aires de stationnement – Affectation obligatoire, par la commune, au financement de la réalisation d’un parc public de stationnement – Preuve de l’affectation – Preuve libre.

CE, 6-5 chr, Commune d’Arpajon 11 mars 2020, n° 421445, Lebon T

La participation pour non-réalisation d’aires de stationnement doit être affectée au financement de la réalisation d’un parc public de stationnement dans le délai de cinq ans à compter de son paiement. Une telle affectation implique le financement, par la commune, dans le délai imparti, d’un parc public de stationnement pour un montant égal ou supérieur à celui des participations perçues pour non-réalisation d’aires de stationnement. Elle doit être en principe établie par les documents budgétaires de la commune, dans le respect du cadre budgétaire et comptable applicable ; la commune peut cependant en justifier par tout moyen.

1. Cf., sur l’absence de caractère d’imposition de cette participation, CE, Section, 26 mars 1999, Vincent, n° 189805, p. 109 ; CE, 10 octobre 2004, Min. c/ Commune de Cavalaire-sur-Mer, n° 356722, p. 308.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 421445
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:421445.20200311
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6e – 5e chambres réunies
M. Didier Ribes, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER ; LE PRADO, avocats

Lecture du mercredi 11 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (S.C.I.) 200 Quai de Jemmapes, venant aux droits de la S.C.I. Epinvest, a demandé au tribunal administratif de Versailles d’ordonner à la commune d’Arpajon la restitution de la somme de 110 466,72 euros que la SCI Epinvest a versée au titre de la participation pour non réalisation des aires de stationnement, majorée des intérêts au taux légal. Par un jugement n° 1203578 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif a fait droit à la demande de restitution de la somme de 110 466,72 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2012.

Par un arrêt n° 16VE00679 du 12 avril 2018, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la commune d’Arpajon et fait droit à la demande de la S.C.I. 200 Quai de Jemmapes tendant à la capitalisation des intérêts à compter du 2 mars 2013.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juin et 12 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, la commune d’Arpajon demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel et de rejeter les conclusions de la S.C.I. 200 Quai de Jemmapes ;

3°) de mettre à la charge de la S.C.I. 200 Quai de Jemmapes la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune d’Arpajon et à Me Le Prado, avocat de la SCI 200 quai de Jemmapes ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 421-3 du code de l’urbanisme, dans sa version alors applicable, issue de l’ordonnance du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs : « Le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l’implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l’aménagement de leurs abords et si le demandeur s’engage à respecter les règles générales de construction prises en application du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation. / (…) / Lorsque le pétitionnaire ne peut satisfaire lui-même aux obligations imposées par un document d’urbanisme en matière de réalisation d’aires de stationnement, il peut être tenu quitte de ces obligations en justifiant, pour les places qu’il ne peut réaliser lui-même sur le terrain d’assiette ou dans son environnement immédiat, soit de l’obtention d’une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation, soit de l’acquisition de places dans un parc privé de stationnement existant ou en cours de réalisation. / (…) / A défaut de pouvoir réaliser l’obligation prévue au quatrième alinéa, le pétitionnaire peut être tenu de verser à la commune une participation fixée par le conseil municipal, en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement. Le montant de cette participation ne peut excéder 12 195 euros par place de stationnement. Cette valeur, fixée à la date de promulgation de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, est modifiée au 1er novembre de chaque année en fonction de l’indice du coût de la construction publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques. / Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions d’application des quatrième et cinquième alinéas du présent article et précise notamment les modalités d’établissement, de liquidation et de recouvrement de la participation prévue au quatrième alinéa, ainsi que les sanctions et garanties y afférentes. (…) ». L’article R. 332-22 du même code, dans sa version alors en vigueur, dispose que : « Le redevable de la participation en obtient, sur sa demande, le dégrèvement ou la restitution : / (…) / d) Si, dans le délai de cinq ans à compter du paiement, la commune ou l’établissement public compétent n’a pas affecté le montant de la participation à la réalisation d’un parc public de stationnement ».

