La décision prise par le président du conseil départemental sur le recours administratif préalable obligatoire formé par l’allocataire se substituant entièrement à la décision prise par l’organisme chargé du service de la prestation, l’allocataire ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l’obligation d’être informé des documents dans le cadre du droit de communication adressé aux tiers, à l’appui de conclusions tendant à l’annulation de la décision du président du conseil départemental, s’il a été remédié, par la mise en œuvre de cette garantie en temps utile avant l’intervention de cette dernière décision, à l’irrégularité commise.

CE, 1-4 chr, Département de la Loire 18 mars 2020, n° 424413, Lebon T..

Texte intégral
Conseil d’État

N° 424413
ECLI:FR:CECHR:2020:424413.20200318
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1re – 4e chambres réunies
M. Thibaut Félix, rapporteur
M. Vincent Villette, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET ; SCP DELAMARRE, JEHANNIN, avocats

Lecture du mercredi 18 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. D… B… a demandé au tribunal administratif de Lyon :
– d’annuler la décision du 7 octobre 2016 par laquelle le président du conseil départemental de la Loire a rejeté son recours préalable obligatoire contre une décision de la caisse d’allocations familiales de la Loire de récupérer un indu de revenu de solidarité active de 14 819,75 euros au titre de la période du 1er juin 2014 au 30 avril 2016,
– d’annuler la décision prise le 30 mai 2016 par la caisse d’allocations familiales de la Loire de récupérer à l’encontre de M. A… C… et de lui-même un indu d’aides exceptionnelles de fin d’année au titre de 2014 et 2015 et la décision du 20 septembre 2016 par laquelle la même caisse confirme cette récupération,
– de le décharger de l’obligation de payer ces sommes et d’enjoindre au département et à la caisse d’allocations familiales de rembourser les sommes déjà recouvrées,
– d’annuler l’avis de sommes à payer d’un montant de 9 475,29 euros émis à son encontre et à l’encontre de M. C… le 19 janvier 2017 par le département, correspondant à un indu de revenu de solidarité active au titre de 2016, et la décision du 27 mars 2017 rejetant son recours gracieux contre cet avis de sommes à payer,
– de le décharger de l’obligation de payer cette somme et d’enjoindre au département et à la caisse d’allocations familiales de rembourser les sommes déjà recouvrées.

Par un jugement n°s 1701787, 1702475 du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à ses demandes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 septembre et 13 décembre 2018 et le 3 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le département de la Loire demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de M. B… la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’action sociale et des familles ;
– le code de la sécurité sociale ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
– la décision du Conseil constitutionnel 2019-789 QPC du 14 juin 2019 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Thibaut Félix, auditeur,

— les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat du département de la Loire et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. B… ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B… a bénéficié du revenu de solidarité active à partir du mois de juin 2014. Après qu’une enquête eut été diligentée en décembre 2015 afin de vérifier sa situation personnelle et ses revenus, la caisse d’allocations familiales de la Loire a décidé le 30 mai 2016 de récupérer à l’encontre de M. B… et de M. C… un indu de revenu de solidarité active d’un montant de 14 819,75 euros au titre de la période du 1er juin 2014 au 30 avril 2016, ainsi que des indus portant sur d’autres prestations. Le président du conseil départemental de la Loire a rejeté, par une décision du 7 octobre 2016, le recours administratif préalable formé par M. B… contre la décision de la caisse d’allocations familiales en tant qu’elle concernait l’indu de revenu de solidarité active, puis a émis à son encontre et à l’encontre de M. C…, le 19 janvier 2017, un avis de sommes à payer d’un montant de 9 475,29 euros pour le recouvrement d’un indu de revenu de solidarité active au titre de 2016 et a rejeté, le 27 mars 2017, le recours gracieux de M. B… contre ce titre exécutoire. Saisi par M. B…, le tribunal administratif de Lyon a, par un jugement du 19 juillet 2018, annulé la décision du 7 octobre 2016, l’avis des sommes à payer du 19 janvier 2017 et la décision du 27 mars 2017, déchargé M. B… de l’obligation de payer les sommes correspondantes et enjoint à la caisse d’allocations familiales et au département de rembourser à l’intéressé les sommes éventuellement retenues à ce titre, sauf à avoir pris une nouvelle décision de récupération d’indu dans un délai de deux mois. Par son pourvoi en cassation, le département de la Loire doit être regardé comme demandant l’annulation de ce jugement dans cette mesure, seule à lui faire grief.

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 262-16 du code de l’action sociale et des familles : « Le service du revenu de solidarité active est assuré, dans chaque département, par les caisses d’allocations familiales et, pour leurs ressortissants, par les caisses de mutualité sociale agricole ». D’une part, aux termes de l’article L. 262-40 du même code :  » Pour l’exercice de leurs compétences, le président du conseil départemental et les organismes chargés de l’instruction et du service du revenu de solidarité active demandent toutes les informations nécessaires à l’identification de la situation du foyer : 1° Aux administrations publiques, et notamment aux administrations financières ; / 2° Aux collectivités territoriales ; / 3° Aux organismes de sécurité sociale, de retraite complémentaire et d’indemnisation du chômage ainsi qu’aux organismes publics ou privés concourant aux dispositifs d’insertion ou versant des rémunérations au titre de l’aide à l’emploi. / (…) / Les informations recueillies peuvent être échangées, pour l’exercice de leurs compétences, entre le président du conseil départemental et les organismes chargés de l’instruction et du service du revenu de solidarité active (…) / Les organismes chargés de son versement réalisent les contrôles relatifs au revenu de solidarité active selon les règles, procédures et moyens d’investigation applicables aux prestations de sécurité sociale. (…) « .

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 114-19 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : « Le droit de communication permet d’obtenir, sans que s’y oppose le secret professionnel, les documents et informations nécessaires : / 1° Aux agents des organismes de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l’exactitude des déclarations souscrites ou l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution et du paiement des prestations servies par lesdits organismes (…) ». Aux termes de l’article L. 114-20 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : « Sans préjudice des autres dispositions législatives applicables en matière d’échanges d’informations, le droit de communication défini à l’article L. 114-19 est exercé dans les conditions prévues et auprès des personnes mentionnées à la section 1 du chapitre II du titre II du livre des procédures fiscales à l’exception des personnes mentionnées aux articles L. 82 C, L. 83 A, L. 83 B, L. 84, L. 84 A, L. 91, L. 95 et L. 96 B à L. 96 F », l’article L. 83 du livre des procédures fiscales soumettant au droit de communication « les administrations de l’État, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l’État, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l’autorité administrative ». Enfin, aux termes de l’article L. 114-21 du code de la sécurité sociale : « L’organisme ayant usé du droit de communication en application de l’article L. 114-19 est tenu d’informer la personne physique ou morale à l’encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d’une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l’origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s’est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande ».

4. En second lieu, aux termes de l’article L. 262-46 du code de l’action sociale et des familles :  » Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l’organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / Toute réclamation dirigée contre une décision de récupération de l’indu, le dépôt d’une demande de remise ou de réduction de créance ainsi que les recours administratifs et contentieux, y compris en appel, contre les décisions prises sur ces réclamations et demandes ont un caractère suspensif. / Sauf si le bénéficiaire opte pour le remboursement de l’indu en une seule fois, l’organisme mentionné au premier alinéa procède au recouvrement de tout paiement indu de revenu de solidarité active par retenues sur les montants à échoir. / A défaut, l’organisme mentionné au premier alinéa peut également, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l’indu par retenues sur les échéances à venir dues au titre [de différentes prestations]. / (…) / L’article L. 161-1-5 du est applicable pour le recouvrement des sommes indûment versées au titre du revenu de solidarité active. / Après la mise en oeuvre de la procédure de recouvrement sur prestations à échoir, l’organisme chargé du service du revenu de solidarité active transmet (…) les créances du département au président du conseil départemental. (…) Le président du conseil départemental constate la créance du département et transmet au payeur départemental le titre de recettes correspondant pour le recouvrement. (…) « . Il résulte de ces dispositions qu’un paiement indu de revenu de solidarité active peut être récupéré par le moyen de retenues sur les échéances à venir dues au titre de cette prestation ou de différentes prestations, de la délivrance d’une contrainte par le directeur de la caisse d’allocations familiales ou de mutualité sociale agricole, ou encore de l’émission d’un titre de recettes par le président du conseil départemental. En outre, l’article L. 162-47 du même code dispose que : » Toute réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de solidarité active fait l’objet, préalablement à l’exercice d’un recours contentieux, d’un recours administratif auprès du président du conseil départemental (…) « .

5. Il résulte des dispositions mentionnées aux points 2 et 3 ci-dessus que les caisses d’allocations familiales et les caisses de mutualité sociale agricole, chargées du service du revenu de solidarité active, réalisent les contrôles relatifs à cette prestation d’aide sociale selon les règles, procédures et moyens d’investigation applicables aux prestations de sécurité sociale, au nombre desquels figurent le droit de communication instauré par l’article L. 114-19 du code de la sécurité sociale au bénéfice des organismes de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l’exactitude des déclarations souscrites ou l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution et du paiement des prestations qu’ils servent, ainsi que les garanties procédurales s’attachant, en vertu de l’article L. 114-21 du même code, à l’exercice de ce droit par un organisme de sécurité sociale. Lorsqu’une caisse peut obtenir une même information auprès d’une même administration ou d’un même organisme tant sur le fondement de l’article L. 262-40 du code de l’action sociale et des familles ou de l’article L. 114-14 du code de la sécurité sociale, permettant des échanges d’informations avec les administrations fiscales, qu’au titre du droit de communication prévu par l’article L. 114-19 de ce dernier code, elle n’est tenue de mettre en oeuvre les garanties prévues par l’article L. 114-21 du même code que si elle a entendu se placer dans le cadre du droit de communication. En revanche, il résulte des mêmes dispositions que la circonstance qu’une caisse ait échangé avec le président du conseil départemental, en application de l’article L. 262-40 du code de l’action sociale et des familles, les informations qu’elle a recueillies en vertu du droit de communication instauré par l’article L. 114-19 du code de la sécurité sociale est sans incidence sur l’obligation, en cas de décision de supprimer le service de la prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de respecter les garanties procédurales s’attachant, en vertu de l’article L. 114-21 du même code, à l’exercice de ce droit.

6. En outre, ainsi que l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision 2019-789 QPC du 14 juin 2019, l’objet des dispositions de l’article L. 114-21 du code de la sécurité sociale est de permettre à la personne contrôlée de prendre connaissance des documents communiqués afin de pouvoir contester utilement les conclusions qui en ont été tirées par l’organisme de sécurité sociale. Il incombe ainsi à l’organisme ayant usé du droit de communication, avant la suppression du service de la prestation ou la mise en recouvrement de l’indu, d’informer l’allocataire à l’encontre duquel est prise la décision de supprimer le droit au revenu de solidarité active ou de récupérer un indu de cette prestation, de la teneur et de l’origine des renseignements qu’il a obtenus de tiers par l’exercice de son droit de communication et sur lesquels il s’est fondé pour prendre sa décision. Cette obligation a pour objet de permettre à l’allocataire, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la récupération de l’indu ou la suppression du service de la prestation, afin qu’il puisse vérifier l’authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Par suite, il appartient en principe à la caisse d’allocations familiales ou à la caisse de mutualité sociale agricole de mettre en oeuvre cette garantie avant l’intervention de la décision de récupérer un indu de revenu de solidarité active, qui permet son recouvrement sur les prestations à échoir, ou de supprimer le service de cette prestation. Toutefois, la décision prise par le président du conseil départemental sur le recours administratif préalable obligatoire formé par l’allocataire se substituant entièrement à la décision prise par l’organisme chargé du service de la prestation, l’allocataire ne peut utilement invoquer la méconnaissance de cette obligation, à l’appui de conclusions tendant à l’annulation de la décision du président du conseil départemental, s’il a été remédié, par la mise en oeuvre de cette garantie en temps utile avant l’intervention de cette dernière décision, à l’irrégularité ainsi commise.

7. Enfin, les dispositions de l’article L. 114-21 du code de la sécurité sociale instituent une garantie au profit de l’intéressé. Toutefois, leur méconnaissance par l’organisme demeure sans conséquence sur le bien-fondé de la décision prise s’il est établi qu’eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu de l’allocataire, celui-ci n’a pas été privé, du seul fait de l’absence d’information sur l’origine du renseignement, de cette garantie.

8. C’est au terme d’une appréciation souveraine des pièces du dossier, exempte de dénaturation, que le tribunal administratif de Lyon a jugé que M. B… n’avait été informé, avant la décision du 7 octobre 2016 par laquelle le président du conseil départemental a rejeté son recours administratif préalable contre la décision de récupération d’indus de revenu de solidarité active prise par la caisse d’allocation familiales, ni de la teneur ni de l’origine des relevés bancaires de l’année 2014 que la caisse d’allocations familiales avait obtenus auprès de la Banque Postale dans l’exercice du droit de communication et sur lesquels elle s’était fondée pour décider de la récupération de l’indu en litige.

9. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en en déduisant que la décision du président du conseil départemental de la Loire du 7 octobre 2016, qui se fondait elle-même sur ces informations et documents obtenus par la caisse d’allocations familiales dans l’exercice du droit de communication prévu par l’article L. 114-19 du code de la sécurité sociale, était irrégulière et en ne recherchant pas si le président du conseil départemental, par la décision en litige, avait donné à l’intéressé l’information prévue par l’article L. 114-21 du même code.

