Les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre.

CE, sect., 12 juin 2020, Groupe d’Information et de Soutien des Immgré.e.s (GISTI) n° 418142 A

Les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre.

Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.

Il appartient au juge d’examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s’il fixe une règle nouvelle entachée d’incompétence, si l’interprétation du droit positif qu’il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s’il est pris en vue de la mise en œuvre d’une règle contraire à une norme juridique supérieure.

Note émanant de la division de l’expertise en fraude documentaire et à l’identité (DEFDI) de la direction centrale de la police aux frontières, visant à diffuser une information relative à l’existence d’une « fraude documentaire généralisée en Guinée (Conakry) sur les actes d’état civil et les jugements supplétifs » et préconisant en conséquence, en particulier aux agents devant se prononcer sur la validité d’actes d’état civil étrangers, de formuler un avis défavorable pour toute analyse d’un acte de naissance guinéen.

Eu égard aux effets notables qu’elle est susceptible d’emporter sur la situation des ressortissants guinéens dans leurs relations avec l’administration française, cette note peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

Rappr., s’agissant du critère de recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir contre les actes de droit souple des autorités de régulation, CE, Assemblée, 21 mars 2016, Société NC Numericable, n° 390023, p. 88 ; CE, Assemblée, 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres, n°s 368082 368083 368084, p. 76 ; pour une application de ce critère s’agissant d’un acte de droit souple n’émanant pas d’une autorité de régulation, CE, Assemblée, 19 juillet 2019, Mme Le Pen, n° 426689, p. 326.

Ab. jur., sur le caractère impératif comme critère exclusif de recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir contre les circulaires et instructions interprétatives, CE, Section, 18 décembre 2002, Mme Duvignères, n° 233618, p. 463.

Cf., en précisant, CE, Section, 18 décembre 2002, Mme Duvignères, n° 233618, p. 463.

Ab. jur. CE, 3 mai 2004, Comité anti-amiante Jussieu et Association nationale de défense des victimes de l’amiante, n°s 254961 255376 258342, p. 193. Cf., s’agissant des lignes directrices des autorités de régulation, CE, 13 décembre 2017, Société Bouygues Télécom et autres, n°s 401799 401830 401912, p. 356.

Rappr., s’agissant des modalités d’appréciation de la légalité actes de droit souple des autorités de régulation, CE, Assemblée, 21 mars 2016, Société NC Numericable, n° 390023, p. 88 ; CE, Assemblée, 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres, n°s 368082 368083 368084, p. 76 ; s’agissant des lignes directrices des autorités de régulation, CE, 13 décembre 2017, Société Bouygues Télécom et autres, n°s 401799 401830 401912, p. 356.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 418142
ECLI:FR:CESEC:2020:418142.20200612
Publié au recueil Lebon
Section
M. Bertrand Mathieu, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public

Lecture du vendredi 12 juin 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la note d’actualité n° 17/2017 de la division de l’expertise en fraude documentaire et à l’identité de la direction centrale de la police aux frontières du 1er décembre 2017 relative aux « fraudes documentaires organisées en Guinée (Conakry) sur les actes d’état civil » ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code civil ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.

2. Il appartient au juge d’examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s’il fixe une règle nouvelle entachée d’incompétence, si l’interprétation du droit positif qu’il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s’il est pris en vue de la mise en oeuvre d’une règle contraire à une norme juridique supérieure.

3. La « note d’actualité » contestée, du 1er décembre 2017, émanant de la division de l’expertise en fraude documentaire et à l’identité de la direction centrale de la police aux frontières, vise à diffuser une information relative à l’existence d’une « fraude documentaire généralisée en Guinée (Conakry) sur les actes d’état civil et les jugements supplétifs » et préconise en conséquence, en particulier aux agents devant se prononcer sur la validité d’actes d’état civil étrangers, de formuler un avis défavorable pour toute analyse d’un acte de naissance guinéen. Eu égard aux effets notables qu’elle est susceptible d’emporter sur la situation des ressortissants guinéens dans leurs relations avec l’administration française, cette note peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, contrairement à ce que soutient le ministre de l’intérieur.