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire d’Arpajon a délivré à la S.C.I. Epinvest, aux droits de laquelle vient la S.C.I. 200 Quai de Jemmapes, le 30 septembre 2005, un permis de construire, modifié les 15 février 2007 et 1er octobre 2008, en vue d’édifier des logements et un local d’activités. La société bénéficiaire du permis de construire ayant été dans l’impossibilité technique de réaliser les douze places de stationnement de la construction autorisée, le permis de construire modificatif du 15 février 2007 a mis à sa charge, en application de l’article L. 421-3 du code de l’urbanisme, une participation d’un montant de 166 860 euros. Le 19 octobre 2007, la société a acquitté ladite participation à hauteur de la somme de 110 466,72 euros correspondant à la participation demandée pour huit places de stationnement exigées par le permis de construire initial. Par lettre du 22 juin 2010, le maire d’Arpajon a informé la société de l’affectation de la participation acquittée par elle à la réalisation du parc de stationnement public dit du Jeu de Paume et lui a rappelé qu’elle restait redevable de la somme de 56 393,28 euros au titre de la participation à raison de quatre places de stationnement. Contestant l’affectation de la participation qu’elle avait versée à la création d’un parc public de stationnement, la société en a demandé la restitution par lettre du 21 février 2012 adressée au maire, qui a rejeté sa demande par une décision notifiée le 2 avril 2012. Par un jugement du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Versailles a ordonné à la commune d’Arpajon la restitution de la somme de 110 466,72 euros, majorée des intérêts au taux légal. Par un arrêt du 12 avril 2018, contre lequel la commune d’Arpajon se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal administratif.

3. Il résulte des dispositions citées au point 1 que la participation pour non-réalisation d’aires de stationnement doit être regardée, non comme une imposition, mais comme une participation que la loi, dans les limites qu’elle définit, autorise la commune à percevoir sur le bénéficiaire du permis de construire à raison des équipements publics dont la réalisation est rendue nécessaire par la construction. Une telle participation doit être affectée au financement de la réalisation d’un parc public de stationnement dans le délai de cinq ans à compter de son paiement. Cette affectation implique le financement, par la commune, dans le délai imparti, d’un parc public de stationnement pour un montant égal ou supérieur à celui des participations perçues pour non-réalisation d’aires de stationnement. Elle doit être en principe établie par les documents budgétaires de la commune, dans le respect du cadre budgétaire et comptable applicable ; la commune peut cependant en justifier par tout moyen.

4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour a jugé que si la commune justifiait avoir exposé des dépenses pour l’aménagement du parking du Jeu de Paume pour un montant supérieur au montant global de différentes participations pour non-réalisation d’aires de stationnement, elle n’établissait pas que la participation versée par la S.C.I. Epinvest avait été effectivement affectée à cette opération. En excluant ainsi que la commune puisse faire état de tous éléments de nature à établir l’affectation de la participation dès lors qu’elle n’était pas précisément retracée dans les documents budgétaires de la commune, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit. Par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de son pourvoi, la commune d’Arpajon est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la S.C.I. 200 Quai de Jemmapes la somme de 3 000 euros à verser à la commune d’Arpajon au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d’Arpajon qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt du 12 avril 2018 de la cour administrative d’appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Versailles.

Article 3 : La S.C.I. 200 Quai de Jemmapes versera à la commune d’Arpajon une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Les conclusions présentées par la S.C.I. 200 Quai de Jemmapes au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune d’Arpajon et à la S.C.I. 200 Quai de Jemmapes.

Contestabilité du déplacement de badgeuses dans l’enceinte de l’usine

CAA de NANTES, 6ème chambre, syndicat des personnels de l’énergie atomique Normandie CFDT  c/ société Areva NC La Hague 04/02/2020, 18NT02341, Inédit au recueil Lebon

Conclusions de François Lemoine, rapporteur public

  1. Faits et procédures

1.1.         Rappel des faits

  1. Le 18 septembre 2012, l’inspecteur du travail de la Manche a mis en demeure la direction de l’établissement Areva NC La Hague de ramener, sous trois mois, la durée du travail sur site et hors site de tout le personnel de l’établissement quel que soit son niveau de qualification aux limites maximales légales et de respecter les repos légaux. Il a, à cette fin, en vue de pouvoir vérifier la mise en œuvre de ce plan d’action, demandé de mettre en place, sous le même délai, un système d’enregistrement automatique, fiable, infalsifiable, du début et de la fin de chaque période de travail pour tout le personnel de l’établissement quel que soit le niveau de qualification, ces décomptes devant être tenus à la disposition de l’inspection du travail.

