Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 20/05/2022, 448794, Inédit au recueil Lebon

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) Les Greniers de Sophie a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge, d’une part, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2010 à 2012 et des pénalités correspondantes et, d’autre part, des droits de taxe sur les véhicules de tourisme utilisés par les sociétés qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1601528, 1601529 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.

Par un arrêt nos 18BX02959, 18BX02960 du 17 novembre 2020, la cour administrative d’appel de Bordeaux a partiellement déchargé la SCI Les Greniers de Sophie du montant des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos de 2010 à 2012, réformé le jugement précité en ce qu’il avait de contraire et rejeté le surplus des conclusions de la société.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 janvier, 19 avril et 21 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la SCI Les Greniers de Sophie demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt en tant qu’il lui est défavorable ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire entièrement droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le décret n° 2009-707 du 16 juin 2009 ;
– l’arrêté du 21 mars 2006 portant réorganisation des postes comptables de la direction générale des impôts ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. A… B… de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la SCI Les Greniers de Sophie ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière (SCI) Les Greniers de Sophie, qui a pour objet l’acquisition, la gestion et l’administration de biens immobiliers et qui a opté pour l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration l’a assujettie, selon la procédure de taxation d’office en l’absence de dépôt des déclarations requises, à des cotisations d’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2010 à 2012 et à des droits de taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012. La société a demandé la décharge de ces impositions au tribunal administratif de Pau, qui a rejeté ses demandes par un jugement du 24 mai 2018. Par un arrêt du 17 novembre 2020, la cour administrative d’appel de Bordeaux l’a partiellement déchargée du montant des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos de 2010 à 2012 et rejeté le surplus de ses conclusions. La SCI se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu’il n’a pas fait entièrement droit à son appel.

Sur l’arrêt en tant qu’il porte sur la régularité de la procédure d’imposition :

En ce qui concerne la compétence du vérificateur :

2. D’une part, aux termes de l’article 350 terdecies de l’annexe III au code général des impôts :  » I. Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l’annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d’imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. / (…) II. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l’égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personne de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu’à l’égard des personnes ou groupements qui, en l’absence d’obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés ou qui y ont leur résidence principale, leur siège ou leur principal établissement « . Aux termes du IV de l’article 38 de la même annexe:  » Les déclarations et les documents qui y sont joints doivent être remis en double exemplaire au service des impôts du siège de la direction de l’entreprise ou, à défaut, du lieu du principal établissement. / (…) ». En vertu du I de l’article 406 bis de la même annexe, la déclaration prévue à l’article 1010 du code général des impôts, en matière de taxe sur les véhicules de tourisme utilisés par les sociétés, est déposée  » au service des impôts du lieu où doit être établie la déclaration de résultats de l’entreprise « .

3. Après avoir relevé, en premier lieu, que la gérante de la société requérante depuis 2008 ainsi que son principal associé étaient domiciliés dans les Pyrénées-Atlantiques, en deuxième lieu, que les immeubles qu’elle détient, les agences bancaires hébergeant ses comptes, ses établissements prêteurs ainsi que son cabinet comptable sont situés dans ce même département, et en troisième lieu, que la société y exerce l’ensemble de son activité commerciale et y signe tous ses contrats, la cour a pu, sans dénaturer les pièces du dossier ni commettre d’erreur de droit, en déduire que la société avait dans ce département, même si son siège social n’y était pas situé, son principal lieu d’établissement. Dès lors, en outre, qu’il n’était pas contesté que la brigade de vérification qui a opéré le contrôle était compétente pour l’ensemble du département des Pyrénées-Atlantiques, elle a pu en déduire, sans avoir à déterminer au sein de celui-ci la commune où était situé le principal lieu d’établissement de la société, que les agents de cette brigade étaient territorialement compétents pour procéder aux contrôles et notifier les impositions correspondantes.

En ce qui concerne la compétence du comptable public :

4. D’une part, aux termes de l’article 218 A du code général des impôts :  » 1. L’impôt sur les sociétés est établi au lieu du principal établissement de la personne morale. / Toutefois, l’administration peut désigner comme lieu d’imposition : / soit celui où est assurée la direction effective de la société ; / soit celui de son siège social. / (…) « . Aux termes de l’article L. 256 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige :  » Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n’a pas été effectué à la date d’exigibilité. / (…) / L’avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l’autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l’autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent. / (…) « . Aux termes de l’article L. 257 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige :  » Les avis de mises en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires (…), sous l’autorité et la responsabilité du comptable public compétent, par les agents du service ayant reçu délégation « . Aux termes de l’article R. 256-8 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige :  » Le comptable mentionné aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article L. 256 est le comptable de la direction générale des finances publiques (…). / Le comptable public compétent pour établir l’avis de mise en recouvrement est soit celui du lieu de déclaration ou d’imposition du redevable, soit, dans le cas où ce lieu a été ou aurait dû être modifié, celui compétent à l’issue de ce changement, même si les sommes dues se rapportent à la période antérieure à ce changement. / (…) « .

5. D’autre part, aux termes de l’article 1er du décret du 16 juin 2009 relatif aux services déconcentrés de la direction générale des finances publiques :  » Les services déconcentrés de la direction générale des finances publiques sont constitués des directions départementales des finances publiques, des directions régionales des finances publiques, des directions spécialisées des finances publiques et des directions locales des finances publiques. « . Aux termes de l’article 2 de ce décret :  » Les directions départementales des finances publiques assurent la mise en œuvre, dans le ressort territorial du département, sans préjudice des compétences dévolues à d’autres services déconcentrés et services à compétence nationale de la direction générale des finances publiques, des missions dévolues à cette direction générale en ce qui concerne notamment : / 1° L’assiette et le contrôle des impôts, droits, cotisations et taxes de toute nature et ceux d’autres recettes publiques ; / 2° Le recouvrement des impôts, droits, cotisations et taxes de toute nature et celui d’autres recettes publiques (…) « . Aux termes de l’article 7 de ce décret :  » Les directions mentionnées à l’article 1er comprennent des services et des postes comptables, notamment des services des impôts des particuliers et des pôles de recouvrement spécialisé, dont la liste, les attributions, l’organisation et, en tant que de besoin et pour ce qui concerne les missions liées au recouvrement de l’impôt des particuliers, à la publicité foncière et à la gestion financière et comptable des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, le ressort territorial sont fixés par arrêté du ministre chargé du budget « . En vertu de l’article 2 de l’arrêté du 21 mars 2006 portant réorganisation des postes comptables de la direction générale des impôts, ceux d’entre eux qui étaient jusqu’alors appelée  » recettes des impôts  » ont pris la dénomination de  » services des impôts des entreprises « .