10. En revanche, aux termes de l’article R. 262-7 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : « Les ressources prises en compte pour le calcul de l’allocation sont égales à la moyenne mensuelle des ressources perçues au cours des trois mois précédant la demande ou la révision (…) ». Le tribunal, qui a également estimé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que M. B… avait été informé de la teneur et de l’origine des relevés bancaire obtenus dans l’exercice du droit de communication pour le reste de la période en litige, ne pouvait légalement déduire de ses constatations que la décision du 7 octobre 2016, confirmant la récupération d’un indu au titre de la période du 1er juin 2014 au 30 avril 2016, devait être annulée dans sa totalité et que M. B… devait être entièrement déchargé de l’obligation de payer les sommes correspondantes. Par suite, le département de la Loire est fondé à soutenir que le tribunal a commis une erreur de droit en annulant la décision du 7 octobre 2016 en tant qu’elle confirme la récupération d’indu pour la période du 1er avril 2015 au 30 avril 2016.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Loire est fondé à demander l’annulation du jugement qu’il attaque en tant seulement qu’il annule la décision du 7 octobre 2016 en ce qu’elle confirme la récupération d’indu pour la période du 1er avril 2015 au 30 avril 2016, qu’il décharge M. B… de l’obligation de payer les sommes correspondantes et qu’il enjoint au département et à la caisse d’allocations familiales de la Loire de lui rembourser les sommes éventuellement retenues à ce titre, sauf à avoir pris une nouvelle décision de récupération d’indu dans un délai de deux mois.

12. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département de la Loire au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge du département, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :
————–

Article 1er : L’article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 juillet 2018, en tant qu’il annule la décision du président du conseil départemental de la Loire du 7 octobre 2016 en ce qu’elle confirme la récupération d’un indu de revenu de solidarité active pour la période du 1er avril 2015 au 30 avril 2016, son article 4, en tant qu’il décharge M. B… de l’obligation de payer les sommes correspondantes, et son article 5, en tant qu’il enjoint au département et à la caisse d’allocations familiales de la Loire de lui rembourser les sommes éventuellement retenues à ce titre, sauf à avoir pris une nouvelle décision de récupération d’indu dans un délai de deux mois, sont annulés.

Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, au tribunal administratif de Lyon.

Article 3 : Le surplus des conclusions du département de la Loire est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la SCP Delamarre, Jéhannin présentées au titre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au département de la Loire et à M. D… B….

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé et à la caisse d’allocations familiales de la Loire.

Les SDIS ne peuvent demander, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 1424-42 du CGCT, une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération de leur seul conseil d’administration, aux établissements de santé, sièges des SAMU.

CE, 1-4 chr, Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Alpes-Maritimes 18 mars 2020, n° 425990, Lebon T.

Il résulte des articles L. 1424-2 et L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales (CGCT), L. 742-11 du code de la sécurité intérieure, L. 6311-1, L. 6311-2, R. 6311-1, R. 6311-2, D. 6124-12 et R. 6312-15 du code de la santé publique (CSP) qu’il incombe aux services d’aide médicale urgente (SAMU) de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu’ils se trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état et, à cette fin, au centre de réception et de régulation des appels, dit « centre 15 », installé dans ces services, de déterminer et déclencher, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels, le cas échéant en organisant un transport sanitaire d’urgence faisant appel à une entreprise privée de transports sanitaire ou, au besoin, aux services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Les interventions ne relevant pas de l’article L. 1424-2 du CGCT qui sont effectuées par les SDIS à la demande du centre 15, lorsque celui-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, sont décidées, sous sa responsabilité, par le médecin régulateur du SAMU, qui les a estimées médicalement justifiées compte tenu des informations dont il disposait sur l’état du patient. Elles font l’objet d’une prise en charge financière par l’établissement de santé siège des SAMU, dans des conditions fixées par une convention – distincte de celle que prévoit l’article D. 6124-12 du CSP en cas de mise à disposition de certains moyens – conclue entre le SDIS et l’établissement de santé et selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale.

Les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 1424-42 du CGCT doivent dans ces conditions être regardés comme régissant l’ensemble des conditions de prise en charge financière par les établissements de santé d’interventions effectuées par les SDIS à la demande du centre de réception et de régulation des appels lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l’article L. 1424-2 de ce code auxquelles ces établissements publics sont tenus de procéder et dont ils supportent la charge. Il s’en déduit que les SDIS ne peuvent demander, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 1424-42 du même code, une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération de leur seul conseil d’administration, aux établissements de santé, sièges des SAMU.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 425990
ECLI:FR:CECHR:2020:425990.20200318
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1re – 4e chambres réunies
M. Pierre Boussaroque, rapporteur
M. Vincent Villette, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats

Lecture du mercredi 18 mars 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Le centre hospitalier universitaire de Nice a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 26 septembre 2014 du président du service départemental d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes portant fixation du montant de la participation aux frais d’intervention du centre hospitalier universitaire de Nice lorsque le « centre 15 » sollicite le service départemental d’incendie et de secours pour réaliser une intervention n’entrant pas dans ses missions propres. Par un jugement n° 1405130 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 17MA00014 du 4 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par le service départemental d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 5 décembre 2018 et les 28 février et 2 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le service départemental d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de la santé publique ;
– le code de la sécurité intérieure ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du service départemental d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du centre hospitalier universitaire de Nice ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes a décidé, par une délibération du 11 juillet 2014, de facturer au centre hospitalier universitaire de Nice chaque intervention réalisée à la demande du centre de réception et de régulation des appels (« centre 15 ») de son service d’aide médicale urgente pour des missions ne se rattachant pas aux missions de service public des services d’incendie et de secours définies à l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Le président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes, autorisé par la délibération du 11 juillet 2014 à signer tout document nécessaire à la mise en oeuvre de cette décision, a, par un arrêté du 26 septembre 2014, fixé à 1 022,17 euros le montant unitaire de cette participation. Saisi par le centre hospitalier universitaire de Nice, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté pour excès de pouvoir par un jugement du 2 novembre 2016. Le service départemental d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 4 octobre 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel qu’il avait formé contre ce jugement.

2. D’une part, aux termes de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : « Les services d’incendie et de secours (…) concourent, avec les autres services et professionnels concernés, (…) aux secours d’urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (…) / 4° Les secours d’urgence aux personnes victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ». L’article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure prévoit que : « Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d’incendie et de secours. (…) ». L’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose que : « Le service départemental d’incendie et de secours n’est tenu de procéder qu’aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l’article L. 1424-2. / S’il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l’exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d’administration. / Les interventions effectuées par les services d’incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l’article L. 1424-2, font l’objet d’une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d’aide médicale d’urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d’incendie et de secours et l’hôpital siège du service d’aide médicale d’urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale (…) ».

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 6311-1 du code de la santé publique : « L’aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d’organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu’ils se trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état » et l’article L. 6311-2 du même code prévoit qu’ : « (…) un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d’aide médicale urgente (…) ». L’article R. 6311-1 de ce code précise que : « Les services d’aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d’urgence. / Lorsqu’une situation d’urgence nécessite la mise en oeuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d’aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en oeuvre par les services d’incendie et de secours » et l’article R. 6311-2 que :  » Pour l’application de l’article R. 6311-1, les services d’aide médicale urgente : / (…) 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / (…) 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires (…) « . L’article D. 6124-12 de ce code permet aux services d’incendie et de secours de mettre des équipages et véhicules à disposition d’une structure mobile d’urgence et de réanimation dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d’une convention avec l’établissement de santé autorisé à disposer d’une telle structure. Il résulte enfin de l’article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d’une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d’urgence faute de moyens de transport sanitaire.

4. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que les services départementaux d’incendie et de secours ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, au nombre desquelles figurent celles qui relèvent des secours d’urgence aux personnes victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l’évacuation de ces personnes. Les interventions ne relevant pas directement de l’exercice de leurs missions de service public effectuées par les services départementaux d’incendie et de secours peuvent donner lieu à une participation aux frais des personnes qui en sont bénéficiaires, dont ces services déterminent eux-mêmes les conditions.

5. Il résulte également de ces dispositions qu’il incombe aux services d’aide médicale urgente de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu’ils se trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état et, à cette fin, au centre de réception et de régulation des appels, dit « centre 15 », installé dans ces services, de déterminer et déclencher, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels, le cas échéant en organisant un transport sanitaire d’urgence faisant appel à une entreprise privée de transport sanitaire ou, au besoin, aux services d’incendie et de secours. Les interventions ne relevant pas de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales qui sont effectuées par les services départementaux d’incendie et de secours à la demande du centre 15, lorsque celui-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, sont décidées, sous sa responsabilité, par le médecin régulateur du service d’aide médicale urgente, qui les a estimées médicalement justifiées compte tenu des informations dont il disposait sur l’état du patient. Elles font l’objet d’une prise en charge financière par l’établissement de santé siège des services d’aide médicale d’urgence, dans des conditions fixées par une convention – distincte de celle que prévoit l’article D. 6124-12 du code de la santé publique en cas de mise à disposition de certains moyens – conclue entre le service départemental d’incendie et de secours et l’établissement de santé et selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale.

6. En jugeant que les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales doivent dans ces conditions être regardées comme régissant l’ensemble des conditions de prise en charge financière par les établissements de santé d’interventions effectuées par les services départementaux d’incendie et de secours à la demande du centre de réception et de régulation des appels lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l’article L. 1424-2 de ce code auxquelles ces établissements publics sont tenus de procéder et dont ils supportent la charge, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit. Elle n’a pas davantage commis d’erreur de droit en en déduisant que les services départementaux d’incendie et de secours ne peuvent demander, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 1424-42 du même code, une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération de leur seul conseil d’administration, aux établissements de santé, sièges des services d’aide médicale d’urgence.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le service départemental d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque.

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du service départemental d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes une somme de 3 000 euros à verser au centre hospitalier universitaire de Nice au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le pourvoi du service départemental d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes est rejeté.

Article 2 : Le service départemental d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes versera au centre hospitalier universitaire de Nice une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au service départemental d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes et au centre hospitalier universitaire de Nice.

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé et à l’agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur.

L’arrêté par lequel le préfet, en application de l’article R. 422-32 du code de l’environnement, arrête la liste des terrains devant être soumis à l’action de l’association communale de chasse agréée (ACCA) détermine celles des oppositions formées lors de la procédure d’enquête par les propriétaires et détenteurs du droit de chasse qui sont rejetées, est susceptible de recours.

CE, 6-5 chr, Ministre d’Etat, Ministre de la transition écologique et solidaire c/ Association de chasse de la Chaveronderie et autres 5 févr. 2020, n° 423105, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 423105
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:423105.20200205
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6e – 5e chambres réunies
Mme Catherine Calothy, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public
LE PRADO, avocats

Lecture du mercredi 5 février 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

L’association de chasse de la Chaveronderie, M. E… F…, M. I… G…, M. P… L…, M. M… L…, Mme D… G…, Mme C… J…, M. B… H…, Mme K… G…, M. A… N… et M. A…-Q… O… ont demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du préfet de la Loire du 29 juillet 2013 en tant qu’il incorpore dans le territoire soumis à l’action de l’association communale de chasse agréée de Coutouvre les parcelles pour lesquelles la demande d’opposition formulée par l’association de chasse de la Chaveronderie a été rejetée. Par un jugement n° 1306768 du 12 avril 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté en tant qu’il inclut les parcelles pour lesquelles l’association de chasse de la Chaveronderie a formé opposition.

Par un arrêt n° 16LY02018 du 12 juin 2018, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer contre ce jugement.

Par un pourvoi enregistré le 10 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de l’association de chasse de la Chaveronderie ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, à la demande de l’association de chasse de la Chaveronderie et autres, le tribunal administratif de Lyon a annulé l’arrêté du 29 juillet 2013 par lequel le préfet de la Loire a fixé, au titre de l’article R. 422-32 du code de l’environnement, la liste des terrains soumis à l’action de l’association communale de chasse agréée de Coutouvre en tant qu’il inclut les parcelles pour lesquelles l’association de chasse de la Chaveronderie avait formé opposition. Le ministre chargé de la chasse se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 12 juin 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté son appel contre ce jugement.

2. Aux termes de l’article L. 422-10 du code de l’environnement :  » L’association communale est constituée sur les terrains autres que ceux : / (…) / 3° Ayant fait l’objet de l’opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d’un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l’article L. 422-13 ; / (…) / 5° Ayant fait l’objet de l’opposition de propriétaires, de l’unanimité des copropriétaires indivis qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent, y compris pour eux-mêmes, l’exercice de la chasse sur leurs biens (…) « .