  1. La direction de l’établissement a alors engagé des négociations avec les organisations syndicales pour trouver un accord sur la mise en place d’un système de badgeuses et une première réunion s’étant tenue le 27 septembre 2013. Les négociations ont porté sur deux projets d’accord, l’un portant sur la mise en place de l’horaire variable, projet qui prévoyait, notamment, la mise en place de badgeuses aux différentes entrées de l’établissement et aux entrées et sorties des restaurants, l’autre projet étant un avenant à l’accord d’établissement sur la réduction du temps de travail du 14 décembre 2000. Lors de la réunion de négociations du 28 janvier 2014, la direction de l’établissement a indiqué aux organisations syndicales vouloir signer les deux projets d’accord, précisant qu’à défaut de signature, les badgeuses seraient implantées en pied de bâtiment de façon unilatérale. Les organisations syndicales ayant refusé de signer les deux accords, la direction de l’établissement a présenté devant le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, respectivement les 24 mai 2016 et 2 juin 2016, le projet de mise en place des badgeuses, ces instances ayant ensuite été consultées sur un projet de note relative à la mise en place des badgeuses, valant annexe au règlement intérieur de l’établissement.

  1. La société a, le 9 septembre 2016, en application de l’article L. 1321-4 du code du travail transmis la note annexée au règlement intérieur à l’inspecteur du travail qui n’a formulé aucune observation. Le dispositif consistant à implanter des badgeuses aux entrées des différents bâtiments de travail sur le site et entrées et sorties des restaurants d’entreprise est entré en vigueur le 10 octobre 2016.

  1.           Le 12 octobre 2016, le syndicat des personnels de l’énergie atomique Normandie CFDT a demandé à l’inspecteur du travail de la Manche de procéder au retrait de la note relative à la mise en place des badgeuses. La demande de retrait était motivée par le fait que la direction d’Areva a décidé de décompter le temps de travail au pied des bâtiments et non pas à l’entrée des tourniquets de l’enceinte de la protection physique de l’établissement, ce qui, selon le syndicat, ne permettrait pas de mesurer le temps de travail effectif faute de tenir compte du temps d’acheminement.

Par une décision du 14 octobre 2016, l’inspecteur du travail a rejeté cette demande.

1.2.         La requête

  1. Le syndicat des personnels de l’énergie atomique Normandie CFDT a, le 20 juin 2017, saisi le tribunal administratif de Caen d’une demande tendant à l’annulation de la décision du 14 octobre 2016 de l’inspecteur du travail. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 16 avril 2018 qui a rejeté sa demande. La société Areva NC La Hague, désormais dénommée société Orano Cycle conclut au rejet de la requête.

  1. Conclusions

Aux termes de l’article L. 3171-2 du code du travail : « Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. ». L’art. D. 3171-8 du même  code prévoit que : « Lorsque les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe, au sens de l’article D. 3171-7, ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes: 1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d’heures de travail accomplies; 2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d’heures de travail accomplies par chaque salarié.».

Sont concernés les salariés occupés sur la base d’un horaire nominatif et individuel, employés à temps partiel ou soumis à des horaires individualisés. Pour procéder à l’enregistrement du temps de travail, l’employeur peut mettre en place des badges électroniques pour contrôler l’accès à l’entreprise et la durée de travail des salariés.

Le débat se focalise d’une part sur la définition du temps de travail : le temps de déplacement dans l’entreprise est-il ou pas du temps de travail ? et d’autre part sur la capacité des salariés à contester l’emplacement des badgeuses ?

Sur le second point, la cour de cassation s’est prononcée explicitement par la négative. Ni les salariés, ni l’inspecteur du travail ne peuvent contester le choix qui relève du seul pouvoir de direction du chef d’entreprise.