6. Il résulte des dispositions précitées que le chef du service comptable d’un service des impôts des entreprises (SIE), ainsi que ceux de ses agents à qui une délégation a été donnée, sont compétents, dans les limites du ressort territorial de ce service, pour signer les avis de mise en recouvrement prévus par l’article L. 256 du livre des procédures fiscales.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la gérante de la société requérante depuis 2008 est domiciliée à Lescar, commune située dans le ressort territorial du SIE de Pau, tandis que l’avis de mise en recouvrement du 27 mars 2014 qui a mis les impositions litigieuses à la charge de la société requérante a été signé par le chef du service comptable du SIE de Biarritz, dont le ressort territorial est distinct. Pour écarter le moyen tiré de l’incompétence territoriale de ce signataire, la cour, après avoir relevé que le précédent gérant, toujours actionnaire majoritaire de la société, résidait à Biarritz, s’est fondée sur l’unique motif tiré de ce que le changement de gérant n’avait pas ôté au comptable public, territorialement compétent auparavant, sa compétence pour établir l’avis de mise en recouvrement. Alors qu’un tel motif ne correspond à aucun des critères posés par les dispositions citées au point 4, la cour a, ce faisant, commis une erreur de droit.

8. Toutefois, aux termes de l’article L. 206 du livre des procédures fiscales :  » En ce qui concerne l’impôt sur le revenu et les taxes assimilées et l’impôt sur les sociétés, les contestations relatives au lieu d’imposition ne peuvent, en aucun cas, entraîner l’annulation de l’imposition « . Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires, qu’elles font obstacle à ce que le contribuable obtienne la décharge de l’une des impositions qu’elle mentionne au seul motif que l’avis de mise en recouvrement qui l’a établie aurait été signé par une autorité territorialement incompétente.

9. Il y a lieu, ainsi que le soutient le ministre, de substituer, pour ce qui est des cotisations litigieuses en matière d’impôt sur les sociétés, ce motif de pur droit, au motif précité de l’arrêt attaqué dont il justifie le dispositif sur ce point. Par suite, sont, dans cette mesure, inopérants à l’encontre de ces cotisations les moyens tirés de ce que la cour aurait entaché son arrêt d’une contradiction de motifs, insuffisamment motivé son arrêt, dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit en jugeant que le comptable public du service des impôts des entreprises de Biarritz était territorialement compétent pour établir l’avis de mise en recouvrement en litige.

Sur l’arrêt en tant qu’il porte sur le bien-fondé des suppléments d’impôt sur les sociétés :

10. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juge du fond que, contrairement à ce que soutient le ministre en défense, la société requérante a produit pour la première fois en appel, dans son mémoire enregistré le 27 septembre 2020, un contrat de prêt conclu le 10 juillet 2003 avec la société Expanso, pour un montant de 1 270 000 euros. Par suite, en estimant que, s’agissant de ce prêt, la SCI s’était bornée à produire des tableaux d’amortissement et un récapitulatif bancaire de décomptes d’intérêts, la cour a dénaturé les pièces du dossier.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Les Greniers de Sophie n’est fondée à demander l’arrêt qu’elle attaque qu’en tant qu’il statue sur les droits de taxe sur les véhicules de tourisme utilisés par les sociétés, ainsi que, s’agissant des cotisations d’impôt sur les sociétés, sur les charges relatives à l’emprunt de 1 270 000 euros.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme 3 000 euros à verser à la SCI Les Greniers de Sophie au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt du 17 novembre 2020 de la cour administrative d’appel de Bordeaux est annulé en tant qu’il statue sur les droits de taxe sur les véhicules de tourisme utilisés par les sociétés ainsi que, s’agissant des cotisations d’impôt sur les sociétés, sur les charges relatives à l’emprunt de 1 270 000 euros consenti par la société Expanso.
Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Bordeaux.
Article 3 : L’Etat versera à la SCI Les Greniers de Sophie la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Les Greniers de Sophie et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l’issue de la séance du 20 avril 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Frédéric Aladjidi, M. Bertrand Dacosta, présidents de chambre ; Mme Anne Egerszegi, M. Thomas Andrieu, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. François Weil, conseillers d’Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 20 mai 2022.

La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Martin de Lagarde
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam

ECLI:FR:CECHR:2022:448794.20220520

Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 20/05/2022, 446817

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

La société Trade Invest a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2010 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1805481 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19VE04079 du 22 septembre 2020, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la société Trade Invest contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 novembre 2020, 23 février 2021 et 25 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Trade Invest demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel – Rameix – Gury – Maître, avocat de la société Trade Invest ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Trade Invest, qui exerce son activité dans le secteur de la fabrication, de la commercialisation et de la vente d’articles de mode, a obtenu, par une décision du 3 mars 2011, la restitution d’un crédit d’impôt pour dépenses de recherche d’un montant de 500 000 euros au titre de l’année 2010. Après une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a remis en cause ce crédit d’impôt par une proposition de rectification du 21 janvier 2013 et a notifié en conséquence à la société une cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2010, qu’elle a assortie d’une majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses. Par un jugement du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge de ces impositions. La société Trade Invest se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 22 septembre 2020 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.

Sur la vérification de comptabilité :

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 52 du livre des procédures fiscales :  » I.- Sous peine de nullité de l’imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s’étendre sur une durée supérieure à trois mois (…) / II.- Par dérogation au I, l’expiration du délai de trois mois n’est pas opposable à l’administration : (…) / 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s’étendre sur une durée supérieure à six mois. (…) « .

3. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la société Trade Invest soutenait en appel que la durée de vérification de comptabilité menée à son encontre avait excédé le délai de six mois prévu par le 4° du II de l’article L. 52 du livre des procédures fiscales au motif que les éléments ultérieurement recueillis par l’administration dans le cadre des opérations qu’elle avait diligentées au cours de la vérification de la comptabilité d’un de ses prestataires auraient permis le recoupement d’informations contenues dans sa propre comptabilité, ce qui avait eu pour effet de prolonger la vérification dont elle avait fait l’objet.