3. Il résulte des articles R. 422-14 à R. 422-31 du même code, dans leur rédaction applicable à la date de la décision attaquée, que, lorsqu’une demande de création d’une association communale de chasse agréée a été transmise au préfet par le maire et que le préfet y donne une suite favorable, une enquête est conduite pour déterminer les terrains qui seront soumis à l’action de l’association communale de chasse par apport des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse, le préfet désignant le commissaire enquêteur ou le président et les membres de la commission d’enquête et fixant les modalités pratiques de l’enquête par un arrêté publié au recueil des actes administratifs, affiché à la porte de la mairie et aux lieux habituels d’affichage municipal et inséré en caractères apparents dans la presse locale. Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête, après avoir établi un relevé des droits de chasse, détermine la liste des terrains dont les propriétaires ou détenteurs du droit de chasse paraissent en droit de formuler l’opposition prévue au 3° de l’article L. 422-10 et adresse à chacun de ces propriétaires ou détenteurs du droit de chasse une lettre recommandée avec demande d’avis de réception l’invitant à faire connaître, dans le délai de trois mois à compter de sa réception, s’il fait opposition au titre du 3° ou du 5° de l’article L. 422-10. A l’expiration de ce délai, le commissaire-enquêteur ou la commission d’enquête établit, notamment, la liste des terrains ayant fait l’objet d’une opposition au titre du 3° de l’article L. 422-10 qu’elle estime justifiée et la liste des terrains pouvant être soumis à l’action de l’association communale. Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête élabore ensuite un dossier comprenant ces différents éléments et, après l’avoir déposé à la mairie de la commune concernée pour qu’il puisse y être consulté et faire l’objet de réclamations ou d’observations de la part des propriétaires et des détenteurs du droit de chasse, le transmet, avec son avis sur les observations éventuellement présentées, au préfet. Au vu de ces éléments, l’article R. 422-32 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, prévoit que « Le préfet arrête la liste des terrains devant être soumis à l’action de l’association communale. / Il avise, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, les propriétaires et détenteurs du droit de chasse dont l’opposition n’est pas acceptée (…) ». L’article R. 422-33 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, prévoit que la première assemblée générale constitutive de l’association peut alors être convoquée, à la diligence du maire. Aux termes de l’article R. 422-34 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « L’assemblée mentionnée à l’article R. 422-33, dont le président est désigné par le préfet, procède immédiatement à l’élection d’un bureau de séance. / Elle établit la liste des terrains soumis à l’action de l’association et la liste des membres de ladite association (…). / Ceux de ces membres qui sont présents ou régulièrement représentés approuvent les statuts sur proposition du président de séance. » Enfin, aux termes de l’article R. 422-35 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « L’affichage, dans les huit jours suivant celui de l’assemblée générale, de la liste mentionnée au deuxième alinéa de l’article R. 422-34 vaut notification aux propriétaires et détenteurs du droit de chasse intéressés. / L’accomplissement de cette mesure de publicité d’une durée minimum de dix jours est certifié par le maire. / La liste est communiquée au préfet par l’association par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Celui-ci l’arrête et la publie au Recueil des actes administratifs en même temps que l’arrêté d’agrément prévu à l’article R. 422-39. »

4. Il résulte de ces dispositions que, si l’arrêté par lequel le préfet, en application de l’article R. 422-32 du code de l’environnement, arrête la liste des terrains devant être soumis à l’action de l’association communale de chasse agréée constitue une étape dans la constitution d’une association communale de chasse agréée, cet arrêté détermine celles des oppositions formées lors de la procédure d’enquête par les propriétaires et détenteurs du droit de chasse qui sont rejetées, les intéressés devant en être avisés par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cet arrêté constitue un acte faisant grief susceptible d’être déféré au juge de l’excès de pouvoir. Par suite, en jugeant que l’arrêté contesté devant elle, par lequel le préfet de la Loire avait arrêté la liste des terrains soumis à l’action de l’association communale de chasse agréée de Coutouvre, constituait une décision susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir, la cour administrative d’appel de Lyon n’a pas entaché son arrêt d’une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre chargé de la chasse doit être rejeté. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à l’association de chasse de la Chaveronderie, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Le pourvoi du ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera une somme de 3 000 euros à l’association de chasse de la Chaveronderie et autres au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique et solidaire et à l’association de chasse de la Chaveronderie, première dénommée, pour l’ensemble des requérants.

Copie en sera adressée à l’association communale de chasse agréée de Coutouvre.

Si l’existence d’actes positifs et répétés accomplis en vue de retrouver un emploi est une condition au maintien de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, elle ne saurait conditionner l’ouverture du droit à cette allocation.

CE, 3-8 chr, 7 févr. 2020, n° 405921, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 405921
ECLI:FR:CECHR:2020:405921.20200207
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3e – 8e chambres réunies
Mme Pauline Berne, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats

Lecture du vendredi 7 février 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme A… B… a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d’une part, d’annuler les décisions par lesquelles le maire de Brusque a rejeté ses demandes du 8 janvier 2007 et du 26 octobre 2009 tendant au versement d’allocations d’aide au retour à l’emploi et de condamner la commune à lui verser la somme de 23 000 euros au titre de ces allocations majorées des intérêts de retard, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8e jour suivant la notification de la décision à intervenir, et d’autre part, de condamner la commune de Brusque à lui payer la somme de 30 000 euros à raison des pertes de salaire résultant du caractère illégal des décisions ayant interrompu son stage et prononcé son licenciement.

Par un jugement n° 0905620 et 1004977 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions relatives aux demandes d’allocation d’aide au retour à l’emploi, a condamné la commune de Brusque à verser à Mme B… ces allocations, a renvoyé l’intéressée devant la commune afin de procéder au calcul de ses droits et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Par un arrêt n°13BX02414, 13BX02415 du 14 octobre 2014, la cour administrative d’appel de Bordeaux, faisant droit à l’appel de la commune de Brusque, a partiellement annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 juillet 2013 et rejeté les conclusions de Mme B… tendant à l’annulation des refus de lui verser les allocations d’aide au retour à l’emploi et à la condamnation de la commune à les lui verser.

Par une décision n° 386441 du 11 décembre 2015, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire à la cour administrative d’appel de Bordeaux.

Par un nouvel arrêt n° 15BX04091 du 13 octobre 2016, la cour administrative d’appel de Bordeaux, d’une part, faisant droit à l’appel de la commune de Brusque, a partiellement annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 juillet 2013 et rejeté les conclusions de Mme B… tendant à l’annulation des refus de lui verser les allocations d’aide au retour à l’emploi et à la condamnation de la commune à les lui verser, et d’autre part, a rejeté l’appel incident présenté par Mme B… et tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 15 651,20 euros au titre des allocations d’aide au retour à l’emploi et la somme de 4 416,64 euros à titre d’indemnisation pour sa perte d’emploi au titre de 2009.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 décembre 2016, 8 mars 2017 et 9 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme B… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de la commune de Brusque et de faire droit à son appel incident ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Brusque la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code du travail ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Pauline Berne, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A… B… et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Brusque ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B…, qui avait été recrutée le 16 mars 2005 par la commune de Brusque (Aveyron) en contrat à durée déterminée puis qui a été nommée en qualité d’adjoint administratif stagiaire à compter du 1er mai de la même année, a fait l’objet d’un arrêté du 13 octobre 2006 par lequel le maire de la commune a interrompu son stage et prononcé son licenciement, avec effet au 23 septembre 2006. Par courrier du 17 janvier 2007, le maire a rejeté une première demande de Mme B… reçue le 10 janvier 2007 tendant au versement d’allocations d’aide au retour à l’emploi. Puis il a opposé un rejet implicite à une seconde demande en date du 26 octobre 2009. Mme B… a demandé au tribunal administratif de Toulouse, notamment, d’annuler ces deux rejets et de condamner la commune à lui verser la somme de 23 000 euros au titre de ces allocations majorées des intérêts de retard. Par les articles 1er à 4 de son jugement du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions litigieuses, condamné la commune à verser à l’intéressée les allocations d’aide au retour à l’emploi demandées et renvoyé l’intéressée devant la commune afin de procéder au calcul de ses droits. Après annulation d’un premier arrêt du 14 octobre 2014 par une décision du 11 décembre 2015 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, et renvoi de l’affaire à la cour administrative d’appel de Bordeaux, celle-ci a, par les articles 1er et 2 de son arrêt du 13 octobre 2016, faisant droit à l’appel principal de la commune de Brusque, annulé les articles 1er à 4 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 juillet 2013 et rejeté les conclusions de première instance de Mme B… et, par l’article 4 de son arrêt, rejeté les conclusions de l’appel incident présenté par Mme B… qui tendaient à la condamnation de la commune à lui verser une indemnité au titre des allocations d’aide au retour à l’emploi non perçues ainsi qu’une somme de 4 416,64 euros à titre de réparation des préjudices résultant de l’illégalité de sa perte d’emploi au titre de 2009. Mme B… se pourvoit en cassation contre cet arrêt. Eu égard aux moyens qu’elle invoque, elle doit être regardée comme ne demandant l’annulation que des articles 1er et 2 de l’arrêt du 13 octobre 2016 ainsi que de l’article 4 en tant qu’il porte sur ses droits aux allocations d’aide au retour à l’emploi.

2. Lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l’administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d’une personne en matière d’aide ou d’action sociale, de logement ou au titre des dispositions en faveur des travailleurs privés d’emploi, et sous réserve du contentieux du droit au logement opposable, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner les droits de l’intéressé, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction et, notamment, du dossier qui lui est communiqué en application de l’article R. 772-8 du code de justice administrative. Au vu de ces éléments, il lui appartient d’annuler ou de réformer, s’il y a lieu, cette décision, en fixant alors lui-même tout ou partie des droits de l’intéressé et en le renvoyant, au besoin, devant l’administration afin qu’elle procède à cette fixation pour le surplus, sur la base des motifs de son jugement. Dans le cas d’un contentieux portant sur les droits au revenu de remplacement des travailleurs privés d’emploi, c’est au regard des dispositions applicables et de la situation de fait existant au cours de la période en litige que le juge doit statuer. Il en va notamment ainsi en ce qui concerne les agents publics privés d’emploi.

3. Il ressort des termes mêmes de l’arrêt attaqué qu’en se prononçant sur l’annulation des rejets opposés par la commune de Brusque aux deux demandes de Mme B… tendant au versement des allocations d’aide au retour à l’emploi avant de se prononcer, par voie de conséquence, sur la condamnation de la commune à verser à l’intéressée ces allocations, la cour ne s’est pas prononcée en qualité de juge de plein contentieux. Dès lors, il résulte de ce qui précède que Mme B… est fondée à demander l’annulation des articles 1er et 2 de l’arrêt qu’elle attaque ainsi que de l’article 4 en tant qu’il porte sur ses droits aux allocations d’aide au retour à l’emploi.

4. Aux termes du second alinéa de l’article L. 821-2 du code de justice administrative : « Lorsque l’affaire fait l’objet d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat statue définitivement sur cette affaire ». Le Conseil d’Etat étant saisi, en l’espèce, d’un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l’affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu’il appartenait au tribunal administratif de statuer en qualité de juge de plein contentieux sur les conclusions de Mme B… tendant à l’annulation des rejets opposés à ses deux demandes de versement des allocations d’aide au retour à l’emploi. Dès lors que le tribunal administratif a statué sur ces conclusions comme juge de l’excès de pouvoir, Mme B… est fondée à demander l’annulation des articles 1 à 4 du jugement qu’elle attaque. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions tendant au versement des allocations d’aide au retour à l’emploi.

Sur les conclusions aux fins de non-lieu à statuer présentées par la commune de Brusque :

6. Il résulte de l’instruction qu’en exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 décembre 2009 qui a prononcé l’annulation de l’arrêté du 13 octobre 2006 par lequel le maire de Brusque avait mis fin au stage de Mme B… et avait prononcé son licenciement, un nouvel arrêté du 18 janvier 2010 a, d’une part, réintégré l’intéressée effectivement dans ses fonctions à compter de la notification de cet arrêté pour lui permettre d’achever son stage, et d’autre part, l’a réintégrée juridiquement avec effet rétroactif au 23 septembre 2006 mais sans qu’une rémunération ou une indemnisation ne lui soient accordées à ce titre. Ce second arrêté est sans incidence sur la demande des allocations d’aide au retour à l’emploi présentée le 8 janvier 2007 par Mme B… et a pour seul effet de limiter la période pendant laquelle une indemnisation est susceptible de lui être due au titre de la demande présentée le 26 octobre 2009. Par suite, l’exception de non-lieu opposée par la commune de Brusque doit être écartée.

Sur la demande de l’allocation d’aide au retour à l’emploi de Mme B… reçue le 10 janvier 2007 :

7. Aux termes de l’article L. 351-1, devenu L. 5421-1, du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : « En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d’emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent chapitre ». Par un arrêté du ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement du 23 février 2006, a été agréée la convention du 18 janvier 2006 relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage, prise en application de l’article L. 351-8, devenu L. 5422-20, du code du travail et dont le règlement général annexé prévoit, en son article 1er, que « Le régime d’assurance chômage assure un revenu de remplacement dénommé allocation d’aide au retour à l’emploi, pendant une durée déterminée, aux salariés involontairement privés d’emploi qui remplissent des conditions d’activité désignées périodes d’affiliation, ainsi que des conditions d’âge, d’aptitude physique, de chômage, d’inscription comme demandeur d’emploi, de recherche d’emploi ». Ces dispositions sont applicables aux agents des collectivités territoriales dans les conditions prévues par l’article L. 351-12, devenu L. 5424-1, du code du travail. Il appartient aux collectivités territoriales qui assurent la charge et la gestion de l’indemnisation de leurs agents en matière d’allocation d’aide au retour à l’emploi de s’assurer, lorsqu’ils demandent le bénéfice de cette allocation, qu’ils remplissent l’ensemble des conditions auxquelles son versement est subordonné.

8. La commune de Brusque, dont il est constant qu’elle était appelée, en application des deux premiers alinéas de l’article R. 351-20, devenu R. 5424-2, du code du travail, à supporter la charge des allocations d’aide au retour à l’emploi demandées par Mme B… par la lettre reçue le 10 janvier 2007, ne peut se prévaloir ni des avis du comité médical départemental de l’Aveyron du 4 septembre 2006 et du comité médical supérieur du 13 mai 2008, pour établir l’inaptitude de Mme B…, dès lors qu’il résulte de l’instruction que ces avis se bornent à constater qu’elle n’était inapte à exercer que les seules fonctions qui étaient les siennes au sein de la commune, ni de la décision du 22 janvier 2013 accordant une pension d’invalidité de deuxième catégorie à l’intéressée, dès lors qu’elle porte sur une période postérieure à celle qui est en litige.

9. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 351-16 du code du travail, qui figurait dans une section intitulée « maintien des droits au revenu de remplacement » et dont les dispositions ont été reprises, sans changement substantiel, par l’article L. 5421-3 du même code : « La condition de recherche d’emploi prévue à l’article L. 351-1 est satisfaite dès lors que les intéressés sont inscrits comme demandeurs d’emploi et accomplissent, à leur initiative ou sur proposition de l’un des organismes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 311-1, des actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou de reprendre une entreprise ». En vertu des dispositions combinées des articles L. 351-17 et L. 311-5, ainsi que de l’article R. 351-28 pris pour leur application, devenus respectivement L. 5426-2, L. 5411-6 et R. 5426-3, les personnes qui ne peuvent justifier de l’accomplissement d’actes positifs de recherche d’emploi peuvent être exclues, à titre temporaire ou définitif, du revenu de remplacement. Aux termes, enfin, de l’article L. 351-18, dont les dispositions, modifiées notamment à la suite de la création de Pôle emploi, ont été reprises aux articles L. 5426-1 et L. 5426-2 : « Le contrôle de la recherche d’emploi est opéré par des agents publics relevant du ministre chargé de l’emploi, de l’Agence nationale pour l’emploi ainsi que par des agents relevant des organismes de l’assurance chômage mentionnés à l’article L. 351-21. / (…) / Le revenu de remplacement peut être supprimé ou réduit par le représentant de l’Etat (…) ».

10. Si l’existence d’actes positifs et répétés accomplis en vue de retrouver un emploi est une condition mise par les dispositions précitées au maintien de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, elle ne saurait conditionner l’ouverture du droit à cette allocation. Ainsi, la commune de Brusque ne peut utilement invoquer, pour justifier le rejet opposé à la demande d’allocation présentée par Mme B…, l’absence d’actes positifs et répétés de recherche d’emploi accomplis avant cette demande.

11. Le non-respect de la condition en cause est seulement susceptible de donner lieu, de la part de l’autorité administrative, en l’espèce le préfet, à une décision de suppression ou de réduction des allocations d’aide au retour à l’emploi. Par suite, la commune de Brusque ne peut non plus utilement invoquer l’insuffisance des actes accomplis par Mme B… en vue de retrouver un emploi durant les années 2007 à 2009, dès lors que n’a pas, alors, été mise en oeuvre la procédure susceptible d’aboutir à une décision du préfet tendant à la suppression ou la réduction des allocations d’aide au retour à l’emploi.

12. Par suite et dès lors qu’il est constant qu’à la date de sa demande, Mme B…, qui s’était inscrite en qualité de demandeur d’emploi le 2 janvier 2007, remplissait les conditions auxquelles est subordonné l’octroi des allocations d’aide au retour à l’emploi, elle avait droit à celles-ci et elle est fondée à demander l’annulation de la décision par laquelle le maire de Brusque a rejeté sa demande. En revanche, l’état de l’instruction ne permettant pas de déterminer le montant exact des droits de Mme B…, il y a lieu de la renvoyer devant la commune de Brusque pour que soient calculées et versées, dans un délai de trois mois, les allocations d’aide au retour à l’emploi qui lui sont dues, assorties des intérêts au taux légal sur chacun des versements périodiques qui auraient dû être faits, à compter des dates respectives de ces versements. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions aux fins d’astreinte.

Sur la demande de l’allocation d’aide au retour à l’emploi présentée par Mme B… le 26 octobre 2009 :

13. Aux termes de l’article R. 5424-2, anciennement R. 351-20, du code du travail dans sa rédaction alors applicable : « Lorsque, au cours de la période retenue pour l’application de l’article L. 5422-2, la durée totale d’emploi accomplie pour le compte d’un ou plusieurs employeurs affiliés au régime d’assurance a été plus longue que l’ensemble des périodes d’emploi accomplies pour le compte d’un ou plusieurs employeurs relevant de l’article L. 5424-1, la charge de l’indemnisation incombe à Pôle emploi pour le compte de l’organisme mentionné à l’article L. 5427-1 ». Aux termes de l’article L. 5422-2, anciennement L. 351-3, du même code : « L’allocation d’assurance est accordée pour des durées limitées qui tiennent compte de l’âge des intéressés et de leurs conditions d’activité professionnelle antérieure. Ces durées peuvent également tenir compte, le cas échéant, du suivi d’une formation par les intéressés. Elles ne peuvent être inférieures aux durées déterminées par décret en Conseil d’Etat ». Aux termes du premier alinéa de l’article R. 5422-1 du même code, qui a remplacé les dispositions différentes de l’article R. 351-1 : « La durée pendant laquelle l’allocation d’assurance est accordée ne peut être inférieure à la durée d’activité du salarié au cours des vingt-huit mois précédant la fin du dernier contrat de travail (…) ».

14. Il résulte de ces dispositions que la collectivité territoriale qui a employé un agent, au cours de la période de vingt-huit mois précédant la fin de son dernier emploi, pendant une durée inférieure à celle qui a été accomplie auprès d’un ou plusieurs autres employeurs affiliés au régime d’assurance ne saurait supporter la charge de l’allocation d’aide au retour à l’emploi qui lui est due. Il n’est pas tenu compte, à cet égard, de la période au cours de laquelle l’intéressé a, le cas échéant, été réintégré à titre rétroactif à la suite de l’annulation de son licenciement par cette collectivité territoriale, si aucune rémunération ou indemnisation ne lui ont été accordées à ce titre.

15. Il résulte de l’instruction qu’avant d’adresser sa demande du 26 octobre 2009, Mme B… avait travaillé pour un employeur affilié au régime d’assurance du 2 juin 2009 au 30 septembre 2009. Il est constant qu’au cours des vingt-huit mois précédant la fin de cet emploi, elle n’a accompli aucune période d’emploi pour le compte de la commune de Brusque. Dès lors, cette dernière ne saurait supporter la charge des allocations d’aide au retour à l’emploi qui étaient alors demandées. Ainsi, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune, Mme B… n’est pas fondée à demander l’annulation du rejet opposé à sa demande sur ce point. Il y a lieu, en conséquence, de rejeter les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte présentées à cet égard.

Sur la demande présentée au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Brusque, le versement à Mme B… d’une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative et au titre de l’ensemble de la procédure. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de Mme B… qui n’est pas, dans la présente instance et pour l’essentiel, la partie perdante.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Les articles 1er et 2 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 13 octobre 2016, ainsi que de l’article 4 en tant qu’il porte sur les droits de Mme B… aux allocations d’aide au retour à l’emploi, de même que les articles 1er à 4 du jugement du 4 juillet 2013 du tribunal administratif de Toulouse, sont annulés.

Article 2 : La décision du 17 janvier 2007 du maire de Brusque est annulée.

Article 3 : Mme B… est renvoyée devant la commune de Brusque pour qu’il soit procédé, dans les trois mois suivant la notification de la présente décision, au calcul et au versement des allocations d’aide au retour à l’emploi qui lui sont dues à la suite de sa demande reçue le 10 janvier 2007, assorties des intérêts au taux légal, conformément aux motifs de la présente décision.

Article 4 : La commune de Brusque versera à Mme B… une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B… et par la commune de Brusque est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme A… B… et à la commune de Brusque.

Le refus du CSA de reconduire, hors appel aux candidatures, l’autorisation d’émettre de « Radio Courtoisie » en se fondant sur l’existence d’une sanction pour des propos à connotation raciste, xénophobe et incitant à la discrimination envers les personnes à raison de leur religion, tenus à plusieurs reprises par M. X, président de l’association, ou par ses invités, alors que l’association a tiré les conséquences de la sanction et pris les mesures pour éviter le renouvellement de faits similaires, n’est pas légal.

CE, 5-6 chr, Association Comité de défense des auditeurs de Radio Solidarité 5 févr. 2020, n° 425747, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 425747
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:425747.20200205
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5e – 6e chambres réunies
M. Alain Seban, rapporteur
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public
SCP LE GRIEL, avocats

Lecture du mercredi 5 février 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

Par un arrêt n°s 18PA01650, 18PA02432 du 22 novembre 2018, la cour administrative d’appel de Paris a transmis au Conseil d’Etat le jugement de deux requêtes présentées devant cette cour par l’association Comité de défense des auditeurs de Radio Solidarité (CDARS).

1° Sous le n° 425747, par une requête et deux mémoires, enregistrés les 15 mai, 19 juillet et 18 septembre 2018 au greffe de la cour administrative d’appel de Paris et par un nouveau mémoire, enregistré le 16 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association CDARS demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite née du silence gardé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur son recours du 18 janvier 2018 contre la décision du comité territorial de l’audiovisuel de Caen du 27 novembre 2017 refusant de déclarer reconductible, hors appel aux candidatures, l’autorisation d’émettre qui lui avait été accordée pour le service de radio dénommé « Radio Courtoisie » pour les zones de Caen, Chartres, Cherbourg, Le Mans et Le Havre ;

2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 425755, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 juillet et 18 septembre 2018 au greffe de la cour administrative d’appel de Paris, l’association CDARS demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 avril 2018 par laquelle le CSA a rejeté son recours contre la décision du comité territorial de l’audiovisuel de Caen du 27 novembre 2017 refusant de déclarer reconductible, hors appel aux candidatures, l’autorisation d’émettre qui lui avait été accordée pour le service de radio dénommé « Radio Courtoisie » pour les zones de Caen, Chartres, Cherbourg, Le Mans et Le Havre ;

2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
– le décret n° 2011-732 du 24 juin 2011 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Alain Seban, conseiller d’Etat,

— les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Le Griel, avocat de l’association Comité de défense des auditeurs de Radio Solidarité.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes de l’association Comité de défense des auditeurs de Radio Solidarité (CDARS) visées ci-dessus présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. L’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit que l’usage des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique est autorisé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). La reconduction de ces autorisations est prévue par l’article 28-1 de la même loi, aux termes duquel :  » I – (…) Les autorisations délivrées en application des articles 29, 29-1, 30 et 30-1 sont reconduites par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, hors appel aux candidatures, dans la limite de deux fois en sus de l’autorisation initiale, et chaque fois pour cinq ans, sauf : / (…) 2° Si une sanction, une astreinte liquidée ou une condamnation dont le titulaire de l’autorisation a fait l’objet sur le fondement de la présente loi (…) est de nature à justifier que cette autorisation ne soit pas reconduite hors appel aux candidatures ; (…) « . Aux termes de l’article 29-3 de cette loi : » Des comités techniques, constitués par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, assurent l’instruction des demandes d’autorisation visées aux articles 29 et 29-1 (…). Ils peuvent statuer, dans des conditions fixées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, sur la reconduction des autorisations délivrées en application des articles 29, 29-1, 30 et 30-1, pour les services à vocation locale, dans les conditions prévues à l’article 28-1 (…) Dans ce cas, le président du comité technique peut signer l’autorisation et la convention y afférente (…) « . Enfin, aux termes de l’article 20 du décret du 24 juin 2011 relatif à ces comités techniques : » Préalablement à l’exercice d’un recours contentieux devant la juridiction administrative compétente, les décisions des comités territoriaux de l’audiovisuel font l’objet d’un recours devant l’assemblée plénière du Conseil supérieur de l’audiovisuel dans le délai de deux mois à compter de leur notification ou de leur publication « .

3. Il ressort des pièces des dossiers que, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, l’association CDARS, qui édite le service radiophonique diffusé par voie hertzienne terrestre en mode analogique dénommé « Radio Courtoisie », a demandé au comité territorial de l’audiovisuel de Caen de renouveler, hors appel aux candidatures, l’autorisation d’émettre dont elle était titulaire pour la zone de Caen, Chartres, Cherbourg, Le Mans et Le Havre, qui arrivait à expiration le 3 décembre 2018. Par une décision du 27 novembre 2017, le comité territorial a rejeté sa demande au motif que l’association avait fait l’objet d’une sanction pécuniaire de 25 000 euros, infligée par le CSA le 4 octobre 2017. L’association a formé le 18 janvier 2018 un recours administratif devant le CSA, qui l’a d’abord rejeté implicitement, puis, explicitement, par une décision du 25 avril 2018 qui reprend le même motif que celui qu’avait retenu le comité territorial de l’audiovisuel. Par une décision du 17 décembre 2018, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux a décidé, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution de cette dernière décision. L’association CDARS demande l’annulation pour excès de pouvoir des deux décisions du CSA.

Sur la requête formée contre la décision implicite du Conseil supérieur de l’audiovisuel :

4. Les conclusions de l’association requérante dirigées contre cette décision, qui est née du silence gardé par le CSA sur le recours dont elle l’a saisi contre la décision du 27 novembre 2017 du comité territorial de l’audiovisuel de Caen, à laquelle elle s’est substituée, doivent être regardées comme dirigées contre la décision expresse du 25 avril 2018 qui s’est elle-même substituée à cette décision tacite.

5. Les deux requêtes de l’association CDARS doivent, par suite, être regardées comme dirigées contre la même décision du 25 avril 2018 du CSA.

Sur la légalité de la décision du 25 avril 2018 :

6. Il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée par le CSA à l’association requérante le 4 octobre 2017, sur l’existence de laquelle celui-ci s’est fondé pour prendre la décision litigieuse, était relative à des propos à connotation raciste, xénophobe et incitant à la discrimination envers les personnes à raison de leur religion, tenus à plusieurs reprises par M. A… B…, alors président de l’association CDARS, ou par ses invités, dans l’émission « Le libre journal d’Henry B… ». Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que les orientations prises, à partir de juillet 2017, par l’association, qui a notamment retiré à M. B… les responsabilités qu’il exerçait en son sein et l’a écarté de l’antenne, manifestent la volonté de la requérante de tirer les conséquences de la sanction qui lui a été infligée et d’éviter le renouvellement de faits similaires à ceux qui l’ont justifiée. Dans ces conditions, le CSA a fait une inexacte application des dispositions citées ci-dessus de l’article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 en se fondant sur l’existence de cette sanction pour refuser de reconduire, hors appel aux candidatures, l’autorisation d’émettre dont l’association était titulaire.