Une cour d’appel ne peut imposer à l’employeur la modification de l’implantation des appareils de pointage sans porter atteinte à son pouvoir de direction et violer le principe fondamental de la liberté d’entreprendre. (Cass. soc. 13-7-2004 n° 02-15.142 (n° 1630 F-PB), Sté Carrefour France c/ CGT :  RJS 10/04 n° 1052, Bull. civ. V n° 205. En l’espèce, les organisations syndicales, estimant que les pointeuses avaient été implantées à une trop grande distance des vestiaires et des salles de pause, avaient demandé au tribunal de grande instance d’enjoindre à l’employeur de les déplacer. Les juges du fond leur avaient donné satisfaction. Cette décision est cassée par la Cour de cassation au nom du pouvoir de direction de l’employeur et de la liberté d’entreprendre. A noter toutefois que la solution retenue par la Cour de cassation n’est pas pour autant favorable à l’employeur. En effet, la pratique en vigueur dans l’entreprise aboutissant à exclure de la comptabilisation du temps de travail effectif le temps de déplacement entre les vestiaires et la pointeuse, d’une part, et entre la pointeuse et la salle de repos, d’autre part, a été invalidée, ces déplacements, pendant lesquels les salariés sont à la disposition de l’employeur et tenus de se conformer à ses directives, constituant, aux yeux de la Cour, un temps de travail effectif. Voir OA-I-6758.)

Sur le premier point, aucune forme particulière n’est imposée à l’employeur pour le décompte obligatoire. Le document doit cependant avoir été prévu à l’effet d’enregistrer la durée quotidienne. Il peut s’agir d’un cahier, d’un registre, d’une fiche, d’un système de badge (Circ. DRT 93-9 du 17-3-1993 n° 4-1 : BOMT 93-10). Le décompte doit être enregistré de manière fiable  avant l’application des équivalences, exclusion faite du temps nécessaire à l’habillage, au casse-croûte et, sauf disposition réglementaire ou conventionnelle particulière, des pauses. (Circ. DRT 93-9 du 17-3-1993 n° 4-1 : BOMT 93-10).

Certaines cours d’appel avaient estimé que le temps de trajet effectué à pied ou en utilisant la navette mise à leur disposition par les salariés employés par un parc de loisirs entre le vestiaire situé dans un bâtiment particulier où les intéressés doivent revêtir un costume de travail, dit panoplie, inspiré des thèmes de leur lieu d’affectation ainsi qu’un badge les identifiant et les appareils de pointage installés sur le lieu d’affectation de chaque salarié constitue un temps de travail effectif dès lors que ce temps de déplacement en costume est la conséquence de l’organisation imposée par l’employeur et que les salariés sont à la disposition de l’employeur et doivent se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. (CA Paris 5-12-2006 n° 06-7231, 18e ch. D, SCA Eurodisney Associés c/ M.)

La cour de cassation avait validé la solution de considérer comme du temps de travail effectif des temps de trajet, de durée variable, entre les vestiaires et les pointeuses la cour d’appel ayant constaté que ces trajets s’effectuent soit à pied à travers des zones ouvertes au public qui peut solliciter les salariés identifiés comme tels par leurs costumes et leurs badges, soit en navette où ils peuvent se trouver en présence de leur supérieur hiérarchique et que des panneaux, assortis de pictogrammes interdisant de manger et de fumer indiquent « en coulisse, vous êtes sur scène, soyez présentables ». (Cass. soc. 13-1-2009 n° 07-40.638 (n° 9 FS-D), Sté Eurodisney Associés c/ H. :  RJS 3/09 n° 248).Le temps du trajet effectué dans les locaux de l’entreprise entre le vestiaire et le lieu de pointage n’est pas un temps de déplacement professionnel au sens de l’article L 3121-4 (ex-L 212-4, al. 4) du Code du travail. La qualification d’un tel temps doit être appréciée au regard des seules dispositions de l’article L 3121-1 (ex-L 212-4, al. 1er) du même Code.

En effet, dès lors qu’ils ont constaté que le temps de déplacement en costume entre le vestiaire et le lieu de pointage était la conséquence de l’organisation imposée par l’employeur et que, durant ce trajet, les salariés pouvaient recevoir des directives de ce dernier, ce dont il se déduit qu’ils ne pouvaient librement vaquer à des occupations personnelles, les juges du fond ont légalement justifié leur décision de considérer que ce temps de déplacement devait être considéré comme du temps de travail effectif au regard de l’article L 212-4, al. 1er, devenu L 3121-1 du Code du travail.

Cass. soc. 4-11-2009 n° 07-44.690 (n° 2163 F-D), Sté Eurodisney associés c/ C.