4. Toutefois, l’exploitation, à l’issue de la vérification de comptabilité d’un contribuable, d’éléments recueillis à l’occasion de la vérification de comptabilité d’un tiers est sans incidence pour apprécier, au regard des dispositions de l’article L. 52 du livre des procédures fiscales, la durée de la première de ces vérifications de comptabilité. Ce motif, qui justifie le rejet du moyen soulevé devant la cour et dont l’examen n’implique aucune appréciation supplémentaire des circonstances de fait, doit être substitué au motif inopérant retenu par l’arrêt attaqué tiré de ce qu’en l’espèce, les éléments obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité du tiers se bornaient à confirmer ceux recueillis à l’occasion de la vérification de comptabilité de la société requérante. Les moyens de dénaturation et d’erreur de droit dirigés contre le motif substitué doivent, par suite, être écartés.

5. En deuxième lieu, en indiquant que, compte tenu du caractère non probant de la comptabilité présentée, l’administration disposait du délai de six mois, prévu par le 4° du II de l’article L. 52 du livre des procédures fiscales, à partir du 4 novembre 2011, soit jusqu’au 4 mai 2012, pour mener à bien ses opérations de vérification, la cour a implicitement mais nécessairement écarté le moyen tiré de ce que les visites et saisies domiciliaires du 19 avril 2012 dans les locaux de la société Trade Invest avaient été effectuées au-delà du délai de trois mois prévu par le I de l’article L. 52. Par suite, la société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir, pour la première fois en cassation, de la circonstance que le vérificateur n’aurait restitué les documents saisis que le 13 juin 2012, soit au-delà du délai de six mois, n’est pas fondée à soutenir que la cour aurait insuffisamment motivé son arrêt sur ce point.

6. En troisième et dernier lieu, il ressort de la proposition de rectification du 21 janvier 2013, qui figure parmi les pièces du dossier soumis aux juges du fond, que la rectification en litige n’est fondée sur aucun des documents qui auraient été saisis lors des visites et saisies domiciliaires du 19 avril 2012 dans les locaux de la société Trade Invest, de sa gérante et d’un de ses prestataires. Par suite, la société requérante ne peut utilement soutenir que la cour aurait omis de se prononcer sur le moyen tiré de l’absence de débat oral et contradictoire en ce qui concerne ces documents. Doit également être écarté, pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit au regard des dispositions de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales et des droits de la défense en jugeant qu’un tel débat avait eu lieu.

Sur les dépenses présentées au titre du crédit impôt recherche :

7. Aux termes de l’article 244 quater B du code général des impôts :  » I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies , 44 duodecies, 44 terdecies et 44 quaterdecies peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche qu’elles exposent au cours de l’année. Le taux du crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d’euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. / Le taux de 30 % mentionné au premier alinéa est porté à 50 % et 40 % au titre respectivement de la première et de la deuxième année qui suivent l’expiration d’une période de cinq années consécutives au titre desquelles l’entreprise n’a pas bénéficié du crédit d’impôt et à condition qu’il n’existe aucun lien de dépendance au sens du 12 de l’article 39 entre cette entreprise et une autre entreprise ayant bénéficié du crédit d’impôt au cours de la même période de cinq années. (…) « .

8. Après avoir relevé que l’administration avait constaté que les relations unissant la société requérante avec ses prestataires étaient définies par des stipulations contractuelles imprécises et dont il n’était pas démontré qu’elles avaient été effectivement exécutées, que rien n’établissait que les vingt prototypes présentés dans le cadre des opérations de contrôle avaient effectivement été confectionnés par ces prestataires, que le droit de visite exercé par l’administration dans les locaux de la société avait révélé qu’aucun document justificatif de son activité ne s’y trouvait, que le bureau de style sollicité ne disposait pas des moyens humains pour réaliser l’ensemble des modèles commandés par ses différents clients et que la société avait déclaré un chiffre d’affaires de seulement 3 000 euros environ au titre des exercices clos en 2010 et 2011, la cour a pu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, estimer que l’administration fiscale établissait que les factures établies par le bureau de style, au demeurant non détaillées et jamais acquittées, fondant la demande de restitution du crédit d’impôt-recherche en litige, présentaient un caractère fictif.

Sur les pénalités :

9. Le moyen contestant le bien-fondé des pénalités, soulevé par voie de conséquence des autres moyens, ne peut qu’être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions du pourvoi de la société Trade Invest doivent être rejetées, y compris celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi de la société Trade Invest est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Trade Invest et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l’issue de la séance du 20 avril 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Frédéric Aladjidi, M. Bertrand Dacosta, présidents de chambre ; Mme Anne Egerszegi, M. Thomas Andrieu, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. François Weil, conseillers d’Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 20 mai 2022.

La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam

ECLI:FR:CECHR:2022:446817.20220520

Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 20/05/2022, 444451

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

La société Planet a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des retenues à la source mises à sa charge au titre des années 2011 à 2014. Par un jugement n°s 1605447, 1605448, 1705980 du 18 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 18MA04302 du 15 juillet 2020, la cour administrative d’appel de Marseille a fait droit à l’appel du ministre de l’action et des comptes publics contre ce jugement et remis à la charge de la société Planet les sommes en litige.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 septembre et 15 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Planet demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la convention du 30 novembre 1979 entre la France et la Nouvelle-Zélande en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. A… de Sainte Lorette, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament – Robillot, avocat de la société Planet ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Planet, qui exerce une activité de distribution de programmes sportifs à destination de clubs de fitness, a été assujettie à des rappels de retenue à la source à raison de sommes qualifiées de redevances versées aux sociétés Les Mills Belgium SPRL et Les Mills Euromed Limited, établies respectivement en Belgique et à Malte, au titre des exercices clos de 2011 à 2014 en contrepartie de la sous-distribution de programmes collectifs de fitness élaborés par la société Les Mills International LTD, établie en Nouvelle-Zélande. La société Planet se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 15 juillet 2020 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a, sur appel du ministre de l’action et des comptes publics, annulé le jugement du 18 mai 2018 du tribunal administratif de Marseille en tant qu’il l’avait déchargée de ces rappels et rétabli ces impositions.