7. Par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, l’association requérante est fondée à demander l’annulation de la décision du 25 avril 2018.

Sur l’exécution de la présente décision :

8. L’exécution de la présente décision implique que le comité territorial de l’audiovisuel de Caen se prononce à nouveau sur la demande présentée par l’association, qui doit, dans l’attente de l’issue de la procédure, être autorisée à émettre sous couvert d’autorisations provisoires, dans le cadre de la convention qu’elle avait conclue au titre de la précédente autorisation. L’autorisation dont bénéficiait l’association CDARS étant, ainsi qu’il a été dit, arrivée à expiration le 3 décembre 2018, ces autorisations provisoires doivent prendre effet à compter de cette date.

9. Par ailleurs, aux termes du II de l’article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 : « Un an avant l’expiration de l’autorisation délivrée en application des articles 29 ou 30, le Conseil supérieur de l’audiovisuel publie sa décision motivée de recourir ou non à la procédure de reconduction hors appel aux candidatures. (…) / Dans l’hypothèse où le Conseil supérieur de l’audiovisuel décide de recourir à la reconduction hors appel aux candidatures, sa décision mentionne, pour les services de communication audiovisuelle autres que radiophoniques, les points principaux de la convention en vigueur qu’il souhaite voir réviser, ainsi que ceux dont le titulaire demande la modification. (…) / A défaut d’accord six mois au moins avant la date d’expiration de l’autorisation délivrée en application des articles 29 ou 30 (…) celle-ci n’est pas reconduite hors appel aux candidatures. Une nouvelle autorisation d’usage de fréquences ne peut être alors délivrée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel que dans les conditions prévues aux articles 29, 29-1, 30 et 30-1. »

10. L’application des dispositions citées ci-dessus impose que si, au terme de l’instruction de la demande de l’association, le comité territorial de l’audiovisuel accepte de recourir à la reconduction hors appel aux candidatures et que soit aucune révision de la convention n’est demandée, soit un accord est trouvé sur sa révision dans un délai de six mois, l’autorisation soit reconduite pour une durée de cinq ans intégrant les périodes pendant lesquelles l’association aura effectivement émis sous couvert d’autorisations provisoires. Dans le cas où une révision de la convention est demandée mais qu’aucun accord n’est trouvé dans les six mois, les autorisations provisoires délivrées à l’association doivent cesser de produire effet au terme de six mois supplémentaires.

11. Si le comité territorial rejette la demande de reconduction hors appel aux candidatures, les autorisations provisoires d’émettre cesseront de produire effet au terme d’un délai d’un an à compter de la notification de cette décision de refus.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du CSA une somme de 3 000 euros à verser à l’association CDARS au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

————–
Article 1er : La décision du CSA du 25 avril 2018 est annulée.

Article 2 : Le CSA versera à l’association CDARS la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’association Comité de défense des auditeurs de Radio Solidarité, au comité territorial de l’audiovisuel de Caen et au Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Copie en sera adressée au ministre de la culture.

Le délai de deux mois imparti au préfet pour déférer un permis de construire court à compter de la date du permis tacite si le préfet a eu connaissance de la confirmation de la demande avant la naissance du permis.

CE, 5-6 chr, SCI de L’Aire et du Cros 5 févr. 2020, n° 426160, Lebon T

Le retrait par l’autorité compétente d’une décision refusant un permis de construire ne rend pas le pétitionnaire titulaire d’un permis de construire tacite. L’autorité administrative doit statuer à nouveau sur la demande, le délai de nature à faire naître une décision tacite ne courant qu’à compter de la confirmation de cette demande par le pétitionnaire.

Dans une telle hypothèse, pour l’application des dispositions de l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), il appartient à la commune d’informer le préfet de la confirmation de sa demande par le pétitionnaire, en lui indiquant sa date de réception.

Le délai de deux mois imparti au préfet par les dispositions de l’article L. 2131-6 du même code court alors, sous réserve que le préfet soit en possession de l’entier dossier de demande, à compter de la date du permis tacite si le préfet a eu connaissance de la confirmation de la demande avant la naissance du permis.

Dans le cas contraire, sous la même réserve que le préfet soit en possession de l’entier dossier de demande, le délai court à compter de la date à laquelle le préfet est informé par la commune de l’existence du permis tacite, soit par la transmission du certificat délivré le cas échéant par le maire en application de l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme, soit par la transmission, postérieurement à la naissance du permis, de la confirmation de sa demande par le pétitionnaire.

Cf., sur cette réserve, CE, 22 octobre 2018, M. de Fondaumière, n° 400779, T. pp. 575-956.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 426160
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:426160.20200205
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5e – 6e chambres réunies
M. Alain Seban, rapporteur
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public
SCP ZRIBI, TEXIER, avocats

Lecture du mercredi 5 février 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Le préfet de l’Hérault a déféré au tribunal administratif de Montpellier la décision du 14 juin 2015 par laquelle le maire de Cazevieille a délivré un permis de construire à la société civile immobilière (SCI) de l’Aire et du Cros. Par un jugement n° 1600056 du 21 septembre 2016, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 16MA03877 du 9 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par la SCI de l’Aire et du Cros contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 décembre 2018 et 11 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la SCI de l’Aire et du Cros demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Alain Seban, conseiller d’Etat,

— les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de la SCI de l’Aire et du Cros.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’après avoir refusé à la SCI de l’Aire et du Cros, le 29 décembre 2014, le permis de construire qu’elle sollicitait, le maire de Cazevieille (Hérault) a retiré, le 7 avril 2015, cette décision de refus. La société ayant renouvelé sa demande de permis le 13 avril 2015, elle a acquis, le 14 juin 2015, un permis de construire tacite, dont le maire lui a délivré certificat le 30 juillet 2015. Le préfet de l’Hérault a déféré ce permis tacite au tribunal administratif de Montpellier, qui l’a annulé par un jugement du 21 septembre 2016. La SCI de l’Aire et du Cros se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 9 octobre 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l’annulation de ce jugement.

2. Aux termes de l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : « Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage (…) ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’Etat dans le département (…) ». Aux termes de l’article L. 2131-6 du même code : « Le représentant de l’Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (…) ». Parmi les actes mentionnés par l’article L. 2131-2 de ce code figure, au 6° : « Le permis de construire et les autres autorisations d’utilisation du sol et le certificat d’urbanisme délivrés par le maire ». Par ailleurs, l’article R. 424-1 du code de l’urbanisme prévoit que, à défaut d’une décision expresse dans le délai d’instruction, le silence gardé par l’autorité compétente vaut permis de construire et l’article L. 424-8 dispose qu’un tel permis tacite est exécutoire à compter de la date à laquelle il est acquis. Enfin, aux termes de l’article R. 423-7 du même code : « Lorsque l’autorité compétente pour délivrer le permis ou pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable est le maire au nom de la commune, celui-ci transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt ».

3. En premier lieu, dans le cas de la délivrance tacite d’un permis de construire, la commune est réputée avoir effectué la transmission prévue par l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales si le maire a, conformément aux dispositions de l’article R. 423-7 du code de l’urbanisme, transmis au préfet l’entier dossier de demande. Le délai dans lequel doit s’exercer le déféré prévu par l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales court alors à compter de la date à laquelle le permis est acquis ou, dans l’hypothèse où la commune ne satisfait à l’obligation de transmission que postérieurement à cette date, à compter de la réception de cette transmission par le préfet.

4. En second lieu, le retrait par l’autorité compétente d’une décision refusant un permis de construire ne rend pas le pétitionnaire titulaire d’un permis de construire tacite. L’autorité administrative doit statuer à nouveau sur la demande, le délai de nature à faire naître une décision tacite ne courant qu’à compter de la confirmation de cette demande par le pétitionnaire. Dans une telle hypothèse, pour l’application des dispositions de l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, il appartient à la commune d’informer le préfet de la confirmation de sa demande par le pétitionnaire, en lui indiquant sa date de réception. Le délai de deux mois imparti au préfet par les dispositions de l’article L. 2131-6 du même code court alors, sous réserve que le préfet soit en possession de l’entier dossier de demande, à compter de la date du permis tacite si le préfet a eu connaissance de la confirmation de la demande avant la naissance du permis. Dans le cas contraire, sous la même réserve que le préfet soit en possession de l’entier dossier de demande, le délai court à compter de la date à laquelle le préfet est informé par la commune de l’existence du permis tacite, soit par la transmission du certificat délivré le cas échéant par le maire en application de l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme, soit par la transmission, postérieurement à la naissance du permis, de la confirmation de sa demande par le pétitionnaire.

5. Par suite, en jugeant que, dès lors que le préfet de l’Hérault n’avait pas eu connaissance de l’existence de la confirmation de sa demande par la SCI de l’Aire et du Cros avant le 14 juin 2015, date de naissance du permis tacite en litige, le délai dont il disposait pour déférer ce permis avait commencé à courir, non le 14 juin 2015 mais à la date, postérieure, à laquelle il avait eu pour la première fois communication de la confirmation de la demande de la société, la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit.

6. En revanche, en se fondant sur ce que, tant en première instance que devant elle, la commune avait reconnu n’avoir communiqué au préfet de l’Hérault cette confirmation de la demande de la société que le 24 août 2015, alors qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que ces indications ne figuraient pas dans les mémoires de la commune, la cour a entaché son arrêt de dénaturation. La SCI de l’Aire et du Cros est par suite fondée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société requérante au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 9 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Marseille.

Article 3 : L’Etat versera à la SCI de l’Aire et du Cros une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SCI de l’Aire et du Cros, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Cazevieille.

Illégalité du refus de déréférencement lorsque les données ne présentent pas un intérêt prépondérant pour le public.

CE, ch. réunies, 6 déc. 2019, n° 409212, Lebon T

Article vers lequel renvoie l’un des deux liens restant en litige qui se borne à proposer un résumé du roman du requérant, publié en 2009 et ayant alors fait l’objet d’une couverture médiatique. L’article en cause comporte un certain nombre de données à caractère personnel concernant l’auteur de cet ouvrage autobiographique qui sont toutes extraites de ce livre et dont aucune ne relève de catégories particulières.

Eu égard à la nature et au contenu des données à caractère personnel figurant sur ce site, à leur source ainsi qu’au fait que leur accessibilité procède de l’activité littéraire du requérant et compte tenu de l’intérêt qui s’attache, pour le public, à pouvoir accéder aux recensions de livres publiés à partir d’une recherche portant sur le nom de leur auteur, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a pu légalement estimer que l’intérêt prépondérant du public à avoir accès à ces informations à partir d’une recherche effectuée sur le nom de l’intéressé faisait obstacle, en dépit de leur ancienneté et du fait que l’ouvrage n’est désormais plus édité, à ce qu’il soit fait droit à la demande du requérant.

Site vers lequel renvoie le second des deux liens restant en litige comportant une fiche descriptive du livre écrit par le requérant, faisant état d’un certain nombre de données à caractère personnel le concernant, dont certaines conduisent à révéler son orientation sexuelle. Dès lors que les informations relatives à son orientation sexuelle sont issues du roman à caractère autobiographique qu’il a publié, les données en cause doivent être regardées comme ayant été manifestement rendues publiques par le requérant.

Eu égard à la nature et au contenu des données à caractère personnel figurant sur ce site, au fait que le requérant n’exerce plus d’activités littéraires et que le roman dont elles proviennent n’est aujourd’hui plus édité et compte tenu des répercussions qu’est susceptible d’avoir pour l’intéressé le maintien des liens permettant d’y avoir accès à partir d’une recherche effectuée sur son nom, la CNIL n’a pu légalement estimer, alors même que les informations litigieuses avaient été manifestement rendues publiques par l’intéressé en 2009, que le référencement du lien permettant d’y avoir accès à partir d’une recherche effectuée sur le nom du requérant présentait un intérêt prépondérant pour le public, alors que, par ailleurs, les pages des résultats d’une telle recherche comportaient des liens menant vers des informations faisant état du roman en cause.

Cf., sur la méthode d’appréciation applicable, CE, 6 décembre 2019, Mme X., n° 395335, à publier au Recueil.

Rappr. CE, 6 décembre 2019, Mme X., n°s 403868 403869, à mentionner aux Tables ; CE, 6 décembre 2019, M. X., n° 405910, à mentionner aux Tables.

Rappr. CE, 6 décembre 2019, M. X., n° 393769, à mentionner aux Tables.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 409212
ECLI:FR:CEORD:2019:409212.20191206
Mentionné aux tables du recueil Lebon

M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats

Lecture du vendredi 6 décembre 2019

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 24 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a clôturé sa plainte aux fins de déréférencement de plusieurs liens obtenus sur la base d’une recherche effectuée à partir de son nom sur le moteur de recherche exploité par la société Google, qui lui a été notifiée par un courrier du 9 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
– le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;
– la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
– l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 13 mai 2014, Google Spain SL, Google Inc. contre Agencia Espanola de Proteccion de Datos, Mario Costeja Gonzalez (C-131/12) ;
– l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 24 septembre 2019, GC, AF, BH et ED contre CNIL (C-136/17) ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,

— les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Google LLC ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 novembre 2019, présentée par la CNIL ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. A… a demandé à la société Google de procéder au déréférencement de plusieurs liens vers lesquels renvoyaient des photographies apparaissant dans les résultats affichés par l’onglet « images » du moteur de recherche qu’elle exploite à la suite d’une recherche portant sur son nom. A la suite du refus opposé par la société Google, il a saisi la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) d’une plainte tendant à ce qu’il soit enjoint à cette société de procéder au déréférencement des liens en cause. Par un courrier du 9 mars 2017, la présidente de la CNIL a l’informé de la clôture de sa plainte. M. A… demande l’annulation pour excès de pouvoir du refus de la CNIL de mettre en demeure la société Google de procéder au déréférencement demandé.