En revanche, la circonstance que le salarié soit astreint au port d’une tenue de travail ne permet pas de considérer qu’un temps de déplacement constitue un temps de travail effectif au sens de l’article L 212-4, al. 1er (L 3121-1) du Code du travail. (Cass. soc. 31-10-2007 n° 06-13.232 (n° 2287 FS-PB), Sté Iveco c/ Syndicat CGT Irisbus :  RJS 1/08 n° 33, Bull. civ. V n° 182. La Cour de cassation écarte ici de manière claire l’application de l’article L 212-4, al. 4 (L 3121-4) du Code du travail aux temps de déplacement internes à l’entreprise et précise que leur qualification doit être appréciée au regard des seules dispositions de l’article L 212-4, al. 1er (L 3121-1), relatif à la définition générale du temps de travail effectif). En d’autres termes, elle estime que ces temps ne doivent pas se voir automatiquement refuser la qualification de temps de travail effectif et se prononce pour leur analyse concrète dans chaque cas d’espèce. Elle avait déjà retenu cette méthode de l’analyse concrète dans des arrêts antérieurs, mais de manière implicite, soit pour en conclure que des temps de déplacement internes à l’entreprise constituaient un temps de travail effectif (Cass. soc. 13 juillet 2004) soit pour leur refuser cette qualification (Cass. soc. 7 juin 2006 ; Cass. soc. 30 mai 2007 n° 05-44.396 (n° 1211 F-D).

De même, une cour d’appel qui a relevé que l’obligation de port d’un dosimètre dans l’enceinte de l’entreprise, motivée par des impératifs d’hygiène et de sécurité, est applicable, en vertu du règlement intérieur, à toute personne pénétrant sur le site et que le salarié ne se trouve pas à la disposition de son employeur avant de pointer dans le bâtiment où il exerce son activité en déduit à bon droit que les temps de déplacement de l’intéressé entre l’entrée de l’entreprise et la pointeuse ne constituent pas des temps de travail effectif. Cass. soc. 7-6-2006 n° 04-43.456 (n° 1414 F-D), B. c/ Sté FBFC :  RJS 10/06 n° 1072.

Enfin, récemment, la cour de cassation a jugé que le temps de déplacement dans une zone sécurisée ne constitue pas un temps de travail effectif (Cass. soc. 9-5-2019 n° 17-20.740 FS-PB, Sté d’avitaillement et de stockage de carburants aviation c/ E. : RJS 7/19 n° 432). La circonstance que le salarié soit astreint de se déplacer vers son lieu de travail, à l’intérieur de l’enceinte sécurisée de l’infrastructure aéroportuaire, au moyen d’une navette, ne permet pas de considérer que ce temps de déplacement constitue un temps de travail effectif.

« Attendu, cependant, que, selon l’article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que la circonstance que le salarié soit astreint de se déplacer vers son lieu de travail, à l’intérieur de l’enceinte sécurisée de l’infrastructure aéroportuaire, au moyen d’une navette, ne permet pas de considérer que ce temps de déplacement constitue un temps de travail effectif ; ».

Mais surtout, vous relèverez que le RI décompte forfaitairement le temps de trajet à l’intérieur de l’enceinte de l’entreprise comme du temps de travail de sorte que les salariés ne sont pas lésés.

Aussi, et pour l’ensemble de ces motifs, vous rejetterez au fond la requête.

  1. PCMNC  au rejet de la requête de Syndicat des personnels de l’énergie atomique de Normandie CFDT.

Formalités de signature et de paraphe d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

CAA de NANTES, 6ème chambre, SAS Arjowiggings Le Bourray 07/02/2020, 19NT04302, Inédit au recueil Lebon

Conclusions de François Lemoine, rapporteur public
1. Faits et procédures
1.1. Rappel des faits

1.2. La requête

1. La SAS Arjowiggings Le Bourray, entreprise spécialisée dans la production de papier qui employait 262 salariés, a été placée en redressement judiciaire par un jugement du 8 janvier 2019 du tribunal de commerce de Nanterre. Le 19 mars 2019, un accord collectif relatif au projet de licenciement collectif pour motif économique, incluant un projet de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), a été conclu entre les administrateurs judiciaires et les organisations syndicales représentatives CGT et FO.
2. Le 29 mars 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a rendu un jugement duquel il résulte la cession partielle de l’activité « ouate » et « vieux papiers », ainsi que le transfert de 112 contrats de travail à durée indéterminée dans des conditions définies par l’article L.1224-24-1 et suivants du code du travail, le transfert des contrats de travail de 4 apprentis en cours et enfin les ruptures de 130 contrats de travail non repris.
3. Par une décision du 8 avril 2019, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) des Pays de la Loire a validé l’accord collectif majoritaire du 19 mars 2019.