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions peut, en vertu de l’article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition. Par suite, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une telle convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie et, dans l’affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer – en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s’agissant de déterminer le champ d’application de la loi, d’office – si cette convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale.

3. Aux termes de l’article 12 de la convention du 30 novembre 1979 entre la France et la Nouvelle-Zélande en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu :  » 1. Les redevances provenant d’un Etat et payées à un résident de l’autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, ces redevances sont aussi imposables dans l’Etat d’où elles proviennent et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les redevances en est le bénéficiaire effectif l’impôt ainsi établi ne peut excéder 10 p. cent du montant brut des redevances. / 3. Le terme  » redevances  » employé dans le présent article désigne les rémunérations de toute nature payées pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur une œuvre littéraire, artistique ou scientifique, y compris les films cinématographiques et les œuvres enregistrées pour la radiodiffusion ou la télévision, d’un brevet, d’une marque de fabrique ou de commerce, d’un dessin ou d’un modèle, d’un plan, d’une formule ou d’un procédé secrets, ainsi que pour l’usage ou la concession de l’usage d’un équipement industriel, commercial ou scientifique et pour des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique « . Eu égard à leur objet, et telles qu’elles sont éclairées par les commentaires formulés par le comité fiscal de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) sur l’article 12 de la convention-modèle établie par cette organisation publiés le 11 avril 1977, et ainsi d’ailleurs qu’il résulte des mêmes commentaires publiés respectivement les 23 octobre 1997, 28 janvier 2003 et 15 juillet 2014 et en dernier lieu le 21 novembre 2017, les stipulations du 2 de l’article 12 de la convention fiscale franco-néo-zélandaise sont applicables aux redevances de source française dont le bénéficiaire effectif réside en Nouvelle-Zélande, quand bien même elles auraient été versées à un intermédiaire établi dans un Etat tiers.

4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour rechercher si les sommes en cause étaient constitutives de redevances, la cour a examiné la qualification des sommes versées par la société Planet à la société belge Les Mills Belgium SPRL en 2011 ainsi qu’à la société maltaise Les Mills Euromed Limited de 2012 à 2014, au regard des stipulations de la seule convention fiscale franco-néo-zélandaise du 30 novembre 1979. En se bornant, pour juger que cette convention était applicable au litige, à relever que l’administration fiscale soutenait que la société néo-zélandaise Les Mills International LTD devait, en application d’un contrat d’agence signé le 2 décembre 1998 entre cette société et la société Planet, être regardée comme la bénéficiaire effective des sommes en litige versées par la société française aux sociétés belge et maltaise, sans se prononcer elle-même sur sa qualité de bénéficiaire effectif desdites sommes pour les quatre années en litige, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la société Planet est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Planet au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt du 15 juillet 2020 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : L’Etat versera à la société Planet la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Planet et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l’issue de la séance du 20 avril 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme Anne Egerszegi, M. Thomas Andrieu, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. François Weil, conseillers d’Etat et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 20 mai 2022.

La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Matias de Sainte Lorette
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam

ECLI:FR:CECHR:2022:444451.20220520

Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 20/05/2022, 437810

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 437810, la commune du Grau-du-Roi a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à sa charge à raison des installations du port de plaisance de Port-Camargue au titre des années 2015 et 2016. Par un jugement n° 1703667 du 22 novembre 2019, ce tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés le 21 janvier 2020, le 24 août 2020, le 18 octobre 2021 et le 13 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune du Grau-du-Roi demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code général des impôts ;
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code des transports ;
– la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, notamment son article 37 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d’Etat,

– les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la commune du Grau-du-Roi ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 avril 2022, présentée par la commune du Grau-du-Roi ;

Considérant ce qui suit :

1. Les deux pourvois, qui concernent les mêmes biens et la même imposition, présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune du Grau-du-Roi est la gestionnaire des installations du port de plaisance de Port-Camargue, mis à sa disposition par l’Etat aux termes d’un arrêté préfectoral du 4 janvier 1984. Le port de plaisance de Port-Camargue se compose d’une partie ouverte au public ainsi que de propriétés privées appelées « marinas ». Des postes d’amarrage sont disponibles dans les deux parties du port. La commune est assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des installations du port. Par un jugement du 22 novembre 2019, le tribunal administratif a rejeté la demande de la commune de décharge totale des impositions au titre des années 2015 et de 2016 et, par un jugement du 2 juillet 2020, sa demande identique relative aux impositions au titre de l’année 2017. La commune se pourvoit en cassation contre ces deux jugements.

3. Aux termes de l’article 1380 du code général des impôts :  » La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l’exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code « . Aux termes de l’article 1400 du même code :  » Sous réserve des dispositions des articles 1403 et 1404, toute propriété, bâtie ou non bâtie, doit être imposée au nom du propriétaire actuel « . Aux termes de l’article 1501 du même code, qui figure à la section de ce code relative aux règles d’évaluation de la valeur locative des biens imposables aux impositions communales :  » (…) III. – La valeur locative des postes d’amarrage dans les ports de plaisance à la date de la révision est fixée selon le tarif suivant : 110 € pour les ports maritimes de la Méditerranée ; 80 € pour les autres ports maritimes ; 55 € pour les ports non maritimes. / Pour chaque port, ce tarif peut être, après avis des commissions communales et intercommunales des impôts directs prévues aux articles 1650 et 1650 A, minoré ou majoré de 20 % ou 40 % en fonction du nombre de services et d’équipements offerts, pondéré par la capacité moyenne d’accueil d’un poste d’amarrage. Les modalités d’application de cette modulation sont fixées par décret en Conseil d’Etat. « 

4. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l’article 37 de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 dont sont issues les dispositions citées au III de l’article 1501 du code général des impôts, que le législateur a entendu que la valeur locative de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle sont assujetties les installations des ports de plaisance situées sur le domaine public maritime soit établie en fonction du seul nombre de postes d’amarrage du port, multiplié par un tarif déterminé selon la situation géographique du port de plaisance concerné et les services et équipements qu’il offre aux usagers.