Sur l’office du juge de l’excès de pouvoir :

2. L’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir du refus de la CNIL de mettre en demeure l’exploitant d’un moteur de recherche de procéder au déréférencement de liens vers des pages web réside dans l’obligation, que le juge peut prescrire d’office en vertu des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, pour la CNIL de procéder à une telle mise en demeure afin que disparaissent de la liste de résultats affichée à la suite d’une recherche les liens en cause.

3. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que lorsqu’il est saisi de conclusions aux fins d’annulation du refus de la CNIL de mettre en demeure l’exploitant d’un moteur de recherche de procéder au déréférencement de liens, le juge de l’excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité d’un tel refus au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

4. En second lieu, dans l’hypothèse où il apparaît que les liens litigieux ont été déréférencés à la date à laquelle il statue, soit à la seule initiative de l’exploitant du moteur de recherche, soit pour la mise en oeuvre d’une mise en demeure, le juge de l’excès de pouvoir doit constater que le litige porté devant lui a perdu son objet.

Sur le cadre juridique du litige :

5. L’article 51 de la loi du 6 janvier 1978 dispose, dans sa rédaction applicable à la date de la présente décision, que : « Le droit à l’effacement s’exerce dans les conditions prévues à l’article 17 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ».

6. Aux termes de l’article 17 du règlement 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, dit règlement général sur la protection des données :  » 1. La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données à caractère personnel dans les meilleurs délais, lorsque l’un des motifs suivants s’applique : / a) les données à caractère personnel ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées d’une autre manière ; / b) la personne concernée retire le consentement sur lequel est fondé le traitement, conformément à l’article 6, paragraphe 1, point a), ou à l’article 9, paragraphe 2, point a), et il n’existe pas d’autre fondement juridique au traitement ; / c) la personne concernée s’oppose au traitement en vertu de l’article 21, paragraphe 1, et il n’existe pas de motif légitime impérieux pour le traitement, ou la personne concernée s’oppose au traitement en vertu de l’article 21, paragraphe 2 ; / d) les données à caractère personnel ont fait l’objet d’un traitement illicite ; / e) les données à caractère personnel doivent être effacées pour respecter une obligation légale qui est prévue par le droit de l’Union ou par le droit de l’État membre auquel le responsable du traitement est soumis ; f) les données à caractère personnel ont été collectées dans le cadre de l’offre de services de la société de l’information visée à l’article 8, paragraphe 1. […] 3. Les paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas dans la mesure où ce traitement est nécessaire : / a) à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information […] « .

7. Par son arrêt du 24 septembre 2019 GC, AF, BH et ED contre CNIL (C-136/17), la Cour de justice de l’Union européenne a, en réponse aux questions que lui avait posées le Conseil d’Etat dans sa décision avant-dire-droit du 24 février 2017, précisé qu’elle examinerait ces questions « sous l’angle de la directive 95/46, en tenant, toutefois, également compte du règlement 2016/679 dans son analyse de celles-ci, afin d’assurer que ses réponses seront, en toute hypothèse, utiles pour la juridiction de renvoi ».

En ce qui concerne le « droit au déréférencement » de données à caractère personnel ne relevant pas de catégories particulières :

8. Ainsi que la Cour l’a relevé dans l’arrêt cité ci-dessus : « Dans le cadre du règlement 2016/679, le législateur de l’Union européenne a prévu, à l’article 17 de ce règlement, une disposition qui régit spécifiquement le » droit à l’effacement « , également dénommé à cet article, » droit à l’oubli « . Dans le même arrêt, la Cour de justice a précisé que : » En application de cet article 17, paragraphe 1, la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données dans les meilleurs délais, lorsque l’un des motifs énumérés par cette disposition s’applique. Au titre de ces motifs, ladite disposition mentionne le fait que les données ne sont plus nécessaires au regard des finalités du traitement, que la personne concernée retire le consentement sur lequel est fondé le traitement et qu’il n’existe pas d’autre fondement juridique pour celui-ci, que la personne concernée s’oppose au traitement en vertu de l’article 21, paragraphe 1 ou 2, du règlement 2016/679, qui remplace l’article 14 de la directive 95/46, que les données ont fait l’objet d’un traitement illicite, qu’elles doivent être effacées pour respecter une obligation légale ou qu’elles ont été collectées dans le cadre de l’offre de services de la société de l’information aux enfants « . Elle a également relevé que : » L’article 17, paragraphe 3, du règlement 2016/679 précise que l’article 17, paragraphe 1, de ce règlement ne s’applique pas dans la mesure où le traitement en cause est nécessaire pour l’un des motifs énumérés à cette première disposition. Parmi ces motifs, figure, à l’article 17, paragraphe 3, sous a), dudit règlement, l’exercice du droit relatif, notamment, à la liberté d’information « . La Cour a précisé que : » La circonstance que l’article 17, paragraphe 3, sous a), du règlement 2016/679 prévoit désormais expressément que le droit à l’effacement de la personne concernée est exclu lorsque le traitement est nécessaire à l’exercice du droit relatif, notamment, à la liberté d’information, garantie par l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, constitue une expression du fait que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu, mais doit, ainsi que le souligne le considérant 4 de ce règlement, être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité « . Elle a également précisé que : » Le règlement 2016/679, et notamment son article 17, paragraphe 3, sous a), consacre ainsi explicitement l’exigence d’une mise en balance entre, d’une part, les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, consacrés par les articles 7 et 8 de la Charte, et, d’autre part, le droit fondamental à la liberté d’information, garanti par l’article 11 de la Charte « .

9. Par ailleurs, par son arrêt du 13 mai 2014 Google Spain SL, Google Inc. contre Agencia Espanola de Proteccion de Datos, Mario Costeja Gonzalez (C-131/12), la Cour a dit pour droit que : « Les articles 12, sous b), et 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre de l’appréciation des conditions d’application de ces dispositions, il convient notamment d’examiner si la personne concernée a un droit à ce que l’information en question relative à sa personne ne soit plus, au stade actuel, liée à son nom par une liste de résultats affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir de son nom, sans pour autant que la constatation d’un tel droit présuppose que l’inclusion de l’information en question dans cette liste cause un préjudice à cette personne. Cette dernière pouvant, eu égard à ses droits fondamentaux au titre des articles 7 et 8 de la Charte, demander que l’information en question ne soit plus mise à la disposition du grand public du fait de son inclusion dans une telle liste de résultats, ces droits prévalent, en principe, non seulement sur l’intérêt économique de l’exploitant du moteur de recherche, mais également sur l’intérêt de ce public à accéder à ladite information lors d’une recherche portant sur le nom de cette personne. Cependant, tel ne serait pas le cas s’il apparaissait, pour des raisons particulières, telles que le rôle joué par ladite personne dans la vie publique, que l’ingérence dans ses droits fondamentaux est justifiée par l’intérêt prépondérant dudit public à avoir, du fait de cette inclusion, accès à l’information en question ».

10. Il découle de ce qui a été dit aux points précédents qu’il appartient en principe à la CNIL, saisie par une personne d’une demande tendant à ce qu’elle mette l’exploitant d’un moteur de recherche en demeure de procéder au déréférencement de liens renvoyant vers des pages web publiées par des tiers et contenant des données personnelles ne relevant pas de catégories particulières la concernant, d’y faire droit. Toutefois, il revient à la CNIL d’apprécier, compte tenu du droit à la liberté d’information, s’il existe un intérêt prépondérant du public à avoir accès à une telle information à partir d’une recherche portant sur le nom de cette personne de nature à faire obstacle au droit au déréférencement. Pour procéder ainsi à une mise en balance entre le droit au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel et le droit à la liberté d’information et apprécier s’il peut être légalement fait échec au droit au déréférencement, il lui incombe de tenir notamment compte, d’une part, de la nature des données en cause, de leur contenu, de leur caractère plus ou moins objectif, de leur exactitude, de leur source, des conditions et de la date de leur mise en ligne et des répercussions que leur référencement est susceptible d’avoir pour la personne concernée et, d’autre part, de la notoriété de cette personne, de son rôle dans la vie publique et de sa fonction dans la société. Il lui incombe également de prendre en compte la possibilité d’accéder aux mêmes informations à partir d’une recherche portant sur des mots-clés ne mentionnant pas le nom de la personne concernée ainsi que le rôle qu’a, le cas échéant, joué cette dernière dans la publicité conférée aux données la concernant.

En ce qui concerne le « droit au déréférencement » de données à caractère personnel relevant de catégories particulières :

11. L’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 dispose, dans sa rédaction applicable à la date de la présente décision, que : « I.- Il est interdit de traiter des données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne physique ou de traiter des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique. / II.- Les exceptions à l’interdiction mentionnée au I sont fixées dans les conditions prévues par le 2 de l’article 9 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 et par la présente loi ». Ces dispositions assurent la mise en oeuvre en droit national de celles de l’article 9 du règlement général sur la protection des données, lesquelles ont abrogé et remplacé celles de l’article 8 paragraphe 1 de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995.

12. Aux termes de l’article 9 du règlement général sur la protection des données :  » 1. Le traitement des données à caractère personnel qui révèle l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale, ainsi que le traitement des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique sont interdits. / 2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas si l’une des conditions suivantes est remplie : / a) la personne concernée a donné son consentement explicite au traitement de ces données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques, sauf lorsque le droit de l’Union ou le droit de l’État membre prévoit que l’interdiction visée au paragraphe 1 ne peut pas être levée par la personne concernée ; […] / e) le traitement porte sur des données à caractère personnel qui sont manifestement rendues publiques par la personne concernée ; […] / g) le traitement est nécessaire pour des motifs d’intérêt public important, sur la base du droit de l’Union ou du droit d’un État membre qui doit être proportionné à l’objectif poursuivi, respecter l’essence du droit à la protection des données et prévoir des mesures appropriées et spécifiques pour la sauvegarde des droits fondamentaux et des intérêts de la personne concernée […]  » .

13. Par l’arrêt déjà cité du 24 septembre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que : « 1) Les dispositions de l’article 8, paragraphes 1 et 5, de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, doivent être interprétées en ce sens que l’interdiction ou les restrictions relatives au traitement des catégories particulières de données à caractère personnel, visées par ces dispositions, s’appliquent, sous réserve des exceptions prévues par cette directive, également à l’exploitant d’un moteur de recherche dans le cadre de ses responsabilités, de ses compétences et de ses possibilités en tant que responsable du traitement effectué lors de l’activité de ce moteur, à l’occasion d’une vérification opérée par cet exploitant, sous le contrôle des autorités nationales compétentes, à la suite d’une demande introduite par la personne concernée ». Elle a également dit pour droit que : « 2) Les dispositions de l’article 8, paragraphes 1 et 5, de la directive 95/46 doivent être interprétées en ce sens que, en vertu de celles-ci, l’exploitant d’un moteur de recherche est en principe obligé, sous réserve des exceptions prévues par cette directive, de faire droit aux demandes de déréférencement portant sur des liens menant vers des pages web sur lesquelles figurent des données à caractère personnel qui relèvent des catégories particulières visées par ces dispositions. / L’article 8, paragraphe 2, sous e), de la directive 95/46 doit être interprété en ce sens que, en application de celui-ci, un tel exploitant peut refuser de faire droit à une demande de déréférencement lorsqu’il constate que les liens en cause mènent vers des contenus comportant des données à caractère personnel qui relèvent des catégories particulières visées à cet article 8, paragraphe 1, mais dont le traitement est couvert par l’exception prévue audit article 8, paragraphe 2, sous e), à condition que ce traitement réponde à l’ensemble des autres conditions de licéité posées par cette directive et à moins que la personne concernée n’ait, en vertu de l’article 14, premier alinéa, sous a), de ladite directive, le droit de s’opposer audit traitement pour des raisons prépondérantes et légitimes tenant à sa situation particulière. / Les dispositions de la directive 95/46 doivent être interprétées en ce sens que, lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche est saisi d’une demande de déréférencement portant sur un lien vers une page web sur laquelle des données à caractère personnel relevant des catégories particulières visées à l’article 8, paragraphe 1 ou 5, de cette directive sont publiées, cet exploitant doit, sur la base de tous les éléments pertinents du cas d’espèce et compte tenu de la gravité de l’ingérence dans les droits fondamentaux de la personne concernée au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, vérifier, au titre des motifs d’intérêt public important visés à l’article 8, paragraphe 4, de ladite directive et dans le respect des conditions prévues à cette dernière disposition, si l’inclusion de ce lien dans la liste de résultats, qui est affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom de cette personne, s’avère strictement nécessaire pour protéger la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à cette page web au moyen d’une telle recherche, consacrée à l’article 11 de cette charte ».