4. MM. D, I, U, Y et Z, salariés protégés licenciés affectés à l’activité « Impression écriture » ont saisi le 11 juin 2019 le tribunal administratif de Nantes d’une demande tendant à l’annulation de cette décision.

5. Par un jugement du 11 septembre 2019, dont ils relèvent appel, cette juridiction a rejeté leur demande.

2. Conclusions

2.1. Sur le défaut de conclusion valable de l’accord collectif portant PSE

6. MM. D, I, U, Y et Z soutiennent que l’administration aurait dû refuser de valider l’accord collectif du 19 mars 2019 dès lors que les organisations syndicales n’ont pas donné leur consentement sur l’ensemble des stipulations de cet accord faute que chacune de ses pages soit signée ou paraphée par les représentants du personnel.
En effet, l’accord collectif litigieux soumis à la validation de la DIRECCTE, dénommé « Le présent Accord et ses annexes », a été conclu selon ses termes entre, d’une part, la SAS Arjowiggings Le Bourray, la SCP Abitbol et Rousselet et la SCP Thévenot Partners, ès-qualités de co-administrateurs judiciaires de la SAS Arjowiggings Le Bourray, et, d’autre part, les organisations syndicales représentatives au niveau de la société, agissant par l’entremise de leurs délégués syndicaux, M. Stéphane F pour le syndicat FO et M. Mickaël Brun pour le syndicat CGT.
Aux termes de l’article L 1233-24-1 du code du travail : « Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité social et économique et de mise en œuvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, ou par le conseil d’entreprise dans les conditions prévues à l’article L. 2321-9. L’administration est informée sans délai de l’ouverture d’une négociation en vue de l’accord précité ». Aux termes de l’article L. 1233-57-2 du même code : « L’autorité administrative valide l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1 dès lors qu’elle s’est assurée de : 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; 2° La régularité de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique ; 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l’emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ; 4° La mise en œuvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233 57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20. ».

L’accord a été signé par MM. F et B. sur la page une (page de garde) ainsi qu’à la page 37 (page de signature) par eux-mêmes et par la présidente de l’entreprise et les co-administrateurs judiciaires.

Aucune disposition légale ou réglementaire n’impose un paraphe de l’ensemble des pages l’accord et cette absence de paraphe ne permet pas de regarder cet accord comme n’ayant pas été régulièrement et valablement signé. En effet, dans le code civil ou encore le code de commerce, le paraphe n’est requis que dans quelques hypothèses bien précises mais la nécessité d’une telle formalité ne figure dans aucune disposition du code du travail ni dans aucun PGD applicable même sans texte, dès lors qu’aucune manœuvre visant à vicier le consentement des signataires n’est allégué ou étayé.
Vous rejetterez le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 1233-24-1 du code du travail de la manière dont il est formulé. La représentativité des signataires n’étant par ailleurs pas remise en cause.

2.2. Sur la définition des catégories professionnelles

7. MM. D, I, U, Y et Z soutiennent que l’accord collectif du 19 mars 2019 ne portait pas sur la définition des catégories professionnelles concernées par les licenciements, catégories arrêtées unilatéralement par l’employeur et sur la base desquelles les candidats repreneurs avaient formulé leur offre de reprise avant même l’ouverture des négociations.

Aux termes de l’article L. 1233-24-2 du code du travail, l’accord collectif fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi « peut également porter sur : (…) 4° Le nombre de suppressions d’emploi et les catégories professionnelles concernées (…) ».
Les catégories professionnelles concernées par les licenciements n’ont pas été définies dans le corps même de l’accord, mais en annexes qui ne sont pas signées.