4. En premier lieu et en tout état de cause, la note contestée entre dans les attributions de la division de l’expertise en fraude documentaire et à l’identité dont elle émane. Et, dès lors qu’elle ne revêt pas le caractère d’une décision, le moyen tiré de ce qu’elle méconnaîtrait les dispositions de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration, relatives à la signature des décisions et aux mentions relatives à leur auteur ne peut qu’être écarté.

5. En second lieu, l’article 47 du code civil dispose que : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ». La note contestée préconise l’émission d’un avis défavorable pour toute analyse d’acte de naissance guinéen et en suggère à ses destinataires la formulation. Elle ne saurait toutefois être regardée comme interdisant à ceux-ci comme aux autres autorités administratives compétentes de procéder, comme elles y sont tenues, à l’examen au cas par cas des demandes émanant de ressortissants guinéens et d’y faire droit, le cas échéant, au regard des différentes pièces produites à leur soutien. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 47 du code civil doit donc être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède que le GISTI n’est pas fondé à demander l’annulation du document qu’il attaque. Les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par suite être rejetées.

D E C I D E :
————–

Article 1er : La requête du Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Groupe d’information et de soutien aux immigré.e.s et au ministre de l’intérieur.

L’arrêté par lequel le préfet, en application de l’article R. 422-32 du code de l’environnement, arrête la liste des terrains devant être soumis à l’action de l’association communale de chasse agréée (ACCA) détermine celles des oppositions formées lors de la procédure d’enquête par les propriétaires et détenteurs du droit de chasse qui sont rejetées, est susceptible de recours.

CE, 6-5 chr, Ministre d’Etat, Ministre de la transition écologique et solidaire c/ Association de chasse de la Chaveronderie et autres 5 févr. 2020, n° 423105, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 423105
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:423105.20200205
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6e – 5e chambres réunies
Mme Catherine Calothy, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public
LE PRADO, avocats

Lecture du mercredi 5 février 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

L’association de chasse de la Chaveronderie, M. E… F…, M. I… G…, M. P… L…, M. M… L…, Mme D… G…, Mme C… J…, M. B… H…, Mme K… G…, M. A… N… et M. A…-Q… O… ont demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du préfet de la Loire du 29 juillet 2013 en tant qu’il incorpore dans le territoire soumis à l’action de l’association communale de chasse agréée de Coutouvre les parcelles pour lesquelles la demande d’opposition formulée par l’association de chasse de la Chaveronderie a été rejetée. Par un jugement n° 1306768 du 12 avril 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté en tant qu’il inclut les parcelles pour lesquelles l’association de chasse de la Chaveronderie a formé opposition.

Par un arrêt n° 16LY02018 du 12 juin 2018, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer contre ce jugement.

Par un pourvoi enregistré le 10 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de l’association de chasse de la Chaveronderie ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, à la demande de l’association de chasse de la Chaveronderie et autres, le tribunal administratif de Lyon a annulé l’arrêté du 29 juillet 2013 par lequel le préfet de la Loire a fixé, au titre de l’article R. 422-32 du code de l’environnement, la liste des terrains soumis à l’action de l’association communale de chasse agréée de Coutouvre en tant qu’il inclut les parcelles pour lesquelles l’association de chasse de la Chaveronderie avait formé opposition. Le ministre chargé de la chasse se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 12 juin 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté son appel contre ce jugement.

2. Aux termes de l’article L. 422-10 du code de l’environnement :  » L’association communale est constituée sur les terrains autres que ceux : / (…) / 3° Ayant fait l’objet de l’opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d’un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l’article L. 422-13 ; / (…) / 5° Ayant fait l’objet de l’opposition de propriétaires, de l’unanimité des copropriétaires indivis qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent, y compris pour eux-mêmes, l’exercice de la chasse sur leurs biens (…) « .

