Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 16/06/2021, 442201

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 20 juillet 2020, enregistré le 27 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le tribunal judiciaire de Caen a sursis à statuer sur le litige opposant M. B… à la Mutualité sociale agricole des Côtes normandes à propos de sa demande de versement d’une pension d’invalidité et saisi le Conseil d’Etat de la question de la légalité de l’article D. 752-26 du code rural et de la pêche maritime.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Constitution, notamment son Préambule ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de la sécurité sociale ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par jugement du 20 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Caen, saisi d’un litige opposant M. B… à la Mutualité sociale agricole des Côtes normandes, a sursis à statuer jusqu’à ce que le Conseil d’Etat se soit prononcé sur la conformité de l’article D. 752-26 du code rural et de la pêche maritime au principe d’égalité, en ce qu’il fixe à 30 % le taux d’incapacité permanente ouvrant droit au bénéfice d’une rente pour un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

2. La rente prévue par l’article L. 752-6 du code rural et de la pêche maritime en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle est attribuée au chef d’exploitation ou d’entreprise agricole dès lors que, selon l’article D. 752-26 du même code, il présente un taux d’incapacité permanente d’au moins 30 %, tandis qu’une rente de même nature peut être attribuée à un salarié agricole, en vertu de l’article L. 751-8 du même code, si, selon l’article R. 434-1 du code de la sécurité sociale auquel renvoie l’article R. 751-40 du code rural et de la pêche maritime, le taux d’incapacité permanente est d’au moins 10 %.

3. Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que des personnes affiliées à des régimes de sécurité sociale différents, lesquels forment chacun un ensemble dont les dispositions ne peuvent être envisagées isolément, soient soumises à des règles différentes en ce qui concerne la détermination du taux à partir duquel un assuré peut solliciter le bénéfice d’une rente en raison d’une incapacité permanente consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.

4. L’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des non-salariés agricoles, qui constitue en vertu de l’article L. 722-8 du code rural et de la pêche maritime l’une des quatre branches du régime de protection sociale de ces personnes, est régie par le chapitre II du titre V du livre VII de ce code, tandis que celle couvrant les personnes salariées des professions agricoles, qui constitue en vertu de l’article L. 722-27 du même code l’une des trois branches du régime de protection sociale de ces autres personnes, est régie par les dispositions, distinctes, du chapitre Ier du même titre V du livre VII de ce code. Il résulte de ces dispositions qu’un salarié agricole et un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole ne contribuent pas selon les mêmes modalités au financement de la branche couvrant leur risque, la rente versée à un salarié en cas d’incapacité permanente partielle étant notamment financée par une cotisation patronale assise sur ses revenus et celle versée à un non-salarié par une cotisation forfaitaire. Ils relèvent ainsi de régimes de sécurité sociale distincts, bien que gérés l’un et l’autre par la Mutualité sociale agricole. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’article D. 752-26 du code rural et de la pêche maritime fixe, pour l’ouverture au bénéfice d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle à un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, un taux d’incapacité différent de celui prévu pour un salarié agricole.

5. Il résulte de ce qui précède que l’exception d’illégalité de l’article D. 752-26 du code rural et de la pêche maritime, soulevée par M. B… devant le tribunal judiciaire de Caen, n’est pas fondée.

D E C I D E :
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Article 1er : Il est déclaré que l’exception d’illégalité de l’article D. 752-26 du code rural et de la pêche maritime, soulevée par M. B… devant le tribunal judiciaire de Caen, n’est pas fondée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A… B…, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation, à la Mutualité sociale agricole des Côtes normandes et au tribunal judiciaire de Caen.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé.

ECLI:FR:CECHR:2021:442201.20210616