5. Il résulte de ce qui précède que c’est sans erreur de droit ni dénaturation que le tribunal administratif, qui ne s’est pas mépris sur la nature des installations assujetties, a jugé inopérants les moyens soulevés par la commune du Grau-du-Roi et tirés de ce que certains postes d’amarrage ne seraient pas des propriétés bâties ou ne seraient pas une propriété publique. Les pourvois de la commune doivent par suite être rejetés, y compris leurs conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–
Article 1er : Les pourvois de la commune du Grau-du-Roi sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune du Grau-du-Roi et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l’issue de la séance du 20 avril 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme Anne Egerszegi, M. Thomas Andrieu, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. François Weil, conseillers d’Etat et M. Vincent Mazauric, conseiller d’Etat-rapporteur.

Rendu le 20 mai 2022.

La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Vincent Mazauric
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam

ECLI:FR:CECHR:2022:437810.20220520

Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 20/05/2022, 441999

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

M. D… C… a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2011. Par un jugement n° 1600511 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Pau a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 18BX01248 du 20 mai 2020, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur appel du ministre des finances et des comptes publics, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. C… devant le tribunal administratif de Pau.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 juillet et 20 octobre 2020 et le 3 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. C… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. A… B… de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. C… ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par acte du 31 décembre 2011, la société civile professionnelle Mendiharat, Marot, Moyen, C…, Hau, Lalou-Collet a cédé l’intégralité des droits corporels et incorporels de son cabinet médical. A la suite de la vérification de comptabilité de cette société et du contrôle sur pièces dont M. C… a fait l’objet en sa qualité d’associé, l’administration fiscale a assujetti ce dernier à des suppléments d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l’année 2011. Par un jugement du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Pau a prononcé la décharge de ces impositions, faute pour l’administration d’avoir permis à M. C… de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. M. C… se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 20 mai 2020 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur appel du ministre de l’action et des comptes publics, annulé ce jugement et rejeté sa demande.

2. Il ressort des pièces de la procédure d’appel que la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de Pau sans statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. C… à l’appel du ministre de l’action et des comptes publics. Par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

4. Aux termes de l’article L. 59 du livre des procédures fiscales :  » Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l’administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires (…) « . Aux termes de l’article L. 59 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige :  » La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d’affaires, déterminé selon un mode réel d’imposition (…) II. – Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d’être pris en compte pour l’examen de cette question de droit (…) « .

5. Il résulte de l’instruction que, dans les observations qu’il a adressées à l’administration à la suite de la proposition de rectification qui lui avait été notifiée, M. C… s’interrogeait notamment sur la méthode de valorisation des parts sociales qu’il détenait dans la société civile professionnelle mise en œuvre par le vérificateur pour la détermination de la plus-value ou moins-value résultant du transfert de celles-ci dans son patrimoine privé, à la suite de la cessation de son activité. La réponse du vérificateur sur ce point était susceptible, à ce stade de la procédure, de donner lieu à des questions de fait au sens des dispositions du premier alinéa du II de l’article L. 59 A du livre des procédures fiscales citées au point 4 et entrant donc dans le champ de compétence de la commission départementale des impôts directs. Par suite, en rayant, dans sa réponse aux observations du contribuable, la mention pré-imprimée relative à la faculté de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs, l’administration fiscale a privé M. C… de la garantie prévue par l’article L. 59 du livre des procédures fiscales, entachant de ce fait d’irrégularité la procédure d’imposition suivie à son égard.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. C… à la requête d’appel et de se prononcer sur les autres moyens qu’elle soulève, le ministre n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a déchargé M. C… des suppléments d’impôts en litige.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, pour l’ensemble de la procédure, la somme de 4 500 euros à verser à M. C…, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt du 20 mai 2020 de la cour administrative d’appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Le recours présenté par le ministre de l’économie, des finances et de la relance devant la cour administrative d’appel de Bordeaux est rejeté.
Article 3 : L’Etat versera à M. C… la somme de 4 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. D… C… et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l’issue de la séance du 20 avril 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Frédéric Aladjidi, M. Bertrand Dacosta, présidents de chambre ; Mme Anne Egerszegi, M. Thomas Andrieu, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. François Weil, conseillers d’Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 20 mai 2022.

La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Martin de Lagarde
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam

ECLI:FR:CECHR:2022:441999.20220520

JORF n°0120 du 24 mai 2022

JORF n°0120 du 24 mai 2022

Journal officiel « Lois et Décrets »

Présidence de la République

Décret n° 2022-823 du 23 mai 2022 relatif aux cabinets ministériels

Décrets, arrêtés, circulaires

Textes généraux

Ministère de l’intérieur

Arrêté du 20 mai 2022 modifiant l’arrêté du 16 mai 2022 fixant la liste des candidats au premier tour de l’élection des députés élus par les Français établis hors de France

Arrêté du 23 mai 2022 pris en application de l’article R. 103-1 du code électoral définissant la liste des partis ou groupements politiques pouvant bénéficier des émissions du service public de la communication audiovisuelle prévues à l’article L. 167-1 du code électoral

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Arrêté du 23 mai 2022 suspendant pour l’année 2022 l’application de l’arrêté du 26 mars 2004 relatif au report de la date de broyage et de fauchage de la jachère de tous terrains à usage agricole

Ministère de la santé et de la prévention

Arrêté du 23 mai 2022 fixant le nombre de postes offerts au concours d’internat de médecine à titre européen pour les médecins français, andorrans, suisses ou ressortissants de l’un des Etats membres de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen au titre de l’année universitaire 2022-2023

Arrêté du 23 mai 2022 portant répartition des postes offerts au concours d’internat en odontologie à titre européen au titre de l’année universitaire 2022-2023

Mesures nominatives

Premier ministre

Arrêté du 23 mai 2022 relatif à la composition du cabinet de la Première ministre

Ministère des armées

Arrêté du 16 mai 2022 portant nomination dans le grade d’attaché principal d’administration de l’Etat au titre de l’année 2022

Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique

Décision n° 2022-293 du 17 mai 2022 portant désignation, par l’Autorité de la régulation de la communication audiovisuelle et numérique, de la personnalité qualifiée mentionnée à l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 modifiée pour la confiance dans l’économie numérique

Délibération du 26 avril 2022 relative à une autorisation temporaire pour l’exploitation d’un service de radio

Caisse des dépôts et consignations

Arrêté du 17 mai 2022 portant admission à la retraite (attachés d’administration)

Informations parlementaires

Assemblée nationale

Groupes politiques

Sénat

Commissions / organes temporaires

Documents déposés

Avis administratifs

Offices et délégations

Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Délégation parlementaire au renseignement