14. Il découle de ce qui a été dit ci-dessus que lorsque des liens mènent vers des pages web contenant des données à caractère personnel relevant des catégories particulières visées à l’article 8 paragraphe 1 de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, abrogé et remplacé par l’article 9 du règlement général sur la protection des données du 27 avril 2016, l’ingérence dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel de la personne concernée est susceptible d’être particulièrement grave en raison de la sensibilité de ces données. Il s’ensuit qu’il appartient en principe à la CNIL, saisie par une personne d’une demande tendant à ce qu’elle mette l’exploitant d’un moteur de recherche en demeure de procéder au déréférencement de liens renvoyant vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des données personnelles relevant de catégories particulières la concernant, de faire droit à cette demande. Il n’en va autrement que s’il apparaît, compte tenu du droit à la liberté d’information, que l’accès à une telle information à partir d’une recherche portant sur le nom de cette personne est strictement nécessaire à l’information du public. Pour apprécier s’il peut être légalement fait échec au droit au déréférencement au motif que l’accès à des données à caractère personnel relevant de catégories particulières à partir d’une recherche portant sur le nom de la personne concernée est strictement nécessaire à l’information du public, il incombe à la CNIL de tenir notamment compte, d’une part, de la nature des données en cause, de leur contenu, de leur caractère plus ou moins objectif, de leur exactitude, de leur source, des conditions et de la date de leur mise en ligne et des répercussions que leur référencement est susceptible d’avoir pour la personne concernée et, d’autre part, de la notoriété de cette personne, de son rôle dans la vie publique et de sa fonction dans la société. Il lui incombe également de prendre en compte la possibilité d’accéder aux mêmes informations à partir d’une recherche portant sur des mots-clés ne mentionnant pas le nom de la personne concernée.

15. Dans l’hypothèse particulière où les données litigieuses ont manifestement été rendues publiques par la personne qu’elles concernent, il appartient à la CNIL de procéder ainsi qu’il a été dit au point 10 ci-dessus afin d’apprécier s’il existe ou non un intérêt prépondérant du public de nature à faire obstacle au droit au déréférencement, une telle circonstance n’empêchant pas l’intéressé de faire valoir, à l’appui de sa demande de déréférencement, des « raisons tenant à sa situation particulière », ainsi que l’a relevé la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt précité du 24 septembre 2019.

Sur l’objet et la recevabilité de la requête :

16. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les liens renvoyant vers les sites « culturez-vous.over-blog.com » et « wrath.typepad.com » n’apparaissent plus, à la date de la présente décision, dans la liste des résultats affichée par le moteur de recherche exploité par la société Google à la suite d’une recherche portant sur le nom du requérant, vers lesquels renvoyaient deux photographies dont celui-ci avait demandé à la CNIL d’ordonner le déréférencement. Il s’ensuit que les conclusions de la requête de M. A… ont, dans cette mesure, perdu leur objet et qu’il n’y a, dès lors, pas lieu d’y statuer.

17. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant n’a demandé à la CNIL d’ordonner à la société Google de procéder au déréférencement ni du lien vers lequel renvoyait une photographie le représentant tenant une pancarte sur laquelle est inscrite la mention « prix de l’Académie Française » ni de celui vers lequel renvoyait la photographie issue du blog « http://karveelt-in-wonderland.over-blog.com » et dont un aperçu apparait sous l’onglet « images » du moteur de recherche Google à la suite d’une recherche portant sur son nom. Il s’ensuit que la requête de M. A… en tant qu’elle porte sur ces deux liens est irrecevable.

18. En revanche et en dernier lieu, si la CNIL soutient que le litige a perdu son objet en tant qu’il porte sur deux liens renvoyant vers les sites « booknode.com » et « babelio.com » dès lors qu’ils n’apparaissent plus dans les résultats affichés par l’onglet « images » du moteur de recherche exploité par la société Google, il ressort des pièces du dossier que ces liens sont encore accessibles sur l’onglet principal du moteur de recherche à partir d’une recherche portant sur le nom de M. A…. Il s’ensuit que la requête conserve son objet en tant qu’elle porte sur ces deux liens.

Sur la légalité de la décision en tant qu’elle porte sur des liens menant vers des pages web contenant des données ne relevant pas de catégories particulières :

19. Il ressort des pièces du dossier que l’article du site BookNode vers lequel renvoie l’un des deux liens restant en litige se borne à proposer un résumé du roman du requérant intitulé Y, publié en 2009 et ayant alors fait l’objet d’une couverture médiatique. L’article en cause comporte un certain nombre de données à caractère personnel concernant l’auteur de cet ouvrage autobiographique qui sont toutes extraites de ce livre et dont aucune ne relève de catégories particulières.

20. Eu égard à la nature et au contenu des données à caractère personnel figurant sur le site BookNode, à leur source ainsi qu’au fait que leur accessibilité procède de l’activité littéraire de M. A… et compte tenu de l’intérêt qui s’attache, pour le public, à pouvoir accéder aux recensions de livres publiés à partir d’une recherche portant sur le nom de leurs auteurs, la CNIL a pu légalement estimer que l’intérêt prépondérant du public à avoir accès à ces informations à partir d’une recherche effectuée sur le nom de l’intéressé faisait obstacle, en dépit de leur ancienneté et du fait que l’ouvrage n’est désormais plus édité, à ce qu’il soit fait droit à la demande de M. A….

Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu’elle porte sur des liens menant vers des pages web contenant des données relevant de catégories particulières :

21. Il ressort des pièces du dossier que le site « Babelio » vers lequel renvoie le second des deux liens restant en litige comporte une fiche descriptive du livre Y, faisant état d’un certain nombre de données à caractère personnel concernant le requérant, dont certaines conduisent à révéler son orientation sexuelle. Dès lors que les informations relatives à son orientation sexuelle sont issues du roman à caractère autobiographique qu’il a publié, les données en cause doivent être regardées comme ayant été manifestement rendues publiques par M. A….

22. Eu égard à la nature et au contenu des données à caractère personnel figurant sur le site « Babelio », au fait que le requérant n’exerce plus d’activités littéraires et que le roman dont elles proviennent n’est aujourd’hui plus édité et compte tenu des répercussions qu’est susceptible d’avoir pour l’intéressé le maintien des liens permettant d’y avoir accès à partir d’une recherche effectuée sur son nom, la CNIL n’a pu légalement estimer, alors même que les informations litigieuses avaient été manifestement rendues publiques par l’intéressé en 2009, que le référencement du lien permettant d’y avoir accès à partir d’une recherche effectuée sur le nom de M. A… présentait un intérêt prépondérant pour le public, alors que, par ailleurs, les pages des résultats d’une telle recherche comportaient des liens menant vers des informations faisant état du roman en cause.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… est seulement fondé à demander l’annulation de la décision du 9 mars 2017 en tant qu’elle porte sur le lien renvoyant vers le site « Babelio ».

D E C I D E :
————–

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A… dirigées contre la décision de la CNIL en tant qu’elle porte sur les liens renvoyant vers les sites « culturez-vous.over-blog.com » et « wrath.typepad.com ».

Article 2 : La décision de la CNIL du 9 mars 2017 est annulée en tant qu’elle porte sur le lien menant vers le site « Babelio ».

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A… est rejeté.

Article 4: La présente décision sera notifiée à M. A…, à la Commission nationale de l’informatique et des libertés et à la société Google.

Le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles l’exigence d’autonomie de l’autorité environnementale est respectée lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région compétent pour délivrer l’avis environnemental

CE, 6-5 chr, Association « Des évêques aux cordeliers » et autres 5 févr. 2020, n° 425451, Lebon T

Article 6 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 imposant que, dans le cas où l’autorité publique compétente pour autoriser un projet est en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l’entité administrative concernée dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.

Article R. 122-6 du code de l’environnement, dans sa version issue du décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011, prévoyant qu’à l’exception des cas qu’il énumère, le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé est l’autorité compétente en matière d’environnement.

Lorsque le préfet de région est l’autorité compétente pour autoriser le projet, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, si la mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), définie par le décret n° 2015-1229 du 2 octobre 2015 et les articles R. 122-21 et R. 122-25 du code de l’environnement, peut être regardée comme disposant, à son égard, d’une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental dans des conditions répondant aux exigences résultant de la directive, il n’en va pas de même des services placés sous son autorité hiérarchique, comme en particulier la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

Lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l’avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu’autorité environnementale doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d’une autonomie réelle répondant aux exigences de l’article 6 de la directive, sauf dans le cas où c’est le même service qui a, à la fois, instruit la demande d’autorisation et préparé l’avis de l’autorité environnementale.

En particulier, les exigences de la directive, tenant à ce que l’entité administrative appelée à rendre l’avis environnemental sur le projet dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la DREAL et que l’avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins que l’avis n’ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l’article R. 122-21 du code de l’environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.

Cf. CE, 6 décembre 2017, Association France Nature Environnement, n° 400559, T. pp. 499-691. Rappr., s’agissant de l’évaluation des plans et programmes prévue par la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001, CJUE, 20 octobre 2011, Department of the Environment for Northern Ireland contre Seaport (NI) Ltd et autres, aff. C-474/10, Rec. p. I-10227.

Cf., sur les conditions dans lesquelles l’exigence d’autonomie est dans ce cas respectée, CE, 20 septembre 2019, Ministre de la transition écologique et solidaire c/ Association  » Sauvons le paradis  » et autres, n° 428274, à mentionner aux Tables.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 425451
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:425451.20200205
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6e – 5e chambres réunies
Mme Carine Chevrier, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats

Lecture du mercredi 5 février 2020REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

L’association « Des évêques aux cordeliers », la société civile d’exploitation agricole et forestière M… de Becourt, M. A… I…, M. C… F…, M. L… G…, Mme E… G…, M. D… H…, M. C… B…, Mme J… B… et M. K… M… ont demandé au tribunal administratif de Besançon d’annuler l’arrêté du 16 octobre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Saône a délivré à la société Eole-Res une autorisation d’exploiter dix éoliennes sur les territoires des communes d’Andelarre, Baignes, Mont-le-Vernois et Rosey. Par un jugement no 1500635 du 23 mai 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17NC01857 du 4 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel formé par l’association « Des évêques aux cordeliers » et autres contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 novembre 2018, le 11 février et le 23 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association « Des évêques aux cordeliers », la société civile d’exploitation agricole et forestière M… de Becourt, M. F…, M. et Mme G…, M. H…, M. et Mme B… et M. M… demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société Res la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
– le code de l’environnement ;
– l’arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Carine Chevrier, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l’association « Des évêques aux cordeliers » et autres et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Res ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 janvier 2020, présentée par la ministre de la transition écologique et solidaire ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 janvier 2020, présentée par la société Res ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet de la Haute-Saône, par un arrêté du 16 octobre 2014, a autorisé la société Eole Res, devenue Res, à exploiter un parc de dix éoliennes sur les territoires des communes d’Andelarre, Baignes, Mont-le-Vernois et Rosey. Le tribunal administratif de Besançon, par un jugement du 23 mai 2017, a rejeté la demande de l’association « Des évêques aux cordeliers » et autres tendant à l’annulation de cette autorisation d’exploiter. Par un arrêt du 4 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté leur appel contre ce jugement.

2. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d’ouvrage et sur la demande d’autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d’une manière générale ou au cas par cas. (…) ». L’article L. 122-1 du code de l’environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l’espèce, que : « I. – Les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine sont précédés d’une étude d’impact. (…) / III. – Dans le cas d’un projet relevant des catégories d’opérations soumises à étude d’impact, le dossier présentant le projet, comprenant l’étude d’impact et la demande d’autorisation, est transmis pour avis à l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement. (…). / IV.- La décision de l’autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage à réaliser le projet prend en considération l’étude d’impact, l’avis de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement et le résultat de la consultation du public (…) ». En vertu du III de l’article R. 122-6 du même code, dans sa version issue du décret du 29 décembre 2011 portant réforme des études d’impact des projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagement, applicable au litige, l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement mentionnée à l’article L. 122-1, lorsqu’elle n’est ni le ministre chargé de l’environnement, dans les cas prévus au I de cet article, ni la formation compétente du Conseil général de l’environnement et du développement durable, dans les cas prévus au II de ce même article, est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d’ouvrage ou d’aménagement doit être réalisé.

3. L’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 a pour objet de garantir qu’une autorité compétente et objective en matière d’environnement soit en mesure de rendre un avis sur l’évaluation environnementale des projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l’interprétation de l’article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l’Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l’affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l’entité administrative concernée dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.

4. Lorsque le préfet de région est l’autorité compétente pour autoriser le projet, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, si la mission régionale d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable, définie par le décret du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l’environnement et du développement durable et les articles R. 122-21 et R. 122-25 du code de l’environnement, peut être regardée comme disposant, à son égard, d’une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental dans des conditions répondant aux exigences résultant de la directive, il n’en va pas de même des services placés sous son autorité hiérarchique, comme en particulier la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

5. Lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l’avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu’autorité environnementale doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d’une autonomie réelle répondant aux exigences de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011, sauf dans le cas où c’est le même service qui a, à la fois, instruit la demande d’autorisation et préparé l’avis de l’autorité environnementale. En particulier, les exigences de la directive, tenant à ce que l’entité administrative appelée à rendre l’avis environnemental sur le projet dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et que l’avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins que l’avis n’ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l’article R. 122-21 du code de l’environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.

6. Par suite, en jugeant que, par principe, il avait été répondu aux exigences de la directive dès lors que l’avis de l’autorité environnementale avait été émis par le préfet de région et que la décision attaquée avait été prise par le préfet de département, alors qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que la même unité territoriale de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Franche-Comté avait à la fois instruit la demande d’autorisation et préparé l’avis de l’autorité environnementale, la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’une erreur de droit. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l’association « Des évêques aux cordeliers » et autres sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser aux requérants au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’association « Des évêques aux cordeliers » et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 4 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Nancy.