3. Il résulte des articles R. 422-14 à R. 422-31 du même code, dans leur rédaction applicable à la date de la décision attaquée, que, lorsqu’une demande de création d’une association communale de chasse agréée a été transmise au préfet par le maire et que le préfet y donne une suite favorable, une enquête est conduite pour déterminer les terrains qui seront soumis à l’action de l’association communale de chasse par apport des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse, le préfet désignant le commissaire enquêteur ou le président et les membres de la commission d’enquête et fixant les modalités pratiques de l’enquête par un arrêté publié au recueil des actes administratifs, affiché à la porte de la mairie et aux lieux habituels d’affichage municipal et inséré en caractères apparents dans la presse locale. Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête, après avoir établi un relevé des droits de chasse, détermine la liste des terrains dont les propriétaires ou détenteurs du droit de chasse paraissent en droit de formuler l’opposition prévue au 3° de l’article L. 422-10 et adresse à chacun de ces propriétaires ou détenteurs du droit de chasse une lettre recommandée avec demande d’avis de réception l’invitant à faire connaître, dans le délai de trois mois à compter de sa réception, s’il fait opposition au titre du 3° ou du 5° de l’article L. 422-10. A l’expiration de ce délai, le commissaire-enquêteur ou la commission d’enquête établit, notamment, la liste des terrains ayant fait l’objet d’une opposition au titre du 3° de l’article L. 422-10 qu’elle estime justifiée et la liste des terrains pouvant être soumis à l’action de l’association communale. Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête élabore ensuite un dossier comprenant ces différents éléments et, après l’avoir déposé à la mairie de la commune concernée pour qu’il puisse y être consulté et faire l’objet de réclamations ou d’observations de la part des propriétaires et des détenteurs du droit de chasse, le transmet, avec son avis sur les observations éventuellement présentées, au préfet. Au vu de ces éléments, l’article R. 422-32 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, prévoit que « Le préfet arrête la liste des terrains devant être soumis à l’action de l’association communale. / Il avise, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, les propriétaires et détenteurs du droit de chasse dont l’opposition n’est pas acceptée (…) ». L’article R. 422-33 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, prévoit que la première assemblée générale constitutive de l’association peut alors être convoquée, à la diligence du maire. Aux termes de l’article R. 422-34 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « L’assemblée mentionnée à l’article R. 422-33, dont le président est désigné par le préfet, procède immédiatement à l’élection d’un bureau de séance. / Elle établit la liste des terrains soumis à l’action de l’association et la liste des membres de ladite association (…). / Ceux de ces membres qui sont présents ou régulièrement représentés approuvent les statuts sur proposition du président de séance. » Enfin, aux termes de l’article R. 422-35 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « L’affichage, dans les huit jours suivant celui de l’assemblée générale, de la liste mentionnée au deuxième alinéa de l’article R. 422-34 vaut notification aux propriétaires et détenteurs du droit de chasse intéressés. / L’accomplissement de cette mesure de publicité d’une durée minimum de dix jours est certifié par le maire. / La liste est communiquée au préfet par l’association par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Celui-ci l’arrête et la publie au Recueil des actes administratifs en même temps que l’arrêté d’agrément prévu à l’article R. 422-39. »

4. Il résulte de ces dispositions que, si l’arrêté par lequel le préfet, en application de l’article R. 422-32 du code de l’environnement, arrête la liste des terrains devant être soumis à l’action de l’association communale de chasse agréée constitue une étape dans la constitution d’une association communale de chasse agréée, cet arrêté détermine celles des oppositions formées lors de la procédure d’enquête par les propriétaires et détenteurs du droit de chasse qui sont rejetées, les intéressés devant en être avisés par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cet arrêté constitue un acte faisant grief susceptible d’être déféré au juge de l’excès de pouvoir. Par suite, en jugeant que l’arrêté contesté devant elle, par lequel le préfet de la Loire avait arrêté la liste des terrains soumis à l’action de l’association communale de chasse agréée de Coutouvre, constituait une décision susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir, la cour administrative d’appel de Lyon n’a pas entaché son arrêt d’une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre chargé de la chasse doit être rejeté. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à l’association de chasse de la Chaveronderie, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Le pourvoi du ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera une somme de 3 000 euros à l’association de chasse de la Chaveronderie et autres au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique et solidaire et à l’association de chasse de la Chaveronderie, première dénommée, pour l’ensemble des requérants.

Copie en sera adressée à l’association communale de chasse agréée de Coutouvre.