Avis et communications

Avis de concours et de vacance d’emplois

Ministère de l’intérieur

Avis de vacance d’un emploi de directeur général adjoint (direction générale des populations de la Guyane)

Avis de vacance d’un emploi de directeur départemental interministériel adjoint (direction départementale des territoires et de la mer du Calvados)

Avis divers

Commission d’enrichissement de la langue française

Vocabulaire de l’éducation et de l’enseignement supérieur (liste de termes, expressions et définitions adoptés)

Annonces

Demandes de changement de nom (Accès protégé textes 21 à 34)

JORF n°0119 du 22 mai 2022

JORF n°0119 du 22 mai 2022

Journal officiel « Lois et Décrets »

Décrets, arrêtés, circulaires

Textes généraux

Ministère de l’intérieur

Arrêté du 21 mai 2022 portant délégation de signature (cabinet du ministre)

Mesures nominatives

Ministère de l’intérieur

Arrêté du 21 mai 2022 portant nomination au cabinet du ministre de l’intérieur

Annonces

Demandes de changement de nom (Accès protégé textes 3 à 7)

JORF n°0119 du 22 mai 2022

JORF n°0119 du 22 mai 2022

Journal officiel « Lois et Décrets »

Décrets, arrêtés, circulaires

Textes généraux

Ministère de l’intérieur

Arrêté du 21 mai 2022 portant délégation de signature (cabinet du ministre)

Mesures nominatives

Ministère de l’intérieur

Arrêté du 21 mai 2022 portant nomination au cabinet du ministre de l’intérieur

Annonces

Demandes de changement de nom (Accès protégé textes 3 à 7)

Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 19/05/2022, 455134

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

Les sociétés Eiffage Travaux Publics Nord, Entreprise Jean Lefebvre Nord et Eiffage TP ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes (SITURV) à leur verser, pour le règlement du marché passé en 2011 pour la construction d’un réseau de transport collectif de tramway reliant la ville de Valenciennes à celle de Vieux-Condé, les sommes de 656 115,48 euros au titre des intérêts moratoires, 150 968,78 euros au titre de la révision des prix, 180 150 euros, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée applicable, au titre d’un règlement complémentaire, 81 901,03 euros au titre des intérêts moratoires sur le compte prorata et 4 504,24 euros au titre des intérêts moratoires sur le compte  » collège interentreprises de sécurité, de santé et des conditions de travail  » (CISSCT).

Par un jugement n° 1505737 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Lille a condamné le syndicat intercommunal de mobilité et d’organisation urbaine de Valenciennes (SIMOUV), venant aux droits du SITURV, à verser à la société Eiffage Travaux Publics Nord, en sa qualité de mandataire du groupement, la somme de 441 483,45 euros, assortie des intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 10 janvier 2015 et de leur capitalisation.

Par un arrêt n° 19DA01163 du 1er juin 2021, la cour administrative d’appel de Douai a, sur appel du SIMOUV, annulé ce jugement, rejeté la demande présentée par les sociétés Eiffage Route Nord Est, anciennement Eiffage Travaux Publics Nord, Eiffage Génie civil, venant aux droits de la société Eiffage TP, et Entreprise Jean Lefebvre Nord devant le tribunal administratif de Lille, jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur l’appel en garantie présenté par le SIMOUV et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 août et 2 novembre 2021 et les 18 mars et 14 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, les sociétés Eiffage Route Nord Est, Eiffage Génie civil et Entreprise Jean Lefebvre Nord demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler les articles 1er, 2, 4 et 5 de cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d’appel ;

3°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal de mobilité et d’organisation urbaine de Valenciennes la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de la commande publique ;
– le code des marchés publics ;
– la loi n° 94-679 du 8 août 1994 ;
– l’arrêté du 8 septembre 2009 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes,

– les conclusions de M. A… B… de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat des sociétés Eiffage Route Nord Est, Entreprise Jean Lefebvre Nord et Eiffage Génie Civil, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du syndicat intercommunal de mobilité et d’organisation urbaine du valenciennois et à la SCP Duhamel – Rameix – Gury – Maître, avocat de la société Ingerop conseil et ingenierie ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un acte d’engagement signé le 8 juillet 2011, le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes (SITURV), aux droits duquel est venu le syndicat intercommunal de mobilité et d’organisation urbaine de Valenciennes (SIMOUV), a chargé un groupement solidaire d’entreprises composé de la société Eiffage Travaux Publics Nord, mandataire, de la société Eiffage TP et de la société Entreprise Jean Lefebvre Nord, de l’exécution du lot n° 1  » voirie et réseaux divers – ouvrages d’art (secteurs extérieurs)  » du marché de construction de la seconde ligne du tramway de Valenciennes. A la suite de la réception des travaux intervenue le 29 novembre 2013, le maître d’ouvrage a, en application de l’article 13.3.2 du cahier des clauses administratives générales, mis en demeure le groupement par courrier du 18 juillet 2014 de produire son projet de décompte final. Ce dernier lui ayant fait savoir qu’il n’était pas en mesure de lui adresser ce projet de décompte final, le SIMOUV lui a notifié le 27 octobre 2014 le décompte général du marché. Par lettre du 8 décembre 2014, le groupement titulaire du lot n° 1 a transmis au pouvoir adjudicateur un mémoire en réclamation portant sur une somme totale de 3 161 087,68 euros TTC. Après rejet de sa réclamation, il a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 19 mars 2019, a condamné le SIMOUV à verser à la société Eiffage Travaux Publics Nord, en sa qualité de mandataire du groupement, la somme de 441 483,45 euros, assortie des intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 10 janvier 2015. Les sociétés Eiffage Route Nord Est et autres se pourvoient en cassation contre les articles 1er, 2, 4 et 5 de l’arrêt du 1er juin 2021 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a, sur l’appel du SIMOUV, annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté leur demande.