Article 3 : L’Etat versera à l’association « Des évêques aux cordeliers » et autres la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par la société Res sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’association « Des évêques aux cordeliers », première dénommée pour l’ensemble des requérants, à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Res.

Les propriétaires de terres agricoles n’ont qualité leur donnant intérêt à agir contre l’arrêté préfectoral autorisant l’exploitation de terres à un tiers qu’en tant qu’il autorise l’exploitation par ce tiers des terres dont ils sont propriétaires.

CE, 5-6 chr, 5 févr. 2020, n° 419790, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 419790
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:419790.20200205
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5e – 6e chambres réunies
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats

Lecture du mercredi 5 février 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B… D…, Mme H… D… et M. E… G… ont demandé au tribunal administratif d’Amiens d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 28 mars 2010 par lequel le préfet de l’Oise a accordé à M. I… F… l’autorisation d’exploiter des terres d’une surface de 171 hectares et 25 centiares situées sur le territoire des communes de Nanteuil-le-Haudoin, Rouville, Baron, Levignen, Russy-Bemont et Cuvergnon dans le département de l’Oise et sur le territoire des communes de Dammarie, La Bourdinière Saint-Loup et Fresnay-le-Conte dans le département de l’Eure-et-Loir. Par un jugement n° 1001506 du 29 mai 2012, le tribunal administratif d’Amiens a annulé l’arrêté attaqué.

Par un arrêt n° 12DA01168 du 3 octobre 2013, la cour administrative d’appel de Douai a, sur appel de M. F…, annulé ce jugement en tant qu’il annule l’arrêté du 28 mars 2010 en tant qu’il porte sur « 115 hectares 28 ares 82 centiares » situés dans le département de l’Oise et rejeté le surplus de la requête.

Par une décision n° 373816 du 20 novembre 2015, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux a, sur pourvoi de M. F…, annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel.

Par un arrêt n° 15DA01850 du 6 février 2018, la cour administrative d’appel, statuant sur renvoi du Conseil d’Etat, a annulé le jugement du 29 mai 2012 en tant qu’il annule l’arrêté du 28 mars 2010 en tant qu’il autorise l’exploitation des terres situées dans le département de l’Oise et rejeté le surplus de la requête de M. F….

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 avril et 10 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. F… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme D… et de M. G… la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. F… et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme D… et de M. G….

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à l’espèce : « Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : / 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu’il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures (…) / 5° Les agrandissements ou réunions d’exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l’exploitation du demandeur est supérieure à un maximum fixé par le schéma directeur départemental des structures, sans que ce maximum puisse être inférieur à cinq kilomètres (…)  ». Aux termes de l’article L. 331-3 du même code, dans sa rédaction applicable : « L’autorité administrative se prononce sur la demande d’autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l’objet de la demande. Elle doit notamment (…) / 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées (…) par rapport au siège de l’exploitation (…) ».

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 28 mars 2010 pris après consultation du préfet d’Eure-et-Loir, le préfet de l’Oise a délivré à M. F…, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, une autorisation d’exploiter des terres d’une superficie d’environ cent soixante et onze hectares, réparties entre ces deux départements. Par un jugement du 29 mai 2012, le tribunal administratif d’Amiens a, à la demande de M. et Mme D… et de M. G…, propriétaires d’une partie de ces terres, annulé cet arrêté dans sa totalité. Par un arrêt du 6 février 2018, la cour administrative d’appel de Douai a, sur appel de M. F…, annulé ce jugement en tant qu’il annule l’autorisation d’exploiter les terres situées dans le département de l’Oise.

3. M. F… se pourvoit en cassation contre cet arrêt du 6 février 2018 en tant qu’il annule l’autorisation d’exploiter les terres situées dans le département d’Eure-et-Loir.

Sur la recevabilité des conclusions de première instance :

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme D… et M. G… sont propriétaires d’environ cinquante-cinq hectares de terres agricoles dans le département d’Eure-et-Loir, qui constituent une partie seulement des soixante-neuf hectares et cinquante ares de terres agricoles que le préfet de l’Oise a, par l’arrêté litigieux du 28 mars 2010, autorisé M. F… à exploiter dans ce département. Ils n’avaient, par suite, d’intérêt leur donnant qualité à agir contre l’arrêté litigieux qu’en tant qu’il autorisait l’exploitation par M. F… des terres dont ils étaient propriétaires.

5. M. F… est, par suite, fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque en tant qu’il rejette sa requête dirigée contre le jugement du 29 mai 2012 du tribunal administratif d’Amiens en ce qu’il fait droit aux conclusions de M. et Mme D… et de M. G… dirigées contre l’arrêté litigieux en ce qu’il concerne les terres dont ces derniers ne sont pas propriétaires.

Sur le surplus des conclusions du pourvoi :

6. En premier lieu, il résulte des dispositions du I de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction applicable à l’espèce, que les critères qu’elles fixent pour déterminer celles des opérations qui sont soumises à autorisation administrative préalable s’appliquent indépendamment de ceux, prévus par l’article L. 331-3 du même code, au vu desquels le préfet se prononce sur les demandes d’autorisation qui lui sont soumises. Ainsi, en jugeant que le critère prévu au 7° de ce dernier article, qui impose au préfet de « prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées (…) par rapport au siège de l’exploitation », était applicable à l’opération litigieuse, alors même qu’elle ne relevait pas de celles qui sont soumises à autorisation en application du critère de distance fixé par le 5° de l’article L. 331-2, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.

7. En second lieu, en estimant que la distance de cent soixante kilomètres entre le siège de l’exploitation de M. F…, situé dans l’Oise, et les terres d’Eure-et-Loir dont il sollicitait l’exploitation était excessive et constituait un obstacle à une mise en valeur rationnelle, directe et personnelle des terres, la cour a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, qui, en dépit de la nature de la culture envisagée et des pratiques des anciens preneurs, est exempte de dénaturation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai doit être annulé en tant seulement qu’il rejette l’appel formé par M. F… contre le jugement du 29 mai 2012 du tribunal administratif d’Amiens en ce qu’il annule l’arrêté préfectoral du 28 mars 2010 en tant qu’il concerne les parcelles, d’une superficie de 13 ha 53 a 82 ca, situées en Eure-et-Loir et n’appartenant pas à M. et Mme D… ou à M. G….

9. Aux termes du second alinéa de l’article L. 821-2 du code de justice administrative : « Lorsque l’affaire fait l’objet d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat statue définitivement sur cette affaire ». Le Conseil d’Etat étant saisi, en l’espèce, d’un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l’affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée.

10. Ainsi qu’il a été dit ci-dessus, M. et Mme D… et Mme G… ne justifient pas, en leur qualité de propriétaires de terres agricoles, d’un intérêt à agir contre l’arrêté du 28 mars 2010 en tant qu’il autorise M. F… à exploiter des terres dont ils ne sont pas propriétaires. Par suite, M. F… est fondé à demander l’annulation du jugement du 29 mai 2012 du tribunal administratif d’Amiens en ce qu’il annule l’arrêté préfectoral du 28 mars 2010 en tant qu’il concerne les terres situées en Eure-et-Loir n’appartenant pas à M. et Mme D… ou à M. G….

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. D…, de Mme D… et de M. G… la somme de 1 000 euros chacun à verser à M. F… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n’y a pas lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier la somme demandée au même titre par M. et Mme D… et M. G….

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt du 6 février 2018 de la cour administrative d’appel de Douai est annulé en tant qu’il rejette les conclusions d’appel de M. F… dirigées contre le jugement du 29 mai 2012 du tribunal administratif d’Amiens en ce qu’il annule l’arrêté du 28 mars 2010 du préfet de l’Oise en tant qu’il concerne la partie des terres situées en Eure-et-Loir, d’une contenance de 13 ha 53 a 82 ca, n’appartenant pas à M. et Mme D… ou à M. G….

Article 2 : Le jugement du 29 mai 2012 du tribunal administratif d’Amiens est annulé en ce qu’il annule l’arrêté du 28 mars 2010 du préfet de l’Oise en tant qu’il concerne la partie des terres situées en Eure-et-Loir, d’une superficie de 13 ha 53 a 82 ca, n’appartenant pas à M. et Mme D… ou à M. G….

Article 3 : M. D…, Mme D… et M. G… verseront, chacun, une somme de 1 000 euros à M. F… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par M. et Mme D… et M. G… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. I… F…, à M. A… D…, à Mme C… D… et à M. E… G….
Copie en sera adressée au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Lorsqu’il examine une demande d’admission exceptionnelle au séjour en qualité de « salarié » ou « travailleur temporaire », il appartient au préfet, après avoir vérifié le respect des conditions objectives fixées par l’article L. 313-15 du CESEDA, de porter une appréciation globale sur la situation de l’intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française

CE, 2-7 chr, 11 déc. 2019, n° 424336, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 424336
ECLI:FR:CECHR:2019:424336.20191211
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2e – 7e chambres réunies
Mme Stéphanie Vera, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
SCP JEAN-PHILIPPE CASTON, avocats

Lecture du mercredi 11 décembre 2019REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler les décisions du préfet du Rhône du 23 mars 2017 lui refusant la délivrance d’un titre de séjour, l’obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d’office.

Par un jugement n° 1704406 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 18LY00959 du 18 juin 2018, le président de la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par M. A… contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 19 septembre et 12 décembre 2018 et 19 juillet 2019, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à ses conclusions d’appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Jean-Philippe Caston, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
– le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. A… ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A…, ressortissant guinéen, né le 6 septembre 1998, est entré en France le 7 septembre 2014. Le 7 octobre 2016, il a sollicité la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par un arrêté du 23 mars 2017, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, assorti d’une décision l’obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays de renvoi. M. A… se pourvoit contre l’ordonnance du 18 juin 2018, par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Lyon, s’appropriant les motifs du jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 décembre 2017, a rejeté l’appel de M. A… dirigé contre ce jugement.

Sur les conclusions aux fins de non-lieu présentées par le ministre de l’intérieur :

2. Il ressort des écritures en défense du ministre qu’a été délivré le 12 décembre 2018 à M. A… un récépissé valant autorisation provisoire de séjour dans l’attente de l’instruction de sa demande, valable jusqu’au 11 juin 2019 et renouvelé le 17 juin 2019 pour une période allant jusqu’au 16 septembre 2019. Cette décision a eu pour effet d’abroger l’arrêté litigieux du 23 mars 2017 en tant qu’il lui faisait obligation de quitter le territoire français et en tant qu’il fixait le pays de destination. Par suite, les conclusions du pourvoi de M. A… dirigées contre l’ordonnance en tant qu’elle tend à l’annulation de cet arrêté en tant qu’il lui fait obligation de quitter le territoire français et qu’il fixe le pays de destination sont devenues sans objet. Il n’y a, dès lors, pas lieu d’y statuer.

Sur le surplus des conclusions de M. A… :

3. Aux termes de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l’article L. 313-10 portant la mention »salarié« ou la mention »travailleur temporaire« peut être délivrée, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l’article L. 313-2 n’est pas exigé ».

4. Lorsqu’il examine une demande d’admission exceptionnelle au séjour en qualité de « salarié » ou « travailleur temporaire », présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d’abord que l’étranger est dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu’il a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et dix-huit ans, qu’il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l’ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l’intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste dans l’appréciation ainsi portée.

5. Pour estimer que le préfet avait pu rejeter la demande de titre de séjour de M. A…, le président de la cour administrative d’appel de Lyon a, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, relevé que si M. A…, pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance du Rhône à l’âge de 16 ans et un mois et inscrit au sein de la Société lyonnaise pour l’enfance et l’adolescence en atelier pâtisserie à compter du 1er juillet 2015 avait fait l’objet d’appréciations élogieuses de la part de ses enseignants, il n’établissait pas, malgré le décès de ses parents, être isolé dans son pays d’origine. En statuant ainsi pour caractériser l’absence d’erreur manifeste d’appréciation commise par le préfet, la cour a fait du critère de l’isolement familial un critère prépondérant pour l’octroi du titre de séjour mentionné à l’article L. 313-15 précité, alors, d’une part, que les dispositions de cet article n’exigent pas que le demandeur soit isolé dans son pays d’origine et, d’autre part, que la délivrance du titre doit procéder, ainsi qu’il a été dit au point 4, d’une appréciation globale sur la situation de la personne concernée au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, des liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur son insertion dans la société française. Elle a par suite commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A… est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance du président de la cour administrative d’appel de Lyon en tant qu’elle porte sur le refus de titre de séjour opposé à sa demande.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond dans cette mesure en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que M. A… est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué dont la cour administrative d’appel s’était appropriée les motifs, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de la décision par laquelle le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour.

9. Il en résulte également qu’en refusant de délivrer à M. A… le titre mentionné à l’article L. 313-15 au motif que celui-ci ne justifiait pas ne pas avoir conservé de liens familiaux dans son pays d’origine, le préfet du Rhône a commis une erreur de droit. Par suite, M. A… est fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 23 mars 2017.

10. Il y a lieu d’enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer la demande de M. A… dans un délai d’un mois.

11. M. A… ayant obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. A…, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de M. A… tendant à l’annulation de l’arrêté du Préfet du Rhône du 23 mars 2017 en tant qu’il lui fait obligation de quitter le territoire français et qu’il fixe le pays de destination.

Article 2 : L’ordonnance du 18 juin 2018 du président de la cour administrative d’appel de Lyon, le jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 décembre 2017 et l’arrêté du préfet du Rhône du 23 mars 2017 sont annulés en tant qu’ils sont relatifs au refus de titre de séjour opposé à la demande de M. A…

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la demande de M. A… dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L’Etat versera à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. A…, la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B… A…, au ministre de l’intérieur et au préfet du Rhône.