8. Toutefois, la liste et la définition des catégories professionnelles en cause figurent en annexe de l’accord collectif. Un inventaire de l’accord collectif du 19 mars 2019 auquel il est renvoyé à de nombreuses reprises dans le corps de l’accord, notamment les annexes 1 « Répartition de l’effectif sous CDI de la société par catégorie professionnelle au 1er février 2019 » et 2, « Conséquences sociales envisagées par offre de reprise – confidentiel ». L’annexe 2 comporte trois documents, numérotés 2.1, 2.2 et 2.3, présentés sous forme de tableau, précisant, pour les trois offres de reprises envisagées, le nombre de suppressions d’emploi et les catégories professionnelles concernées. Cet accord y compris ses annexes, lesquels formant un tout, a été signé par les différentes parties.
9. La circonstance que, lors de la réunion extraordinaire du 19 mars 2019, le comité économique et social a émis un avis défavorable sur le nombre de suppressions d’emplois et les mesures d’accompagnement prévues par le PSE et a indiqué que les catégories professionnelles ne lui paraissaient pas équitables ne révèlent pas que ces catégories auraient été déterminées unilatéralement par l’employeur et auraient dû, comme telles, être homologuées par l’autorité administrative selon des modalités définies à l’article L. 1233-57-3 du code du travail.
2.3. Sur la légalité des catégories professionnelles

10. Les requérants soutiennent que le découpage des salariés concernés par les licenciements en 64 catégories et sous catégories serait illicite en ce qu’il n’aurait eu pour objet que de « cibler » certains salariés bien identifiés faisant partie de l’organisation de la production, c’est-à-dire la branche « Impression et écriture ».
11. Alors que ces catégories doivent rassembler, chacune, « l’ensemble des salariés qui exercent dans l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ».
12. Dans l’affaire FNAC-CODIREP, le CE a estimé, en l’espèce, que les vendeurs de la filière « disques », « eu égard d’une part, à la nature de leurs fonctions et, d’autre part, à leurs formations de base, aux formations complémentaires qui leur étaient délivrées et aux compétences acquises dans leur pratique professionnelle, » ne pouvaient être regardés comme appartenant à une catégorie professionnelle différente de celle, notamment, des vendeurs de la filière « livres ». L’objectif du découpage en catégories professionnelles est bien d’assurer que le licenciement économique reste « non inhérent » à la personne du salarié et qu’il prenne pleinement en compte une logique de permutabilité des salariés. Ainsi, la légalité de l’homologation serait, d’abord, subordonnée à ce que les catégories professionnelles ont bien été délimitées à partir de considérations tenant à la compétence professionnelle , et non, par exemple, en fonction des seuls intitulés des fiches de paie, de l’organigramme de l’entreprise, de l’ancienneté dans les fonctions… Il faut que la méthode qui a guidé la délimitation des catégories professionnelles ait bien visé à regrouper les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, en tenant compte le cas échéant des acquis de l’expérience professionnelle. Le deuxième « tamis » consisterait ensuite à garantir que les catégories professionnelles n’ont pas été dessinées de façon à cibler certains salariés, soit à raison de leur affectation dans un service ou une branche d’activité que l’entreprise souhaite fermer, soit à raison d’un critère discriminatoire (en fonction de l’âge des salariés, de leur sexe, de leur appartenance syndicale…)
13. Dans le cas de la validation : le CE arrêts (N°s 403989, 404077 Société Polymont It Services et SCP Laureau-Jeannerot) est très clair : « la circonstance que, pour déterminer les catégories professionnelles concernées par le licenciement, un accord collectif fixant un plan de sauvegarde de l’emploi se fonde sur des considérations étrangères à celles qui permettent de regrouper les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou ait pour but de permettre le licenciement de salariés affectés sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée, n’est pas, par elle même, de nature à caractériser une méconnaissance des dispositions de l’article L. 1233 57 2 du code du travail ».
14. Ainsi la définition des catégories professionnelles par le PSE peut faire l’objet d’une censure par l’autorité administrative, sous votre contrôle, en cas de « nullité », du fait d’un découpage conduisant à une discrimination.
Mais ici contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance que les catégories professionnelles définies par l’accord litigieux procèdent à des regroupements de salariés en fonction de leur affectation dans certains services, n’est pas de nature à entacher d’illégalité la décision de validation attaquée, dès lors que le découpage ne nous semble pas incohérent avec les fonctions regroupées. Un seul exemple de permutabilité, concernant 1 contremaître, n’est pas suffisant pour faire naître une suspicion sur la définition des catégories professionnelles en cause définies par le PSE.

3. PCMNC à :

– au rejet de la requête de M. D et autres.