2. Aux termes de l’article 13 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, dans sa rédaction approuvée par l’arrêté du 8 septembre 2009, applicable au marché en litige :  » (…) 13.3.1. Après l’achèvement des travaux, un projet de décompte final est établi concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d’exécution des prestations ou à la place de ce dernier. (…) / 13.3.2. Le titulaire transmet son projet de décompte final au maître d’œuvre, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu’elle est prévue à l’article 41.3 ou, en l’absence d’un telle notification, à la fin de l’un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. (…) En cas de retard dans la transmission du projet de décompte final par le titulaire, et après mise en demeure restée sans effet, le maître d’œuvre établit d’office le décompte final aux frais du titulaire. Ce décompte final est alors notifié au titulaire avec le décompte général tel que défini à l’article 13.4. / 13.3.3. Le titulaire est lié par les indications figurant au projet de décompte final. / 13.3.4. Le maître d’œuvre accepte ou rectifie le projet de décompte final établi par le titulaire. Le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte final. (…) / 13.4.1. Le maître d’œuvre établit le projet de décompte général (…) / 13.4.2. Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général (…) / 13.4.4. Dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le titulaire renvoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d’œuvre, le décompte général revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve par le titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché. / Ce décompte lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires afférents au solde. / 13.4.5. Dans le cas où le titulaire n’a pas renvoyé le décompte général signé au représentant du pouvoir adjudicateur, dans le délai de quarante-cinq jours fixé à l’article 13.4.4, ou encore, dans le cas où, l’ayant renvoyé dans ce délai, il n’a pas motivé son refus ou n’a pas exposé en détail les motifs de ses réserves, en précisant le montant de ses réclamations comme indiqué à l’article 50.1.1, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient alors le décompte général et définitif du marché « . Aux termes de l’article 50.1.1 du même cahier :  » Si un différend survient entre le titulaire et le maître d’œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d’œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n’ont pas fait l’objet d’un règlement définitif. « 

3. Il résulte de ces stipulations que le titulaire du marché doit dresser un projet de décompte final après l’achèvement des travaux, lequel projet doit être remis au maître d’œuvre dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de réception des travaux. S’il ne se conforme pas à cette obligation, et après mise en demeure restée sans effet, le décompte final peut être établi d’office par le maître d’œuvre. Il appartient ensuite au maître d’ouvrage d’établir, à partir de ce décompte final et des autres documents financiers du marché, un décompte général et de le notifier au titulaire du marché. Si celui-ci n’a pas renvoyé ce décompte général dans les quarante-cinq jours, en exposant le cas échéant les motifs de son refus, ce décompte général est réputé accepté par lui et devient le décompte général et définitif du marché.

4. Lorsque le titulaire du marché n’a pas produit de projet de décompte final et qu’après mise en demeure demeurée sans suite, ce décompte final a été établi d’office par le maître d’œuvre, les stipulations précédemment citées n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de le priver du droit de former, dans le délai de quarante-cinq jours suivant la transmission du décompte général du marché, une réclamation sur ce décompte général, quand bien même elle porterait sur un poste de rémunération ou d’indemnisation qui n’avait pas été mentionné dans le décompte final établi d’office par le maître d’œuvre.

5. Par suite, en se fondant sur les stipulations citées au point 2 pour juger que, dans l’hypothèse où le titulaire du marché n’a pas établi de projet de décompte final et où ce dernier a été établi d’office et lui a été notifié avec le décompte général, le titulaire du marché ne pouvait plus contester dans son mémoire en réclamation des éléments n’ayant pas été présentés avant l’expiration d’un délai raisonnable ayant couru à compter de la réception de la mise en demeure de transmettre un projet de décompte final, la cour administrative d’appel de Douai a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Eiffage Route Nord Est, Eiffage Génie civil et Entreprise Jean Lefebvre Nord sont fondées, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, à demander l’annulation des articles 1er, 2, 4 et 5 de l’arrêt qu’elles attaquent.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du SIMOUV une somme de 1 000 euros verser respectivement aux sociétés Eiffage Route Nord Est, Eiffage Génie civil et Entreprise Jean Lefebvre Nord au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise sur leur fondement à la charge des sociétés requérantes qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2, 4 et 5 de l’arrêt du 1er juin 2021 de la cour administrative d’appel de Douai sont annulés.
Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Douai dans la mesure de la cassation prononcée.
Article 3 : Le SIMOUV versera respectivement aux sociétés Eiffage Route Nord Est, Eiffage Génie civil et Entreprise Jean Lefebvre Nord la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du SIMOUV présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Eiffage Route Nord Est, première requérante dénommée, et au syndicat intercommunal de mobilité et d’organisation urbaine de Valenciennes.

Délibéré à l’issue de la séance du 22 avril 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Geudar Dealahaye, conseillers d’Etat et Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 19 mai 2022.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Mélanie Villiers

La secrétaire :
Signé : Mme Nadine Pelat

ECLI:FR:CECHR:2022:455134.20220519

Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 19/05/2022, 456425, Inédit au recueil Lebon

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 septembre et 9 novembre 2021 et 15 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Union fédérale des syndicats de l’Etat CGT (UFSE-CGT), la Fédération CGT des services publics, la Confédération générale du travail (CGT), la Fédération syndicale unitaire (FSU), la Fédération CGT de l’action sociale et de la santé et l’Union syndicale Solidaires Fonction Publique demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-904 du 7 juillet 2021 relatif aux modalités de la négociation et de la conclusion des accords collectifs dans la fonction publique ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Constitution, notamment son Préambule ;
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
– la décision n° 2021-956 QPC du 10 décembre 2021 du Conseil constitutionnel ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. A… B… de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l’Union fédérale des syndicats de l’Etat CGT, de la Fédération CGT des services publics, de la Confédération générale du travail, de la Fédération syndicale unitaire, de la Fédération CGT de l’action sociale et de la santé et de l’Union syndicale Solidaires Fonction Publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Selon l’article 5 du décret attaqué du 7 juillet 2021, relatif aux modalités de la négociation et de la conclusion des accords collectifs dans la fonction publique :  » Les accords mentionnent leur calendrier de mise en œuvre et, le cas échéant, la durée de leur validité ainsi que les conditions d’examen par le comité de suivi des mesures qu’ils impliquent et de leurs modalités d’application.  » L’article 8 du même décret prévoit que :  » La révision de l’accord intervient à l’initiative de l’autorité administrative ou territoriale signataire ou de tout ou partie des organisations syndicales signataires, représentant la majorité au moins des suffrages exprimés. / Cette condition de majorité s’apprécie : / 1° A la date de signature de l’accord, lorsque la révision intervient durant le cycle électoral au cours duquel l’accord a été signé ; / 2° Ou à la date des dernières élections professionnelles organisées pour l’organisme consultatif de référence, lorsque la révision intervient après le cycle électoral au cours duquel l’accord a été signé.  » L’article 10 de ce décret dispose que :  » La dénonciation ne peut intervenir, à l’initiative de l’autorité compétente ou de l’une ou plusieurs organisations syndicales signataires, que pour des accords à durée indéterminée et lorsque les clauses de l’accord ne peuvent plus être appliquées. / Lorsque la dénonciation émane d’une ou plusieurs organisations syndicales signataires, la condition de majorité des suffrages exprimés déterminée au I de l’article 8 quater de la loi du 13 juillet 1983 précitée s’apprécie dans les mêmes conditions que celle prévue aux 1° et 2° de l’article 8. / La dénonciation intervient à la suite d’un préavis d’une durée d’un mois. « 

Sur la légalité externe du décret attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que les dispositions de l’article 5 du décret attaqué prévoyant la mention, dans les accords, des conditions d’examen par le comité de suivi des mesures qu’ils impliquent résulte d’amendements présentés lors de l’examen du projet de décret par le Conseil commun de la fonction publique le 6 mai 2021. Par suite, le moyen tiré de ce que ce conseil n’aurait pas été mis à même d’exprimer son avis sur cette question ne peut qu’être écarté.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne l’article 5 :

3. D’une part, la liberté des organisations syndicales de signer ou non un accord ne saurait être affectée par l’institution systématique d’un comité de suivi. D’autre part, en vertu des dispositions des articles 8 bis et 8 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur, désormais codifiées aux articles L. 221-1 et suivants du code général de la fonction publique, les organisations syndicales représentatives de fonctionnaires ont qualité pour participer aux négociations relatives à l’évolution des rémunérations et du pouvoir d’achat des agents publics ainsi qu’aux accords collectifs dans les domaines mentionnés à l’article 8 ter. Les dispositions de l’article 8 octies de cette loi, reprises à l’articles L. 227-1 du code général de la fonction publique, qui prévoient que seules les organisations signataires de l’accord débattent avec l’administration, au sein du comité de suivi, sur les modalités de mise en œuvre de cet accord, ne sauraient ainsi avoir pour objet ni pour effet d’exclure les organisations non signataires des négociations portant sur des questions qui excèdent le suivi de la mise en œuvre de l’accord et qui relèvent des domaines dans lesquels doivent être appelées à participer l’ensemble des organisations représentatives en vertu des articles 8 bis et 8 ter de la loi du 13 juillet 1983 ou d’autres dispositions législatives ou réglementaires.

4. Les dispositions contestées de l’article 5 du décret, qui se bornent à prévoir que les accords mentionnent les conditions d’examen par le comité de suivi des mesures qu’ils impliquent et de leurs modalités d’application, ne confèrent pas à ces comités un rôle qui excède le suivi de la mise en œuvre de l’accord. Le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient la liberté syndicale ne peut donc qu’être écarté.

En ce qui concerne l’article 8 :

5. Aux termes du premier alinéa du III de l’article 8 octies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur, codifié à l’article L. 227-2 du code général de la fonction publique :  » Ces accords peuvent être modifiés par des accords conclus dans le respect de la condition de majorité déterminée au I de l’article 8 quater et selon des modalités précisées par voie réglementaire (…) « .

6. Ces dispositions, ainsi que le Conseil Constitutionnel l’a retenu pour les juger conformes à la Constitution par sa décision du 10 décembre 2021, n’ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet d’interdire aux organisations syndicales représentatives qui n’étaient pas signataires d’un accord collectif de prendre l’initiative de sa modification, les organisations syndicales représentatives respectant la condition de majorité pouvant, même sans être signataires d’un accord, demander d’ouvrir une négociation en vue de sa modification ou participer à la négociation d’un nouvel accord dans le cadre prévu par l’article 8 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.

7. Il en résulte que, en prévoyant que les organisations syndicales représentatives respectant la condition de majorité peuvent demander d’ouvrir une négociation en vue de la révision d’un accord, l’article 8 du décret attaqué n’est pas entaché d’illégalité. En revanche, en réservant cette possibilité aux seules organisations signataires de l’accord, les dispositions de cet article 8 ont ajouté une condition, non prévue par la loi, qui méconnaît l’exigence résultant des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

En ce qui concerne l’article 10 :

8. Aux termes du troisième alinéa du III de l’article 8 octies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur, codifié à l’article L. 227-4 du code général de la fonction publique :  » (…) Les accords peuvent faire l’objet d’une dénonciation totale ou partielle par les parties signataires selon des modalités prévues par voie réglementaire (…) « .

9. Si les organisations requérantes soutiennent que les dispositions de l’article 10 du décret attaqué méconnaîtraient le principe de représentativité des organisations syndicales et la liberté syndicale en réservant aux seules organisations signataires le droit de dénoncer un accord, cette condition résulte des dispositions mêmes de l’article 8 octies de la loi du 13 juillet 1983, qui ont été jugées conformes à la Constitution par la décision du 10 décembre 2021 du Conseil constitutionnel. Le moyen soulevé à l’encontre des dispositions du décret qui réitèrent cette condition ne peut, par suite, qu’être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les organisations requérantes ne sont fondées à demander l’annulation du décret qu’elles attaquent qu’en tant seulement qu’il ajoute, à son article 8, à la condition de majorité requise pour engager la révision d’un accord la condition, pour l’organisation syndicale intéressée, d’avoir été signataire de l’accord.

11. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l’Union fédérale des syndicats de l’Etat CGT et autres au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
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Article 1er : Au premier alinéa de l’article 8 du décret n° 2021-904 du 7 juillet 2021 relatif aux modalités de la négociation et de la conclusion des accords collectifs dans la fonction publique, le mot  » signataires  » est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l’Union fédérale des syndicats de l’Etat CGT et autres est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’Union fédérale des syndicats de l’Etat CGT, première requérante dénommée, à la Première ministre, à la ministre de la transformation et de la fonction publiques, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré à l’issue de la séance du 22 avril 2022 où siégeaient : M. Jacques Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d’Etat ; Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d’Etat-rapporteur.

Rendu le 19 mai 2022.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :
Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye

La secrétaire :
Signé : Mme Nadine Pelat

ECLI:FR:CECHR:2022:456425.20220519